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Full text of "Chansons et danses des Bretons. --"

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CHANSONS  ET  DANSES 
DES  BRETONS 


TIRAGE:  500  exemplaires 


N.  QUELLIEN 


CHANSONS  ET  DANSES 
DES  BRETONS 


LAFFITTE  REPRINTS 

MARSEILLE 
1981 


Cette  réimpression  a  été  réalisée  grâce  à  l'aimable  concours 
de  la  Bibliothèque  Municipale  de  Rennes 

Réimpression  de  l'édition  de  Paris,  1889 


N.   QUELLIEN 


CHANSONS  ET  DANSES 


DES  BRETONS 


PARIS 

J.  MAISONNEUVE  ET  CH.  LECLERC,  ÉDlTEUnS 

25,    QUAI    VOLTAIRE,    25 

1889 


MI 
3621 

Q83 


SCOTT 


A  M.  MAURICE  BOUCHOR 


Mon  cher  Ami, 

Peut-èire  la  reconnaissance  m'imposerait-elle  d'inscrire  en 
tête  de  ce  livre  un  autre  nom  ;  mes  meilleurs  et  déjà  anciens 
souvenirs  m'ont  dicté  le  vôtre.  Je  dois  à  M.  Gaston  Paris,  le 
maître  à  tous  dans  \q.  folk-lore ,  à  M.  Xavier  Charmes,  aux 
membres  de  la  Commission  des  Missions,  d'avoir  poursuivi 
certaines  études  sur  la  Bretagne  ;  sans  parler  de  M.  Renan, 
MM.  Alexandre  Bertrand,  Girard  de  Rialle,  le  docteur  Hamy, 
d'Arbois  de  Jubainville,  Gaidoz,  m'ont  longuement  soutenu  de 
leurs  conseils  et  de  leurs  encourager^.f-«s.  Et  leur  nom  eût 
donné  sans  doute  à  ce  volume  une  étiquette  plus  savante.  Mais 
n'aurais-je  pas  eu  Tair  aussi  de  flatter  les  puissances  ?  Yous 
savez  comme  nous  autres  Bretons  .  ms  sommes  encore  rebelles 
à  ce  penchant  des  races  très  civilisées.  Il  est  possible  que  je 
manque  un  peu  de  gratitude,  sans  le  savoir  :  alors,  qu'on  me 
pardonne,  deux  fois,  si  c'est  une  faute  également  d'avoir  fait 
ce  sacrifice  à  l'amitié. 

Un  soir  de  cet  hiver,  après  une  représentation  de  la  Tempête., 
nous  nous  sommes  raconté  nos  premières  auditions  intimes 
de  mélodies  populaires.  Paul  Bourget  nous  présenta  l'un  à 
l'autre,  vers  la  fin  de  1876,  dans  Un  café  du  boulevard.  J'étais 
à  considérer  im  moulin  fictif  qui  tourne  entre  des  rochers  et 
dont  les  fariniers  passent  sans  cesse  sur  un  pont  suspendu 
au-dessus  d'un  abîme  ;  vous  écoutiez  une  berceuse  bretonne 
que  chantait  une  voix  de  femme,  dans  l'arrière-fond  ;  de  Brayer 
voulut  la  noter,  et  je  lui  dictai  le  charmant  $onn  Irécorrois. 


PREFACE 


Que  de  fois,  depuis  ce  soir-là,  avons-nous  entendu  ou  entonné 
des  chansons  provinciales  !  Et  chacun  était  tenu  de  dire  la 
sienne  à  nos  réunions  ou  dans  nos  rencontres,  comme  aux 
veillées  de  Basse-Bretagne.  Vous  rappelez-vous  celle  de 
Bourget  ?  —  «  Tiens,  voilà  ma  pipe,  avec  mon  briquet...  »  — 
Le  doux  Amédée  Pigeon  avait  la  malice  de  l'attribuer  à 
Voltaire.  A  part  Elémir  Bourges  ou  Signoret,  qui  gardaient 
le  silence  du  cygne,  quiconque  ne  savait  pas,  improvisait, 
tout  comme  un  barde.  Ponchon  excellait  à  déclamer,  sur  une 
mélopée  à  lui,  des  poésies  de  Villon,  ou  de  Ronsard,  Les  noëls 
de  Richepin  avaient  le  plus  franc  succès  :  quelques-uns  me 
semblent,  du  reste,  des  chefs-d'œuvre,  et  ils  rivalisent  certai- 
nement avec  les  traductions  de  chansons  bretonnes  de  François 
Goppée.  Et  pour  clore  chacune  de  nos  petites  auditions,  à 
vous,  «  le  Scalde  »,  toujours  une  ronde,  dont  chaque  couplet 
était  repris  à  Vunis^on  :  car  la  moindre  harmonisation  était 
interdite  ;  Ernest  Chausson  ni  Vidal  n'eussent  pas  même 
permis  qu'on  ouvrît  le  piano. 

Vous  vous  souvenez  encore  de  la  Marseillaise  que  nous'  a 
rapportée  le  docteur  Paulin  de  son  pays  d'Auvergne?  L'hymne 
patriotique  avait  subi  plus  d'une  transformation;  ces  modifi- 
cations ont  toujours  trait  à  des  expressions  et  à  des  mots  dont 
les  gens  du  peuple  ne  se  rendent  pas  un  compte  exact  :  il  est 
curieux  précisément  que  les  nouveaux  vocables  introduits 
attestent  des  habitudes  ou  des  passions  locales.  Dans  la  suite, 
nous  avons  entendu  d'autres  versions,  recueillies  en  des  pro- 
vinces diverses  :  nous  avons  constaté  que  les  transformations 
s'accomplissaient,  chaque  fois,  dans  un  sens  analogue.  Quelle 
autre  Marseillaise  on  tirerait  de  là!  Elle  serait  d'aulantplus 
méconnaissable,  que  l'air  a  subi  des  détériorations  à  l'avenant. 
Et  ce  ne  serait  plus  du  tout  le  chant  national,  puisque  celui-là 
ne  serait  plus  commun  à  toutes  les  provinces.  Mais  chacune 
de  ces  variantes  constituerait-elle  une  chanson  populaire? 
La  question  a  été  l'objet  de  quelques  controverses.  Au  résumé, 
nous  nous  sommes  contentés  de  pratiquer  une  expérience, 


PRÉFACE  m 

laissant  à  d'autres  le  soin  de  conclure  :  notre  folk-lore  d'intimité 
n'était  pas  si  doctrinaire. 

Nous  n'avons  été  intraitables  que  sur  un  seul  point  :  nous 
n'avons  plus  reconnu  comme  populaire  une  mélodie  qu'on 
aurait  soutenue  d'un  accompagnement.  Les  chansons  du 
peuple  étant  un  bien  commun,  c'est  le  droit  d'un  musicien  d'en 
prendre  sa  part.  Il  en  va  de  même  en  poésie.  M.  Leconte  de 
Liste  a  rencontré  dans  les  origines  bretonnes  le  sujet  de  son 
«  Jugement  de  Komor  »  ;  ce  Jugement,  d'une  si  tragique 
beauté,  est  devenu  autre  chose  que  la  légende  :  mais  nous 
nous  félicitons  que  le  grand  poète  ait  tiré  de  l'antique  récit 
cette  œuvre  littéraire.  Notre  ami  Gabriel  Vicaire  vient  de 
donner  un  exemple  non  moins  éclatant  dans  «  le  Miracle  de 
saint  Nicolas  ».  Il  est  permis  au  musicien  de  traiter  de  la  sorte 
les  mélodies  primitives  ;  mais  celles-ci  renonceront,  du  même 
coup,  à  toutes  leurs  revendications  parliculières  :  une  fois 
touchées  par  une  harmonisation  et  partant  remaniées,  elles 
sont  alteintcs  dans  leur  essence,  elles  cessent  d'être  imper- 
sonnelles et  elles  perdent  leur  caractère  populaire. 

J'ose  donc  livrer  au  public  ces  chansons  de  Bretagne  et  ces 
airs  de  danse,  tels  que  je  les  tiens  des  bardes  et  des  sonneurs. 
De  peur  que  je  n'aie  pas  l'art  de  les  présenter,  je  laisserai 
ces  naïves  mélodies  dans  leur  pureté  d'hermine,  sous  leur 
exotisme,  et  je  les  garderai  de  toute  parure  d'emprunt. 
Quelques-unes  joyeuses  comme  les  cloches  de  Y  angélus^ 
presque  toutes  mélancoliques  comme  les  fées  nocturnes  de 
nos  plages,  tremblantes  et  fugitives  comme  les  mouettes  qui 
battent  des  deux  ailes  eri  prenant  leur  vol  vers  le  large,  telles 
vous  les  avez  lé  premier  accueillies  et  aimées  :  j'ai  voulu 
encore  une  fois  vous  redire,  mon  cher  Bouchor,  combien  vous 
en  est  reconnaissant 

Votre 

N.  QUELLIEN. 
Paris,  janvier  1889. 


I 
NOTES  DE  VOYAGE 


CHANSONS  ET  DANSES 

DES  BRETONS 


NOTES  DE  VOYAGE 


J'ai  eu  l'honneur  d'être  chargé  par  le  ministère  de  l'Ins- 
truction Publique,  en  4880,  pour  la  première  fois,  de 
recueillir  en  Bretagne  les  mélodies  en  même  temps  que  les 
paroles  des  chansons  populaires. 

Deux  recueils  célèbres  avaient  déjà  paru  de  ces  poésies 
bretonnes  :  le  «  Barzaz-Breiz  '  »,  si  contesté,  et  les  «  Gwer- 
zioii  Breiz-Izel^  ».  M.  de  La  Yillemarqué,  qui  n'est  pas  musi- 
cien, s'est  procuré  un  habile  auxiliaire,  et  à  la  fin  de  sa  publi- 
cation il  a  fait  noter  soixante-dix  et  quelques  mélodies.  C'est 
très  regrettable  que  M.  Luzel  ait  renoncé  à  cet  avantage  pour 
sa  collection  '.  Vulgairement  on  dit  que  l'air  fait  la  chanson; 
il  serait  plus  exact  de  déclarer  que  l'air  est  la  moitié  de  la 
chanson  et  qu'il  l'achève,  puisqu'il  n'y  a  pas,  à  proprement  par- 

1.  La  dernière  édition  du  Barzas-Breiz  a  paru  chez  l'éditeur  Didier  (Paris), 
en  1867  ;  elle  passe  pour  la  septième.  Dans  leur  Bibliographie  de  la  Bretagne^ 
MM.  Gaidoz  et  Paul  Sébillot  n'en  reconnaissent  que  trois.  La  première  est 
de  1839. 

2.  Gwh'zîoii  Bveiz-Izel,  recueillis  et  traduits  par  F. -M.  Luzel;  Corfmat 
éditeur,  Lorient  ;  1868. 

3.  A  la  suite  des  deux  publications  que  je  viens  de  mentionner,  il  ne  saurait 
être  question  des  Trente  mélodies  populaires  de  Basse-Bretagne ,  recueillies 
et  harmonisées  par  M.  Bourgault-Ducoudray,  avec  une  traduction  française 
envers  adaptée  à  la  musique  par  M.  François  Coppéc.  C'est  bien  plus  une  œuvre 
artistique,  qu'un  recueil  (comme  on  dit)  scientifique.  Toutefois,  ces  Trente 
mélodies  sont  précédées  d'une  Introduction,  sur  laquelle  j'aurai  l'occa- 
casion  de  revenir  :  j'ai  le  regret  de  ne  pas  partager  quelques-unes  des  opi- 
nions émises  par  M.  Bourgault-Ducoudray. 


4  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

1er,  de  chanson  populaire  sans  mélodie.  M.  Luzel  et  M.  de  La 
Villemarqué  n'avaient  donc  pas  fermé  la  route,  pour  l'avoir 
occupée  les  premiers  ;  ils  l'ont  ouverte,  au  contraire,  à  tout 
venant  de  bonne  volonté.  J'ai  entrepris  d'ajouter  à  leurs 
recherches  les  miennes,  sur  le  conseil  d'un  illustre  et  constant 
ami  des  Celtes;  plus  d'une  fois,  M.  Henri  Martin  m'a  demandé 
pourquoi  la  Bretagne  reste  en  arrière  des  Irlandais  et  des 
Gallois  :  «  Ceux-ci  ont  depuis  longtemps  leur  répertoire  popu- 
laire et  national,  ajoutait  le  regretté  celtisant.  Il  y  a  pourtant 
chez  les  Bretons  de  si  belles  mélodies!  Je  me  rappelle  que 
j'ai  reçu  tant  de  joie  de  les  entendre  au  Congrès  de  Saint- 
Brieuc  !...  Et  la  mélopée  de  vos  drames,  j'en  ai  été  aussi  ému 
que  d'un  beau  souvenir  de  l'antiquité.  » 

Dans  la  préface  de  Marie^  Brizeux  supplie  ses  compa- 
triotes qu'ils  lui  pardonnent  d'avoir  «  enseigné  le  chemin  de 
leurs  bruyères  et  de  leurs  fontaines.»  C'est  que  le  peuple  géné- 
ralement ne  voit  rien  de  bon  à  ces  indiscrétions-là.  Même 
aujourd'hui  que  la  Bretagne  est  moins  fermée  aux  «  gens  du 
dehors  »,  et  que  la  civilisation  l'a  percée  d'outre  en  outre  par 
ses  voies  ferrées,  cela  donne  encore  le  plus  grand  mal  d'arra- 
cher aux  Bretons  leur  contes  et  leurs  légendes.  Pour  la 
plupart,  la  révélation  de  ces  «  secrets  »  est  une  manière  de 
trahison  domestique  :  ils  craignent  des  u  étrangers  »  quelques 
duperies,  ou  le  rire  des  lettrés  peut-être;  et  c'est,  pour 
d'autres,  une  futilité  qui  n'en  vaut  pas  la  peine.  Ainsi  aux  envi- 
rons de  Quimperlé,  oii  j'ai  appris  les  plus  charmants  sonn 
d'amour,  la  couturière  de  qui  je  les  ai  entendus,  les  appelait 
des  «  imbécillités  »  :  il  est  juste  d'ajouter  qu'elle  avait  un 
grand  goût  pour  la  Valse  des  Roses  et  d'autres  chansons  fran- 
çaises de  la  même  valeur  poétique.  N'est-ce  pas  en  quelque 
chose  le  mot  de  Marie,  lorsqu'elle  apprit  que  Brizeux  avait 
écrit  d'elle  une  poétique  histoire?  Elle  en  fut  d'abord  touchée, 
raconte  quelque  part  M.  de  La  Villemarqué;  puis,  au  bout 
d'une  réflexion  :  «  Au  fait,  répliqua-t-elle,  cela  ne  m'étonne 
pas;  M.  Auguste  aimait  toujours  un  peu  à  rire.  » 

Il  est  rare  qu'on  ne  rencontre  pas  l'indifférence  oulaméfiance 
même  auprès  des  gens  du  peuple  que  l'on  consulte  pour  la 


NOTES    DE   VOYAC.E  5 

première  fois  sur  leurs  traditions.  Le  paysan  qu'on  interroge 
au-delà  de  ce  qu'il  veut  bien  avouer,  s'amuse  à  mettre   en 
défaut  et  à  déjouer  les  plus  avisés.  Et  plus  encore,  si  l'on  tombe 
sur  un  terrain  qui  n'est  pas  du  tout  préparé,  d'un  compa- 
triote on  devient  un  envahisseur.  C'est  à  qui  n'aura  rien  dans 
la  mémoire  ;  depuis  longtemps,  disent-ils,  on  n'a  plus  chanté 
dans  le  pays,  que  des  bagatelles  sans  la  moindre  poésie  ou 
des  airs  venus  du  dehors.  L'on  bat  une  contrée^   dans  tous 
les  sens  avant  d'en  tirer  une  note  ou  un  refrain.  Je  m'obsti- 
nais pourtant  à  retrouver  de  vieilles  chansons  que  j'avais  moi- 
même  sues  tout  jeune  et  dont  quelques  couplets  incertains  ou 
inachevés  me  remontaientencore  dans  le  souvenir.  Nous  avions 
enfoui  là,  sous  le  sol  trécorrois,  ces  trésors,  et  j'étais  certain 
que  nul  n'avait  découvert  les  cachettes  depuis  mon  départ. 
Seulement,  ceux  qui  en  avaient  la  garde,  étaient-ils  morts  ou 
partis? 

Certainement,  ces  difficultés  n'apparaissent  pas  si  mons- 
trueuses à  tous  les  chercheurs;  une  recommandation  de  per- 
sonnages influents  est  utile  pour  les  lever  :  ainsi,  toutes  les 
portes  s'ouvrent  devant  le  maire  ou  le  recteur  ^  de  l'endroit. 
Et  même,  à  quoi  bon  requérir  les  autorités  locales,  pour 
apprendre  d'un  particulier  ce  que  tout  le  monde  sait?  Dans  un 
pays  de  traditions  comme  la  Bretagne,  chacun  a  l'imagination 
pleine  de  récits  merveilleux  et  la  mémoire  encombrée  de 
chansons.  Vous  entendrez  des  gwerz  et  des  sonn  à  souhait 
dans  la  première  maison  qui  vous  donnera  l'hospitalité;  et 
le  tout  d'une  façon  plus  correcte,  autrement  chanté  que  par 
ces  illettrés,  mendiants,  tailleurs,  tisserands  et  meuniers, 
qui  ont  eux-mêmes  inventé  les  airs,  ou  composé  les  chan- 
sons. Oui  ;  et  c'est  ainsi  que  des  étrangers  s'imaginent 
quelquefois  apprendre  plus  vite  la  littérature  d'un  peuple  en 

1.  Avec  une  signification  très  restreinte;  c'est  un  coin  du  pays.  Au  lieu  de 
contrée,  ou  dit  encore  quartier  (Voy.  \e  Fin  Filou). 

2.  Le  recteur,  c'est  le  desservant  d'une  simple  paroisse  ;  le  curé,  celui  d'une 
ville  ou  d'un  chef-lieu  de  canton.  En  breton,  le  curé  ou  le  recteur,  c'est  :  ar 
pei'son,  indistinctement;  le  vicaire  s'appelle  kure,^i  avec  l'article  arc'hure  {c'h 
se  prononce  comme  h  aspiré  du  français  ;  é  fermé:  é  n'est  jamais  muet,  en 
breton). 


6  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

des  livres  de  critique,  ouvrages  de  seconde  main  qui  ont  la 
prétention  de  juger  et  de  résumer  les  chefs-d'œuvre.  La  plu- 
part des  erreurs  qui  ont  cours  au  sujet  des  traditions  popu- 
laires, n'ont  pas  un  autre  point  de  départ.  Mais  le  peuple  seul 
lient  les  traditions,  parce  que  la  mémoire  est  surtout  le  don 
des  illettrés. 

Du  reste,  le  chemin  une  fois  frayé,  il  s'agit  simplement  de 
le  poursuivre;  les  chansons  remontent  sous  les  pas  :  on  dirait 
qu'elles  s'offrent  d'elles-mêmes  au  collectionneur  qui  a  su 
plusieurs  fois  les  solliciter.  Peut-être  les  chanteurs  enfin  sont- 
ils  moins  effarouchés;  peut-être  a-t-on  soi-même  appris  à  les 
interroger  habilement.  Mais  rien  ne  vaut  comme  de  donner 
l'exemple  ;  on  obtient  toute  mélodie ,  après  avoir  chanté  soi- 
même  le  premier  ;  c'est  ce  qu'il  faut  pour  mettre  en  branle  l'en- 
thousiasme :  et  la  confiance  est  à  ce  prix.  Les  paysans  passent 
vulgairement  pour  des  avares.  Cette  réputation  n'est  pas,  de 
tous  points,  méritée  :  leur  avarice  a  les  caractères  d'une  sage 
prévoyance.  Qui  donc  livrerait  de  gaieté  de  cœur  ses  richesses? 
Le  peuple  des  champs  s'imagine  que  ses  légendes  et  ses  contes 
sont  un  bien  à  lui;  il  a  conscience  qu'en  lui  demandant  ces  tra- 
ditions orales,  on  cherche  à  le  dépouiller  d'un  héritage,  à  lui 
retirer  quelque  chose  de  ses  joies  propres  et  de  sa  vie  inté- 
rieure. Comment  ne  pas  admettre,  pour  ce  motif  et  d'autres 
analogues,  que  la  défiance  soit  la  qualité  dominante  des 
paysans? 


Un  jour,  j'ai  mis  la  main  sur  un  chanteur  de  renom,  le 
tisserand  Kérambrun,  de  Pleudaniel.  C'est  lui-même  un 
barde,  à  ses  heures.  Pour  qui  cherche  bien,  d'ailleurs,  il  y  a 
dans  chaque  cow/re'e  quelque  chanteur  ou  quelque  barde,  qui  a 
su  à  son  profit  accaparer  l'illustration  régionale  ;  autour  de 
son  nom  à  celui-là  s'est  formée  alors  comme  une  légende,  et 
il  est  devenu  une  sorte  de  Roland  onde  Lézobre\  en  son  genre. 
AHengoatest  Le  Prigent:  il  y  a  en  Plourivo  un  vieillard 
aveugle  dont  le  nom  m'échappe  et  que  conduit  sa  fille  (tel 
Ossian,  avec  Malvina)  ;  entre  Rospez  et  Buhulien,  Kérervé;  le 


NOTES    DE   VOYAGE  7 

plus  fameux  est  Jean  Le  Minoux,  de  Pleumeur-Gaulier.  Je 
restreins  celte  observation  au  pays  trécorrois.  —  De  plus  que 
les  autres,  Kérambrun  est  un  komediancher  (comédien),  un 
acteur  dans  les  drames  populaires,  que  l'on  représente  encore, 
à  certaines  époques  de  l'année,  dans  le  Tréguicr  *.  Or, 
c'est  jouer  là  deux  rôles  différents;  un  barde,  comme  on  dit 
pour  la  littérature  orale,  ou  bien,  si  l'on  aime  mieux,  un 
poète,  n'est  pas  toujours  apte  à  devenir  un  comédien  :  et 
réciproquement.  Kérambrun  aura  été  un  jongleur,  dans  toute 
la  vieille  acception  du  mot. 

Mais  les  bardes  ^  de  notre  temps  ne  descendent  plus  de  leurs 
ancêtres  du  même  nom;  et  même  le  mot  bardisme,  malgré  sa 
terminaison  moderne,  est  un  vocable  sans  application.  Les 
bardes  bretons,  pour  n'être  plus  constitués  en  caste,  sont 
toutefois  une  classe  assez  nombreuse  encore.  Les  bardes- 
mendiants  font  toujours  une  catégorie  :  ils  gagnent  leur  pain  à 
chanter,  fréquentent  les  foires,  errent  de  ferme  en  ferme,  ou 
se  trouvent  par  la  grand'route  sur  le  passage  des  diligences. 
Tous  les  mendiants  ne  sont  pas  des  bardes  :  on  n'en  finirait 
plus  avec  leurs  chansons;  car  la  mendicité,  comme  la  folie, 
jouit  d'une  protection  universelle  en  Bretagne.  Si  vous  voulez 
recueillir  quelque  chose  qui  en  vaille  la  peine,  évitez  ces 
pauvres  gens,  de  même  qu'on  fuyait  jadis  les  tailleurs.  Ces 
bardes-là  ne  vous  offriront  guère  que  leurs  élucubrations  à 
eux-mêmes,  imprimées  sur  des  feuilles  volantes  :  autant  en 
emporte  chaque  saison  nouvelle.  Parfois  il  en  reste  la  mélo- 
die, sur  laquelle  scandera  do  nouvelles  rimes  ce  barz  baleer- 
bro,  chemin  faisant,  au  sujet  de  quelque  aventure  qui  vient 
de  causer  du  bruit.  Et  souvent  il  invente  l'air  en  même  tempa 
que  les  paroles. 

Voilà  les  chanteurs  de  profession.  Ils  ont  leur  pain  assuré, 
pour  peu  qu'ils  retournent  aux  endroits  connus  ou  aux  mêmes 
fermes,  à  certaines  époques,  et  qu'ils  observent  dans  leurs  ohan- 

1.  Voy.  plus  loin,  p.  SO  et  suiv.,  \ei  Mystères  et  les  Drames. 

2.  Lire  rintroduction  du  Barzaz-Breiz,  et  surtout  les  chapitres  concernaot 
les  Bardes  dans  le  livre  de  M.  d'Arbois  de  JubaiQvilie,  Les  Celtes  et  les  langues 
celtiques. 


8  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

sons  comme  un  roulement,  suivant  les  occupations  de  l'année  : 
ils  auraient  garde  de  se  perdre  dans  leur  répertoire, à  la  Noël, par 
exemple,  à  la  fête  des  Rois,  à  la  Saint-Jean,  à  la  quête  du 
lin.  Autre  genre,  ceux  qui  exercent  un  métier  avoué.  Il  est 
incontestable  que  les  meuniers,  les  tailleurs,  les  tisserands, 
sont  les  plus  sûrs  dépositaires  de  la  véritable  poésie  populaire. 
Aussi  bien  que  les  bardes  ambulants,  ils  auront  la  vanité  de 
servir  à  qui  les  interroge  le  régal  de  leurs  compositions,  une 
satire,  ou  une  chanson  légère,  ou  une  élégie,  qu'ils  auront 
eux-mêmes  rimées  sur  des  faits  récents.  Comme  ils  ne 
riment  pas  pour  vivre,  mais  qu'ils  «chantent  pour  rire»,  on 
trouve  toujours  quelque  chose  de  bon  à  prendre  dans  ce  qu'ils 
présentent.  Du  reste,  avec  un  peu  de  patience,  ou  quelque 
habileté,  on  extrait  de  leur  mémoire  des  œuvres  imper- 
sonnelles. La  plupart  des  chansons  populaires  n'ont  pas  d'au- 
thenticité; elles  n'en  sauraient  avoir;  l'auteur  en  est  anonyme. 
Sortent-elles  toujours  du  peuple?  Il  est  probable  qu'elles  pro-. 
viennent,  le  plus  souvent,  d'un  être  moins  collectif;  mais  il 
appartient  toujours  au  peuple  de  les  transmettre  ou  de  les 
vouer  à  l'oubli. 

Les  chants  de  kloer  sont  nombreux ,  particulièrement  au 
pays  de  Tréguier.  Le  kioarek  était  un  écolier  du  temps  où  les 
collèges  étaient  rares  et  les  étudiants  libres  :  aussi  bien  les 
classes  vaquaient-elles  plus  que  de  règle.  Les  jeunes  gens  que 
leurs  pères,  bons  paysans,  avaient  envoyés  à  l'école  pour  en 
faire  des  prêtres ,  fuyaient  volontiers  les  livres  ;  ils  s'en 
allaient  sous  quelque  petit  bois ,  derrière  une  chapelle 
ancienne,  rêver  d'une  pennherez,  et  ils  contaient  kld^dousik- 
koant^  dans  la  langue  natale,  leur  peine  poétique.  Quelquefois 
l'héritière  n'était  pas  une  inhumaine;  et  le  séminariste  ne 
poussait  pas  alors  jusqu'à  la  prêtrise.  L'internat  partout  amis 
fin  à  la  vie  libre  et  aux  chansons  du  kioarek. 

Mais  d'autres  chanteurs  succèdent  aux  kloer.  La  poésie 
d'une  race  ne  disparaît  pas  avant  la  langue  qui  l'a  produite; 
elle  se  transforme,  selon  les  âges,  avec  la  famille  ethnique  qui 
se  sert  de  cet  idiome.  Les  Bretons  ont  vécu  trop  longtemps  à 
la  rechercl^e  du  beau  immatériel  et  avec  la  notion  du  surna- 


NOTES  DE  VOYAGE 


turel,  pour  qu'ils  renoncent  à  leur  héritage  de  poésie.  Les 
bardes  cesseront  de  chanter  et  ils  auront  vécu,  le  jour  où 
réussira  la  civilisation  moderne  à  éteindre  cet  ardent  amour 
de  l'idéal  dont  la  nature  a  doué  les  peuples  celtiques. 


D'après  une  théorie  qui  a  fait  son  tour  du  monde,  toutes  les 
races  ont  eu  à  se  partager  entre  elles  un  héritage  commun  de 
traditions.  Dans  toutes  les  littératures  orales  on  reconnaît  à 
peu  près  les  mêmes  mythes,  les  mêmes  contes,  les  mêmes 
légendes.  Par  suite,  toutes  les  chansons  de  France  et  d'Es- 
pagne, et  d'ailleurs,  devraient  se  ressembler.  Cette  doctrine  a 
du  bon  sans  doute.  Elle  aide  à  comprendre  comment  on 
découvre,  sous  des  latitudes  si  différentes,  entre  des  nations 
qui  vivent  séparées  depuis  des  milliers  d'années  ou  dont  la  ren- 
contre n'aurait  laissé  nulle  autre  trace,  des  instincts,  des 
croyances  et  des  récits  similaires,  la  même  humanité  partout. 
Mais  cette  théorie  a  le  tort  de  quelques  autres,  d'être  contestée 
par  la  pratique.  Les  peuples  du  Nord  ne  conçoivent  pas  le  même 
rêve,  sous  leur  rude  ciel,  que  les  nations  dont  l'enfance  s'est 
écoulée  ou  la  vie  développée  sous  un  soleil  bienfaisant.  Les 
Celtes  et  les  Scandinaves  ne  sont  pas  entrés,  comme  on  dit,  par 
la  même  route  que  les  Latins  dans  le  domaine  de  l'idéal.  Aussi 
bien,  une  chanson  deMalaga  ou  de  Palerme  n'aura  rien  de  com- 
mun, malgré  l'analogie  des  sujets,  avec  un  chant  gallois;  les 
mélodies  méridionales  ont  souvent  des  complications  ou  des 
longueurs  que  ne  connurent  jamais  les  bardes  et  les  scaldes 
du  Nord.  M.  Gaston  Paris  établit  '  que  le  fonds  de  la  chanson 
française  est  resté  celtique.  Il  y  a  même  lieu  de  penser  que  plus 
de  peuples  qu'on  n'avait  cru  jusqu'ici,  en  Europe,  ont  encore 
ces  mêmes  origines;  ce  fonds  celtique  s'étend  bien  au  delà  du 
groupe  français,  et  il  est  probable  qu'on  en  retrouverait  les 
traces  n'importe  où  les  Latins  ont  remplacé  les  Celtes  et  ont 
paru  au  bout  de  tant  de  siècles  absorber  ces  populations  anté- 
rieures. N'y  aurait-il  pas  un  intérêt  de  premier  ordre,  pour 

1,  Conférence  du  3  juin  1885,  au  Cercle  Saint-Simon. 


10  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

l'histoire  de  la  musique  comme  pour  celle  des  races,  à  pré- 
ciser nos  connaissances  sur  les  chansons  du  peuple? 

L'élégie  est  chez  toutes  les  nations  le  chant  le  plus  en  usage. 
Les  Grecs,  ces  artistes  qui  avaient  établi  comme  une  codifi- 
cation des  sentiments  humains,  étaient  dans  le  vrai,  lorsqu'ils 
entonnaient  après  un pœcm  une  lamentation  ;  à  la  suite  d'une 
victoire,  il  faut  bien  ramasser  les  morts.  Certes,  les  chansons 
joyeuses  ont  leur  place  marquée;  mais  elles  ne  sauraient 
constituer  l'originalité  d'une  poésie  populaire,  et  le  pays  où 
elles  viendraient  à  dominer,  n'aurait  plus,  à  proprement  parler, 
de  chansons  et  de  mélodies  particulières.  Un  air  larmoyant  qui 
se  répand  et  qui  émigré,  laisse  au  pays  natal  sa  tristesse,  et 
il  prend  un  tout  autre  caractère  à  l'étranger.  Un  exemple, 
dans  la  Femme  du  Marin,  tirée  du  recueil  de  Bujeaud  '  ;  cette 
chanson  est  connue  ailleurs  que  dans  l'Ouest,  même  un  peu 
partout;  mais  c'est  seulement  sur  les  frontières  de  la  Vendée 
qu'elle  est  empreinte  de  ce  deuil  et  de  cette  résignation  dans 
le  malheur  :  elle  est  assurément  originaire  des  provinces  de 
l'Ouest.  Et  bien  plus  r"  dans  les  rares  régions  où  survit 
l'art  des  chanteurs  primitifs,  un  air  de  fête  ne  va  pas  joyeux 
jusqu'au  bout  ;  presque  toujours  un  mineur  y  est  associé  à  un 
majeur;  c'est  une  phrase  musicale  dont  les  deux  membres 
seraient  un  andante  et  un  allegro. 

C'est  que  tout  peuple  garde,  au  fond  de  l'âme,  une  mélan- 
colie qui  se  soulève  au  moindre  effort.  L'on  ne  se  rend  par- 
faitement compte  du  sentiment  intime  qui  soutient  et  anime 
sa  poésie ,  que  du  jour  où  l'on  a  bien  entendu  les  pauvres 
gens  du  commun  chanter  eux-mêmes  de  leur  voix  dolente... 
Il  serait  téméraire  d'enseigner  cette  vocalise. 

A  mesure  qu'on  apprend  du  peuple  ses  chansons  et  ses  récits, 
on  estfrappé  de  l'inépuisable  fécondité  des  sources  populaires  : 
plus  on  a  creusé,  moins  on  s'aperçoit  qu'on  ait  touché  le  fond. 
On  se  fait  bien  l'idée  que  ce  n'est  pas  une  facile  entreprise  de 
classer  ces  légendes  semées  à  l'infîiii  et  venues  de  tous  côtés, 
ces  chansons  de  tant  de  sortes.  Peut-être  est-il  permis  d'en 

i.  Chansons  populaires  de  l'Ouest.  Niort,  Clouzot. 


NOTES    DE    VOYAGE  il 

affirmer,  seulement,  que  la  même  chose  ne  se  dit  pas, 
ou  que  le  même  événement  ne  se  raconte  guère,  sous  la  double 
forme  du  chant  et  du  récit  ;  ce  qui  est  tombé  dans  le  domaine 
de  la  narration  prosaïque  est  par  cela  même  exclu  désormais 
de  la  chanson.  Les  choses  qui  touchent  au  surnaturel,  les 
faits  dont  la  date  est  perdue,  passent  dans  la  légende  et  dans 
le  conte  ;  les  actions  des  contemporains  restent  à  l'apprécia- 
tion des  chanteurs  et  des  bardes.  Très  peu  de  chansons  en 
Basse-Bretagne  remontent  à  plusieurs  siècles  ;  à  part  deux 
ou  trois,  Lésobré,  La  Fontenelle^  les  giverz  qu'a  transmis  la 
tradition  orale  ne  se  rapportent  pas  à  des  époques  absolu- 
ment disparues,  et  la  raison  en  est  que  le  peuple  écoute  avec 
indifférence  et  laisse  peu  à  peu  tomber  dans  l'oubli  ce  dont  il 
n'a  pas  retenu  le  sens.  C'est  vrai  que  le  chanteur  n'éprouve  pas 
le  besoin  de  comprendre  toujours  ce  qu'il  dit  ;  il  répète  sincère- 
ment une  leçon  apprise  par  cœur  :  tant  pis,  s'il  a  entendu  de 
travers.  Parfois  il  en  résulte  de  singulières  variantes.  Voici 
deux  couplets,  dans  une  histoire  de  naufrage  que  je  tiens  de 
Yvon  Le  Guluche,  un  couvreur  de  La  Roche  ; 

Erwoan  ar  Bouc'her  a  1ère,  eunn  den  a  gourach  vad 
Pini  ben  ter  gwech  1er  gwech  war  bord  he  vag... 

An  euz  laret  d'ar  Bouc'her  a  oa  beuet  he  vag 
Ha  fraillet  dre  ann  anter  e  bord  ann  enez  Koat. 

Yves  Le  Bouher  disait,  un  homme   de  bon  courage,  —  qui  se  leva 
par  trois  fois,  trois  fois  sur  le  bord  de  son  bateau... 

Il  a  dit  à  Le  Bouher  que  son  bateau   était  noyé  —  et  fendu  par  la 
moitié  près  de  l'île  Goat. 

Une  autre  version,  qui  est  la  bonne,  dit,  au  lieu  de  : 
Èrwoan  ar  Boucher^  —  Pipi  ar  Bouder  (Pierre  Le  Bouder). 
D'après  Le  Guluche,  le  matelot  Le  Bouher,  qui  a  péri,  et  le 
patron  de  là  barque,  à  qui  l'on  annonce  le  sinistre,  seraient 
un  seul  et  même  homme  :  c'est  qu'«  on  avait  chanté  comme 
Cfelâ,  »  devant  le  couvreur  de  La  Roche-Derrien. 

Cette  désuétude  ne  tombe  pas  exclusivement  sur  la  longue 
Cdtnplàiflle  ou  la  cantilène  historique  ;   le  sonn  lyrique,  ou 


d2  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

élégiaque,  ou  facétieux,  vient  à  s'effacer  clans  les  souvenirs, 
pour  des  motifs  à  peu  près  identiques.  Un  gwerz  survit,  tant 
que  persiste  en  lui  une  certaine  universalité  qui  en  est  comme 
le  caractère  propre.  Le  fait  du  sonn  est  une  manière  de 
particularisme  y  ce  qui  n'est  pas  du  tout  une  condition  de 
vitalité.  Une  action  toute  locale,  par  cela  qu'elle  a  suscité  un 
rimeur,  n'est  pas  pour  provoquer  l'enthousiasme  au-delà  de 
l'horizon  circonscrit  au  clocher  de  l'endroit  ;  et  si  elle  obtient 
la  bonne  fortune  d'une  notoriété  hors  de  coutume,  il  arrivera 
que,  le  sol  natal  une  fois  quitté,  c'est  en  raison  de  l'intérêt 
même  qu'elle  aura  entraîné  après  elle,  qu'elle  subira  dans  le 
cours  de  sa  célébrité  les  transformations  et  la  décadence. 


Le  gwerz  et  le  sonn  sont  les  formes  les  plus  usitées  de  la 
poésie  bretonne  ;  et  l'on  peut  avancer  que  toutes  se 
ramènent  à  ces  deux  types  distincts.  Le  gwerz,  c'est  le 
poème  historique,  le  fragment  de  geste  ou  de  roman  d'aven- 
tures ;  le  sonn  est  dans  ce  genre  que  les  anciens,  sans  recourir 
à  une  métaphore,  appelaient  lyrique.  On  rencontre  dans  les 
livres  d'autres  désignations  ;  mais  elles  n'existent  pas  dans 
la  langue  vulgaire,  et  le  peuple  les  ignore.  Le  seul  mot 
kanaoïien  est  aussi  en  vogue  ;  c'est  un  terme  purement 
générique,  qui  se  trouve  dans  les  mêmes  relations  avec  le 
verbe  kana,  qu'en  français  le  vocable  équivalent  chajison  avec 
chanter.  Cependant  kanaouen  et  sonn  sont  pris  souvent  l'un 
pour  l'autre  ;  et  même,  dans  le  dialecte  de  Tréguier,  kanoen 
est  employé  généralement,  sans  aucun  synonyme,  dans  le 
sens  de  sonn  \ 

1.  La  question  des  genres  dans  la  poésie  populaire  est  bien  controversée. 
Ampère  enseigne  une  division  ;  Bujeauden  adopte  une  autre;  chacun  apporte 
la  sienne,  s'appuyant  sur  des  raisons  qui  ont  l'air  toutes  plausibles.  Quant  à  la 
méthode  historique,  la  thèse  en  était  trop  séduisante  et  trop  belle  à  soutenir  pour 
n'avoir  pas  tenté  l'artiste  qui  est  en  .M.  de  laVillemarqué..M.  Luzel,  outre  les  ^(i-cv- 
3!0u  (chansons  épiques  ou  anecdotiques)et  les  50?îz'om  (poésies  lyriques  et  élégia- 
ques^,  admet  une  catégorie  de  cantiques  ou  chants  religieux.  M.  Gaston  Pari?, 
qui  a  écrit  sur  la  question  quelques  pages,  reproduites  en  tête  de  la  Mclusine, 
avec  toute  sa  compétence  et  sa  critique  toujours  sûre,  propose  une  caté- 
gorie pour   les  berceuses  et   les  rondes.  Ce  serait  là,  en  eflet,  tin  genre  assez 


NOTES    DE  VOYAGi:  d3 

Le  (jwerz  est  dénué  de  refrain,  et  la  mélodie  en  est  quel- 
quefois une  très  simple  mélopée.  Le  refrain  doit  être  spécia- 
lement réservé  au  sonn  ou  kanaouen.  Un  soîin  peut  n'être 
pas  autre  chose  qu'un  récit  ;  mais  il  n'affiche  jamais  ni 
l'allure  mélodique  ni  l'importance  du  gwerz^  au  point  de  vue 
de  l'histoire  et  de  la  légende.  Les  mélodies  serviraient  à  dé- 
montrer définitivement  que  le  sonn  et  le  gwerz  sont  d'origine 
et  de  nature  diverses,  et  qu'il  n'y  a  pas  entre  eux  que  la  diffé- 
rence du  refrain  :  à  entendre  alternativement  une  complainte 
et  un  chant  d'amour  et  même  une  berceuse,  on  ne  saurait  s'y 
méprendre.  Justement  à  cause  du  diskan^  que  redit  la  foule, 
le  sonn  requiert  une  mélodie  bien  rythmée  ;  et  il  est  rare, 
encore  pour  cette  raison,  qu'on  y  rencontre  les  changements 
de  mesure  ou  de  ton  familiers  à  la  chanson  populaire.  C'est  la 
même  observation  pour  la  mesure  du  vers,  aussi  fidèlement 
observée  que  possible  dans  le  sonn  :  les  vers  allongés  ou 
raccourcis  ne  sont  fréquents  que  dans  la  complainte.  Le  giverz, 
qui  est  un  récilatif,  n'a  besoin  que  d'un  seul  chanteur  :  celui-ci 
devient  libre  de  son  allure,  et  la  psalmodie  la  moins  compli- 
quée suffit  aussi  bien  qu'un  chant  caractérisé  au  dévelop- 
pement de  son  poème,  pourvu  que  ce  soit  chanté. 

Reconnaissons  que  des  gwerz  ont  été  composés  avec  ce 
diskan  que  la  foule  répète.  Mais  c'était  là  une  faute.  De  tels 
chants  sont  toujours  l'œuvre  de  quelque  poète  moderne  ; 
jamais  un  vrai  barde,  sorti  ou  inspiré  du  peuple,  ne  confondit 
une  élégie  ou  une  satire  avec  le  récit  rimé  ou  le  poème  de 
longue  haleine.  Et  s'il  est  incontestable  que  le  récit  ne  soit 
pas  exclu  du  sonn,  reste  à  savoir  sous  quelles  conditions  il  y 
a  le  droit  d'entrée.  La  mélodie  de  Ar  Bonomik,  celle  de 
Ann  Andouillen,  sont  adaptées  à  des  sonn  narratifs.  Mais 
la  narration  n'est  plus  alors  tout  le  fond  même  de  la  chan- 
son ;  ce  n'en  est  que  le  prétexte,  pour  ainsi  dire  ;  l'in- 
distinct (voy.  plus  loin  p.  15,  43  et  suiv.).  lime  semble  que  la  classification  la 
plus  simple  est  la  meilleure  pour  une  littérature  essentiellement  indépendante 
des  conventions  modernes  et  des  divisions  classiques  ;  et,  à  ce  compte-là,  la, 
ronde  n'est  rien  qu'un  sonn,  et  le  cantique,  lorsqu'il  n'est  pas  accompagné  du 
diskan,  ou  refrain,  devient,  comme  tout  récit  en  vers,  un  gwerz. 


14  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

térêt  se  porte  de  préférence  vers  la  fin  de  chaque  couplet,  dont 
le  principal  attrait  est  de  se  relier  finement  avec  le  refrain. 
Surtout,  un  refrain  toujours,  sous  une  forme  quelconque. 

Est-ce  qu'il  se  réduirait  donc  à  si  peu  de  chose,  qu'on 
l'enfermât  en  deux  simples  mots,  cet  art  des  chanteurs  po- 
pulaires, vantés  des  uns  à  l'excès,  méconnu  et  nié  de  beau- 
coup qui  n'y  comprennent  rien  ?  Déclarer  qu'il  est  très  savant, 
que  c'est  d'une  science  consommée,  serait  une  exagération  ; 
mais  il  existe  et  il  est  manifeste  jusque  dans  la  moindre 
improvisation,  cet  art  populaire,  avec  ses  subtiles  recherches 
à  côté  d'une  naïveté,  malgré  les  défaillances  d'inspiration 
survenant  au  bout  d'un  brillant  essor,  à  travers  ces  négligen- 
ces associées  à  des  beautés  de  premier  ordre,  dans  ces 
inversions  et  ces  reprises,  sous  ces  rappels  et  ces  retours  et  ces 
repos  du  refrain.  On  en  est  surtout  frappé  dans  les  chants  où 
l'on  croit  reconnaître  quelque  trace  d'ancienneté;  assurément, 
l'originalité  manque  aux  mélodies  d'invention  récente  :  est-ce 
parce  que  l'éducation  musicale  est  devenue  plus  compliquée  ou 
se  néglige  désormais  plus  que  l'éducation  poétique?  La  chan- 
son qui  a  traversé  plusieurs  générations  n'a  pas  gagné  que  des 
années  ;  ce  qu'elle  avait  de  bon  est  resté,  et  à  ce  texte  primitif 
s'est  ajouté,  dans  le  même  sens,  le  travail  des  âges  successifs. 
Aujourd'hui,  comme  de  temps  immémorial,  les  complaintes 
nouvelles  ne  font  pas  défaut  ;  nous  avons  reconnu  que  le  don  de 
poésie  est  rarement  le  propre  des  aveugles  et  des  mendiants 
qui  les  débitent  dans  les  foires  et  dans  \qs  pardons  :  le  baleer- 
bro  n'est  pas  un  poète  par  cela  même  qu'il  est  vagabond. 
Plus  encore  que  ces  indigents,  les  lettrés  qui  composent  des 
poésies  bretonnes,  sans  inspiration  aucune,  comme  les  clercs 
qui  transforment  en  cantique  un  \\Q\ixgwerz  pieux,  s'égarent 
loin  des  sources  populaires.  Si  ce  n'était  encore  que  de  ces 
insanités  ou  de  ces  prétentieuses  élucubralions,  il  n'y  aurait 
pas  même  à  en  parler  ;  mais  c'est  qu'elles  gâtent  le  goût 
public,  et  le  peuple,  n'entendant  que  cela,  oublie  ses  légendes 
héroïques  et  les  anciennes  chansons  d'amour. 

Comme  toutes  les  manifestations  de  la  poésie  bretonne 
sont  enfermées  sous  cette  double   forme  du  giverz  ou  du 


NOTES    DE    VOYAGE  15 

sonriy  il  devient  d'un    intérêt    secondaire   qu'on    signale   et 
qu'on  distingue  autrement  les  genres  proprement  dits. 


On  s'est  demandé  pourquoi  l'on  ne  trouve  pas  de  chan- 
sons de  bord  dans  cette  presqu'île  de  Bretagne.  Il  y  en  a,  mais 
toutes  en  patois  gallo  ou  en  français.  Les  seules  histoires  de 
mer  qu'on  entende  aux  matelots  bretons,  ont  été  composées 
par  des  terriens.  Le  sujet  en  est  quelque  naufrage  sur  la 
côte  armoricaine  (voy.  «  Ar  Vartoloded  »).  Ou  bien,  elles 
racontent  un  enlèvement  pratiqué  par  les  Anglais  :  tel  est  le 
gwerz  de  «  Marivonik  ».  On  a  dit  des  matelots  bretons  qu'une 
fois  descendus  des  vergues,  comme  des  oiseaux  tombés  à  terre, 
ils  ne  chantent  plus.  Le  sonn  maritime  a  disparu  depuis  un 
temps  qu'on  ne  saurait  fixer.  La  navigation,  le  commerce  exté- 
rieur, la  fréquentation  et  la  présence  des  étrangers,  ont  peu  à 
peu  détérioré  le  caractère  local  de  nos  ports  de  mer.  Les  Anglais 
occupèrent  Brest  au  xiv^  siècle,  pendant  la  terrible  guerre  qui 
dura  près  de  trente  ans  entre  Charles  de  Bloiset  la  famille  de 
Montfort.  Cent  ans  après,  Penmarc'h  faisait  avec  la  nouvelle 
Amérique  un  trafic  considérable. Saint-Malo  ensuite  régnaitsur 
les  mers.  La  poésie  du  peuple  est  casanière;  une  de  ses  qua- 
lités est  de  convenir  particulièrement  à  ceux  qui  chantent. 
Dans  leurs  allers  et  retours,  les  matelots  de  la  côte  armoricaine 
avaient  trop  souvent  à  écouter  les  airs  de  tous  les  pays  pour 
ne  pas  oublier  quelques-unes  des  chansons  natales  ;  et  s'ils  ne 
désapprenaient  pas  encore  la  langue  maternelle,  du  moins 
perdaient-ils  l'habitude  de  composer  eux-mêmes  leurs  5own  de 
quart  ou  de  manœuvre.  Ces  chants  étaient  voués  à  s'éteindre 
de  bonne  heure. 

Les  berceuses  et  les  roîides^  sont  d'un  usage  si  répandu, 
qu'il  y  aurait  peu  ou  trop  de  choses  à  signaler  sur  leur  dompte; 
l'universalité  même  leur  ôte,  surtout  au  point  de  vue  poétique, 
à  peu  près  toute  couleur  locale. 

1.  Pour  les  rondes,  elles  rentrent  dans  le  chapitre  de  la  chorégraphie  popu- 
laire (voy.  p.  43  et  suiv.) 


46  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

On  dirait  des  berceuses  que  leur  importance  ne  se  révèle 
pas  de  prime  abord.  Doivent-elles  le  peu  d'attention  qu'on 
leur  prête,  à  Tinsignifiance  relative  du  sujet,  ou  bien  à  l'obs- 
curité dont  quelques-unes  sont  enveloppées?  Mais  il  y  a  bien 
d'autres  chansons,  qu'on  écoute  tous  les  jours,  quoique  les 
paroles  en  soient  absolument  inintelligibles  :  en  vouloir 
quelque  interprétation,  c'est  demander  aux  gens  du  peuple 
de  traduire  les  chants  latins  qu'ils  répètent,  le  dimanche  à  la 
messe. 

Le  jeune  public  auquel  est  consacré  ce  genre  de  berceuses 
ne  cherche  pas,  du  reste,  ù  comprendre.  Que  l'air  fasse  les 
trois  quarts  de  la  chanson,  voilà  qui  lui  suffît.  Lui  ne  subit 
guère  que  l'impulsion  de  la  cadence  mélodique. 

Qu'il  y  ait  pourtant  des  chansons  de  berceau,  dont  le  sens 
soit  accessible,  c'est  indiscutable.  Il  en  est  qui  présentent  une 
broderie  habile  sur  un  canevas  très  simple;  d'autres  sont  des 
récits  allégoriques,  des  historiettes  :  celles-ci  ont  générale- 
ment une  forme  littéraire;  elles  sont  l'œuvre  de  quelque  let- 
tré, tombée  dans  le  domaine  commun  '.  On  peut,  sans  avoir 
r<iir  du  tout  de  soutenir  un  paradoxe,  avancer,  d' une  berceuse^ 
que  plus  le  sens  logique  et  suivi  en  échappe,  plus  on  a  raison 
d'admettre  que  c'est  une  chanson  vraiment  populaire.  Vite 
j'ajoute  que  cette  obscurité  n'est  pas  un  critérium  applicable  à 
tous  les  csis  de  folk-lo7'e . 

Les  cantiques  se  trouvent  dans  une  situation  difficile  à 
définir.  Mais  ils  tiennent  tant  de  place,  sinon  dans  la  vie  du 
peuple,  au  moins  dans  la  poésie  bretonne,  qu'il  faut  les  réser- 
ver et  les  considérer  à  un  point  de  vue  spécial. 

Et  les  chansons  de  métiers,  à  quelle  curieuse  étude  ne 
donneraient-elles  pas  lieu!  D'après  une  statistique  récente 
on  a  découvert  que  cent  et  quelques  noms  de  famille  en 
Brelagne  ont  été  dérivés  de  la  seule  industrie  du  lin.  On  ne 
s'imagine  pas,  du  premier  coup,  quels  renseignements  divers 
on  obtiendrait  de  la  simple  poésie  du  peuple.  Le  personnage 

1.  A  citer,  entre  ces  poésies  de  lettrés  qui  sont  devenues  populaires,  quel- 
ques chants  de  <(Telen  Arvor  «  (Brizeux),  plusieurs  autres  de  «  Bombard  Kerne  » 
(Prosper  Proux),  etc. 


NOTES    DE    VOYAGK  17 

sur  lequel  la  tradition  s'est  le  plus  exercée^  c'est  le  tailleur;  par 
ses  travers,  réels  ou  prêtés,  il  est  devenu  un  type  universel. 
S'il  y  a  partout  des  tailleurs,  ils  ne  se  présentent  pas  en  tous 
lieux  sous  le  même  accoutrement;  ils  changent  de  Ion  et  de 
manières,  suivant  les  pays,  «  A?'  Roiizik  kemener  »,  dans  le 
dialecte  de  Tréguier,  est  un  gwerz  d'une  marche  lente  et 
d'une  ironie  discrète;  dans  les  Montagnes-Noires,  entre  Châ- 
teaulin  et  Châteauneuf-du-Faou,  le  kemener  est  devenu  l'objet 
d'un  sonn.  En  passant  dans  le  dialecte  de  Cornouaille,  il  a  pris 
un  mouvement  plus  alerte;  il  n'aura  plus  du  conquérant  que 
les  airs;  le  faraud  tombera  sous  la  risée  de  tous,  et  jusqu'aux 
chiens  qui  le  poursuivront  de  leur  aboicmnet  :  oao,  oao...  La 
même  observation  s'appliquerait  à  d'autres  types  que  le  tail- 
leur '. 

On  a  prétendu  que  les  Trécorrois  sont  les  maîtres-chanteurs 
de  la  Basse-Bretagne.  D'un  autre  côté,  la  prédominance  du 
gwerz,,  dans  le  pays  de  Tréguier,  est  incontestable.  Doit-on  en 
conclure  que  celte  forme  de  la  cantilène,  parce  qu'elle  aies 
préférences  des  bardes  en  renom,  soit  le  genre  par  excellence 
de  la  poésie  bretonne?  Il  serait  bien  à  craindre  que  cette 
conclusion  ne  fût  logique  qu'en  apparence.  Entre  les  deux 
formes  ou  «  modes  »  que  les  bardes  ont  convenu  d'adopter,  le 
gwerz  ou  le  sonn,  c'est  le  sujet  qui  dicte  le  choix  :  à  peine 
si  l'on  signale  chez  un  chanteur  ses  préférences. 

Il  serait  imprudent  d'avancer  que  le  gwerz  fût  plus  ou 
moins  que  le  sonn  la  poésie  préférée  des  Bretons;  ce  serait 
reconnaître  sous  l'une  ou  l'autre  de  ses  formes,  spécialement, 
le  caractère  particulier  de  la  race.  Si  toutes  les  deux  indi- 
quent, différemment,  le  tempérament  poétique  des  bardes  et 
des  chanteurs,  c'est  de  même  qu'elles  révèlent  les  mœurs  et 
les  traditions  du  peuple  ;  mais  le  sonn  affecte  généralement 
une  portée  plus  restreinte  que  le  gwerz.  C'est  bien  à  tort  qu'on 
ferait,  à  l'aide  des  kanaouen  exclusivement,  l'étude  des  usages, 
ou  celle  de  l'histoire  locale  sur  la  donnée  des  cantilhies.  La 
forme  narrative  de  lacomplainte  ne  proscrit  pas  l'observation 

1.  Voy,  un  autre  exemple  de  ces  dissemblances  dans  les  deux  sonn  de 
kloarek,  l'un  de  Tréguier,  l'autre  de  Plongonver,  cités  plus  loin. 


18  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

morale,  et  celle-ci  ne  peut  pas  devenir  le  propre  de  la  chanson 
coupée  de  refrains.  La  conscience  populaire  n'est  pas  ainsi 
enfermée  dans  des  compartiments  étiquetés,  d'où  l'on  ait,  sui- 
vant le  cas,  h  extraire  telle  portion.  Les  mœurs  intimes  appa- 
raissent dans  un  ywerz,  mais  quelquefois  d'une  façon  moins 
explicite,  comme  dans  un  soim.  Autrement,  trouverait-on  tel 
type  —  le  kloarek,  le  kemener,  elc.  —  sous  des  figures  diverses, 
variant  avec  les  dialectes  ou  les  régions?  Il  est  constant  que 
les  événements  sont  racontés  plutôt  dans  les  gwerz;  mais  rap- 
porter à  la  simple  et  courte  chanson  tout  le  caractère  moral  — 
au  sens  ethnique  —  de  la  poésie  populaire,  c'est  d'une  théorie 
qui  n'est  pas  admissible,  mais  qui  a  pourtant  ses  défenseurs. 
Il  serait  encore  plus  inexact  d'aflirmer  que  les  chansons 
joyeuses  sont  originaires  surtout  du  Vannetais  et  de  la  Cor- 
nouaille,  et  que  les  lamentables  récits  sont  plutôt  en  usage  au 
pays  de  Tréguier  ou  dans  le  Léon.  Ce  serait  partager  la  Bre- 
tagne en  deux  zones  absolument  imaginaires;  les  Bretons  du 
Nord  et  les  Bretons  du  Midi,  ce  seraient  deux  appellations  de 
pure  fantaisie.  En  réalité,  les  Trécorrois  savent  plus  de  chan- 
sons tristes  que  les  Cornouaillais ,  mais  plus  de  chansons 
joyeuses  aussi;  et  la  raison  en  est  toute  simple  :  dans  le  Laiin- 
Treger  on  chante  au  moins  autant  que  dans  tout  le  reste  de  la 
Bretagne  '.  Là,  les  bardes  forment  encore  une  sorte  de  classe 


1.  Dans  l'Introduction  à  ses  Trente  mélodies  de  Basse-Bretagne,  M.Bourgault- 
Ducoudray  s'exprime  ainsi  (p.  13)  : 

«  Il  existe  en  Bretagne  deux  zones  habitées  par  deux  populations  d'un  carac- 
tère bien  tranché.  Or  c'est  là  un  fait  digne  de  remarque,  que  cette  différence 
de  tempérament  s'accuse  dans  leur  musique,  et  précisément  dans  un  sens- 
conforme  aux  idées  de  l'antiquité.  Dans  les  Côtes-du-Nord,  où  la  nature  est 
plus  mélancolique  et  plus  froide,  la  race  plus  sérieuse  et  plus  réfléchie,  on 
chante  le  plus  souvent  dans  le  mode  liypodorien,  mode  d'Apollon.  En  Cor- 
nouaille,  où  resplendit  une  nature  joyeuse,  où  s'agite  une  population  ner- 
veuse et  passionnée,  domine  le  mode  hypophrygien,  mode  de  Bacchus. 

a  Ainsi  le  tempérament  modal  des  Bretons  vient  donner  une  éclatante 
confirmation  à  la  théorie  antique.  » 

S'il  n'y  avait  dans  ce  passage  qu'une  opinion  résultant  d'une  expérience  lon- 
guement acquise  à  travers  le  pays  breton,  je  me  permettrais  de  démontrer  que 
cette  opinion  serait  encore  au  moins  hasardée;  mais  ces  lignes  semblent  écrites 
avec  la  fermeté  d'un  système.  D'après  l'éprouve  que  j'en  ai  faite  en  Bretagne, 
je  dois  pourtant  ajouter  qu'une  doctrine  opposée  serait  tout  aussi  soutenable. 


NOTES    DE    VOYAGE  19 

à  part  ;  ils  sont  admis  et  invités  dans  les  fermes;  ils  ont  leur 
place  marquée  sur  le  champ  de  foire  et  sur  la  grande  aire  du 
pardon.  Tout  ce  qu'ils  portent  sur  eux,  certainement,  n'est  pas 
de  l'or  ;  mais  ils  distribuent  leur  menue  monnaie  avec  une  lar- 
gesse qui  est  une  preuve  de  richesse  indiscutable.  Aussi  bien 
que  les  Romains  du  temps  d'Horace  ,  tout  ïrécorrois  a  fait 
quelques  vers.  Mais  il  est  juste  d'admettre  qu'en  raison  de 
cette  fécondité  même  la  kanocn  de  Tréguicr  n'est  quelquefois 
qu'un  simple  exercice  et  un  jeu  de  l'esprit.  Il  n'y  a  pas  lieu 
d'examiner  si  une  semblable  prédisposition  à  la  poésie  n'est 
autre  chose,  au  dire  de  certains  pessimistes,  qu'un  symptôme 
de  décadence  littéraire. 

Nul  doute  qu'un  type  ne  se  transforme  (ainsi  du  tailleur)  en 
passant  d'une  région  dans  une  autre.  La  même  observation 
s'applique  à  la  chanson  qui  émigré  dans  un  dialecte  voisin  : 
le  mouvement  et  la  mesure  se  trouvent  n'être  plus  les  mêmes 
qu'en  la  mélodie  originelle,  de  même  que  la  métrique  dans  le 
texte  poétique.  Un  gtverz  de  Tréguier,  adopté  par  un  chan- 
teur léonard  ,  prend  des  allures  qu'il  n'avait  pas  au  pays 
natal  *.  Plus  d'une  raison  est  à  donner  de  ces  transmutations 
et  de  ces  différences.  Et  d'abord,  le  dialecte  de  Léon  n'admet 
pas  les  contractions  qui  sont  d'un  constant  usage  dans  le  tré- 
corrois.  En  outre,  les  dialectes  divers  et  les  sous-dialectes  du 
breton-armoricain  ne  sont  pas  restés  d'accord  sur  un  même 
accent  tonique  :  le  trécorrois  porte  cet  accent  sur  la  pénul- 
tième. Les  bardes,  à  la  fois  poètes  et  musiciens,  ne  sont  pas 
sans  se  rendre  compte  qu'une  quantité  réside  dans  les  syllabes 
et  qu'un  vers  ne  se  prête  pas  à  la  mélodie,  si  la  métrique  ne 
Ta  déjà  soumis  à  une  certaine  cadence.  La  mélodie  garde  le 
souvenir,  serait-on  tenté  de  dire,  de  cette  valeur  syllabique. 
On  a  cru  rencontrer  plus  nombreuses  dans  les  chansons  de 
Tréguier  que  dans  les  autres  les  équivalences  musicales  de 
l'iambe  ou  du  trochée  :  en  Léon,  c'est  l'anapeste  qui  domine- 
rait, tandis  que  le  Goëlo  (haut  Tréguier)  aurait  des  préfé- 
rences pour  le  dactyle  ^   Si   l'on  allait  un  peu  plus   loin  dans 

1.  Voy.  les  deux  versions  de  Toul-alLaer,  dans  les  «  gwerz  etsoiin.  >; 

2.  Là-dessus  je  tiens  des  notes  curieuses  d'un  prêtre  aimable,  le  recteur  de 


20  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

une  pareille  expérience ,  on  finirait  par  renoncer  aux  lignes 
topographiques  peut-être,  pour  délimiter  les  dialectes  de 
Basse-Bretagne,  et  l'on  aurait  recours  uniquement  à  la  poé- 
tique et  à  la  musique  populaires.  Mais  ce  serait  aller  bien 
loin. 

Les  bardes,  comme  le  dieu  antique,  affectionnent  le  nombre 
impair.  Le  vers  breton  est  aussi  souvent  fait  de  cinq,  sept, 
neuf  ou  treize  pieds,  que  de  six,  huit,  dix  ou  douze.  L'hémis- 
tiche coupe  au  milieu  le  vers  de  douze  syllabes,  etse  porte,  dans 
le  vers  de  treize,  tantôt  sur  la  sixième  et  tantôt  sur  la  septième. 
La  rime  n'est  pas  tenue  d'être  riche  ;  la  consonne  d'appui  n'est 
pas  de  rigueur,  et  quelquefois  l'on  n'exige  pas  autre  chose 
que  l'assonance.  Dans  le  dialecte  de  Tréguier,  la  disparition 
des  diphtongues  finales  a  rendu  considérable  le  rôle  des 
simples  voyelles  (il  a  été  dit  plus  haut  que  e  n'est  jamais  muet). 
La  rime  intérieure  était  fort  usitée  dans  le  moyen-breton  ;  le 
vers  de  huit  pieds,  par  exemple,  admellait  l'homoconsonnance 
au  quatrième  et  au  huitième,  à  l'aide  de  deux  hémistiches.  Les 
bardes  semblent  avoir  renoncé  à  ce  luxe  de  rimes,  depuis 
le  xvu°  siècle.  Régulièrement,  ils  ne  composent  que  des  dis- 
tiques ou  des  quatrains,  associant  les  vers  deux  à  deux,  sans 
admettre  jamais  les  rimes  croisées.  Cependant,  le  tercet  n'est 
pas  absolument  exclu  de  la  poésie  populaire;  mais  les  tercets 
de  ce  genre  répondent  à  un  besoin  de  la  phrase  musicale, 
composée  de  trois  membres;  et  le  troisième  vers  du  couplet 
est  généralement  le  deuxième  qui  revient  bissé  K 

L'hialus  est  admis;  lesélégances  del'allitérationsontdu  meil- 
leur goût;  mais  rcnjambement  est  sévèrement  interdit,  aussi 
bien  d'un  vers  à  un  autre,  que  d'un  couplet  au  couplet  suivant. 

Cicéron  conseille  aux  orateurs  d'avoir  tout  prêts  et  bien 
classés  dans  la  mémoire  un  certain  nombre  d'exordeset  de  péro- 
raisons, pour  en  tirer  par  ti  suivant  les  circonstances.  Les  chan- 
teurs populaires  ne  procèdent  pas  autrement  ;  mais  leurs  for- 
mules d'ouverture  ne  sont  guère  variées  :  un  appel  à  l'attention 

R...,  ua  brelonnaat  d'uQ  rare  mérite    et  d'une  grande  habileté.  J'offenserais 
sa  modestie,  si  je  révélais  son  nom  au  public. 
1.  Voy.  Lezoùre,  Kloarek  Koatreven,   etc.. 


NOIES    DE    VOYAGE  21 

du  public,  une  réflexion  morale  s'appliquant  au  récit  qui  va 
suivre,  une  invocation  à  la  Trinité,  ou  une  prière  à  la  Vierge. 
Quelquefois  le  dénoûment  est  annoncé,  dès  le  début,  d'une 
fat^on  brève  et  saisissante,  surtout  dans  les  sujets  pathétiques. 
Au  dénoûment,  la  brusque  interruption  du  récit,  l'emploi  des 
inlerrog-alions  et  du  dialogue,  sont  d'un  grand  eiïet*.  Les 
transitions  sont  aussi  absentes  que  chez  les  lyriques  anciens. 
Le  peuple  se  plaît  à  ces  soubresauts  de  la  pensée,  et  un  chan- 
teur habile  sait  ménager  le  plaisir  de  ces  surprises. 

Le  breton-armoricain,  dont  un  million  de  celtisants  se 
servent  encore  en  France  ,  est  vraiment  un  idiome  qui  se 
dédouble  et  qui  fournit  une  «  langue  de  la  prose  »  et  une 
('  langue  des  vers  »,  On  a  dit  que  les  littératures  commencent 
par  la  naïveté  et  finissent  par  l'afréterie.  Aux  époques  de  déca- 
dence, les  nations  lettrées  affectionnent  une  prose  incorrecte, 
alambiquée,  prétentieuse  et  obscure;  quant  aux  poètes,  on 
leur  a  coupé  les  ailes,  et  la  vogue  est  à  ceux  qui  versent  le 
plus  dans  la  familiarité.  Les  littératures  orales  éprouvent,  en 
vieillissant,  une  transformation  différente.  Dans  l'idiome 
néo-celtique,  le  style  du  récit  et  de  la  conversation  s'est  peu 
à  peu  dépourvu  de  tout  éclat;  la  banalité  est  devenue  un  de 
ses  caractères;  impuissant  à  rendre  une  foule  d'idées  con- 
crètes et  de  notions  apportées  par  le  progrès  moderne,  renon- 
çant à  former  des  vocables  nouveaux,  il  s'est  surchargé  d'em- 
prunts venus  surtout  du  français.  L'élégance  et  le  charme  du 
beau  langage  se  sont  réfugiés  dans  les  vers.  La  poésie  bre- 
tonne n'a  renoncé  à  aucune  de  ses  richesses  natives.  Ce  con- 
traste est  manifeste  et  frappant;  et  les  choses  vont  de  telle 
façon  ,  qu'il  est  impossible  de  remonter  ce  courant.  Qu'un 
prédicateur  s'adonne  au  genre  fleuri,  qu'il  abuse  des  méta- 
phores ou  qu'il  recherche  les  mots  inusités  et  sortis  de  la  cir- 
culation, l'assistance  sourira,  comme  à  tout  beau  parleur;  et 
le  sermon  fini ,  les  paysans  de  murmurer  :  «  Il  ne  nous  vaut 
pas  M.  wi  tel.  En  voilà  un,  celui-là,  qui  cause  comme  nous 


1.  Dans  Lamennais  (Le.ç  Paroles  d'un  Croyanl),\e,  dialogue  célèbre  :«  Jeune 
soldat,  où  vas-tu  ?  »  n'est  qu'une  réminiscence  de  la  poésie  populaire. 


22  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

autres,  et  qui  n'apprend  pas  ses  prédications  dans  leslivres!...  » 
Mais  qu'un  chanteur  ne  présente  jamais  sur  la  place  du  bourg 
un  sonn  qui  fasse  à  quelqu'un  s'écrier  :  «  J'en  composerais 
bien  autant.  »  Car  chacun  hausserait  les  épaules,  et  l'on  passe- 
rait outre.  La  foule  qui  s'arrêle  pour  écouter,  ne  se  contente 
pas  longtemps  des  vulgarités  de  la  rue.  Les  masses  populaires 
aiment  qu'on  les  remue.  Volontiers  le  peuple  prierait  ce 
mendiant  qui  chante  debout  au  milieu  d'un  vaste  cercle 
humain  :  «  L'aumône  d'une  belle  chanson,  s'il  vous  plaît!  » 
Ces  braves  gens  savent  qu'un  barde  est  un  inspiré;  il  est 
doué  comme  voué;  il  contient  en  lui  le  génie  de  la  race,  et 
l'esprit  des  ancêtres  doit  quelquefois  le  visiter;  il  a  le  dépôt 
des  traditions  locales.  Par  les  grands  chemins  où  se  passent 
les  trois  quarts  de  sa  vie,  le  baleer-bro  a  entendu  les  souffles 
qui  vont  et  viennent  aux  quatre  coins  du  ciel  ;  peut-être  ces 
voix  aériennes  s'entreliennent-elles  avec  des  paroles  ma- 
giques, dont  le  barde  seul  a  le  sens.  Dans  sa  chanson  à  lui 
maintenant  il  rapportera  des  termes  que  nul  ne  saisira;  mais 
ils  étaient  connus  des  aïeux;  l'héritage  en  est  sacré,  et  on  les 
répèlera  fidèlement,  comme  une  prière  d'église,  sans  les  com- 
prendre. 

Les  poètes  bretons  ne  vont  pas  jusqu'à  adopter  un  vocabu- 
laire spécial  ni  une  syntaxe  particulière.  Mais  il  est  des  temps 
du  verbe,  par  exemple,  qu'on  ne  rencontre  guère  que  dans  la 
langue  rimée;  ainsi  de  certains  tours  et  des  inversions  spécia- 
lement, qui  sont  en  poésie  d'un  emploi  fréquent  et  rigoureux. 
Des  grammairiens  ont  été  amenés  à  établir  entre  le  breton- 
armoricain  et  le  latin  ou  le  grec  de  tels  rapprochements, 
qu'une  syntaxe  unique  leur  a  semblé  bonne  à  ces  trois  idiomes. 
Leur  erreur  constitue  une  double  faute  de  linguistique  et 
d'ethnologie.  Issus  de  la  grande  famille  aryenne,  comme  les 
Pélasges,  les  Celtes  ont  formé  un  groupe  ethnique  à  part  : 
aussi  bien  les  lois  que  la  civilisation  et  la  langue  de  ces  peuples 
divers  ont  subi  dans  leur  développement,  sont  loin  d'avoir  été 
communes.  Aucun  rapprochement  non  plus  entre  leurs  des- 
tinées. Les  Latins,  à  la  suite  des  Grecs,  ont  disparu  depuis 
quatorze  ou  quinze  siècles.  La  survivance  des  Celtes,  malgré 


NOTES    DE  VOYAGE  23 

la  dispersion  et  sous  le  joug-  de  races  tout  à  fait  étrangères, 
voilà  un  problème  où  les  données  sont  encore  incertaines. 
N'est-ce  pas  aider  à  le  résoudre,  que  de  recueillir  les  chants 
des  Bretons  actuels  et  de  noter  les  échos  qui  sont  parvenus, 
quelques-uns  restés  peut-être  depuis  les  antiques  clans  celti- 
ques, jusqu'à  notre  génération? 

Elles  sont  nombreuses,  les  difficultés  qu'on  rencontre  à  sur- 
prendre au  vol  et  à  fixer  les  capricieux  élans  de  la  vocalise 
populaire.  Une  même  poésie  peut  être  connue  sur  des  airs 
différents  ;  s'il  arrive  que  le  chanteur  ne  sache  pas  ou  ait  oublié 
la  mélodie  originale,  il  en  imagine  une  autre,  séance  tenante, 
et  sans  le  moindre  scrupule.  D'autres  fois,  la  musique  a  pu 
s'altérer,  aussi  bien  que  les  paroles,  avec  le  temps,  ou  d'une 
contrée  à  une  autre.  Je  rapporte  deux  versions  des  Prières. 
L'Héritière  de  Kéroidaz,  dans  le  «  Barzaz-Breiz  »,  est  à  peu 
près  la  mélodie  (n»  2)  de  ces  Prières  :  les  motifs  et  la  phrase 
sont  demeurés  les  mêmes.  Il  y  a  plus  loin  de  la  Chanson  du 
Pilote  («  Barzaz-Breiz  »)  à  saint  Kadok,  de  V Enfer  («  Barzaz- 
Breiz  »),  à  la  Tourterelle  inconsolable  :  mais  la  parenté  est 
évidente.  Nul  rapport  entre  Lez-Breiz  et  Lezobre^  malgré 
l'origine  commune  de  ces  deux  chansons.  Dans  le  «  Barzaz- 
Breiz  »  encore,  les  Miroirs  dargent  sont  une  variante  de 
Merlin  au  berceau^  du  même  recueil,  et  la  mélodie  des  Miroirs 
est  inférieure. 

Une  même  chanson  ne  se  dira  pas  de  la  même  manière  en 
marche  qu'en  repos;  le  roulier,  sur  la  route,  observera  les 
points  d'orgue  que  le  tailleur  ou  le  menuisier  négligeront,  au 
bout  de  chaque  membre  de  phrase  ;  il  fait  avec  la  voix,  comme 
avec  le  fouet,  sonner  les  échos.  Et  il  ne  marque  pas  mieux  le 
pas  qu'il  n'observe  la  mesure,  lorsqu'il  exécute  un  deux-temps 
ou  une  marche;  c'est  justement  tout  le  contraire  qui  a  lieu;  il 
lui  semble  même  que  plus  la  mesure  est  brisée,  plus  le  sonn 
ou  le  gwerz  sont  pour  lui  dans  «  le  vrai  ton  ». 

Certains  chanteurs  entonnent  avec  feu  et  jactance,  d'une 
allure  exceptionnelle.  Le  début  est  alors  chargé  de  petites 
notes  d agrément.  Dès  le  deuxième  couplet,  l'air  «  revient  au 
naturel  »,  disent-ils,  pour  n'en  plus  sortir. 


24  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

Si  le  mouvement  est  rompu  par  le  chanteur  si  aisément, 
sans  aucun  remords  et  même  avec  cette  joie  de  l'artiste  qui  a 
trouvé  un  motif,  le  poète  aussi  (ou  le  peuple,  sans  l'autori- 
sation de  l'auteur)  se  plaît  souvent  à  sacrifier  dans  le  vers  le 
nombre  et  la  quantité.  Chaque  syllabe  poétique  a  droit  à  sa 
valeur  musicale  :  tant  pis  pour  la  mesure,  qui  n'est  pas  tenue 
d'être  régulière,  plus  que  le  vers  lui-même.  C'est  afîaire  au 
musicien  qui  veut  trouver  son  compte,  de  s'y  reconnaître. 
Cette  question  des  mesures  brisées  en  amène  une  autre,  celle 
des  harmonisations. 

Sous  quelle  forme  présenter  ces  mélodies  primitives  à  un 
public  qui  n'en  a  pas  l'usage?  Faut-il  les  exposer  dans  leur 
simplicité  native,  ou  les  envelopper  d'harmonie?  On  a  recours 
aux  harmonisations,  paraît-il,  parce  qu'on  a  lieu  de  craindre 
que  l'auditoire  ne  soit  pas  suffisamment  préparé.  C'est  déplacer 
la  question,  et  c'est  avouer  de  la  sorle  qu'on  a  surtout  en  vue 
le  plaisir  de  l'auditoire.  Sur  une  telle  voie  il  n'y  a  pas  à  s'ar- 
rêter, et  les  musiciens  sont  tentés  eux-mêmes  d'aller  plus 
avant.  Dans  ces  ébauches  musicales,  interrompues  et  heurtées, 
nées  comme  au  hasard  et  en  dehors  des  règles*,  ils  cherche- 
ront des  thèmes  et  des  motifs  qui  les  sauvent  de  la  banalité 
classique;  trouvant  que  le /o/A'-/o;r  est  une  source  toujours  vive 
d'inspirations,  ils  seront  entraînés  fatalement  à  faire  de  l'art, 
sinon  du  métier  -.  Oui,  c'est  là  tout  à  fait  éluder  un  principe  et 
sortir  de  la  question.  Au  fond,  il  n'est  pas  plus  permis  d'harmo- 
niser une  mélodie  populaire,  que  de  corriger  les  assonances 
dans  une  chanson  et  de  les  remplacer  par  des  rimes  riches. 

1.  On  croirait  qu'il  n'y  a  là  parfois  ni  majeur  ni  mineur  déterminés,  ou  que 
ce  n'est  pas  dans  un  ton  plutôt  que  dans  un  autre  ;  on  finit  sur  la  dominante 
aussi  bien  que  sur  la  tonique.  (Plan  d'Ampère  ;  principes  exposés  par 
M.  Vincent,  pour  reconnaitre  une  chanson  populaire).  —  11  n'y  a  pas  de  mesure 
rigoureuse  et  l'on  dirait  souvent  du  plain-chant.  (Pour  les  rapports  entre  le 
plain-chant  et  les  mélodies  populaires,  lireuu  excellent  Mémoire  sur  quelques 
ûirs  nalionauT  qui  sont  dans  la  tonalilé  grégorienne,  par  D.  Beaulieu  ;  Niort, 
in-8,  vers  1858). 

2.  D'un  autre  côté,  demander  compte  aux  auteurs  de  l'usage  qu'ils  ont  fait 
d'uue  mélodie  populaire  ou  chercher  à  la  leur  reprendre,  ce  serait  nier  l'artiste 
et  méconnaître  en  même  temps  ces  mélodies.  Le  musicien  s'est  emparé  d'une 
hallade  ancienne  ou  d'une  complainte,  biens  du  domaine  commun  ;  il  a  varié 


NOTES    DE    VOYAGE  25 

L'harmonisation  n'offre  même  pas  l'excuse  d'êlre  un  mal  néces- 
saire. Le  musicien  tâchera  vainement  de  conserver  à  une  mélo- 
die son  caractère  tonal  ou  rythmique;  elle  n'en  sera  pas  moins 
contrainte  de  s'assujettir  à  une  mesure  convenue  et  de  rompre 
souvent  avec  sa  cadence  naturelle.  L'harmonie,  dans  les  con- 
ditions qui  lui  sont  faites  par  l'art  moderne,  ne  saurait  que 
défigurer  une  chanson  populaire  :  elle  couvre  de  fleurs  une 
victime,  avant  de  l'étendre  sur  un  lit  de  Procuste  \ 

Un  instrument  s'accorderait  peut-être  avec  ces  mélodie^, 
l'instrument  national  du  pays,  toutes  les  fois  qu'on  aurait 
sous  la  main  cet  accessoire  de  couleur  locale.  Les  Gallois 
chantent  avec  la  harpe.  Mais  les  Gallois  ont  le  pas  sur  les 
autres  peuples  d'Europe  pour  l'antiquité  de  leur  musique 
populaire  —  et  ces  deux  derniers  mots  ne  hurlent  pas  d'être  ici 
accouplés.  — Dès  le  xu""  siècle,  les  Cambriens  étaient  des  maîtres 
d'harmonie  ;  leur  chanson  la  plus  populaire  n'était  autre  chose 
qu'un  choral;  de  bonne  heure  ils  avaient  perdu  l'habitude  de 
chanter  à  rnnisson  :  à  ce  point  qu'on  est  à  se  demander, 
malg-ré  les  témoiçnag-es,  si  telle  ou  telle  de  leurs  symphonies 
n'est  pas  un  choral  de  la  Réforme,  plutôt  qu'un  chant  kym- 
rique.  Quand  Hœndel  eut  abordé  en  Angleterre,  il  se  vit  dans 
une  contrée  prête  depuis  six  cents  ans  à  l'écouter.  Mais  la 
musique  des  Gallois,  savante  et  compliquée,  n'a  que  des  rela- 
tions apparentes  avec  celle  des  Bretons.  Quel  accompagnement 
ajouterait  ou  plutôt  ne  nuirait  pas  au  charme  de  ces  simples 
chansons,  rudes  ou  suaves,  farouches  ou  tendres,  traînantes 
ou  vives,  mais  dolentes  jusque  dans  la  joie,  parce  que  toute 
joie  humaine  est  courte  et  suivie  de  larmes? 
J'aime  mieux  ma  mie.  . . 

comme  il  l'a  compris,  changé  d'un  mode  à  un  autre  et  transfiguré  un  vieil  air 
oublié  ou  inconnu.  C'est  ainsi  que  Liszt  s'est  souvenu  de  la  mélopée  religieuse 
de  rin  exitu,  en  son  oratorio  de  Chrislus.  Que  de  fois  n'ai-je  pas  entendu 
mon  ami  M.  de  Braver  soutenir  que  Wagner  a  fondé  presque  toute  sa  mu- 
sique dramatique  sur  des  données  populaires  ! 

Un  excellent  parti  qu'on  a  su  tirer  des  chants  bretons,  c'est  dans  la  cantate 
des  Deux  Bretagnes,  une  composition  de  M.  Thielemans,  sur  des  paroles  de 
MM.  Sigismond  Ropartz  et  Le  Jean. 

1.  La  question  de  principe  mise  de  côté,  le  gwerz  est  encore  moins  acces- 
cihle  que  le  sonn  aux  accompagnements. 


26  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 


La  Bretag-ne  armoricaine  fut  à  juste  titre  surnommée  la 
«  tarre  des  saints  »,  ainsi  que  la  Bretagne  insulaire  et  l'Irlande. 
Elle  est  pleine  de  sanctuaires  et  d'oratoires  consacrés  sous  des 
vocables  pour  ainsi  dire  indig-ènes,  ou  celtiques.  La  plupart 
de  ces  noms  remontent  à  l'époque  où  les  Irlandais  et  surtout 
les  Bretons,  chassés  par  les  Saxons,  les  Angles  et  d'autres  en- 
vahisseurs, émig-rèrent  en  Armorique,  du  v"  au  vu*  siècle.  Les 
personnages  de  ce  temps-là  qui  nous  ont  été  transmis  par  la 
tradition  populaire  et  ceux  de  l'histoire  écrite  ont  presque  tous 
été  béatiP  Ss  :  les  origines  de  la  Bretagne  actuelle,seraient  donc 
dans  l'hagiographie,  et  les  monuments  élevés  aux  fondateurs 
de  la  nationalité  pourraient  en  être  les  documents  les  moins 
réfutables.  C'est  autour  des  chapelles,  le  jour  du  pardon,  qu'il 
faut  écouter  les  cantilènes,  l'histoire  des  saints  d'après  la 
tradition.  Il  n'est  pas  un  de  ces  pieux  personnages  qui  n'ait  été 
célébré  dans  un  gioerz  religieux,  naïf  récit  que  les  gens  du 
peuple  commencent  à  oublier,  il  est  vrai,  depuis  qu'on  leur  ap- 
prend à  lire  dans  la  Vie  des  Saints.  Parcourez  un  bourg  et  inter- 
rogez dix  habitants  sur  le  patron  de  la  paroisse,  vous  obtiendrez 
dix  fois  la  même  narration.  Entrez  dans  n'importe  quelle 
ferme,  vous  y  trouverez  une  publication  en  breton,  dans 
laquelle  le  penn-ti,  ou  bien  l'enfant  qui  va  à  l'école,  fait  chaque 
soir  une  lecture  édifiante;  quelquefois  on  possédera  même  un 
ancien  «  propre  du  diocèse  »,  du  temps  des  neuf  évêchés  de 
Bretagne;  peut-être  aura-t-on  en  outre  le  cantique  du  patron 
de  la  paroisse  :  mais  voilà  tout  ce  qu'on  sait  et  tout  ce  qu'on 
dit.  En  demander  davantage,  c'est  frapper  à  des  portes  fer- 
mées; vouloir  qu'on  en  débite  plus  que  les  livres,  c'est  inviter 
presque  à  sortir  de  la  doctrine;  votre  curiosité  passera  au 
moins  pour  puérile,  et  vite  à  bout  de  patience  sur  un  tel  sujet 
on  vous  répliquera  :  «  Nous  n'inventons  pas;  tout  cela 
est  écrit,  et  si  vous  savez  lire...  »  Oui,  et  c'est  précisément 
parce  que  cette  légende  est  consignée  dans  Baez  ar  Sent, 
qu'elle  n'est  plus  sujette  aux  variations  de  la  tradition  orale; 
maintenant  c'est    parole    d'Évangile.   Autant    s'en    tenir   à 


NOTES    DE    VOYAGK  27 

PiorreLegrand  de  Morlaix,  à  de  Garaby  ou  aux  Bollandisles. 

Cependant,  lorsqu'on  rencontre  le  culte  d'un  même  saint, 
établi  à  des  endroits  différents,  on  reconnaît  que  la  légende 
n'est  pas  restée,  en  tous  ces  lieux  vénérés,  exactement  la 
même  :  une  anecdote  locale  s'est  ajoutée  ici,  a  disparu  là-bas, 
est  ignorée  ailleurs,  suivant  que  le  sens  en  a  été  saisissable  ou 
s'est  défiguré  pour  les  fidèles;  jusqu'au  vocable  qui  n'est  pas 
uniformément  maintenu  :  saint  Yves  de  la  Vérité  n'a  existé 
qu'à  Trédarzec,  et  sa  chapelle  servait  de  rendez-vous  pour 
jeter  les  sorts  aux  mauvais  payeurs,  aux  parjures  et  aux  faux 
témoins.  Et  c'est  pourtant  ce  saint  Yves,  qui  est  si  célèbre 
même  en  dehors  de  la  Bretagne  ;  il  naquit  aux  environs  de 
Tréguier,  et  c'est  àTréguier  qu'on  est  le  plus  dévot  à  sa  fête; 
voici  un  trait  de  sa  vie  toutefois  qui  est  inconnu  des  Tré- 
corrois.  Un  jour  que  ce  «  patron  des  pauvres  »  passait  par 
Yvias,  il  s'interposa  devant  une  action  inique  et  une  brutalité 
que  les  habitants  allaient  commettre.  Mais  sa  bienfaisance 
ne  fut  pas  agréée  ;  la  fureur  populaire  seulement  changea 
d'objet  et  se  tourna  contre  lui-même;  il  fut  pourchassé  et 
faillit  être  lapidé;  une  pierre  l'ayant  atteint  à  la  tête,  le  saint 
se  retourna  vers  ces  forcenés,  les  maudit  et  condamna, 
dans  ce  pays,  le  premier  né  de  chaque  famille  à  porter  une 
corne  au  front.  Il  paraît  que,  jusqu'à  l'avant-dernière  géné- 
ration, les  enfants  d'Yvias  avaient  encore  cette  bosse  de  la 
malédiction. 

Et  cet  Yves  Héloiiri  n'est  qu'un  moderne,  relativement  à 
ces  émigrés  qui  ont  donné  leur  nom  à  la  Bretagne.  Il  y  a 
treize  ou  quatorze  cents  ans  qu'ils  ont  vécu  ;  leur  souvenir 
a  laissé  naturellement  des  traces  moins  précises  et  des  images 
plus  flottantes  que  ce  recteur  de  Louannec,  prêtre  et  avocat, 
dont  les  moindres  actes  de  béatification  sont  dûment  publiés. 
Moines  ou  ermites,  il  y  en  a  même  dont  on  dirait  qu'ils  sont 
venus  de  si  loin,  qu'on  ne  sait  plus  même  leur  nom  ;  on  en  est 
réduit  à  deviher  et  à  rétablir  quelque  chose  de  leur  person- 
nalité à  l'aide  de  leur  seule  attitude.  Ainsi,  dans  l'église  de 
PleybôUj  Ce  pèlerin  qui  tient  d'une  main  son  bâton  et  qui 
porte  dans  l'autre  main  un  nid,  où  une  colombe  est  en  train 


28  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

de  couver  ;  on  raconte  qu'il  s'était  endormi,  la  main  ouverte, 
et  que  l'oiseau,  cherchant  où  déposer  ses  œufs,   trouva  ce 
endroit  bon  :  à  son  réveil,  le  pèlerin  ne  voulut  pas  déranger 
la  colombe,   et  il  attendit,  pour  continuer  sa  route,  que  les 
petits  fussent  éclos  *. 

Entre  Pontivy  et  Cléguérec  est  une  chapelle  de  S.  Moëlan; 
elle  n'a  plus  àe  pardon,  et  le  saint,  duquel  on  a  perdu  les  dé- 
volions, a  totalement  disparu  de  la  tradition  orale. 

Une  légende  se  complète àl'aidedeces  particularités etde  ces 
diversités.  Saint  Trémeur  est  le  patron  de  l'église  paroissiale,  à 
Carhaix  ;j'ai  recueilli  là  surle  fils  de  Comor  et  de  sainte  Tréfine 
des  détails  qu'on  ignore  à  Langoat,  où  une  sim'ple  chapelle  a 
été  dédiée  au  jeune  martyr.  Un  on-dit,  dans  le  courant  de  la 
conversation  la  plus  banale,  est  quelquefois  la  formule  d'une 
croyance  et  un  acte  de  foi.  «  Evel  kiez  aant  Hervé  »,  est  une 
fagon  de  désigner  un  mort-de-faim,  «  comme  la  chienne  de 
saint  Hervé  »  ;  peut-être  faut-il  entendre  «  le  loup  »  qui  dévora 
cette  chienne  et  qui  fut  condamné^  par  suite,  à  servir  de  guide 
à  l'aveugle  de  Ménez-Bré  '. 


1.  Montalembert  et  M.  Renan  attribuent  une  action  tout  à  fait  analogue  à 
saint  Keivin. 

2.  Autour  de  la  forêt  de  Coat-an-Noz  circule  la  légende  de  saint  Envel,  qui 
protège  les  troupeaux  contre  les  loup?,  les  blés  contre  les  oiseaux.  Sa  sœur 
Juna  s'était  retirée,  en  même  temps  que  lui,  dans  le  même  désert  ;  elle  allait 
quelquefois,  comme  Hénora  auprès  d'Efflam,  consulter  son  frère,  sur  les  bords 
du  Gwic  ;  on  montre  un  passage  où  cette  rivière  forme  un  torrent  qui  s'écoule 
sans  bruit  depuis  le  jour,  dit-on,  où  Envel,  empêché  par  les  eaux  d'entendre 
sa  sœur,  leur  commanda  de  se  taire. 

Un  cheval,  qui  l'aidait  à  labourer  son  champ,  avait  été  volé  par  un  brigand  ; 
parce  que  saint  Envel  était  compatissant  pour  les  bêtes,  sans  aucun  doute, 
un  cerf  et  une  biche  vinrent  d'eux-mêmes  s'atteler  à  sa  charrue  ;  plus  tard, 
un  loup  dut  prendre  la  place  de  la  biche,  qu'il  avait  dévorée. 

Sur  saint  Mandez  et  sur  saint  Coneri  je  prévois,  qu'il  y  a  toute  une  moisson 
de  souvenirs  et  d'on-dit  à  ramasser.  Le  fondateur  de  Tréguier,  Tugdual,  se 
retrouve  «  dans  les  livres  »  à  peu  près  tout  entier.  Aucun  n'est  l'objet  de 
controverses  autant  que  Guénoié  :  tantôt  c'est  un  seul  et  même  personnage  ; 
tantôt  l'abbé  de  Landévennec  et  l'évêque  de  Quimper,  ami  et  conseiller  du 
roi  Gradlon,  sont  deux  grands  saints  ;  de  Garaby  en  cite  trois  de  ce  nom. 

La  tradition  s'est  exercée  en  variantes,  surtout  sur  Tréfine,  la  femme  de 
Comor  et  la  mère  de  saint  Trémeur.  Mon  intention  serait  de  consacrer,  quelque 
jour,  un  travail  spécial  à  cette  martyre,  qui  a  tant  inspiré  d'œuvres  littéraires» 


NOTES    DE    VOYAGE  29 

Que  dire  de  l'influence  particulière  d'un  bienheureux,  de 
la  guérison  de  certaines  maladies  *  placées  directement  sous 
sa  dépendance  ?  Entre  la  Roche-Derrien  et  Pommerit-Jaudy  il 
y  a  une  fontaine  de  saint  Adrien  dans  laquelle  on  plonge  la 
chemise  d'un  nouveau-né,  quand  on  veut  savoir  si  l'enfant 


à  la  suite  des  hagiographes  ;  dans  les  documents  que  jai  mis  en  réserve 
sont  le  mystère  de  «  sainte  Tryphine  et  le  roi  Arthur  »,  publié  par  M.  Luzel, 
et  même  la  pièce  de  M.  Leconte  de  Lisle,  «  le  jugement  de  Konior  »,  dans  «  les 
Poèmes  barbares  ». 

Une  des  plus  poétiques  légendes  de  la  Bretagne  armoricaine  est  celle  qu'on 
raconte,  tout  le  long  de  la  Manche,  de  Paimpol  à  RoscoÊf,  sur  Efflam  et  Hénora, 
les  deux  jeunes  époux  séparés  par  un  vœu.  Dans  la  poésie  du  Barzaz-Drciz 
«  sant  Efflam  hag  ar  Roue  Arzur  »,  c'est  le  fameux  roi  Arthur  qui  tue  le 
dragon;  je  n'ai  pas  entendu  chez  les  gens  du  peuple  mentionner  le  héros 
breton. 

Le  village  de  Vieux-Ieaudet,  (Koz-Ieodet),  oîi  Hénora  fut  rejetée  par  les 
flots,  à  une  lieue  de  Lannion,  aurait  été  une  ville  d'une  certaine  importance. 
Les  Romains  avaient  fondé  à  cet  endroit  uu  pngus,  que  les  érudits  du  pays 
s'obstinent  à  nommer  Lexobie  :  ce  fut  là,  prétend-on,  le  siège  d'un  évêché,  avant 
Tréguier  ;  le  pi-emier  évêque  en  aurait  été  Drennalus,  disciple  de  saint  Joseph 
d'Arimathie  ;  saint  Tugdual  fut  un  de  ses  successeurs.  Lexobie  eut  le  sort  de 
la  ville  d'is  et  fut  submergée. 

A  l'entrée  de  l'anse,  du  côté  de  Locquirec,  uu  banc  d'écueils  porte  le  nom  de 
Kigncr  ou  Keinger,  le  dos  ou  le  haut  de  la  ville  ;  en  face,  est  le  phare  de  Treoger 
(les  Triagos),  le  bas  de  la  ville.  Ces  lieux-dits  n'auraient-ils  pas  une  signi- 
fication ? 

Une  femme  de  Lannion,  Jeanne  Riolay,  qui  n'entend  pas  deux  mots  français 
de  suite,  m'a  raconté  que  la  ville  d'is  était  à  leaudet.  Une  fois  que  le  Juif-Errant 
faisait  sa  tournée  en  Bretagne,  il  rencontra,  sur  la  route  de  Koz-Guâodet,  un 
paysan  qui  se  rendait  au  marché  ;  le  boudedeo  accosta  l'homme^  et  au  cours 
de  la  conversation,  qui  avait  été  vite  liée,  ils  arrivèrent  au  milieu  d'une  grande 
foire,  où  le  paysan  vit  des  merveilles.  L'heure  vint  à  sonner,  et  le  boudedeo 
disparut  soudain,  tandis  que  l'autre  brave  homme  considérait  les  marchandises 
et  le  marché.  Sept  ans  après,  repassa  le  Juif-Errant,  et  il  revit  le  paysan  où 
il  lavait  quitté:  «  Te  voilà  toujours  à  la  même  place?  demanda  le  baudedeo. 
Sais-tu  qu'il  y  a  sept  ans  que  je  t'ai  laissé  là?  —  Alors,  repartit  l'autre,  on 
doit  être  chez  moi  bien  inquiet.  »  Le  charme  cessa  tout  à  coup  ;  et  ils  se 
retrouvèrent  sur  le  chemin  de  Koz-Guéodet,  revenant  de  la  ville  d'is.  Elle  est 
resiée  depuis  sous  les  flots,  parce  que  le  visiteur,  muet  d'étonnement,  n'avait 
pas  eu  la  pensée  d'en  interroger  les  habitants  et  de  rompre  le  charme  en  fai- 
sant retentir  dans  ce  lieu  enchanté  une  voix  humaine,  pendant  l'absence  du 
fatidique  Juif-Errant. 

1.  «  Arouez  ar  Sant  »  est  la  locution  courante  pour  exprimer  ce  «  mal  du 
saint  »,  qu'on  détermine  par  un  nom  propre  ;  par  exemple  :  Arouez  Klerin, 
c'est  la  dénomination  du  mal  qui  porte  comme  la  marque  de  saint  Clérin  et 
dont  celui-ci  a  le    pouvoir   spécial    de  remettre.   Le  mot  arouez    est    d'un 


30  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

vivra.  Saint  Adrien,  qui  n'est  pas  un  Breton,  n'aurait-il  pas 
emprunté  ce  don  de  présage  et  celle  vertu  sur  les  sorts  à  quel- 
que saint  indigène,  afin  d'obtenir  pour  lui-même  le  droit 
de  nationalité  en  Bretagne  ?  Saint  Corneli  est  devenu,  grâce 
à  une  consonnance  dans  les  mots,  le  protecteur  des  bêtes  à 
cornes  ;  cela  n'empêche  pas  que  la  même  puissance  ne  soit 
reconnue  à  saint  Herbaud.  Pourquoi  la  compassion  des  bien- 
heureux, après  tout,  aurait-elle  des  limites?  Aucun  ne  refuse 
son  intercession  aux  suppliants.  Quant  aune  rivalité  entre  ces 
personnages  célestes,  il  n'en  est  jamais  question  ;  elle  exista 
toutefois,  un  temps  fut  ;  mais  c'étaient  les  hommes  eux- 
mêmes  qui  l'avaient  établie,  et  encore  le  patriotisme  était-il 
en  cause.  Lorsque  les  Bretons  abordèrent  en  Armorique,  ils  y 
trouvèrent  des  chapelles  déjà  bâties,  le  christianisme  ayant 
par  endroits  pénétré  dans  le  pays  ;  rarement  ces  sanctuaires 
sont  devenus  les  centres  de  la  colonisation  nouvelle  ;  et  toutes 
les  fois  qu'il  y  avait,  sur  un  territoire,  une  de  ces  chapelles, 
sous  un  vocable  gallo-romain,  l'église  de  la  paroisse  qui 
s'élevait  ensuite,  était  consacrée  à  un  saint  de  nationalité 
bretonne. 

Sur  la  grève  de  Ploumanac'hestun  oratoire  de  saint  Kirek. 
Comment  les  amoureux  en  sont-ils  venus  à  piquer  des  épingles 
dans  la  statue  en  bois,  à  l'effet  de  constater  leur  fidélité 
réciproque  ? 

On  comprend  mieux  que  l'aveugle  saint  Hervé  soit  imploré 
pour  tous  maux  de  tête. 

Autour  du  tombeau  de  la  veuve  sainte  Pompée,  à  Langoat, 
sont  conduits  les  enfants  qui  sont  en  âge  de  marcher  et  que 
leurs  jambes  frêles  refusent  encore  de  soutenir  ;  le  tour  de  la 
tombe  achevé,  l'agilité  a  gagné  leurs  petits  membres.  Sainte 
Pompée,  la  patronne  de  Langoat,  avait  son gfi'erz,  iln'y  a  que 

sens  assez  complexe  ;  il  a  valu  plus  d'une  erreur  d'interprétation  aux  breton- 
nants  qui  écrivent  ;  dans  les  livres  on  le  trouve  traduit  par  drapeau,  bannière. 
Mais  le  peuple  n'admet  guère  ou  ne  saisit  plus  celte  acception.  Avouez  se 
traduirait  par  enseignes  (dans  l'expression  à  telles  enseignes)  ou  marque  ; 
la  signification  indiquée  tout  à  l'heure,  à  propos  de  avouez  Klevin,  serait 
une  des  plus  exactes.  Le  participe  avouezet  s'applique  à  quiconque  se  seul 
atteint  des  fièvres,  ou  éprouve  les  symptômes  d'une  maladie. 


NOTES    DE   VOYAGE  31 

peu  d'années  encore  ;  une  femme  très  avancée  en  âg^e  est, 
paraît-il,  la  seulequi  ail  conservé  ce  gwerz  dans  sa  mémoire  : 
elle  avait  l'habitude  autrefois  de  le  chanter,  comme  un 
cantique  de  pélerinag-e,  en  parcourant  le  bourg,  de  temps  à 
autre  ;  on  ne  la  revoit  plus  dans  le  pays,  et  personne  ne 
connaît  ou  le  nom  ou  la  demeure  de  cette  vieille  men- 
diante. 

D'ailleurs,  ils  se  font  vieux  et  ils  deviennent  rares,  ceux 
qui  connaissent  aujourd'hui  les  gwerz  religieux,  et  ces  can- 
tilènes  historiques  achèvent  leur  temps.  Elles  auront  eu  le 
même  sort  que  les  mystères  du  moyen  âge  :  après  avoir  servi 
à  l'édification  des  fidèles,  ces  pieuses  «proses  du  jour»  ont  été 
chassées  de  l'église,  et  elles  sont  restées  finalement  sur  la 
place  publique.  Et  encore  un  peu  de  temps,  on  ne  les  entendra 
plus,  autour  des  chapelles  consacrées,  à  l'occasion  du  pardon 
annuel.  Ce  sera  le  tour  des  cantiques.  On  chantera  une  sorte 
di' hymne  qu'un  kloarek^  ou  le  vicaire  de  la  paroisse,  aura 
composé  d'après  la  Vie  des  Saints  :  la  louange  du  bienheu- 
reux, mêlée  d'invocations  et  de  conseils  pour  les  suppliants 
qui  sont  accourus  à  la  fête  patronale.  Il  ne  faudra  pas  trop 
chercher  la  poésie  dans  ces  proses  nouvelles.  Un  des  plus 
ébruités,  entre  ces  cantiques  modernes,  a  été  fait  en  l'honneur 
de  saint  Yves  :  avouons  que  le  célèbre  «avocat  de  la  veuve  et 
de  l'orphelin  »,  né  aux  portes  de  Tréguier,  aura  vainement 
attendu  six  siècles  le  digne  chantre  auquel  il  a  tant  de  droits 
dans  son  pays  natal. 

"Voici  une  strophe  ou  deux  du  guerzen  (le  mot  ancien  a 
persisté)  en  l'honneur  de  sainte  Tréfine,  entendu  à  Cléguérec, 
dans  le  Morbihan  : 


Eid  Gomor  he  fried  cruel 
Trifine  quen  douç  avel  un  oen 
De  bedein  Doue  e  oe  fidel  : 
Ei-ce  pedet  e  creis  hou  poen. 

Treraeur  dehi  p'en  de  gannet, 
Arlerh  en  trebilleu  brassan, 


32  CHANSONS    ET    DANSES   DES    BRETONS 

A  vihanniq  e  zo  desquet, 

De  garein  Doue  hag  en  nessan. 


El-ce  mameu,  d'hou  pugale. 


Pour  Comor.  son  mari  cruel.  —  Trifine  aussi  douce  qu'un  agneau 

—  à  prier  Dieu  était  fidèle  :  —  ainsi  priez  au  milieu  de  voire  peine. 

Quand  Trémeur  lui  est  né,  —  à  la  suite  des  troubles  les  plus  grands, 

—  tout  jeune  il  est  instruit  —  à  aimer  Dieu  et  le  prochain. 

De  cette  façon,  mères,  à  vos  enfants  —  enseignez.... 

A  l'égard  de  Illut,  le  disciple  de  saint  Cadoc  et  le  maître,  à 
son  tour,  de  Tugdual  et  de  Gildas,  l'imagination  s'est  encore 
moins  mise  en  frais  ;  le  cantique  est  exactement  la  traduction 
en  vers  de  la  vie  du  saint  qu'on  lit  à  l'église  paroissiale  ou 
dans  la  chapelle  particulière,  aux  prières  du  soir,  la  veille  et 
le  jour  du.  pardoîi. 

Dans  tout  ce  chapitre  la  poésie  seule  est  en  vue  ;  la  dévotion 
reste  hors  de  cause.  Il  est  permis  de  constater,  sans  se  départir 
de  celte  discrétion^  que  la  piété  du  peuple  est  durable  et  belle 
en  raison  de  sa  naïveté.  La  légende  ne  devient-elle  pas,  en 
fin  de  compte,  un  symbolisme  ?  Celles  qui  meurent,  emportent 
donc  avec  elles  autant  de  la  foi  que  de  la  poésie  populaire. 

Quant  aux  mélodies  d'église,  beaucoup  sont  des  airs  «  fran- 
çais »,  adaptés  à  des  paroles  bretonnes  '.  Quelques-unes  ont 

1.  11  n'y  a  pas  que  ces  «  airs  d'église  »  qui  soient  sujets  à  caution.  Quand 
on  se  rencontre  dans  un  pays  où  le  peuple  seul  a  gardé  l'idiome  des  ancêtres, 
on  est  porté  de  prime  abord  à  considérer  comme  original  tout  ce  qui  sort 
du  peuple.  Toute  mélodie,  sur  une  chanson  locale,  passe  pour  indigène. 
Comme  une  grosse  erreur,  par  suite,  est  vite  commise  ! 

M.  Bourgault-Ducoudray,  signalant  le  vers  à  treize  syllabes,  fréquent  dans 
les  chansons  bretonnes,  remarque  que  la  mesure  à  sept  temps  correspond  à 
ce  mètre  poétique,  «  si  l'on  compte  pour  la  respiration  un  silence  ayant  la 
durée  d'une  syllabe  »  —  un  demi-temps  —  (page  14,  introduction  déjà  men- 
tionnée.) Il  cite  un  exemple  ;  la  chanson  qu'il  choisit,  a  été  composée  sur  un 
événement  qui  se  passa  en  1843. 

X  Nag  er  blavez  mil  eiz  kant  ha  tri  ha  daou-ugent.  » 
Qu'importe  la  chanson  !  Mais  il  n'a  pas  eu  la  main  heureuse  pour  la  mélo- 
die. C'est  l'air  d'une  complainte  française,  comme  en  Bourgogne  et  ailleurs 
autant  qu'en  Bretagne  et  bien  antérieure  au  gwerz  breton.  Cette  complainte. 


NOTES    DE    VOYAGE  33 

été  empruntées  aux  sonn  ou  aux  gwerz  profanes  :  ce  sont  les 
plus  belles.  La  plupart  datent  (probablement)  du  xvn®  siècle, 
de  cette  époque  où  les  missionnaires  bretons  et  les  prédica- 
teurs étaient  eux-mêmes  des  bardes,  entonnant  les  kantikou 
de  leur  composition  devant  l'assemblée  des  fidèles,  avant  de 
monter  en  chaire.  Le  P.  Maunoir  fut  le  plus  renommé  de  ces 
chanteurs  ecclésiastiques.  Ceux-ci  ne  sont  pas  à  confondre 
avec  le  kloarek  ;  ni  ce  séminariste,  qui  raconte  d'habitude  ses 
souvenirs  de  jeunesse,  avec  le  barde-mendiant;  ni  même  cet 
indigent  avec  le  tisserand,  le  tailleur  ou  le  meunier,  qui  sont 
devenus  les  véritables  maîtres  dans  la  poésie  orale  :  et  tous 
sont  bardes  pourtant,  mais  à  des  titres  différents. 

L'importance  des  chants  religieux,  en  Bretagne,  est 
considérable.  Malheureusement  les  gwerz  (sorte  de  vieilles 
proses  d'église)  qui  en  sont  au  point  de  disparaître,  ne  con- 
cernent pas  tous  le  pays  breton  ;  exemple  :  celui  de  sainte 
Thëcle(voy.  plus  loin.)  Leur  place  même  est  prise  par  les  can- 
tiques ailleurs  que  dans  les  lieux  saints.  A  la  veillée  des  fermes, 
après  un  conte,  vient  le  tour  du  sonn  de  piété  ;  dans  les 
champs  ou  sur  la  lande,  quand  le  paysan  se  retrouve  seul  avec 
la  nature,  c'est  souvent  un  chant  de  prière  qui  lui  monte  aux 
lèvres. 

Dans  ce  genre  de  poésie  se  révèle  un  des  caractères  de  la 
race  bretonne.  Tout  porte  encore,  en  Bretagne,  l'empreinte 
d'une  foi  religieuse.  Les  mégalithes  y  sont  encore  considérés, 

a  DamoQ    et    Henriette  »,    mon  père   et  ma    mère    l'oat  chaQtée  dans  leur 
enfance  ;  en  voici  le  premier  couplet  : 

Henriette  était  fille 
D'un  baron  de  renom, 
D'une  illustre  famille 
Etait  le  beau  Damon  ; 
Il  était  fait  au  tour, 
Elle  était  jeune  et  belle, 
Et  d'un  parfait  amour 
Ils  étaient  le  modèle. 

Étant   reconnu  que  la    rime  féminine  ne  reste  pas  muette  dans  la  mélodie, 
cela  donne  exactement,  entre   deux  vers  français  (féminin   et  masculin)    les 
treize  syllabes  du  vers  breton. 
Voilà  donc  une  expérience,  sinon  à  refaire,  du  moins  à  rectifier, 

3 


34  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

bien  qu'à  tort,  comme  un  symbole  du  druidisme  celtique;  les 
innombrables  calvaires  de  carrefours  sont  l'universel  témoi- 
gnage d'un  mystère  chrétien  ;  la  salutati  on  de  V Angélus  ou  le 
Dies  irœ  du  glas  ont  un  inoubliable  écho  par  les  collines  et  les 
vallées  d'Armorique.  Partout  où  un  monastère  a  été  le  ber- 
ceau d'une  ville,  on  retrouve  la  légende  d'un  saint; 
l'histoire  de  chaque  localité  serait  un  récit  de  dévotion,  aussi 
bien  que  l'histoire  du  pays  même  serait  une  longue  chanson 
de  gestes.  La  Bretagne  est  vouée  à  une  religion,  comme 
une  petite  fille  qui  vient  péniblement  dans  la  vie  est  vouée 
par  sa  mère  au  bleu  ou  au  blanc. 

Les  collections  de  cantiquefi  ne  manquent  pas.  Mais 
existera-t-il  jamais  un  recueil  convenable  des  vieux  gwerz 
pieux  des  Bretons? 

♦  ♦ 

Entre  les  mélodies  populaires,  il  faut  distinguer  celles  qui 
sont  accompagnées  de  paroles,  les  airs  de  chansons,  et  celles 
qui  ne  sont  soutenues  d'aucun  texte,  les  airs  de  danse. 

Les  gens  de  tout  pays  sont  portés  à  croire  qu'il  en  est 
de  leurs  renommées  locales  comme  des  gloires  universelles, 
et  que  le  souvenir  en  est  durable.  C'est  ainsi  qu'on  va  chercher 
les   sonneurs  de  Bretagne  à  Quimperlé  ^  C'était  le  pays  de 

1.  Quimperlé  a  été  le  lieu  de  Bretagne  où  la  littérature  locale  tenait  le 
plus  de  place.  M.  de  La  Villemarqué,  secondé  par  son  ami,  l'abbé  Henry,  mort 
récemment,  y  a  provoqué  la  rénovation  littéraire  que  l'on  connaît  ;  à  la  tête 
d'un  mouvement  scientifique,  dont  l'archéologie  fait  le  principal  objet,  était 
le  juge  de  paix,  M.  Audran  ;  la  librairie  Clairet  publiait  seule  autant  de  pro- 
ductions bretonnes  que  l'éditeur  Lédan;  de  Morlaix,  les  maisons  Le  Goffic  et 
Anger,  de  Lannion,  et  les  autres  ensemble.  Et  du  reste,  Quimperlé  est  sur- 
tout une  ville  bretonnante  ;  les  jours  de  marché,  c'est  le  rendez-vous  des 
costumes  les  plus  variés,  ainsi  que  Quimper,  et  le  point  de  contact  à  plusieurs 
dialectes  ;  entre  les  paysans  de  Guide!,  ceux  d'au-delà  d'Arzano  et  les  gens 
de  Bannalec,  il  y  règne  comme  une  confusion  des  langues  :  il  est  vrai  que 
le  moins  rusé  de  ces  campagnards  s'en  tire  mieux  que  ne  le  ferait  le  plus  fort 
linguiste.  Dans  les  environs  de  Quimperlé,  qui  sont  d'un  aspect  si  romantique, 
naquit  Brizeux  ;  là-bas,  tout  le  monde  chante.  Dans  un  restaurant,  près  de  la 
gare,  j'ai  recueilli  les  plus  gracieux  sonn  d'amour  que  j'aie  jamais  entendus. 
Guingamp  eut  aussi,  avec  Le  Jean,  un  barde  authentique,  MM.  Thielmans 
et  S.  Ropartz,  son  heure  de  vogue,  comme  Quimperlé.  Mais  cette  vogue  n'est 
qu'un  oiseau  de  passage;  et  il  est  à  craindre  que  nulle  influence  désormais 
n'arrive  à  le  fixer  en  un  lieu  quelconque  de  Bretagne. 


NOTES    DE    VOYAGE  35 

Mathurin  l'Aveiig-îe,  ce  ménétrier  dont  la  renommée  est 
parvenue  jusqu'à  Paris,  où  il  fut  appelé  pour  des  repré- 
sentations dramatiques.  Mais  la  bombarde  de  Mathurin  ne 
mène  plus  grand  bruit  chez  ses  compatriotes  ;  XamaitJ'e -sonneur 
n'a  pas  fait  école.  On  arrive  au  fond  de  la  Bretagne  breton- 
nante,  après  avoir  fait  route,  depuis  Guingamp  jusqu'à  Brest, 
et  de  Landerneau  à  Quimperlé,  en  suivant  la  ligne  des  che- 
mins de  fer,  et  l'on  a  entendu  le  biniou  une  fois  ou  deux,  à 
Quimper  surtout  ;  encore  les  ménétriers  qui  jouent  là  sous 
les  halles,  à  des  noces,  montrent-ils  leur  préférence  pour  des 
airs  modernes  ou  parfaitement,  étrangers  à  leur  instrument  : 
sur  les  quatre  morceaux  dont  se  compose  le  véritable  quadrille 
breton,  deux  ou  trois  sont  généralement  des  ritournelles  en 
honneur  dans  les  cafés-concerts. 

Pour  ceux  qui  prétendent  que  le  biniou  est  l'instrument 
national  des  Bas-Bretons,  il  y  aurait  eu  donc  un  recul  de  la 
musique  populaire  devant  la  civilisation  ;  et  celle-ci,  en  cou- 
pant de  ses  voies  ferrées  la  Basse-Bretagne,  de  Chatelaudren  à 
Brest,  de  Landerneau  à  Lorient  et  à  Pontivy,  ne  fait-elle  pas 
songer  à  ces  voies  romaines  qui  contribuèrent  tant  à  la 
conquête  de  la  Gaule? 

Cette  sorte  d'invasion  aura  produit  cet  effet  incontestable  : 
les  ménétriers  ont  été  refoulés  à  l'intérieur  des  terres  ;  les 
collines  et  les  bois  de  la  Cornouaille  sont  devenus  leur  refuge; 
le  mot  de  Tacite  sur  les  ancêtres  celtiques  de  Calédonie  leur 
serait,  à  leur  tour,  applicable;  «  in  penetralibus  siti.  »  C'est 
dans  l'antique  forêt  de  Brocéliande,  d'où  sont  sorties  les 
légendes  du  Cycle  d'Arthur,  qu'il  faudra  chercher  les  dernières 
traditions  de  la  Bretagne.  Les  ports  et  les  stations  balnéaires 
sont  encombrés  à' étrangers  ;  le  littoral,  étant  ce  qu'il  y  a  de  plus 
fertile  dans  la  presqu'île  armoricaine ,  a  été  de  bonne  heure 
envahi.  Il  est  constant  et  avéré  que,  dans  toute  occupation,  les 
conquérants  ont  rejeté  les  indigènes  vers  les  régions  pauvres 
et  déshéritées.  Ce  n'est  pas  la  Domnonée,  par  exemple,  qui 
recèlera  un  jour  ce  qui  sera  resté  des  Bretons  ;  les  landes  de 
XArgoat  seront  leur  dernier  asile.  Et  c'est  pour  cela  que  déjà 
l'on  n'a  plus  le  biniou  dans  les  quatre  coins  de  la  région. 


36  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Le  surnom  que  l'on  donne  en  certaines  contrées  aux  mené 
triers,   dit  bien  d'où  ils  viennent.  Lorsqu'ils  entrent  dans  un 
bourg,  la  veille  an  pardon,  en  sonnant  un  air  qui  les  annonce, 
les  enfants  d'accourir  et  de  s'écrier  : 

((  Potred  bro-ar-c'hoat\  —  (Yoici)  les  hommes  du  Pays-du- 
Bois!  »  D'autres  fois,  c'est  :  «  Potred Kernpw\  » 

En  Tréguier,  par  cette  locution,  hro-ar-c  hoat ,  on  désigne 
la  Cornouaille.  Quant  à  potred  Kernpw,  Kernewiz  (les  Cor- 
nouaillais),  cela  n'a  pas  besoin  de  commentaire. 

C'est  dans  la  Cornouaille  que  persisteront  le  plus  longtemps 
les  caractères  originels  de  la  race.  Oui,  la  ligne  du  chemin  de 
fer  semble  avoir  tracé  dans  la  région  une  séparation  ethno- 
graphique. Elle  a  coupé  en  deux,  vers  le  milieu,  l'ancien  évê- 
ché  de  Tréguier.  De  Louargat  et  de  Belle-Isle  on  ne  vient 
plus  au-delà  de  Bégard;  les  charbonniers  de  Coat-ann-Noz 
ont  avec  peine  entretenu  jusqu'à  présent  leurs  relations  avec 
les  habitants  de  la  côte  ;  et,  au  rebours,  de  la  «  presqu'île  »  (can- 
tons de  Paimpol  et  de  Tréguier)  ou  des  environs,  les  chiffon- 
niers nomades  de  La  Roche-Derrien  sont  restés  les  seuls  qui 
s'aventurent,  au  travers  de  la  voie  ferrée,  jusqu'au  jo«y5-</e6- 
bois. 

Les  Cornouaillais  passent  pour  des  gens  rudes  à  manier. 
Ils  ont,  plus  que  les  Léonards,  le  culte  de  la  force  brutale. 
On  leur  applique,  dans  la  langue  courante,  la  même  épilhète 
—  noue  —  qu'aux  sangliers  :  «  moc'h  goiie  (des  cochons  sau- 
vages) »;  —  «  potred Kernew,  tud  goue  (les  hommes  de  Cor- 
nouaille, gens  farouches).  »  Dans  l'argot  des  nomades  de  La 
Roche,  mond  da  Gerneo  (aller  en  Cornouaille),  c'est  :  aller 
en  pays  inconnu,  au  lointain,  d'où  Ton  ne  revient  plus;  ou 
c'est  encore  :  partir  pour  un  pays  où  l'on  ne  mange  plus  du 
pain  [e  tu  ail  da  vro  ar  bara). 

Entre  Louargat  et  Callac  un  pardon  ne  se  termine  pas 
sans  une  bataille  au  penn-baz.  Une  locution  très  usitée, 
sur  le  compte  des  Cornouaillais  :  «  Pa  ne  verd  d'ar  boso, 
vijenn  me  bet  lac'het,  —  sans  les  bosses  (les  nœuds  du 
bâton),  j'aurais  été  tué.  »  Il  y  a  quelque  naïveté  féroce 
dans  cet  aveu  :  «  Les  nœuds  seuls  ont  porté;  et  je  serais 


NOTES    DE   VOYAGE  37 

bien  mort,  si  le  baz  m'était  tombé  sur  le  corps  tout  du  long'.  » 
Et  cet  autre  on-dit  :  «  Stokomp,  m'  hon  breur,  —  touchons- 
nous  (les  coudes),  notre  frère.  »  C'est  une  manière  de  s'em- 
brasser, à  la  Cornouaillaise ,  en  se  bousculant,  après  une 
danse. 

L'âpreté  de  ces  mœurs  n'est  pas  sans  une  explication.  Les 
abords  d'un  pays,  que  les  émigrants  ou  les  envahisseurs  ont 
plus  souvent  piétiné  que  l'intérieur,  ont  gardé  des  souvenirs 
plus  divers  et  moins  fermes.  Ainsi,  en  venant  de  Tréguier, 
Louargat  est  comme  le  seuil  de  la  Cornouaille;  les  traditions 
qui  se  retrouvent  aux  alentours,  ont  toute  l'indécision  d'une 
limite  qu'on  n'a  jamais  cherché  à  rendre  fixe;  l'histoire  de 
cette  frontière  est  un  mélange  de  profane  et  de  sacré,  elle 
remonte  à  s.  Michel  ou  à  s.  Hervé,  pour  aboutir  aux  châteaux- 
forts  et  aux  lutins  du  moyen  âge.  Du  reste,  à  bi^jn  chercher, 
rien  du  passé  ne  s'efface  dans  les  consciences  populaires.  Mais 
à  deux  lieues  de  Louargat,  lorsqu'on  touche  à  la  forêt  de  Coat- 
ann-Noz,  il  est  impossible  de  ne  pas  éprouver  qu'on  pénètre 
dans  une  région  restée  à  travers  les  âges  aussi  inviolable  qu'un 
asile.  Et  c'est  dans  ce  seul  Pays-des-Bois  que  le  biniou  ne  chôme 
jamais. 

Pour  sonner  une  danse  bretonne,  deux  instruments  sont 
de  rigueur  :  le  biniou^  et  la  bombarde.  Dans  les  Côtes-du-Nord, 

1.  Le  penn-baz  tient  une  grande  place  dans  les  us  et  coutumes  de  Cor- 
nouaille. Ce  bâton  (6a;)  est  généralement  de  chêne.  L'une  des  extrémités 
[penn)  est  un  gros  nœud  ;  à  l'autre  bout  est  attachée  une  lanière  en  cuir.  Le 
penn-baz  est  à  double  effet  :  on  peut,  avec  un  attelage  ou  un  troupeau,  s'en 
servir  comme  d'un  fouet  ;  mais  c'est  un  redoutable  casse-tête  entre  les  mains 
d'un  paysan  breton.  Il  fut  un  temps,  d'après  les  chansons  populaires,  où  les 
vaillants  hommes  {tud  vad)  de  Cornouaille  n'auraient  recalé  devant  aucune 
épée,  lorsqu'ils  tenaient  leur  court  bâton  ;  le.  penn-baz  était  comme  leur  arme 
nationale.  —  Au  pardon  de  Saint-Servais,  les  jeunes  gens  de  toutes  les  parois- 
ses voisines  se  disputaient  l'honneur  de  soulever  la  grosse  bannière  à  la  proces- 
sion ;  durant  la  cérémonie  on  escortait  le  lourd  étendard,  le  baz  en  l'air,  et  à 
la  première  défaillance  du  porteur  on  se  ruait  pour  le  remplacer.  Les  choses 
se  passaient  rarement  sans  que  s'ensuivît  mort  d'homme.  Il  y  a  trente  ans 
à  peine  qu'on  a  pacifié,  manu  militari,  les  pardons  de  Saint-Servais. 

Sur  l'usage  du  penn-baz,  voy.  encore  le  Pardon  de  Saint-Émilion,  dans  les 
sonn. 

2.  D'après  M.  Luzel,  biniou  serait  dérivé  de  benviou  (outils).  Je  ne  vois  pas 
plus  de  raisons  pour  récuser  que  pour  admettre  cette  étymologie.  Le  mot 


38  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

vers  Pédernec,  l'habitude  est  d'ajouter  un  petit  tambour,  dont 
le  rôle  est  de  battre  le  temps  et  même  le  demi-temps,  d'ordi- 
naire sans  tous  les  roulements  ni  presque  rien  du  brio  dont  un 
musicien  serait  tenté  de  faire  parade.  Avec  le  biniou  l'exécu- 
tion ne  va  pas  aussi  simplement.  Il  y  a,  dit-on,  plusieurs 
façons  de  jouer  du  cor;  mais  au  seul  tayaute'  on  distingue  un 
sonneur  de  rencontre  d'un  bon  piqueur.  De  même,  un  vrai 
ménétrier  se  reconnaît  aux  petites  notes  dont  il  a  soin  d'ag-ré- 
menter  son  air  ad  libitum.  Aussi  la  même  mélodie  n'est-elle 
pas  nuancée  deux  fois  de  la  même  manière,  et  jouée  deux  fois 
de  suite,  avec  ces  appoggiatures,  ces  nuances  et  ces  varia- 
tions, c'est  comme  deux  airs  apparentés  ^ 


biniou  se  retrouve  dans  la  locution  aac'h  ar  bintoii;  «  ce  sac  au  biniou  »  sert  à 
enfermer  navaltes,  bobines  et  autres  ustensiles  de  tisserand  ou  de  fileuse. 

Bien  qu'il  soit  particulier  aux  Bretons,  le  biniou  ne  saurait  être  considéré 
comme  leur  instrument  de  musique  national.  On  le  retrouve  chez  d'autres 
peuples,  avec  des  modifications.  Sa  principale  originalité  consiste  dans  une 
outre  ou  bourdon,  que  le  sonneur  emplit  de  son  souffle  et  d'où  sort  une  note 
continue,  comme  une  base  d'accompagnement. 

Dans  une  étude  consciencieuse  {Orphéon,  avril  188")  sur  mon  deuxième 
«  Rapport  de  mission  »,  qui  contient  des  airs  de  danse,  M.  Hervé  exprime  le 
regret  que  je  n'indique  pas  l'armature  du  biniou  et  de  la  bombarde  :  si  je 
m'occupais  de  technique,  c'est  avec  un  vif  plaisir  que  je  céderais  à  ce  vœu. 
L'article  de  M.  Hervé  n'est  pas  moins  bienveillant,  du  reste,  que  la  brillante 
chronique  que  M.  de  Saint-Arromau  voulut  bieu,  dans  la  Presse,  consacrer  à 
mon  premier  compte-rendu  de  voyage,  paru  dans  les  Archives  des  Missions 
scientifirjues  et  iillcraires  (1883,  série  111,  t.  VIll.) 

1.  J'ai  mis  la  main  sur  un  ménétrier  de  mérite  ;  il  est  de  Rostreuen,  en 
Cornouaille,  bien  que  son  nom,  Louis  Gilbert,  ne  décèle  pas  une  origine 
incontestablement  bretonne.  Daus  un  précédent  voyage,  j'avais  eu  déjà  la 
bonne  fortune  de  rcucoutrer  un  bou  Jcomediancher,  Kérambrun  de  Pleu- 
daniel.  Mon  ménétrier  passe  pour  le  plus  habile  dans  cette  partie  de  la  Cor- 
nouaille, qui  s'étend  aux  Côtes-du-Nord ,  au  Morbihan  et  au  Finistère,  de 
Saint-Nicolas-du-Pélem  à  Guuarec  et  à  Carhaix;  Thoraval  tenait  le  haut  du 
pavé  avant  lui.  Le  biniou  pourtant  n'est  pas  son  gagne-pain  ;  le  vieux  Kéram- 
brun  non  plus  n'était  komediancher  et  barde  qu'à  ses  heures,  et  il  est  encore 
tisserand  de  sou  métier,  à  moins  que  son  graud  âge  n'en  ait  fait  un  <<  men- 
diant de  la  paroisse  »  ;  M.  Louis  Gilbert  est  instituteur  et  je  l'ai  trouvé  à 
Cavan.  C'est  une  opinion  générale  que  la  plupart  des  musiciens  ambulants 
«  ne  savent  pas  leurs  notes  «;  en  Bretagne  les  meilleurs  des  bardes-mendiants 
sont  des  illettrés  ;  même  cette  igiiorance-là  sert  quelquefois  de  recomman- 
dation auprès  du  public.  Mais  le  contraire  aussi  n'est  pas  impossible.  M.  Gil- 
bert avait  pris  quelques  notions  de  musique  au  collège;  d'ailleurs  il  y  poussa 
jusqu'au  bout  de    ses  humanités;  comme  il  avait  une  prédilection  pour  la 


NOTES    DE    VOYAGE  39 

Au  souffle  seul  et  sans  le  doigté,  le  biniou  produit  une  note 
uniforme,  un  re,  qui  sert  de  tonique;  l'air  est  généralement 
en  la  dominante  :  c'est  le  premier  ton  du  plain-chant.  Quel- 
quefois on  a  fa  dièse  et  même  ut  dièse.  Le  binioti  '  est  percé  de 
cinq  trous,  et  la  bombarde,  de  buit.  Une  cbose  curieuse,  c'est 
que  ces  deux  instruments  qui  sont  faits  pour  jouer  et  forcés 
de  vivre  ensemble,  ne  sont  pas  d'accord  du  tout;  ils  vont  à 
l'unisson,  mais  à  la  distance  à  peu  près  d'un  demi-ton;  l'un 
donnant  uty  l'autre  dit  si  naturel.  A  première  audition,  l'on 
est  évidemment  frappé  de  cette  dissonance.  Eh  bien!  si  l'on 
poursuit  l'exécution,  la  dislance  s'efface.  On  se  demande  si 
les  ménétriers  n'obtiennent  pas  ce  résultat ,  parce  qu'ils 
faussent  la  note  à  force  de  poumons;  le  re  fondamental  se  déga- 
geant, sous  un  pareil  effort ,  avec  un  volume  si  considérable 
de  son,  comme  la  note  d'un  bourdon,  il  est  probable  que  cette 
basse  monotone  enveloppe  de  sa  sonorité  ces  dissonances,  de 
manière  à  les  rendre  de  moins  en  moins  perceptibles  à  l'oreille. 
Du  reste,  les  .so?me?/r.v  alternent,  la  plupart  du  temps;  autre- 
ment, ils  n'y  résisteraient  pas  avec  le  mal  qu'ils  se  donnent, 
chaque  danse  élant  interminable,  et  les  reprises  sans  autre  loi 
ni  règle  que  l'entrain  de  la  foule.  Lorsque  le  musicien  n'en 
peut  plus,  il  arrête  court  par  une  note  aiguë  et  discordante. 
Le  quadrille  entier  dure  au  moins  trois  quarts  d'heure.  C'est 
ici  qu'il  vaut  bien  son  nom  (si  l'on  accepte  certaine  étymo- 
logie),  puisqu'il  ne  contient  que  quatre  figures  au  lieu  des 
cinq  dont  on  a  la  coutume  ailleurs.  Pourtant,  voire  en  Basse- 
Bretagne,  l'on  en  introduit  parfois  une  cinquième,  à  la  récla- 
mation générale,  et  l'on  joue    une   ronde  pour  finir.   Voici 

bombarde  et  le  biniou,  l'éducation  n'a  dû  que  développer  un  goût  et  un 
talent  d'avance  éveillés.  Toutes  les  fuis  que  l'enseiouement  lui  laisse  des 
loisirs  à  toutes  les  vacances,  il  retourne  au  pays  natal,  et  l'on  revoit,  suivant 
l'expression  locale,  «  le  loup  dans  ses  bois  ». 

Il  me  vient  à  l'esprit  que  cet  instituteur  conduisant  les  danses  de  ses  com- 
patriotes, dans  un  mariage,  à  une  aire-neuve,  manquerait  peut-être  de  déco- 
rum. Mais,  dans  toutes  nos  petites  villes,  le  directeur  de  l'école,  qui  est  aussi 
le  chef  de  la  musique  municipale,  en  fait  autant,  lorsqu'il  en  est  prié,  a  la  tête 
de  son  orchestre.  Et  il  faut  bien  songer  qu'on,  est  là-bas  en  Bretagne,  où  la 
conduite  opposée  semblerait  plutôt  un  contre-sens. 

1.  A  l'état  le  plus  simple  :  car  on  en  fait  qui  deviennent  compliqués. 


40  CHAÎJSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

l'ordre  en  usage  et  les  noms   de  ces  figures  pour  la  Cor- 
nouaille  der,  Côtes-du-Nord  et  le  voisinage  : 
1°  Ronde; 
2»  Bal; 

3°  Contredanse  ou  roîide; 
4°  Passe-pied. 

La  ronde  est  toujours  un  deux-quatre;  le  bal,  un  deux- 
quatre  ou  un  six-huit,  comme  la  dérobée  \  la  contredanse  et  le 
passe-pied,  un  deux-quatre,  ^i  toute  figure,  en  seize  mesures 
et  en  deux  motifs. 

Le  jabadao  et  la  gavotte  remplacent  la  ronde  et  le  bal  dans 
laCornouaille  quimpéroise. 

Entre  Guingamp  etLannion,  la  rferoôee  est  devenue  l'inter- 
mède obligé  des   bals  champêtres,  la  danse  de  caractère  qui 
succède  à    tout  quadrille.  Au  nom  seul,  on  devine  que  cette 
dérobée  n'est  pas  issue  de  Basse-Bretagne  ;  elle  est  venue  du 
pays  gallo.  Elle  n'a  rien  de  compliqué  ni  d'artistique,  n'exige 
guère  la  science  à^upas  et  de  la  mesure^  se  compose  bonne- 
ment d'un  mouvement  de  marche  et  d'un  balancé,  parfaite- 
tement  déterminés  par  la  mélodie  même;  ce  serait  comme  la 
farandole  Ab^  Bretons,  avec  quelque  chose  de  gracieux,  mais 
rien  qui  rappelle  \c  passc-piéd  ou\e  jabadao .  De  même  pour  l'air 
qui  convient  mieux  à  un  orchestre  quau  biniou,  et  qui  a  tout 
juste  autant  d'originalité  qu'une  chanson  gallaise  transportée 
en  Basse-Bretagne. 

Les  quatre  premières  mélodies,  notées  dans  ce  recueil,  sont 
dans  l'ordre  ou  le  ménétrier  les  jouerait.  Toutefois,  il  n'y 
a  pas,  à  proprement  parler,  de  quadrille  breton.  Chacun  de  ces- 
airs  n'est  pas  un  morceau  détaché  d'une  composition  mus  i 
cale,  il  est  indépendant  de  tout  autre;  chacun  est  une  mélodie 
à  part  qu'on  ajoute  à  d'autres,  dans  un  certain  ordre,  lors- 
qu'on est  réuni  sur  une  aire  (ivar  eut  leur)  dans  une  intention 
de  s'ébattre. 

Le  bal  et  la  ronde  l'emporteront  par  le  nombre;  c'est  la 
faute  aux  ménétriers,  dont  le  répertoire  était  peu  garni  de 
passe-pied.  Est-ce  une  preuve  que  le  temps  de  ceux-ci  sera 
bientôt  passé? 


NOTES    DE    VOYAGE  41 

L'art  comporte  des  genres  secondaires,  même  des  genres 
inférieurs  sur  lesquels  tombe  un  dédain  souvent  exagéré  : 
ainsi,  pour  citer  des  classiques,  les  Romains  avaient  relégué 
les  Atellanes  impitoyablement  hors  des  murs  ou  dans  les  fau- 
bourgs. La  chorégraphie  populaire  passe  sans  doute  aux 
mêmes  rangs,  et  l'on  encourrait  le  reproche  de  futilité  en 
n'évitant  pas  quelques  détails,  pourtant  si  pleins  d'intérêt  en 
pareille  matière.  Dans  certaines  Études  sur  la  Bretagne,  dont 
l'auteur  persiste  depuis  cinquante-cinq  ans  à  garder  l'anonyme, 
j'ai  souligné  une  formule  devenue  proverbiale  pour  exprimer 
l'irrésistible  tentation  dont  est  suivi  le  sonneur  :  «  C'est  que 
les  trépassés  se  lèveraient  pour  sauter  eux-mêmes,  s'il  allait  à 
minuitjouer  de  la  bombarde  dans  le  cimetière.  «  Simplement, 
cela  signifie  qu'il  existe  une  parfaite  convenance  entre  cette 
musique  et  ces  instruments,  entre  ces  musiciens  surtout  et  ce 
public  :  ce  dont  on  se  rend  compte,  dès  la  première  fois  qu'on 
a  vu  les  ménétriers  sur  leur  tonneau,  marquant  du  pied 
bruyamment  chaque  temps  de  la  mesure,  tout  le  corps  penché 
suivant  la  cadence  de  l'expression  qu'ils  savent  y  mettre,  gui- 
dant de  l'œil  les  ébats,  soufflant  un  continuel  allegro  vivace  à 
se  rompre  les  veines,  s'ils  ont  aperçu  quelqu'un  qui  «  mène  la 
ronde  à  la  guise  d'autrefois  »  On  n'est  pas  étonné  que  le 
passe-pied  ou  la  ronde  des  Bretons  aient  eu  le  même  renom 
que  le  menuet  sous  V ancien  régime  ^  lorsqu'on  en  a  constaté 
la  tradition  dans  quelques  coins  de  la  Cornouaille. 

On  trouvera  plus  loin  une  trentaine  d'airs  de  danse. 

Ce  sont  les  mélodies  les  plus  connues,  de  Saint-Nicolas-du- 
Pélem  à  Carhaix,  de  Cléguerec  à  Tréguier.  Quelques-unes 
sont  si  populaires  qu'elles  ont  un  nom  en  propre,  un  surnom 
plutôt,  acquis  par  la  vulgarisation,  le  bal  n°  12,  c'est  l'air 
fameux  de  «  Finistère  »  ;  dans  la  ronde  n"  S,  qui  ne  reconnaît 
la  chanson  à'Ann  hini  goz'l  Et  par  ces  trois  mots-là,  répandus 
comme  un  dicton,  tout  le  monde  hors  de  Bretagne  désigne  un 
bretonnant^.  Tel  air  est  plus  affectionné  en  certaine  région, 


1.  Ann  hini  go z,  sorte  de  chanson  nationale  des  Bretons,  se  dit  en  majeur 
et  en  mineur  :  j'ai  noté  l'air  de  danse,  comme  je  l'ai  entendu. 


42  CHANSONS  ET  DANSES  DKS  BRETONS 

sans  doute  parce  qu'il  en  est  natif  :  ainsi  la  ronde  n"  6,  sur- 
nommée «  la  TrécoiToise  »,  est  tout  à  fait  en  vogue  sur  les 
confins  du  Tréguier,  et  elle  ne  se  joue  guère  ni  à  Plounévez- 
Quintin  ni  à  Gouarec, 

Oui,  voilà  les  mélodies  les  plus  connues,  au  moins  dans 
une  partie  de  la  Cornouaille.  Il  y  a  bien  d'autres  airs,  qu'on 
entend  même  plus  souvent,  comme  ceux  des  ménétriers 
quimpérois*,  ou  ceux  encore  que  les  «  Sauveteurs  »  somiaient 
au  Châtelet  et  au  Trocadéro,  en  188J,  lorsqu'ils  sont  venus  à 
Paris  pour  leur  anniversaire.  Sans  parler  de  tous  ces 
«  quadrilles  bretons  » ,  tous  alors  avec  les  cinq  figures  devenues 
de  règle;  ni  des  «  fantaisies  »  de  musique  militaire.  L'Armo- 
ricain, de  Pucliot;  le  Retour  de  Pardon,  de  Léon  Chic,  etc.  : 
ce  sont  des  titres  qui  offrent  déjà  quelque  couleur  locale;  et 
au  courant  de  ces  compositions  on  retrouve  des  airs  populaires 
adaptés,  arrangés.  Insister  serait  inutile.  Si  .ces  musiciens 
professent  le  goût  et  l'amour  des  vieilles  mélodies,  pas  un 
n'a  observé  le  culte  d'une  tradition  nationale. 

Les  productions  de  cette  sorte  sont  répandues  à  flots  sur 
le  pays'.  Des  «  musiques  communales  »  vulgarisent,  à  leur 
manière,  les  airs  anciens.  Faut-il  l'avouer?  Ces  vieilles  mélo- 
dies, on  dirait  qu'elles  sont  moins  en  faveur  que  la  jolie 
«  fantaisie  »  tirée  d'elles  et  faite  de  leurs  débris.  C'est,  comme 
toujours  et  comme  partout,  l'influence  de  la  virtuosité  sur  le 
gros  public;  or,  s'ily  a  du  mauvais  goût  là-dedans,  les  maîtres 
de  musique  sont  les  premiers  à  le  développer;  et  s'il  s'agissait 
d'une  action  criminelle,  eux  ne  seraient  pas  des  complices, 
mais  les  coupables.  Il  arrive  que  le  ménétrier,  avant  de  tomber 
lui-même  en  discrédit,  est  devenu  dans  l'âme  un  virtuose  \ 
mieux  il  «  agrémente  »  un  air,  plus  il  passe  pour  savoir  son 
métier;  le  biniou  n'a  de  vertu  sur  une  foule  si  facile  à  ébranler, 


1.  Voy.  plus  haut,  p.  34  et  3o. 

2.  M.  Fichet,  instituteur  à  Ponamerit-Jaady,  m'a  confié  des  cahiers  et  des 
répertoires  qui  sont  pleins  de  ces  morceaux  de  réminiscence  ou  d'imitation. 

Mais  les  meilleurs  et  les  plus  sûrs  renseignements,  je  les  dois,  comme  mes 
premières  leçons,  à  M.  l'abbé  Mordellès,  de  Tréguier,  lui-même  un  composi- 
teur d'une  valeur  incontestable. 


NOTES    DE    VOYAGE  43 

qu'en  raison  de  \a.virtuosù(;  du  maitre-so7i7ieur .  Les  ménéiriers 
sentent  que  le  vent  tourne  ,  et  ils  vont  d'eux-mêmes  aux 
nouveautés,  avec  le  fol  espoir  do  sauver  un  art  qui  sera  déchu, 
par  un  fatal  retour,  du  jour  où  le  biniou  aura  désappris  lejaèa- 
dao  et  le  passe-pied  de  la  lande  natale. 

Le  peuple  ne  danse  pas  toujours  au  son  des  instruments. 
A  un  pardon,  pour  une  aire-tteuve ,  après  le  banquet  de  la 
moisson,  l'envie  peut  venir  de  sauter  uneronde  ou  une  gavotte, 
sans  qu'on  ait  pourtant  un  sonneur  sous  la  main  ;  mais  dans 
tout  ce  monde-là  quelqu'un  aura  bien  appris  à  «  siffler  dans  la 
feuille  de  lierre  »  entre  les  dents.  Si  l'on  n'a  pas  à  sa  disposi- 
tion même  l'emploi  de  cette  espèce  de  mirliton,  on  entonnera 
une  chanson,  un  sonn  sur  un  métier:  les  uns  chantent,  pen- 
dant que  les  autres  dansent;  ou  bien  l'on  fait  les  deux  à  la 
fois. 

Ce  rôle  de  la  chanson  dans  la  chorég^raphie  populaire  serait 
curieux  à  étudier.  Il  y  aurait  tant  d'exemples  à  produire, 
depuis  la  berceuse  jusqu'à  la  ronde  des  moissonneurs  ! 

La  nourrice  qui  fait  sauter  l'enfant  sur  ses  genoux,  l'en- 
dort avec  ce  refrain  : 

Pater  noster  dibi  doub 
'Man  ma  c'has  o  neza  stoup. 

Traduire  en  français  de  pareils  textes  est  quelquefois  impos- 
sible et  souvent  futile  :  ou  cela  ne  sig-nitie  rien  du  tout,  ou 
toutes  les  interprétations  se  valent,  dans  les  cas  difficiles; 
plus  c'est  populaire,  plus  le  sens  s'en  est  obscurci;  l'usage  a 
remanié  ces  choses-là  et  les  a  tellement  transformées,  que 
vouloir  en  tirer  une  idée  logique  et  suivie,  serait  exiger  de 
«  la  pierre  qui  roule,  qu'elle  amasse  de  la  mousse  ».  Dans  le 
premier  vers  du  distique  plus  haut  cité,  Pater  noster,  m'a-t-on 
affirmé,  aurait  été  substitué  à  une  formule  druidique.  Pour  ma 
part,  j'ai  vu  si  peu  de  traces  des  druides,  en  Bretagne,  que  je 
me  suis  décidé  à  ne  les  suivre  qu'en  toute  défiance.  —  «  Mon 
chat  est  à  filer  de  l'éloupe.  »  Voilà  le  second  vers.  (Voy,  plus 
Idin,  àUx  sotm.) 

Les  enfants  à   l'âge  des  salles  d'asile  ont  une  ronde,  sur 


44  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

l'air  du  Pater  dibi  boiidy  avec  une  cadence  un  peu  moins  traî- 
nante : 

Troïk  mezo 
Bara  lez 
'Nn  hini  gouezo 
Chai  e-mez  ; 

«  Petite  ronde  ivre  —  pain  au  lait  —  celui  qui  tombera  — 
ira  dehors.  » 

De  huit  à  dix  ans,  ce  sont,  sur  le  même  air  encore,  d'autres 
paroles  : 

Barzig  ha  barzig  a  Goneri, 

Ari  mab  ar  roue  gand  daou  pe  dri, 

Gand  eur  bagad  a  bichoned 

«  Petit  barde  et  petit  barde  de  Gonéri,  —  il  arrive^  le  fils  du 
roi  avec  deux  ou  trois,  —  avec  une  bande  de  pigeons...»  Quel 
que  soit  le  sens  de  «  Barzig  a  Goneri  »,  quelle  autre  allure 
et  quel  horizon  nouveau!  Troïk  mezo  était  une  série  de 
spondées  entremêlées  d'iambes  à  peine  accentués;  le  mouve- 
ment était  encore  andante.  Il  est  devenu  allegro  dans  Barzig 
ha  harzik\  et  maintenant,  à  peu  près  rien  que  l'iambe  ou  le  dac- 
tyle. Du  coup,  l'imagination  s'est  ouverte  au  merveilleux  : 
«  Le  fils  du  roi  vient  avec  ses  pigeons  rouges  et  blancs  et  vio- 
lets... »  La  chanson  et  l'air,  à  l'avenant  de  l'âge. 

Les  filles  de  quinze  ans  tournent  encore  en  rond.  Toujours 
la  ronde.  Il  y  a  dans  leur  sonn  un  prélude  significatif;  à  tra- 
vers une  insouciance  avec  peine  déguisée,  on  pressent  comme 
un  symptôme  des  prochaines  amours. 

Plac'hig  euz  ann  Douar-Newe...  — 

«  Jeune  fille  de  la  Terre-Neuve...  »  —  V 

Et  puis,  les  jeunes  gens,  avec  les  chants  de  guerre  ou  de 
table. 

Ajoutons  les  sonn  de  métiers,  certaines  chansons  satiriques, 
et  toute  chanson,  en  général,  composée  sur  un  air  qui  s'accom- 
mode à  la  saltalion. 

1.  Voy.  plus  loin,  aux  «  gvoevi  et  sonn.  » 


NOTES    DE   VOYAGE  45 

Enfin,  chaque  danse  elle-même  est  célébrée  dans  un  sonn 
particulier.  Il  est  à  peine  besoin  d'insinuer  que  les  vers  sont 
là  pour  le  rythme  seulement.  Un  simple  exemple,  un  couplet 
du  passe-pied  : 

«  Pas-a-pie  Kallak,  pas-a-pie  plen, 

'Nn  hini  raïo  'nn  e-han  renko  bean  den.  — 

«  he passe-pied  de  Callac,  le  passe-pied  simple  (à  la  bonne 
manière),  —  celui  qui  le  fera  (dansera),  devra  être  un  homme 
(sans  doute  habile  et  propre  à  tout).  » 

On  s'imagine  bien  que  le  passe-pied  de  Callac  ne  saurait 
barrer  le  renom  à  celui  de  Gouarec,  ou  à  tout  autre  :  de  là,  les 
couplets  qu'on  veut;  c'est  une  affaire  d'improvisation  et  d'op- 
portunité. 

Les  rapports  de  la  chorégraphie,  chez  le  peuple,  avec  les 
âges  différents,  sont  donc  faciles  à  saisir.  Ne  suffit-il  pas,  au 
surplus,  d'indiquer  cette  alliance  de  la  musique  avec  la 
poésie?  Cette  question  de  la  chorégraphie  populaire  vaudrait 
la  peine  qu'on  s'y  arrêtât  :  les  documents  ne  feront  pas  défaut 
à  qui  voudra  bien  la  traiter  d'une  façon  définitive. 

La  métrique  cependant,  quoi  qu'on  s'imagine,  n'en  est  pas 
au  point  de  prendre  la  place  des  lignes  topographiques  et 
d'offrir  une  base  de  délimitation  entre  les  dialectes  de  la 
Basse-Bretagne  (voy.  ci-dessus,  p.  19).  Ceux  qui  ont  mis  en 
avant  cette  opinion,  produisent  une  grosse  témérité.  Mais  ce 
n'en  est  pas  une ,  de  mentionner  Viambe  et  Y  anapeste,  par 
exemple,  au  sujet  des  rondes  enfantines.  La  musique  relève- 
rait le  démenti  contre  quiconque  récuserait  la  poétique, 
comme  dans  Troïk  mezo  et  dans  Barzig  ha  barzik.  Du  reste,  il 
en  va  toujours  ainsi,  dans  un  pays  de  chanteurs  et  de  bardes 
où  la  chanson  ne  vit  pas  sans  un  air,  où  l'air  est  né*  en  même 
temps  que  la  chanson  :  là,  le  mariage  du  rythme  et  de  la  mé- 
lodie est  chose  consacrée. 

Ce  qui  a  été  dit  sur  l'insignifiance  des  berceuses  (voy.  p.  15 
et  16),  s'applique  aussi  bien  aux  chansons  de  danse.  C'est  bien 
ici  que  «  l'air  fait  la  chanson  ». 

Je  ne  saurais  négliger  cette  occasion  de  revenir  sur  certaines 


46  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

doléances  et  de  déplorer  la  tolérance  excessive  de  notre 
poétique  particulière.  Vraiment,  il  y  a  trop  de  gens  qui  écrivent 
en  vers  bretons  —  mais  n'en  dit-on  pas  autant,  ailleurs  qu'en 
Bretag^ne?  —  sans  avoir  la  moindre  idée  de  l'harmonie  des 
syllabes  et  de  la  sonorité  des  mots  !  La  plus  simple  assonance 
suffit  à  ceux-là;  et  puis,  ils  alignent  leurs  syllabes  en  nombre 
réglementaire,  —  et  encore!  —  de  même  qu'un  cantonnier 
entasse  des  pierres  sous  le  boisseau,  et  ils  ne  se  sont  pas  une 
seule  fois  doutés  qu'une  âme  palpite  fatalement  dans  un  beau 

vers  \ 

* 

On  dit  que  le  dernier  des  aèdes  omit,  avant  de  mourir,  de 
briser  la  cithare  sur  laquelle  il  avait  chanté.  Ainsi  la  poésie 
lyrique,  en  Grèce,  survécut  aux  chanteurs  populaires.  Un 
poète  ne  se  serait  pas  présenté  dans  une  assemblée  du  peuple 
sans  apporter  l'instrument  dont  il  accompagnait  lui-même  ses 
propres  compositions. 

Il  y  a  beau  temps  que  les  bardes  de  Bretagne  ont  renoncé  à 
la  harpe  celtique*.  Par  contre,  ils   ne  s'expriment   pas  en 

1.  Jamais  la  plainte  que  j'exprime,  comme  toutes  celles  qui  ont  trait  à  la 
décadence  de  la  chose  purement  bretonne,  ne  fut  plus  fondée  qu'à  notre  épo- 
que. Par  un  contraste  frappant,  ce  sont  les  vieillards  qui  nient  cet  abaissement 
et  ces  pronostics  funèbres  ;  les  jeunes  gens  d'aujourd'hui  sont  d'un  enthou- 
siasme assez  platonique  pour  la  petite  patrie.  J'avais  tâché  de  décider  quel- 
ques-uns à  continuer  mes  recherches  en  mon  absence  ;  à  part  des  prêtres  et 
quelques  maîtres  d'école,  ils  ont  manqué  à  toutes  leurs  belles  promesses.  Un 
ancien  camarade  de  collège  que  j'avais  réussi  à  pousser  dans  la  bonne  voie, 
M.  H.  de  la  Monneraye,  m'est  resté  fidèle  longtemps.  Après  M.  Delafargue, 
c'est  lui  qui  m'a  rendu  les  meilleurs  services.  IJ  a  beaucoup  de  ce  qui  est  requis 
pour  notre  longue  et  patiente  besogne,  de  la  curiosité,  du  sens  critique  ;  il  a 
recueilli  aux  environs  de  Carhaix.  des  notes  et  des  proverbes,  dont  l'envoi  était 
parfois  accompagné  d'excellentes  paraphrases  ;  malheureusement  ,  je  crains 
que  l'iadifférence  générale  ne  l'ait  depuis  gagné  aussi.  Cependant  le  temps 
presse  ;  et  comme  l'on  dit  quand  il  est  à  l'orage,  si  la  moisson  n'est  pas  ramassée 
bientôt,  ce  sera  trop  tard.  L'âge  moderne  est  un  rude  niveleur,  il  sera  funeste 
aux  mœurs  locales;  lorsqu'il  aura  tiré  la  Bretagne  de  son  isolement,  l'origi- 
nalité de  la  région  résistera,  celle  de  la  race  aura  disparu  :  l'ethnographie  n'a 
plus  là  de  temps  à  perdre. 

2.  Ce  n'est  même  pas  certain  que  les  bardes  bretons  se  soient  jamais  servis 
eux-mêmes  de  la  telen,  comme  ceux  de  Galles.  Mais  avancer  que  le  peuple  ne 
comprend  pas  le  sens  de  telen  et  que  ce  mot  n'existe  plus  que  dans  le  titre  {Telen 


NOTES    DE   VOYAGE  47 

vers,  sans  recourir  au  chant  *.  La  distinction  était  bien  établie 
chez  les  Latins  entre  la  langue  de  la  prose  et  celle  des  vers  : 
dicere^  cancre \  le  barde  ne  parle  pas;  il  chante.  Et  c'est 
toujours  à  l'aide  d'une  mélopée  simple  ou  sur  quelque 
mélodie  bien  connue,  que  deux  rimeurs  s'accordent  à  faire 
parade  d'éloquence  devant  la  foule.  En  voici  une  preuve, 
dans  les  Demandes  de  mariage,  et  une  autre,  dans  la  Soupe- 
au-Lait. 

Les  deux  avocats  sont  en  présence  :  celui  de  la  jeune  fille, 
dans  la  maison  nuptiale  ou  sur  le  seuil  de  la  porte,  et  le 
demandeur  [bazvalan) ,  qui  se  présente  au  nom  du  jeune 
homme.  L'un  et  l'autre  sont  passés  maîtres  dans  l'art  de  bien 
dire  en  vers.  Le  plus  souvent,  ces  deux  improvisateurs  ont 
déjà  mesuré,  en  d'autres  occasions,  leurs  forces  respectives. 
Un  dialogue  rimé  s'établit  entre  les  deux  bardes.  A  peine 
exprimée  la  formule  de  salutations,  sur  un  ton  déclamatoire, 
la  dispute  s'engage,  soutenue  par  une  sorte  de  psalmodie,  qui 
devient  de  plus  en  plus  accentuée  à  mesure  que  se  déve- 
loppent ces  débats  poétiques;  à  cette  mélopée  succède  bientôt 
une  mélodie,  un  air  quelconque,  mais  une  mélodie  courante, 
à  laquelle  les  avocats  ne  renonceront  plus  jusqu'au  bout  de  la 
dispute. 

Il  n'en  va  pas  autrement  dans  toutes  les  rencontres  où  deux 
rimeurs  sont  amenés  à  cette  véritable  parade  devant  le  pu- 
blic. La  cérémonie  de  la  «  Soupe-au-Lait  »,  qui  a  gardé  toute 
sa  vogue  dans  certains  cantons  de  la  Cornouaille,  est  particu- 

Arvor)  des  bardits  de  Brizeux,  c'est  une  exagération;  il  a  disparu  de  la  langue 
courante,  mais  il  est  resté  dans  la  poésie  : 

Ar  vombard  hag  ann  telennou. 

[Gwerz  de  Ker-h.) 

Autre  chose  pour  barzaz,  dans  Barzaz-Breiz  :  ce  terme  est  d'invention 
réceute,  et  le  peuple  ne  l'a  pas  encore  adopté. 

2.  Voici  le  procès  dés  harmonisateiirs  vite  fait,  en  cinq  mots  :  les  bardes 
chantent  sans  s'accompagner.  —  Je  me  souviens  d'un  vieux  mendiant  qui 
passait,  une  fois  ou  deux  la  semaine,  il  y  a  bien  trente  ans,  par  ma  petite  ville 
natale;  il  allait  de  porte  en  porte, en  murmurant  les  paroles  d'un  gwet'z  et 
tournant  une  sorte  de  vielle  :  la  dissonance  était  parfaite  entre  l'instrument 
et  la  mélodie  du  chanteur. 


48  CHANSONS  ET  DANSES    DES    BRETONS 

lièrement  féconde  en  disputes  de  ce  genre  '.  Et  qu'on  entende 
bien  ce  mot  dispute  dans  son  sens  coutumier.  Le  colloque 
n'est  qu'au  début  agrémenté  de  compliments  et  de  flatteries; 
il  finira  dans  une  aigre  discussion.  La  vantardise  et  la  mo- 
querie sont  les  armes  défensives  et  offensives  des  antagonistes. 
Chacun  proclame  son  «  gai  savoir  »,  ses  succès  poétiques,  les 
portes  nuptiales  qu'il  a  forcées  par  le  seul  don  de  la  langue. 
Par  contre  ,  on  cherche  à  couvrir  de  ridicule  son  adversaire. 
Les  personnalités  même  violentes  sont  de  bonne  guerre;  les 
invectives  ne  sont  pas  interdites.  Les  moins  rudes  coups  ne 
sont  pas  ceux  qui  sont  portés  sur  un  défaut  physique.  La  foule, 
qui  est  sans  pitié,  applaudit  surtout  aux  plus  brutales  attaques. 
Naturellement,  le  style  revêt,  pour  ainsi  dire,  toutes  les  cou- 
leurs de  la  lutte  et  en  reflète  toutes  les  ardeurs.  L'assistance 
u'écoute  pas  sans  quelque  joie  —  lorsqu'elle  ne  souligne  pas 
de  ses  applaudissements  —  un  propos  ordurier  ou  une  locu- 
tion malpropre  : 

Le  peuple  dans  les  mots  brave  l'honnêteté,..  * 

Si  l'un  des  champions  éprouve  la  lassitude  de  l'auditoire  et 
qu'il  faiblisse  sous  cette  influence,  il  se  voit  bientôt  écrasé 
dans  un  suprême  assaut,  blessé  à  mort  par  des  traits  rapi- 
des et  inattendus  :  qu'il  hésite  à  la  riposte,  il  est  aussitôt 
hué  par  ses  propres  partisans.  Les  deux  camps  acclament  le 
vainqueur,  qui  reçoit  —  quelquefois  en  vers  —  les  félicita- 
tions de  son  adversaire  :  car  il  est  de  rigueur  que  ces  joutes 
aient  toujours  une  issue  pacifique. 

Et  pourtant,  constatons  que  toutes  les  manifestations  de  la 
nfiuse  populaire  n'éclatent  pas  sur  la  telen  ou  sur  la  lyre. 
Toutes  les  compositions  poétiques  ne  sont  pas  pour  être  chan- 
tées; il  y  en  a  qui  se  débitent  comme  des  contes  :  dans  ce 

1.  Cette  «  So'jpe-au-Lait  »,  le  soir  des  noces,  est  l'occasion  d'un  vrai  spec- 
tacle dans  le  pays  où  cela  se  passe.  J'en  donnerai  un  compte-rendu  détaillé, 
quand  je  publierai  un  prochain  volume  sur  certains  usages  de  Basse-Bretagne. 

2.  Dans  son  introduction  aux  «  trente  mélodies  de  Basse-Bretagne  » 
M.  Bourgault-Ducoudray  dit  à  peu  près  le  contraire.  Ce  passage,  avec  quel- 
ques autres  qui  touchent  à  l'ethnographie,  est  fort  inexact. 


NOTES   DE   VOYAGE  49 

nombre,  les  devinailles  rimées  et  certains  fabliaux.  Puisqu'il 
est  question  de  récits  ,  une  anecdote  serait  l'affaire  mieux 
qu'une  dissertation;  il  n'est  pas  un  érudit  qui  enseigne  plus 
sûrement  qu'un  maître-conteur  :  quel  habile  professeur  ferait 
le  marvailler  ! 

Ce  fut  toujours  un  usage  en  Bretagne,  comme  ailleurs, 
d'égayer  la  fin  d'un  repas  par  des  récitations  ou  des  chants. 
Vers  1830,  les  contes  en  vers  avaient  la  vogue  dans  «la  bonne 
société  »  de  Lannion.  M.  Renan,  qui  n'avait  alors  que  sept 
ans,  se  rappelle  avoir  entendu  chez  M.  de  Penguern  le  fabliau 
de  la  Chèvre,  en  langue  bretonne.  Qui  ne  connaît  cette  histo- 
riette, ou  cette  «  parabole  »,  comme  s'expriment  les  bonnes 
gens  de  là-bas?  Elle  est  de  tous  les  pays  et  de  tous  les  idiomes, 
dans  les  fables  littéraires  de  La  Fontaine  et  dans  les  chansons 
populaires.  Voleuse  partout,  la  petite  chèvre,  mais  habile  au 
jeu  : 

Elle  a  de  l'entendement,  ma  bique, 
Elle  a  de  l'entendement.^ 

Celle  de   M.  de  Penguern  est  surprise,  comme  toutes  les 
autres,  en  flagrant  délit  : 

..  .Me  am  oa  eur  c'hevrig  hag  a  oa  koant  koant, 
Hag  a  c'haz  da  lerez  'barz  kole  ann  Normant. 

J'avais  une  petite  chèvre  qui  était  jolie,  bien  jolie,  — et  qui  s'en  alla 
voler  dans  le  champ  de  choux  à  Le  |Normand. 

Le  chef  de  la  police  (ou  de  la  gendarmerie)  —  «  ar  seiirjant'a 
—  la  mène  en  prison,  puis  à  l'audience  : 


er  prizon  da  Wengamp. 


C'est  à  Guingamp  qu'elle  sera  jugée.  —  Et  l'on  se  demande 
peut-être  si  Gwpngamp  n'est  là  que  pour  l'assonance,  ou  s'il 
n'y  est  pas  pour  sauver  la  situation  d'un  autre  tribunal.  Le 
président  de  Lannion  était  M.  de  Penguern  précisément  :  et 
voyez  plutôt  si  son  rôle  eût  été  digne  jusqu'au  bout.  —  Les 
juges  ont  affaire  à  forte  partie:  «  Ar  chevrig  a  oa  finn...  » 

4 


50  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

L'inculpée  ne   se  rend  compte  que  d'une  solution.    Et  de 
s'élancer  sur  Messieurs  de  la  Justice  : 

A  raz  eunn  toi  d'ar  barner,  eunn  ail  d'al  lieuteunant, 
Hag  a  blantaz  he  gernio  'barz  revr  ar  prezidant. 

Elle  donna  un  coup  au  juge,  un  autre  au  lieutenant  —  et  elle  planta 
ses  cornes  dans  le  derrière  du  président. 

Ces  deux  vers,  les  derniers  de  la  fable,  sont  fidèlement 
restés  dans  la  mémoire  de  M.  Renan;  ils  sont  de  treize  pieds. 
Cela  donne  bien  la  mesure  de  la  pièce  entière,  les  fragments 
n'étant  jamais  qu'un  vague  indice.  Ce  fabliau  *  était  monorime  : 
Koant-  Normant-seurjant-  Gwengamp-lieutenant-jprezidant 

* 

Plus  que  les  fabliaux  et  autant  que  les  devinailles  ,  les 
Mystères  et  les  Drames  ont  tenu  une  place  importante,  sinon 
dans  la  vie  commune ,  au  moins  dans  les  amusements  du 
peuple. 

Les  Mystères  hq  sont  pas  un  genre  essentiellement  indigène; 
la  plupart  sont  pour  ainsi  dire  d'importation  ^  Quelques-uns 
sont  d'anciens  Miracles ,  traduits  du  français  en  breton. 
D'autres,  comme  les  «  Quatre  fils  Aymon  »,  ont  été  d'abord 
écrits  en  prose,  avant  d'être  représentés  en  dialogues  rimes'. 

Qu'il  y  ait  des  Mystères  primitivement  composés  en  dialecte 
breton-armoricain,  c'est  hors  de  doute.  Ces  pièces  drama- 
tiques, comme  celles  du  théâtre  français  sont  faites  à'actes  et 

1.  Pour  le  reconstituer  je  me  suis  vainement  adressé  aux  vieillards,  voire 
à  des  magistrats  (c'était  le  cas,  ou  jamais).  M.  Morand,  greffier  au  tribunal  de 
Lannion,  a  bien  voulu  ra'aider  de  s-is  propres  recherches  :  il  est  de  ceux  qui 
ont  le  plus  appris  et  le  mieux  conservé  les  traditions  du  pays  lannionnais. 
Les  Bretons  passent  pour  avoir  la  mémoire  longue  ;  c'est  à  M.  Renan  que 
reviendrait,  entre  nos  contemporains,  «  le  prix  de  souvenir  ».  M.  Morand  avoue 
qu'il  n'a  rien  retrouvé  de  plus  que  ces  fragments  de  là-haut  sur  le  fabliau  de 
«  la  petite  chèvre  ».  Ainsi  passent  les  choses  dn  folk-lore,  comme  un  rapide  vol 
d'années. 

2.  M.  Louis  Havet  les  classe  dans  la  littérature  semi-populaire  {Les  poésies 
populaires  de  la  Basse-Bretagne,  Lorient,  impr.  Corfmat  fils.) 

3.  J'ai  une  édition  de  ces  ><  Pevar  mah  Emon  »,  où  les  vers  s'arrêtent  après 
le  septième  prologue  ;  l'acte  VU  et  dernier  existe  encore  en'  prose.  Plus  tard^ 
il  a  été  traduit  en  vers. 


NOTES    DE    VOYAGE  51 

de  scènes.  Aucune  règle  ni  coutume  pour  le  nombre  d'actes  : 
«  Sainte  Tryphine  »  en  a  huit'  ;  la  «  Tragédie  de  Jacob  »  en 
compte  cinq;  autant,  celle  de  «  Moïse  ».  Le  plus  souvent, 
un  prologue  est  en  tête  de  chaque  acte,  et  quelquefois  Ton  a 
recours  aussi  à  un  épilogue.  Outre  les  actes,  on  observe  encore 
la  division  en  journées,  ainsi  qu'au  théâtre  du  moyen  âge,  ou 
encore  dans  le  Wallenstein  de  Schiller. 

Le  plus  ancien  de  ces  Mystères  ne  remonte  pas  au-delà  du 
xv"  siècle.  Trois  seulement  nous  sont  parvenus,  de  tous  ceux 
qui  ont  été  écrits  en  breton-moyen.  On  ne  pourrait  plus  les 
représenter,  parce  que  le  public  n'en  comprendrait  guère  la 
langue ,  et  parce  que  nous  ne  savons  pas  la  mélopée  qui  con- 
vient à  la  mesure  des  vers  ^. 

Les  Mystères  actuels  sont  en  alexandrins,  de  fois  à  autre 
coupés  par  une  prière,  un  cantique,  un  chant.  On  les  déclame 
d'un  bout  à  l'autre,  à  part  ces  imparités  syllabiques  d'excep- 
tion, sur  une  mélopée  commune  à  tous. 

Cette  mélopée  est  une  phrase  à  quatre  membres,  qui  ne 
s'adapte  régulièrement  qu'aux  prologues  :  car  tout  prologue 
est  composé  de  quatrains  uniformément.  Ce  récitatif  de  l'ou- 
verture —  pour  employer  une  locution  de  métier  —  revient 
dans  le  cours  du  drame,  toutes  les  fois  qu'on  y  rencontre  un 
quatrain;  autrement,  chaque  vers  est  déclamé  recto  tono;  ou 
bien,  si  la  phrase  poétique  est  à  deux  ou  trois  vers,  on  s'appuie 
sur  autant  de  membres,  détachés  à  volonté,  de  la  période  carrée 
qui  constitue  la  phrase  musicale.  Les  notes,  d'une  valeur 
égale,  correspondent  une  par  une  à  chaque  syllabe  des 
alexandrins  :  s'il  y  a  des  erreurs  commises,  elles  proviennent 
de  l'acteur,  qui  aura  mal  appris  sa  leçon.  Parfois  un  acteur 
éprouve  le  besoin  de  prendre  un  élan,  kemer  lins;  au  lieu  de 
déclamer  recto  tono  (ou  à  peu  près),  il  entonne  alors  avec  feu. 
Cependant,  le  thème  musical  reste  au  fond  toujours  le  même. 

Dans  les  prologues,  chaque  quatrain  est  suivi  d'un  mouve- 
ment de  marche;  VdiCieur  {le  proloy us),  au  bout  de  sa  période, 

1.  Traduite  et  publiée  par  M.  Luzel  (Imprimerie  Clairet,  Quimperlé.) 

2,  La  Vie  de  sainte  Barbe,  que  vient  de  publier  M.  Emile  Ernault,  a 
des  vers  de  5,  de  8  et  de  10  syllabes,  presque  tous  répartis  en  strophes. 


52  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

fait  quelques  pas  et  entraîne  après  lui  les  personnages  qui 
prendront  part  à  l'acte  annoncé.  Cela  ne  rappelle-t-il  pas  les 
strophes  du  chœur  antique? 

D'un  autre  côté,  rien  ne  procure  aujourd'hui  une  idée  de 
ces  pièces  sans  mise  en  scène,  comme  les  drames  de  Shakes- 
peare, que  représentent  des  gens  bizarrement  accoutrés,  débi- 
tant un  rôle  ainsi  qu'une  leçon  et  les  psalmodiant  comme  des 
versets  d'église,  avec  une  tonique  et  sur  une  dominante  uni- 
formes. Et  pour  rompre  la  monotonie  d'une  telle  déclamation, 
rien  que  l'allure  du  vers,  précipitée  ou  ralentie,  selon  l'ani- 
mation ou  le  calme  du  personnage;  les  interlocuteurs,  en 
outre,  ne  sont  pas  tenus  de  reprendre  sur  un  même  et  unique 
diapason;  le  baryton  hurlerait  après  un  ténor,  et  celui-ci 
n'aurait,  après  une  basse-taille,  que  des  soupirs  étranglés  et 
des  notes  ridicules  :  la  dominante  n'est  pas  la  même  nécessai- 
rement pour  toutes  les  voix. 

On  se  ferait  encore  une  opinion  tout  à  fait  inexacte  de  ces 
représentations,  si  l'on  se  figurait  des  personnages  dans  une 
tenue  raide  et  stricte,  ayant  l'obligation  d'un  débit  infaillible- 
ment rythmé,  incapables  d'une  infraction  aux  règles  musi- 
cales ou  aux  conventions  dramatiques.  Fréquemment  il  arrive 
qu'un  acteur  ne  soit  pas  entièrement  au  courant  de  son  rôle. 
Et  ce  rôle  peut  même,  ainsi  que  le  costume,  se  tenir  de  bribes 
et  de  morceaux;  par  exemple  :  le  manteau  impérial  de  Char- 
lemagne  sera  quelque  rideau  de  fenêtre,  jaune  ou  rouge, 
emprunté  dans  une  auberge  ou  au  presbytère;  tel  pair  de 
France  portera  le  bicorne  du  suisse  d'église;  l'épée  de  Roland, 
c'est  celle  de  ce  même  chasse-gueux  ^  Dans  les  Quatre  Fils 
Aymon^  un  cheval  de  bois  représente  Boyard,  le  vaillant 
destrier.  Le  pauvre  acteur  se  débat  aussi  bien  qu'il  Tentend, 

1.  Ce  personnage  a  la  police  du  lieu  saint  ;  il  en  expulse  les  perturbateurs 
et  les  ivrognes  ;  il  en  chasse  les  chiens  et  les  bêtes.  C'est  par  une  erreur  de 
consonnances  qu'on  a  voulu  prendre  les  gardiens  de  paix  des  églises  pour 
des  «  C/ias-dè-Dieu  »  [chiens- de- Dieu).  Ce  mot  hybride'  serait,  au  singulier, 
«  Zz-de-Dieu  »,  qui  n'a  jamais  été  en  usage.  Chasse-gueux  ne  saurait  être 
qu'un  double  mot  français  :  il  est  accepté,  sous  le  sens  que  je  viens  d'affir- 
mer, même  en  Basse-Bretagne,  et  en  dehors  des  pays  bretonnants,  où  il  est 
répandu,  son  hybirdisme  n'est  pas  même  soupçonné. 


NOTES    DE    VOYAGE  53 

mais  de  manière  toujours  à  tomber  sur  la  fin  de  sa  période  et 
à  fournir  la  réplique  exactement  à  l'interlocuteur  '.  C'est  une 
alTaire,  suivant  le  mot,  qui  se  passe  un  peu  en  famille.  Un  per- 
sonnage manque-t-il  son  entrée  en  scène,  on  le  réclame  à 
hauts  cris  :  «  Oii  donc  a  passé  Roland?  —  Il  est  avec  Mogis, 
sous  la  tente  du  cabaretier,  à  prendre  une  chopine  de  cidre...  » 
Et  Roland  d'accourir.  Il  improvise  une  excuse  en  vers;  et  son 
rôle  une  fois  repris,  avec  une  gravité  hiératique,  regardez 
donc  dans  la  foule  recueillie  qui  se  souvient  de  cet  incident. 
Ces  intermèdes  imprévus  ne  nuisent  pas  du  tout  à  l'intérêt  ni 
à  la  marche  des  événements.  La  bienveillance  de  l'auditoire 
est  acquise  d'avance;  les  sifflets  ni  les  brocards  ne  sont  guère 
à  craindre.  Ces  bons  acteurs,  qui  ne  sont  autres  que  gens  du 
commun,  n'ont-ils  pas  droit  plutôt  à  la  reconnaissance 
publique,  pour  avoir  préparé,  selon  leurs  moyens,  un  diver- 
tissement populaire?  Et  puis,  les  ancêtres  ne  venaient-ils  pas 
à  ces  mêmes  réjouissances?  Honneur  donc  au  kornediancher 
qui  se  voue  au  plaisir  du  peuple  et  à  la  sauvegarde  d'une  tra- 
dition ! 

Les  exigences  du  public  seraient  mal  venues.  C'est  que  les 
troupes  de  drames  n'existent  pas".  Il  y  a  bien,  par  endroits, 

1.  Dans  certains  théâtres  de  provioce,  où  l'affiche  ne  reste  pas  la  même  deux 
soirs  de  suite,  il  n'en  va  guère  autrement,  lorsqu'on  donne  une  pièce  récente 
au  répertoire.  Qui  ne  connaît  l'histoire  de  ce  malheureux  acteur,  dont  l'im- 
prudence fut  de  s'être  trop  hâté  d'apprendre  à  peu  près  son  rôle  ?  Tandis  que 
ses  camarades,  se  livrant  à  la  fantaisie,  faisaient  les  délices  du  public,  il 
semait  la  déroute,  chaque  fois  qu'il  paraissait  en  scène.  Tous  les  sifflets  furent 
à  son  adresse  ;  et  le  lendemain  il  dut  se  séparer  de  son  directeur. 

2.  On  a  représenté  le  mystère  de  Sainte  Tryphine  et  le  roi  Arthur  le  14  el 
le  15  avril  dernier  au  vieux  théâtre  de  Morlaix,  sous  un  toit  qu'on  allait  aban- 
donner. Fâcheux  pronostics  !  Dans  ma  toute  petite  jeunesse,  j'ai  assisté  aux 
Quatre  fils  Ayrnon,  sur  le  forloc'h  de  Lannion ,  derrière  une  clôture  de 
planches,  sous  le  grand  ciel.  Ainsi  s'en  vont  pièce  à  pièce  les  vieux  usages. 

L'initiateur  de  la  fête  morlaisienne,  M.  Pierre  Zaccone,  a  soulevé  la  curio- 
sité publique,  sans  se  douter  peut-être  qu'on  irait  ensuite  chercher  des  exem- 
ples et  des  encouragements  à  l'étranger,  en  Hongrie,  dans  la  Forêt-Noire,  dans 
le  Luxembourg.  Est-ce  l'ignorance  des  mœurs  locales,  est-ce  le  goût  des 
choses  exotiques  qui  a  fixé  l'attention  sur  ces  représentations?  Elles  n'auront 
été  pourtant  qu'un  simple  accident  dans  la  vie  commune,  pour  un  pays  habi- 
tué, comme  la  Basse-Bretagne,  à  ces  manifestations  populaires. 

A  cette  occasion  je  ne  sais  plus  quel  journal   a  signalé  la   «   troupe   de 


54  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

quelque  komediancher  de  renom.  Egalement  on  a  la  coutume 
de  représenter  certains  Mystères,  pour  des  circonstances 
presque  déterminées,  en  des  localités  connues  '.  Il  y  a  trois 
ans,  on  jouait  les  Quatre  fils  Aymon,  à  Langoat,  lors  des  fêtes 
de  Pâques.  C'était  à  Lannion,  voilà  quelques  années  déjà,  que 
le  fameux  drame  militaire  était  produit  avec  solennité,  à 
l'occasion  des  grandes  foires  de  la  Saint-Michel.  L'estrade 
était  adossée  au  mur  du  cimetière;  une  clôture  de  planches 
s'élevait  autour  du  forloch\  on  y  pénétrait  pour  un  réal  de 
cinq  sous,  chacun  avec  son  tabouret  ou  son  escabeau  :  la 
foire  aux  bêtes  finie,  le  champ  du  forloc'h  s'emplissait, 
plusieurs  jours  de  suite,  de  gens  accourus  des  quatre  coins 
du  pays  ^ 

J'ai  connu  un  komediancher  détalent,  Kérambrun,  de  Pleu- 
daniel.  11  était  barde,  par  surcroît,  et  tisserand  de  profession^. 

M.  Luzel.  »  Sainte  Tryphine  a  généralement  pour  interprètes  des  gens  qui  ont 
été  recrutés  entre  Plouaret  et  Pluzunet.  Ce  n'est  que  le  simulacre  d'une 
troupe  ;  mais  chacun,  ayant  l'habitude  d'un  seul  rôle  ou  n'en  ayant  jamais 
appris  qu'un,  le  remplit  convenablement.  J'ai  mentionné  dans  un  article  de 
la  Revue  Bleue  (n°  du  28  avril  188S)  le  programme  des  deux  journées  au 
vieux  théâtre  de  Morlais.Un  cordonnier  figurait  sainte  Tryphine.  Les  femmes 
n'ont  pas  trouvé  place  sur  la  scène  bretonne  :  c'est  une  tradition  du  moyen 
âge;  néanmoins  ces  personnages  n'ont  pas  été  supprimés,  comme  dans  les 
pièces  arrangées  pour  les  petits  séminaires  ;  leurs  rôles,  qui  exigent  quelque 
délicatesse,  doivent  être  tenus  par  les  plus  experts  de  la  «  compagnie  »  en  l'art 
de  bien  dire,  d'ordinaire  les  tailleurs  ou  les  tisserands  :  et  c'est  quelquefois  d'un 
effet  fort  drôle,  surtout  au  point  de  vue  du  travestissement.  —  On  dit  que  les 
acteurs  de  Morlaix  ont  obtenu  de  la  municipalité  une  indemnité  de  cinquante 
francs  pour  frais  de  costumes.  C'était  inutile  ou  insuffisant,  la  couleur  locale 
et  la  vérité  historique  n'étant  pas  ici  d'ime  rigueur  absolue  :  la  corporation  de 
Pluzunet-Plouaret,  demandant  ce  '>  cachet  »,  n'a  donc  pas  vu  qu'elle  deve- 
nait aussi  une  association  à  la  moderne  ! 

1.  Avec  les  «  Quatre  fils  Aymon  »,  c'est  «  Sainte  Triphine  »  qui  tient  la  vogue 
actuelle.  Ce  mystère  s'appellerait  mieux  un  miracle,  d'après  le  moyen  âge, 
où  remontent  ces  drames  populaires  ? 

2.  Emile  Souvestre  a  décrit  une  de  ces  fêtes  populaires.  Elle  eut  lieu  à  Lan- 
nion. Lui  n'y  avait  pas  assisté.  L'éditeur  Lédan,  de  Morlaix,  qui  était  allé  au 
forlock,  fut  émerveillé  de  la  tragédie  et  il  en  fit  à  son  retour  un  compte-renda 
devant  Souvestre.  L'auteur  des  «  Derniers  Bretons  »,  cédant  à  une  manie  de 
tout  dramatiser,  a  brodé  là-dessus  une  histoire  fort  inexacte. 

3.  Voy.  ci-dessus,  p.  6.  —  Ce  surnom  de  komediancher  (comédien)  me  rappelle 
la  réflexion  de  Marie  sur  le  poème  de  Brizeux.  Pour  le  peuple  des  champs, 
même  celui  qui  a  gardé  le  plus  fidèlement  le  culte  des  lettres  nationale?,  les 


NOTES    DE   VOYAGE  S5 

C'était  bien  un  jongleur,  comme  on  n'en  retrouvera  plus. 
S'il  est  encore  de  ce  monde,  il  a  bien  quatre-vingts  ans.  Inca- 
pable de  tout  travail  dans  sa  caducité,  il  est  devenu  un  «  pauvre 
de  la  paroisse  »,  et  il  est  nourri  de  ferme  en  ferme.  Il  a  vu, 
dans  le  Goëlo  et  dans  le  Tréguier,  les  beaux  jours  des  Mystères 
bretons.  C'est  un  parfait  illettré;  il  a  pris  part  à  une  dizaine 
de  Drames,  et  il  en  a  retenu  des  milliers  de  vers.  Pendant 
qu'il  était  penché  sur  son  métier,  poussant  la  navette,  le 
sacristain  ou  le  maître  d'école  venait  et  lisait  devant  lui  son 
rôle,  qu'il  avait  retenu  à  la  suite  de  cette  simple  lecture.  Sa 
mémoire  était  prodigieuse.  Il  passait  l'après-midi  du  dimanche 
à  déclamer,  devant  ses  amis  d'auberge,  des  actes  entiers  de 
n'importe  quel  drame  où  il  avait  figuré.  On  raconte  qu'il  eut 
maille  à  partir  avec  les  autorités  ecclésiastiques  de  son  endroit, 
pour  avoir  donné  seul  une  représentation,  à  la  porte  du  cime- 
tière, le  jour  d'une  grande  fête  carillonnée.  A  l'issue  de  la 
grand'messe,  il  monta  sur  la  borne  où  le  garde-champêtre  fait 
ses  publications,  et  il  invita  la  foule  à  écouter  l'aventure  des 
Pevar  mab  Emon.  Jusqu'à  la  nuit  avancée,  il  tint  la  place 
indistinctement  de  tous  les  personnages,  devant  une  assis- 
tance ravie  d'un  tel  événement.  Les  gendarmes  de  Lézar- 
drieux  durent  mettre  fin  à  ce  spectacle  en  plein  vent.  Le 
pauvre  Kérambrun  était  inoffensif.  Il  avait  gardé  jusqu'à 
l'extrême  vieillesse  la  verve  et  l'entrain  des  jeunes  années. 
Insoucieux  comme  un  chanteur,  il  aura  mené  pourtant  une 
vie  de  tourmente.  Avec  lui  disparaît  un  authentique  représen- 
tant des  races  néo-celtiques.  Le  komediancher  sera  remplacé; 
mais  nul  héritier  ne  recueillera  l'esprit  du  vieux  barde. 

Après  avoir  été  l'objet  de  toutes  les  rigueurs  civiles  et  reli- 
gieuses, sur  la  fin  du  xvni*'  siècle,  les  Mystères  et  les  Drames 
bretons  ont  été  relevés  du  discrédit  par  Le  Gonidec  et  M.  de 
La  Villemarqué.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  revenir  ici  sur  la  renais- 
sance littéraire  que  ces  deux  celtisants  ont  provoquée  en 


arts  de  l'esprit  ne  sont  qu'un  divertissement  et  une  matière  à  rire;  ce  n'est 
pas  que  la  comédie  l'attire  plutôt  qu'une  action  tragique  :  dans  n'importe  quel 
Mystère  breton  tout  acteur  est  un  komediancher. 


S6  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

Bretagne,  il  y  a  cinquante  ans;  elle  aboutit  de  nos  jours  à 
d'éclatantes  et  sérieuses  manifestations,  comme  la  tentative 
dramatique  de  Morlaix.  L'étude  de  l'histoire  locale  et  des 
littératures  populaires  a  trop  à  gagner  dans  ces  bons  efforts, 
pour  que  le  public  ne  les  suive  pas  avec  le  plus  vif  intérêt. 


II 
GWERZ  ET  SONN 


GWERZ  ET  SONN 


AR  VINOREZ  ♦ 

Me  oa  eur  bugel  iaouank  flam 
Pa  varwaz  ma  zad  ha  ma  mamm  ; 

Pa  varwaz  ma  mammig  ha  ma  zad, 
Me  oa  losket  da  glask  ma  mad, 

Me  oa  losket  da  glask  ma  boed  : 
Kap  d'hen  c'honit  me  na  oann  ket. 

Ha  me  'vonet  'harz  ann  hent  don, 
0  rankontr  daou  den  a  feson 

0  rankontr  daou  den  a  feson, 
'Rankontr  eunn  otro  hag  eunn  itron; 


1.  Mol  à  mot  «  La  mineure  ». 


L'ORPHELINE 

«  J'étais  une  enfant  toute  jeune;  —  quand  moururent  mon  père  et 
ma  mère; 

Quand   moururent  ma  pauvre  mère  et  mon  père,  —  je  fus  mise 
dehors  à  chercher  ma  bonne  fortune; 

Je  fus  mise  dehors  à  chercher  mon  pain  :  —  pour  capable  de  le 
gagner,  je  ne  l'étais  pas. 

Et  moi  de  m'en  aller  dans  le  chemin  creux,  —  de  rencontrer  deux 
personnes  de  (bonnes)  façons; 

De  rencontrer  deux  personnes  de  (bonnes)  façons,  —  (de)  ren- 
contrer un  monsieur  et  une  dame; 


60  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

'Vond  ann  otro  'laret  d'ann  itron  : 
—  Cheteu  aze  eur  plac'h  a  feson, 

Cheteu  aze  eur  plac'hik  koant 
Ma  dije  bet  akourtamant; 

Diasomp  'n-ehi  gan-imp  d'hon  zi 
Eunn  de  bannak  d'hon  jervijin,  — 


Seiz  la  war-n-ugent  oan  d'ari 
Pa  deuaz  c'hoant  d'in  da  dimin  ; 

'Vont  ma  mestr  braz  'laret  d'  am  mestrez 

—  Poent  e  dimin  ar  vinorez. 

—  Na  vo  ket  dimet  ar  vinorez 
Ken  vo  bet  pardon  ar  Garnez  *  ; 

Rei  d'ehi  oblans  ar  Fantanio 
Kaeran  oblans  a  zo  er  vro.  — 

1.  Karnez  pour  Karmez,  peut-être,  «  Carmel  ». 


(De)  se  mettre  le  monsieur  à  dire  à  la  dame  :  —  «  Voilà  une  fille 
de  façon  ; 

«  Voilà  une  petite  fille  charmante,  —  si  elle  avait  eu  un  accoutre- 
ment (convenable)  ; 

«  Emmenons-la  avec  nous  dans  notre  maison ,  —  un  jour  quel- 
conque pour  nous  servir.  » 

J'arrivais  à  (l'âge  de)  vingt  sept  ans,  —  lorsque  me  vint  l'envie  de 
me  marier. 

(De)  s'en  aller  mon  maître  grand  dire  à  ma  maîtresse  :  —  «  Il  est 
temps  de  marier  l'orpheline. 

—  L'orpheline  ne  sera  pas  mariée,  —  jusqu'à  ce  qu'ait  eu  lieu  le 
pardon  du  Carmel, 

11  faudra  lui  donner  la  noblesse  (le  manoir)  du  Fantanio,  —  la 
plus  belle  noblesse  qui  soit  dans  le  pays.  » 


GWERZ    ET    SONN  61 

Ho-man  c'hez  gant-hi  d'ar  pardon 
Dre  ma  oa  eur  plac'h  a  feson  ; 

Pe  oa  'vonet  'barz  ar  c'hoat  braz 

0  tond  c'hoant  kousket  d'he  meslrez  vraz  ; 

Hag  int  oc'h  azein  war  eur  c'hlazen, 
'Tapout  he  fenn  war  he  barlenn  : 

—  Ha  'tond  eunn  dra  da  laret  d'in  : 
Lac'h  da  vestrez  ha  send  ou-in... 

Demeuz  ann  dra-ze  'm  euz  sentet, 
Ma  dorn  em  godell  'm  euz  Iaket; 

Na  pa  'm  euz  ma  c'hontell  tennet 
Seiz  toi  kontell  d'ehi  'm  euz  roet. 

P'em  a  lazet  ma  mestrez  vraz, 
Na  ouienn  pelec'h  hen  (hi)  lakat  ; 

Ha  me  'vont  gant-hi  d'ar  Poulie, 
0  koach  an-ehi  'mesk  ann  delio, 


Celle-ci  (l'orpheline)  alla  avec  elle  (sa  maîtresse)  au  pardon,  — 
parce  qu'elle  était  une  fille  de  façon. 

Comme  elle  entrait  dans  le  grand  bois,  —  de  venir  une  envie  de 
dormir  à  sa  maîtresse  grande  ; 

Et  elles  de  s'asseoir  sur  la  verdure,  —  (la  servante)  de  prendre  la 
tête  de  sa  maîtresse  dans  son  giron  : 

«  Et  de  venir  une  chose  (voix)  me  dire  :  —  «  Tue  ta  maîtresse  et 
obéis-moi.  » 

A  cette  voix-là  j'ai  obéij  —  j'ai  mis  ma  main  dans  ma  poche. 

Et,  lorsque  j'eus  mon  couteau  tiré,  —  je  lui  ai  donné,  à  elle,  sept 
coups  de  couteau. 

Quand  j'eus  tué  ma  maîtresse  grande,  —  je  ne  savais  où  la  mettre  ; 

Et  moi  (d')  aller  avec  elle  au  PouUo,  —  de  la  cacher  entre  les 
feuilles. 


62  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

0  koach  an-ehi  'vesk  ann  delio, 
Mes  he  boto  hag  he  loero 

Mes  he  boto  hag  he  loero, 

Ar  'zeo  'm  a  lest  na  dizoulou.  — 


Ho-man  c'hez  are  d'ar  pardon  ; 
Doue  ouie  hec^h  entansion. 

P'e  oa  'vonet  'barz  ann  hent  braz 
Hag  hi  oc'h  ankontr  he  mestr  braz  : 

—  Palec'h  c'hez-te  'ta,  minorez? 
Palec'h  e  manet  da  veslrez? 

—  Ma  mestrez  vraz  a  zo  lazet 

'Barz  ar  c'hoat  braz  gand  ar  forbaned 

'Barz  ar  c'hoat  braz  gand  ar  forbaned  ; 
Me  vije  ie,  mes  'm  euz  redet. 

—  Ma  vijec'h  bet  fidel  d'ez-hi, 
G'houi  vije  lazet  kenkouls  ha  c'hi. 


De  la  cacher  entre  les  feuilles,  —  hormis  sa  chaussure  et  ses  bas, 

Hormis  sa  chaussure  et  ses  bas  :  —  ces  choses-là,  je  les  avais 
laissées  à  découvert  ». 


Celle-ci  retourna  au  pardon  :  —  Dieu  savait  son  intention  (à  elle). 

Lorsqu'elle  en  était  à  prendre  le  grand  chemin,  —  et  elle  de  ren- 
contrer son  maître  grand  : 

«  Où  vas-tu  donc,  orpheline?  —  Où  est  demeurée  ta  maîtresse? 

—  Ma  maîtresse  grande  a  été  tuée  —  dans  le  grand  bois  par  les 
forbans. 

Dans  le  grand  bois  par  les  forbans  ;  —  je  l'aurais  été  aussi,  mais 
j'ai  couru. 

—  Si  vous  lui  aviez  été  fidèle,  —  vous  auriez  été  tuée  aussi  bien 
qu'elle. 


GWERZ   ET    SONN  63 


—  Tewed,  ma  mestr,  na  oeled  ket  : 
Me  a  vo  d'ac'h  evel  bepred, 

Me  a  vo  d'ac'h  evel  bepred  ; 
Kousket  gan-ac'h,ho!  na  rin  ket.  — 


Na'barz  ann  eiz  de  a  goude 
'Sevel  propojo  etre-he 

'Sevel  propojo  etre-he 

Da  dimin  ho  daou  asamblez. 

Pa  oaint  dimet  hag  enreujet 
Ha  prest  da  vonet  da  gousket, 

'C'h  antren  eur  c'horf  maro  en  ti 
Ha  seiz  toi  kontell  en  en-hi, 

Ha  seiz  toi  kontell  en  en-hi, 
Eur  pilad  koar  *  deuz  peb  gouli  : 

1.  Une  autre  version  dit:  goad  (sang),  pour Aoar  (cire) ,  eur  pilad  goad,  au 
lieu  de  eur  pilad  ou  pikol  koar.  Ce  serait  alors  un  caillot  de  sang  à  chaque 
plaie.  Ces  altérations  par  assonance  sont  fréquentes  dans  la  poésie  populaire. 


—  Taisez-vous,  mon  maître,  ne  pleurez  pas  :  —  je  serai  à  vous 
comme  toujours, 

Je  serai  à  vous  comme  toujours  ;  —  coucher  avec  vous,  ho  !  je  ne 
le  ferai  pas.  » 

Et  dans  les  huit  jours  après  —  (de)  s'élever  des  propos  entre  eux, 

(De)  s'élever  des  propos  entre  eux,  —  pour  se  marier  tous  les  deux 
ensemble. 

Lorsqu'ils  furent  mariés  et  (qu'ils  eurent)  fait  les  noces  —  et  (qu'ils 
furent)  prêts  à  aller  se  coucher, 

D'entrer  un  cadavre  dans  la  maison,  —  et  sept  coups  de  couteau 
sur  le  corps, 

Et  sept  coups  de  couteau  sur  le  corps,  —  une  pile  de  cire  (ou  un 
caillot  de  sang)  à  chaque  plaie  : 


64  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

—  Pelec'h  c'hez-te'  ta,  minorez? 
Te  at  euz  lazet  da  vestrez; 

Te  at  euz  lazet  da  vestrez  vraz, 
Evel  eur  forban  deuz  ar  c'hoat. 

—  Na  ma  ouifenn  a  kement-ze, 
Me  rae  d'id  evel  ive. 

—  Tewed,  ma  fried,  na  red  ket  ze  : 
Doue  he  feo  goude. 


Chanté  par  Le  Guluche,  couvreur,  de  la  Roche-Derrien. 


—  Où  vas-tu  donc,  orpheline?  —  C'est  toi  qui  as  tué  ta  maîtresse, 

C'est  toi  qui  as  tué  ta  maîtresse  grande,  —  comme  un  forban  du 
bois. 

—  Si  je  savais  que  tout  cela  fût  vrai,  —  je  te  ferais  de  même  aussi. 

—  Taisez-vous,  mon  mari,  ne  faites  pas  cela  :  —  Dieu  la  payera 
plus  tard.  » 


Voilà  un  gwerz  breton,  dans  la  parfaite  acception  du  mot, 
une  complainte  populaire  en  son  plein  développement.  Toute 
la  machine  poétique  a  été  mise  en  œuvre  :  il  y  a  l'aventure  et 
l'heureuse  rencontre,  le  drame  et  le  crime,  l'apparition  et 
l'expiation. 

La  mélodie  de  cette  chanson  a  quelque  chose  de  la  simplicité 
des  mélopées.  Lente  et  douce,  elle  ne  semble  servir  qu'à 
soutenir  le  récitatif,  comme  la  psalmodie  à  développer  un 
psaume.  Les  deux  membres  de  cette  phrase  musicale  ne 
diffèrent  entre  eux  qu'à  la  note  finale^  chacune  surmontée 
également  d'un  point-d' orgue .  La  première  fois  que  j'ai 
entendu  cet  air,  c'était  sur  une  vieille  route  de  Bretagne,  le 
soir  :  je  n'ai  pas  oublié  depuis  l'étrange  effet  de  mélancolie  qui 
se  dégageait  de  ces  deux  points-d'orgue,  longs  et  tristes,  par 


GWERZ    ET   SONN  65 

ce  chemin  couvert,  comme  un  appel  de  gens  en  détresse.  Je 
ne  saurais  affirmer  que  cette  mélodie  ait  été  composée  primi- 
tivement pour  les  paroles  mêmes  que  j'ai  recueillies  en  Bre- 
tagne et  que  je  viens  de  transcrire.  Qui  donc  est  dans  le  secret 
de  telles  origines?  Mais  on  ne  niera  pas  que  cet  air  ne  con- 
vienne à  sa  chanson. 


LÉZOBRÉ 


Entre  ce  gwerz,  qui  m'a  été  chanté  par  une  mendiante  de 
Rospez,  et  la  troisième  des  versions  de Le^-  Aubrays,  recueillie 
par  M.  Luzel,  il  n'existe  que  des  nuances.  Toutefois,  le  chan- 
teur des  Giverziou  raconte  deux  voyages  du  héros  à  Sainte- 
Anne,  tandis  que  ma  chanteuse  n'a  eu  souvenir  que  d'un  seul. 
Je  crois  inutile  de  rééditer  un  texte  déjà  arrêté,  et  je  renvoie 
aux  Giverziou  Breiz-Izel  pour  le  breton;  voici  la  traduction 
en  français. 

—  «  Entre  Koat-ar-Skinn  et  Les  Aubrays  —  est  arrêtée  une 
armée  {bis)  ; 

Est  arrêté  un  combat  :  —  que  Dieu  leur  donne  un  bon  combat  ! 

Que  Dieu  leur  donne  un  bon  combat!  —  et  dans  la  maison,  à  leurs 
parents ,  de  bonnes  nouvelles  !  » 

I 

Le  seigneur  de  Les  Aubrays  disait  —  à  son  petit  page,  un  jour 
fut: 

—  Selle-moi  vite  ma  haquenée  blanche,  —  mets-lui  sa  bride 
d'argent  en  tête; 

Mets-lui  sa  bride  d'argent  en  tête  —  et  son  collier  d'or  au  cou, 

Et  apprètez-aussi  votre  cheval  rouan,  —  que  nous  allions  à  Sainte- 
Anne  en  Vannes.  — 


66  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Le  seigneur  de  Les  Aubrays  disait,  —  en  arrivant  à  Sainte-Anne  : 

—  J'ai  assisté  à  dix-huit  combats,  —  et  les  dix-huit  je  (les)  ai 
gagnés; 

Et  les  dix-huit  je  (les)  ai  gagnés  —  par  votre  grâce,  Sainte-Anne 
de  Vannes; 

Faites-moi  que  je  gagne  le  dix-neuvième,  —  et  je  serai  couronné 
au  leaudet. 

Et  je  vous  achèterai  une  ceinture  de  cire,  —  qui  fera  le  tour  de 
toutes  vos  terres. 

Le  tour  de  votre  église  et  du  cimetière  —  et  de  toute  votre  terre 
bénite  : 

Je  vous  achèterai  une  bannière  rouge,  —  qui  sera  dorée  des  deux 
côtés.  — 


II 


Le  seigneur  de  Koat-ar-Skinn  disait  —  à  son  petit  page,  ce  jour-là 
même  : 

—  Je  vois  venir  un  âne  —  monté  sur  une  haquenée  blanche.  — 

Le  seigneur  de  Les  Aubrays  dit  —  à  Koat-ar-Skinn,  dès  qu'il 
l'entendit  : 

—  Si  je  suis  moi-même  un  âne,  certainement,  —  je  ne  suis  pas  un 
âne  de  nature. 

Je  ne  suis  pas  âne  de  nature;  —  on  dit  que  mon  père  était  un 
homme  sage. 

Si  tu  n'as  pas  connu   mon  père,   —  je  te  ferai   connaître   son 
fils.  —   . 

Alors  ils  sont  allés  combattre;  —  le  seigneur  de  Les  Aubrays  a 
gagné. 

Le  seigneur  de  Koat-ar-Skinn  disait  —  à  Les  Aubrays,  lorsque 
celui-ci  gagnait  : 


GWERZ    ET    SONN  67 

—  Au  nomde  Dieu  !  Les  Aubrays,  —  au  nom  de  Dieu  !.  donne- 
moi  quartier. 

—  Je  ne   te  donnerai  pas  de  quartier:  —  car  tu  ne  m'en  aurais 
pas  donné. 

—  Au  nom  de  mon  Dieu!  Les  Aubrays,  —  laisse-moi  la  vie. 

—  Je  ne  te  laisserai  pas  la  vie  :  —  tu  ne  me  l'aurais  pas  laissée. 

—  Au  nom  de  Dieu!  Les  Aubrays,  —  prends  la  charge  de  mes 
enfants. 

—  Je  ne  prendrai  pas  la  charge  de  tes  enfants;  —  (mais)  je  .'es 
laisserai  s'en  aller  en  liberté.  — 

Il  n'avait  pas  achevé  ces  mots,  —  que  Koat-ar-Skinn  était  tué  de  sa 
main. 


III 

Des  nouvelles  furent  envoyées  au  roi,  —  pour  lui  annoncer  que 
Koat-ar-Skinn  avait  été  tué. 

Et  le  roi' du  pays  de  France  disait  —  à  son  petit  page,  un  jour 
qu'il  fut  : 

—  Petit   page,  petit  page,  mon  page  petit,  —  tu  es  diligent  et 
vif; 

Va  dire  à  Les  Aubrays  ---  qu'il  vienne  combattre  contre  mon  More 
à  moi.  — 

Le  petit  page  disait,  -=  lorsqu'il  arrivait  à  Lannion  : 

—  Bonjour  à  vous  et  joie'  à  tous  dans  cette  ville.  —  Le  seigneur  de 
Les  Aubrays,  où  est-il?  — 

Le  seigneur  de  Les  Aubrays,  dès  qu'il  eut  entendu  cela,  —  a  mis 
la  tète  à  sa  fenêtre  , 

11  a  mis  la  tète  à  sa  fenêtre,  —  et  il  a  salué  le  page  du  roi. 

—  Bonjour  à  vous,  seigneur  de  Les  Aubrays.  —  Et  à  vous  aussi, 
page  du  roi. 


68  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

Et  à  vous  aussi,  page  du  roi.  —  Qu'est-il  arrivé  de  nouveau  ? 

—  Il  vous  est  dit  (commandé)  à  vous,  Les  Aubrays,  —  de  venir 
combattre  contre  le  More  du  roi. 

—  Au  nom  de  Dieu!  petit  page  du  roi,  —  apprends -moi  le  secret  de 
ce  More -là  : 

Et  je  te  donnerai  un  bouquet,  —  dans  le  milieu  duquel  il  y  aura 
quatre  mille  écus. 

—  Je  vous  dirai  son  secret  :  —  mais  ne  le  révélez  jamais  à  per- 
sonne. 

Lorsque  s'ouvrira  ce  combat-là,    —  jetez  vite  vos  habits  sur   les 
siens  ; 

Et  jetez-lui  de  l'eau  bénite,  —  dès  qu'il  aura  dégainé. 

Alors  il  fera  un  bond  en  l'air  :  —  placez  votre  épée  pour  le  rece- 
voir ; 

Aimez-mieux  perdre  votre  épée,  —  Les   Aubrays,    que    perdre 
votre  vie.   — 

Le  seigneur  de  Les  Aubrays,  lorsqu'il  eut  entendu  cela,  —  a  mis 
la  main  dans  sa  poshe  ; 

Il  a  donné  au  page  un  bouquet,  —  dans  le  milieu  duquel  il  y   avait 
quatre  mille  écus. 


IV 


Le  seigneur  de   Les  Aubrays  disait,  —  lorsqu'il  arrivait   dans  le 
palais  du  roi  : 

—  Bonjour  à  vous,  sire,  et  même  roi.   —  Qu'avez-vous  donc  de 
nouveau  ? 

—  Il  l'a  été  dit,  Les  Aubrays,  —  que  tu  viennes  combattre  contre 
mon  More  à  moi. 

Tu  as  tué  Koat-ar-Skinn,   —   qui  était  un  de  mes  plus  grands 
amis. 


GWERZ   ET   SONN  69 

Mais  si  tu  as  tué  Koat-ar-Skinn,  —  mon  More  à  moi,  tu  ne  le 
tueras  pas.  — 

Lorsqu'il  entra  dans  la  grande  salle  contre  lui,  —  de  lui  jeter  de 
l'eau  bénite  ; 

Quand  le  More  jette  ses  habits  à  terre,  —  Les  Aubrays  jette  les 
siens  par-dessus  ; 

Quand  le  More  fait  un  bond  en  l'air^  —  il   place  son  épée  de 
manière  à  le  recevoir. 

—  Au  nom  de  mon  Dieu  !  Les  Aubrays,  —  retire  vers  toi  ton 
épée. 

—  Je   ne  retirerai  pas  vers  moi  mon  épée  :  —  tu  n'aurais  pas 
retiré  la  tienne,  toi. 

—  Au  nom  de  mon  Dieu  !  Les  Aubrays,  —  laisse-moi  la  vie. 

—  Je  ne  te  laisserai  pas  la  vie:  —  tu  ne  me  l'aurais  pas  laissée  à  moi. — 
Il  n'a  pas  achevé  ces  mots,  —  que  le  More  noir  est  tué  — 

Le  More  noir  est  tué,  —  et  Les  Aubrays  est  sorti. 

Il  a  rencontré  le  petit  page  du  roi  ;  —  il  lui  a  donné  un  second 
bouquet  ; 

Il  lui  a  donné  un  second  bouquet,  —  dans  le  milieu  duquel  il  y 
avait  quatre  mille  écus. 

Le  roi  alors  disait  —  à  Les  Aubrays,  lorsqu'il  sortait  : 

—  Mon  Dieu  !  serait-ce  possible  —  que  tu  aies  tué  mon  More  à 
moi? 

—  Oui,  j'ai  tué  votre  More,  —  et  je  vous  tuerai  aussi,  si  vous 
voulez. 

—  Au  nom  de  Dieu  !  Les  Aubrays,  —  laisse- moi  la  vie, 

Et  reste  dans  mon  palais  avec  moi  :  —  je  te  ferai  roi  après  moi. 

—  Je  ne  resterai  pas  avec  vous  dans  votre  palais  :  —  car  ma  pau- 
vre petite  mère  est  veuve  ; 

Car  ma  pauvre  petite  mère  est  veuve:  —  et  elle  aurait  à  mon 
sujet  du  chagrin.  — 


70  CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 


Le  seigneur  de  Les  Aubrays  disait  —  dans  la  ville  de  Lannion, 
lorsqu'il  entrait  : 

—  J'ai  été  à  vingt  combats,  —  et  j'ai  gagné  les  vingt  : 

Par  votre  grâce,  sainte  Anne  de  Vannes,  —  je  serai  couronné  au 
leaudet ; 

Je  serai  couronné  dans  l'église,  —  et  (pourtant)  je  n'ai  pas  encore 
vingt  ans  révolus. 


Cette  chanson  est  de  celles  qui  ont  mis  en  feu,  sur  des  ques-- 
lions  d'authenticité,  les  bretonnants  et  les  celtisles.  C'est  au 
moins  inutile  et  surtout  inopportun  de  rallumer  cette  querelle, 
au  sujet  de  Lez-Breiz  (voy.  le  Barzaz-Breiz)  et  Les  Aubrays 
(voy.  les  Gwerziou  Breiz-Izel). 

Lézobré  est  un  de  nos  plus  anciens  gwerz.  Un  esprit  tourné 
aux  interprétations  historiques  devait  être  séduit  par  cette 
complainte,  dont  le  caractère  d'antiquité  est  incontestable. 
Mais  une  chanson  qui  a  vécu  deux  ou  trois  siècles  dans  la 
seule  tradition  orale^  est  près  de  son  terme  :  et  combien  peu 
obtiennent  cette  durée  !  Le  peuple,  qui  ne  s'intéresse  pas 
éternellement  aux  mêmes  choses,  ne  saurait  avoir  la  mémoire 
si  longue. 

Duguesclin  est  un  nom  que  les  Bretons  prononcent  avec 
quelque  fierté.  Bertrand  Duguesclin  fut  seigneur  de  la  Roche- 
Derrien;  j'ai  vainement  cherché  par  tout  le  pays  une  trace  de 
son  brillant  mais  lointain  passage,  un  souvenir  du  héros  dans 
un  chant.  Et  plus  près  de  nous,  la  duchesse  Anne  :  il  ne 
subsiste  pas  un  fragment  de  gwerzy  il  n'est  pas  le  moindre 
sonn  sur  Anne  de  Bretagne.  Duguesclin  et  la  reine  Anne, 
voilà  deux  noms  vraiment  historiques  et  totalement  effacés  de 
la  tradition  populaire. 

On  sait  que  les  renommées  transmises  par  l'histoire  écrite, 
ne  sont  pas  celles  que  consacre  le  peuple;  celui-ci  choisit  ses 
noms  à  lui,  et  il  leur  est  fidèle,  tant  qu'il  en  garde  le  sens. 


GW'ERZ    ET    SONN  71 

A.insi,  noire  époque  contemporaine,  si  différente  déjà  du 
siècle  dernier,  sera-t-elle  fatale  à  plus  d'un  souvenir  qui 
remonte  un  peu  avant  vers  un  passé  disparu. 

L'air  de  Lézobré  peut  passer  pour  rebelle  à  une  mesure 
rigoureuse.  C'est  un  récitatif,  plutôt  qu'une  mélodie;  le 
chanteur  accélère  ou  ralentit  la  narration  psalmodiée  des 
événements,  à  son  gré,  suivant  sa  propre  émotion.  Pour  se 
faire  une  idée  assez  exacte  de  ces  mélodies  primitives,  simples, 
presque  des  mélopées,  qu'on  imagine  une  fileuse  à  son  rouet  : 
elle  chante,  parce  qu'elle  est  seule;  elle  n'a  pas  même  à 
suivre  le  cours  de  sa  pensée;  la  complainte  lui  revient  à 
l'esprit  sans  efforts,  tout  comme  ce  fil  sort  do  la  quenouille; 
par  moments,  penchée  sur  la  bobine,  elle  interrompt  le  chant, 
ou  elle  prolonge  la  note,  jusqu'à  ce  que  le  travail  soit  redressé  ; 
puis  elle  reprend,  de  sa  voix  traînante  et  douce,  le  récit  de 
l'héroïque  ou  triste  aventure. 

N'est-ce  pas  qu'il  faudrait  toute  autre  chose  que  du  talent 
pour  soumettre  de  telles  mélodies  à  une  harmonisation? 


AR   ROUE  GRALON 

Petra  zo  neve  e  ker  Is, 

M'ar  d'e  ken  drant  ar  iaouankiz, 

Ha  m'ar  klevan  ar  biniou, 

Ar  vombard  hag  ann  telennou? 

Qu'y  a-t-il  de  nouveau  dans  la  ville  d'Is,  —  si  la  jeunesse  est  tel- 
lement joyeuse,  —  et  si  j'entends  le  biniou,  —  la  bombarde  et  les 
harpes? 

On  connaît  la  légende  de  Ker-Is,  cette  ville  punie  et  sub- 
mergée pour  les  fautes  de  Dahut  ou  Ahès,  fille  du  roi  Gradlon  ; 
elle  est  populaire  dans  toute  la  Bretagne.  C'est  même  une 
légende  universelle  :  h  ne  serait  dans  ce  sens  qu'une  cité 
mythique. 

La  version  du  Barzaz-Breiz,  «  Livaden  Geris  »,  je  ne  l'ai 
entendue  nulle  part  :  elle  est  fort  belle.  Celle  dont  je  transcris 


72  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

le  premier  couplet  seulement,  est  chantée  au  fond  de  la  Cor- 
nouaille  aussi  bien  que  dans  le  pays  trécorrois.  On  attribue 
ce  gwerz  à  Ollivier  Souveslre,  qui  l'a  intercallé  dans  une  nou- 
velle, «  le  Kloarek  breton  ». 

Si  tel  est  vraiment  le  cas,  voilà  un  exemple  de  ces  chansons 
qui  entrent  vite  dans  le  domaine  public.  C'est  un  barde  habile 
qui  a  composé  celle-ci;  elle  est  tout  à  fait  dans  le  goût  du 
peuple,  et,  ce  qui  a  été  loin  de  nuire  à  sa  vogue,  le  sujet 
en  était  d'avance  comme  un  thème  populaire.  Partout  il  y  a 
une  ville  d'Is;  on  en  montre  du  moins  partout  les  lointaines 
ruines  sous  les  flots  :  à  leaudet,  à  Leo-Drez  (la  Lieue-de- 
Grève)  en  Plestin,  aussi  bien  que  dans  la  baie  de  Douarnenez. 

Cette  complainte  est  imprimée  sur  des  feuilles  volantes;  les 
bardes-mendiants  la  colportent  et  la  vendent  sur  les  places 
de  marché.  C'est  un  des  gwerz  les  plus  aimés  de  la  foule;  le 
chanteur  qui  «  ne  fait  pas  ses  frais  »,  n'a  qu'à  tirer  de  son  bis- 
sac  en  toile  Ar  Boue  Gralon;  et  il  n'aura  pas  fini  le  premier 
couplet,  que  l'auditoire  sera  déjà  compact  et  attentif. 

Lorsque  la  question  des  mélodies  populaires  aura  été  l'objet 
de  sérieuses  études  au  double  point  de  vue  musical  et  scienti- 
fique, il  sera  possible  et  surtout  utile  d'en  instituer  pour  ainsi 
dire  la  paléographie.  J'ai  noté  deux  airs  du  «  roi  Gradlon  »  : 
il  ne  faut  pas  être  un  bien  vieux  clerc,  pour  reconnaître  l'an- 
tériorité de  la  première  version.  Cette  mélodie  est  d'une  allure 
lente,  grave  et  un  peu  triste.  Et  comme  les  théories  modernes 
sont  en  déroule  dans  ces  chants  du  peuple!  Les  couplets  de 
«  Ar  Roue  Gralon  »  sont  des  quatrains  :  le  premier  vers  se 
chante  à  quatre  temps;  les  deux  suivants  à  trois-quatre,  suivi 
d'une  mesure  à  deux-quatre  pour  retomber  à  quatre  temps, 
sur  le  quatrième  vers  exactement  avec  le  même  membre  de 
phrase  mélodique  qu'au  premier  vers  du  quatrain. 

L'air  de  Ker-ls  est  si  répandu,  qu'il  a  eu  la  bonne  (peut-être 
la  mauvaise)  fortune  de  se  prêter  à  des  sujets  divers,  profanes 
et  religie»;x. 


GWERZ  ET    SONN  73 


AR  G'HONT  A  WETO 

Pa  oa  ar  C'hont  iaouang  o  vond  deuz  ann  arme, 
Klevaz  eur  verjeren  o  kana  er  mené  (bis)  : 

—  Lared  d'in,  berjeren,  da  biou  ec'h  eo  ar  son 

A  ganec'h  brema-zonn? 

—  Tewed,  em-ehi  ',  otro,  na  n'en  em  jened  ket, 
Na  n'e  ket  d'ac'h  ar  sonn  a  ganenn  brema-zonn; 
Na'  n'e  d'ann  dimezel  deuz  ar  ger  a  Weto 
Lerer  zo  dispaket  eunn  daou  pe  dri  de  zo, 

1.  Ehi,  en  une  syllabe,  comme  dans  le  contracté  et. 

2.  La  négation  na,  en  poésie,  est  souvent  prise  dans  l'acceptioa  de  ha  (et). 
C'est  ici  le  cas,  pour  la  locution  na  n'e,  négative  d'ordinaire;  elle  exprime  un 
sens  alËrmatif,  bien  qu'elle  vienne  après  7ia  ne  ket  (au  vers  précédent),  dont 
l'expression  est  toujours  négative.  Cette  fois  ces  deux  locu  tions  sont  en  contraste. 

Na  n'e  ket  (ce  n'est  pas),  c'est  la  négation  tout  entière;  na  n'e  (ce  n'est), 
c'est  la  locution  écourlée.  De  même,  en  français  :  N'avez-vous  pas,  avez-vous 
pas?  Mais  le  rapport  est  renversé  :  l'ellipse  se  fait,  on  le  voit,  suivant  l'idiome, 
à  la  fin  ou  au  commencement  de  la  locution. 


LE  COMTE  DE  WÉTO  ' 

Quand  le  jeune  comte  était  à  revenir  de  l'armée,  —  il  entendit  une 
bergère  qui  chantait  sur  la  montagne  (bïs)  :  —  «  Dites-moi,  bergère, 
pour  (à  l'adresse  de)  qui  est  la  chanson  —  que  vous  chantiez  tout  à 
rheure? 

—  Taisez-vous ,  dit-elle ,  seigneur  (monsieur) ,  et  n'en  ayez  pas 
souci ,  —  ce  n'est  pas  pour  vous  la  chanson  que  je  chantais  tout  à 
l'heure;  —  mais  c'est  sur  (sur  le  compte  de)  la  demoiselle  de  la  ville 
de  Wéto  —  qu'on  dit  être  accouchée,  il  y  a  dans  les  deux  ou  trois 
jours, 

1.  Ce  gwerz  est  fort  répandu. On  l'intitule  diversement  ;  «  Le  Comte  de  Poitou  » 
est  un  de  ces  nombreux  litres.  J'aime  mieux  renoncer  à  tout  commentaire  et 
rétablir  dans  la  traduction  simplement  le  mot  breton  Wéto  (peut-être  Gwéto, 
devenant  Weto  en  breton,  suivant  la  règle  des  mutations)  ;  d'ailleurs,  «  la  ville 
de  Poitou  »  —  3»  vers  du  2^  couplet  —  ce  serait  au  moins  inexact,  géogra- 
phiquement. 


74  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Lerer  zo  dispaket  eunn  daou  de  zo  pe  dri  : 
Ari  ar  c'hont  en  ker  evid  he  c'heureuji.  — 

'Nn  hini  goz  a  1ère  en  kampr  he  merc'h  henan  : 

—  Otro  Doue!  ma  merc'h,  para  vo  groet  breman? 
Otro  Doue!  ma  merc'h^  para  a  vezo groet? 

Ari  ar  c'hont  en  ker  ma  veed  eureujet. 

—  Daled  eta,  ma  mamm,  daled  ma  alc'houeio 
Hag  ed-tu  d'am  c'hampr  wenn  da  wit  braoario; 
Ha  diesed  gan-ac'h  eunn  abid  inkarnal 

Hag  eunn  abid  satinn  da  lakàt  war  he  var; 

Ha  diesed  gan-ac'h  ma  dantelez  arc'hant 
Evit  lakât  d'am  c'hoar  a  zo  eur  plac'hik  koant  : 
Prezanted  hi  d'ar  c'hont,  pa  antreo  er  gampr 
Pa  antreo  er  gampr. 

—  Salud  d'ac'h,  dimezel,  dimezel  a  liou  goant, 
Gand  hoc'h  abid  inkarnal,  ho  tantelez  arc'hant. 
Mes  ann-obsant  miz  '  oc'h  n'a  ken  koantik  stipet, 
N'e  ket  c'houi  ann  hini  a  oa  d'in-me  dimezet; 

Qu'on  dit  être  accouchée,  il  y  a  dans  les  deux  jours  ou  trois.  — 
Le  comte  est  arrivé  dans  la  ville  pour  la  marier.  » 

La  vieille  (femme)  disait  dans  sa  chambre  à  sa  fille  aînée  :  — 
«Seigneur  Dieu!  ma  fille,  que  fera-t-on  maintenant?  —  Seigneur 
Dieu!  ma  fille,  que  fera-t-on?  —  Le  comte  est  arrivé  dans  la  ville, 
pour  que  vous  (lui)  soyez  mariée. 

—  Tenez  donc,  ma  mère,  tenez  mes  clefs,  —  et  allez  dans  la 
chambre  blanche  prendre  de  beaux  atours;  —  et  apportez  avec  vous 
un  vêtement  écarlate,  —  et  un  vêtement  de  satin  à  mettre  dessus, 

Et  apportez  avec  vous  ma  dentelle  d'argent,  —  pour  (les)  mettre  à 
ma  sœur  qui  est  une  jeune  fille  charmante  :  —  présentez-la  au  comte, 
quand  il  entrera  dans  la  chambre,  —  quand  il  entrera  dans  la  chambre. 

—  «  Salut  à  vous,  demoiselle,  demoiselle  au  teint  charmant,  — 
(charmante)  avec  votre  vêtement  écarlate,  votre  dentelle  d'argent.  — 
Mais  quoique  vous  soyez  belle  ainsi  et  parée  si  gentiment,  —  ce  n'est 
pas  vous  celle  qui  m'avait  été  fiancée; 

1.  Obscur.  Évidemment,  le  mot  nonobstant  est  entré  dans  ce  texte,  absolu- 


GWERZ  Eï   SONN  73 

N'e  ket  c'houi  ann  hini  a  oa  d'in-me  dimezel, 
N'en  e  ho  c'hoar  henan  :  pelec'h  ec'h  eo  hi  et? 
En  beo  pe  en  maro  me  renko  hen  c'havet 
Me  renko  hen  c'havet.  — 

'Nn  hini  goz  a  lere  en  kampr  he  merc'h  henan  : 

—  Otro  Doue!  ma  merc'h,  para  vo  groet  breman? 

Otro  Doue!  ma  merc'h,  penoz  a  vezo  groet? 
Ari  ho  c'hoar  e  ger  gand  ar  c'hont  refuzet, 
Ari  ho  c'hoar  e  ger  gand  ar  c'hont  refuzet 
Gand  ar  c'hont  refuzet. 

—  Daled  eta;  ma  maman,  daled  ma  alc'houeio, 
Hag  ed-tu  d'am  c'hampr  wenn  da  \vit  braoario, 
Hag  ed-tu  d'am  c'hampr  wenn  da  wit  braoario 

Da  wit  braoario  ; 


Ce  n'est  pas  vous  celle  qui  m'avait  été  fiancée,  —  et  c'est  votre 
sœur  aînée  ;  où  est-elle  allée?  —  Vivante  ou  morte  il  me  faudra  la 
trouver  —  il  me  faudra  la  trouver.  » 

La  vieille  (femme)  disait  dans  la  chambre  de  sa  fille  aînée  :  — 
«  Seigneur  Dieu  !  ma  fille,  que  fera-t-on  maintenant? 

Seigneur  Dieu  !  ma  fille,  comment  fera-t-on?  —  Votre  sœur  est 
arrivée  à  la  maison ,  par  le  comte  refusée,  —  votre  sœur  est  arrivée 
à  la  maison,  refusée  par  le  comte,  —  par  le  comte  refusée. 

—  Tenez  donc,  ma  mère,  tenez  mes  clefs,  —  et  allez  dans  ma 
chambre  blanche  prendre  de  beaux  atours ,  —  et  allez  dans  ma 
chambre  blanche  prendre  de  beaux  atours —  prendre  de  beaux  atours; 


ment  intraduisible  poyir  le  clianteur  Kérambrun.  Le  vocabulaire  français  du 
vieux  tisserand  était  restreint  au  possible  :  «  Oui;  non  ;  Monsieur.  »  c'était  tout 
ce  qu'avait  i'elètlti  l'octogéuaire,  qui  n'avait  jamais  fait  un  pas  hors  de  Basse- 
âretagbej  J'di  pourtant  soumis  à  Kérambrun  la  traduction  de  ce  passage  ;  il 
ta'à  répondu  :  »  C'est  toujours  ainsi  que  j'ai  compris.  »  Je  m'en  tiens  à  son 


76  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

Ha  diesed  gan-ac'h  eunn  abid  inkarnal 

Hag  eunn  abid  satinn  da  lakât  war  he  var; 

Ha  diesed  gan-ac'h  ma  senturen  geran, 

'Wit  ma  vin  mistr  ha  moan  da  vonet  dira-z-han  ; 

Ha  diesed  gan-  ac'h  na  ma  c'hoef-noz  ive  : 
Rak  me  a  oar  ervad  a  gollin  ma  bue. 

—  Salud  d'ac'h,  dimezel,  dimezel  a  liou  bal, 
Gand  ho  tantelez  arc'hant,  hoc'h  abid  inkarnal  : 
Dindan  ann  treo  ker-ze  c'houi  a  doug  ar  glac'har 

C'houi  a  doug  ar  glac'har; 

Ma  spered  a  lar  d'in,  p'ho  kwelan  o  kerzet, 
Ac'h  euz  ganet  eur  mab  pe  eur  verc'h  bannaket. 

—  Ha  pa  venn  dispennet  evel  amann  rouzet, 
Biskoaz  na  merc'h  na  mab,  otro,  n'am  euz  ganet. 


Et  apportez  avec  vous  un  vêtement  écarlate,  —  et  un  vêtement  de 
satin  à  mettre  dessus;  —  et  apportez  avec  vous  ma  ceinture  la  plus 
belle,  —  pour  que  je  sois  souple  (légère)  et  mince  à  aller  (paraître) 
devant  lui  ; 

Et  apportez  avec  vous  ma  coëffe-de-nuit  '  aussi  :  —  car  je  sais  bien 
que  je  perdrai  la  vie.  » 

—  «  Salut  à  vous,  demoiselle,  demoiselle  au  teint  pâle,  —  (char- 
mante) avec  votre  dentelle  d'argent,  votre  vêtement  écarlate  :  —  sous 
ces  belles  choses-là  vous  portez  la  douleur,  —  vous  portez  la  douleur. 

Mon  esprit*  me  dit,  quand  je  vous  vois  marcher,  —  que  vous 
avez  enfanté  un  fils  ou  une  fille  quelconque.  —  Et  quand  même  je 
serais  défaite  (décapitée)  comme  du  beurre  roussi  (fondu),  —  jamais 
ni  fille,  ni  fils,  monsieur,  je  n'ai  enfanté. 

1.  Ce  passage  est  elliptique.  La  coëffe-de-nuit  devra  servir  à  un  double 
usage;  l'ensevelisseuse  en  aura  besoin,  après  la  mariée  :  c'est  la  coëffure  de 
sa  nuit  de  noces,  que  la  morte  aura  dans  le  cercueil. 

2.  Spered  est  le  même  mot  que  spirilus  ou  espi'it  ;  c'est  l'intelligence  natu- 
relle, avec  des  attributs  divers  :  chez  les  illettrés,  ce  don  de  nature  ne  va  pas 
sans  quelques  aptitudes  divinatoires;  il  implique,  pour  des  gens  qui  se  livrent 
à  l'étude,  une  large  ouverture  d'esprit,  une  intelligence  prête  à  toute  culture. 


GWERZ    ET   SONN  77 

—  Alo!  ma  sonerien,  soned  d'imp  eur  son  c'he, 
Ma  welin  ann  demarch  deuzar  feumeulen-ze.  — 
Hag  hen  laket  he  dorn  neuze  war  hi  feutrin, 
Ken  a  deuaz  al  lez  deuz  he  robenn  satinn. 

—  Alo  !  ma  sonerien,  soned  breman  kanvo  : 
Cheteu  intanv  dija  ar  c'hont  euz  a  Weto  ; 
D'ann  oad  a  driouac'h  via  ma  mestrez  a  varvo 

Ma  mestrez  a  varvo. 

Gall  e  rez  bea  laret  oa  me  a  oa  he  dad  : 
Na  n'on  ket  eur  friponn  n'hag  eur  c'hokinn  bennak. 
Ha  levered  d'he  mamm  c'hastan  donet  aman  : 
War-benn  ma  vo  ari  vo  he  goad  o  ienan.  — 

Chanté  par  Louis  Kérambrun,  tisserand,  de  Pieudaniel  (Côles-du-Nord). 


—  Allons!  mes  sonneurs,  sonnez-nous  un  air  joyeux,  —  aQn  que 
je  voie  la  démarche  de  cette  femme-là.  »  —  Et  lui  de  mettre  sa  main 
alors  sur  sa  poitrine,  —  (si  fort)  que  le  lait  jaillit  de  sa  robe  de  satin. 

«Allons!  mes  sonneurs,  sonnez  maintenant  le  deuil!  —  Voici 
qu'est  veuf  déjà  le  comte  de  Wéto;  —  à  l'âge  de  dix-huit  ans  ma 
maîtresse  (ou  fiancée)  mourra,  —  ma  maîtresse  mourra. 

Tu  pouvais  avoir  dit  que  c'était  moi  son  père  :  —  et  je  ne  suis  pas 
un  fripon  ni  un  coquin  quelconque.  —  Et  dites  à  sa  mère  qu'elle  se 
hâte  de  venir  ici  :  —  quand  elle  sera  arrivée,  son  sang  (à  sa  fille) 
sera  à  se  refroidir.  » 


Dans  les  histoires  d'amour  le  dénouement  tragique  est  fré- 
quent; beaucoup  finissent  devant  la  cour  d'assises  :  ce  qui 
n'empêche  pas  le  merveilleux  d'intervenir  au  milieu  des  plus 
brutales  réalités.  Un  gwerz  "de  ce  genre,  qui  fit  du  bruit  aux 
environs  de  Lannion,  c'est  «  lannig  ar  Gall  »;  je  le  crois  ori- 
ginaire du  pays  lannionnais,  où  personne  ne  le  chante  à  pré- 
sent; on  ne  le  connaît  plus  par  là,  et  si  j'ai  pu  en  retrouver 
quelques  couplets,  c'est  à  quinze  lieues  de  la  contrée  natale, 
près  de  Maël-Carhaix,  dans  la  Cornouaille. 


78  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

«  A?'  c'hont  aWeto  »  remonterait  plus  haut  que  notre  époque 
d'assises  et  de  jurés.  Il  en  est  encore  aux  coutumes  locales. 
C'est  moins  un  mari  (un  fiancé  plutôt)  abusé,  qu'un  seigneur 
exerçant  sur  ses  terres  ou  dans  sa  ville  un  droit  particulier  de 
justice  (voy.  Liskildri,  p.  79).  Ce  droit  de  vie  ou  de  mort  n'est 
même  pas  contesté  par  la  victime. 

Mais  il  faut  nous  en  tenir  à  cette  seule  observation;  toute 
assertion  reposerait  sur  une  hypothèse.  Rien  de  plus  facile, 
j'imagine,  que  de  bâtir  sur  des  conjectures  ;  mais  rien  de  moins 
simple  à  saisir  qu'une  vérité  historique  ainsi  enveloppée. 

A  voir  les  irrégularités  de  forme  de  cette  complainte,  on  se 
rend  compte  aussitôt  qu'elle  offre  au  chanteur  plus  d'un  em- 
barras. Elle  contient  des  couplets  de  quatre  vers,  et  trois  qui 
sont  des  distiques.  Les  quatrains,  en  outre,  ne  sont  pas  tous 
uniformes  :  les  uns,  composés  de  quatre  alexandrins;  d'autres, 
où  le  quatrième  vers  est  de  six  pieds.  A  ces  mesures  diverses 
est  adaptée  pourtant  la  même  phrase  musicale'. 

Nous  constatons  que  les  deux  premiers  membres  de  phrase 
sont  le  fond  du  thème  mélodique.  Et  c'est  là  exactement  l'air 
de  chaque  couplet  en  distique,  dont  le  second  vers  ne  doit 
jamais  être  bissé.  Quant  au  couplet  à  quatre  alexandrins,  le 
quatrième  vers  se  chante  comme  le  deuxième,  sans  qu'on  ait 
non  plus  recours  au  bis,  pour  le  dernier  vers  :  cela  conclut 
régulièrement,  sur  la  dominante,  la  période  musicale.  Sur  le 
quatrain  qui  se  termine  par  un  vers  de  six  syllabes,  il  n'y  a  pas 
lieu  d'insister  :  l'air,  avec  la  cadence  finale,  est  celui  qu'on 
trouvera  dans  les  nolalions. 


1.  Je  sais  bien  qu'on  rencontre,  dans  le  recueil  manuscrit  de  la  Bibliothèque 
Nationale^  telle  chanson  notée  sur  deux  airs  différents  qui  se  succèdent,  c'est- 
à-dire,  la  chanson  commencée  sur  un  air,  interrompue  à  certain  couplet  pour 
être  achevée  sur  une  seconde  mélodie  :  il  est  impossible  que  ce  soit  là  une 
chaûson  populaire;  et  les  folk-lorisles  ne' se  laissent  pas  prendre  à  ces  sortes 
de  composition. 


GWERZ   ET  SONN  79 


LISKILDRI 


Et  eo  Liskildri  da  Bariz, 
Emberr  e  vo  pevarzek  miz  (bis). 

Ha  benn  ma  distroio  d'ar  ger, 
Hen  a  vo  zur  a  c'heritier; 

Hen  a  vo  zur  a  c'heritier  : 
Trugarekat  ar  miliner  ; 

Trugarekat  Fransez  Simon, 
En  euz  debochet  he  itron. 


Pa  distro  Liskildri  er  vro, 
Hen  a  sko  rust  war  he  borjo  ; 

Hen  a  sko  rust  war  he  borjo, 
Ha  den  na  deu  d'ho  disrorro. 


LISQUILDRY 

Lisquildry  est  allé  à  Paris,  —  tantôt  il  y  aura  quatorze  mois. 

Et  pour  le  temps  où  il  retournera  à  la  maison,  —  il  sera  certain 
d'avoir  un  héritier  ; 

Il  sera  certain  d'avoir  un  héritier  :  —  remercîments  (grâce)  au 
meunier  ; 

Remercîments  à  François  Simon,  —  qui  a  débauché  sa  dame. 


Quand  Lisquildry  revient  au  pays,  —  il  frappe  rudement   aux 
portes  de  sa  cour  ; 

Il  frappe  rudement  auîc  portes  de  sa  cour,  —  et  personne  ne  vient 
les  ouvrir. 


80  CHANSONS    ET   DANSES   DES    BRETONS 

Eur  vatez  vihan  oa  en  ti, 
E  bell  e  oa  0  cherviji, 

E  bell  e  oa  o  cherviji, 
Hag  a  deuaz  d'ho  digerri  ; 

Hag  a  deuaz  d'ho  digerri 
Ha  lavaraz  da  Liskildri  : 

—  Ma  kered  n'em  diskuilfed  ket, 
Me  konto  d'ac'h  eur  sekret. 

Eman  'nn  itron  étal  ann  tan, 
0  iomman  'nn  eritiour  bihan  ; 

Ha  m'ar  geo  glaz  he  zaoulagad, 
Fransez  Simon  zo  de  -han  tad; 

Ha  m'ai  geo  melen  bleo  he  benn, 
Hen  vo  c'hanvet  ar  Simonen.  — 


—  0  ma  itron,  d'in-me  lered, 
Da  biou  eo  ar  bugel  —  ze  domed? 


Une  petite  servante  était  dans  la  maison,  —  elle  était  depuis  long- 
temps à  (son)  service  ; 

Elle  était  depuis  longtemps  à  (son)  service;  —  et  (c'est)  elle  (qui) 
vint  ouvrir  (les  portes); 

Et  (c'est)  elle  (qui)  vint  ouvrir  (les  portes),  —  et  elle  dit  à  Lis- 
quildry  : 

«  Si  vous  voulez  ne  pas  me  dénoncer,  —  je  vous  raconterai  un 
secret. 

La  dame  est  près  du  feu  —  à  réchauffer  le  petit  héritier; 

Et  si  ses  deux  yeux  sont  bleus,  —  (c'est  que)  François  Simon  est 
son  père  ; 

Et  si  les  cheveux  de  sa  tète  sont  blonds,  —  il  sera  appelé  le  fils  à 
Simon.  » 

«  0  ma  dame,  dites-moi,  —  à  qui  est  cet  enfant-là  que  vous 
réchauffez? 


GWERZ    ET   SONN  81 


—  Hennez  a  'zo  d'am  mererez, 
Ha  me  zo  d'ez-han  meronez. 

—  0  ma  itron,  gaou  a  lered  : 
Rak  d'ac'h  eo  'r  bugel-ze,  domed  ; 

Rak  d'ac'h  eo  'r  bugel-ze,  domed  : 
Fransez  Simon  zo  d'ac'h  kiriek.  — 


—  Me  ho  tisko,  Simonik  fin, 
Da  tronsan  ar  zeiou  satin  ; 

Ar  ze  satin  bordet  gand  aour 
Na  zireou  ket  euz  ann  dud  paour. 

—  Pa  c'harue  'barz  ar  vilin, 
Oc'h  azee  war  benn  ma  glin  ; 

Ac'hane  lampe  ar  gwele, 
Ma  gelve  poultren  a-neuze  ; 


—  Celui-là  est  à  ma  métayère,  —  et  je  suis  sa  marraine. 

—  0  ma  dame,  vous  mentez  :  —  car  c'est  à  vous,  cet  enfant-là 
que  vous  réchauffez  : 

Car  c'est  à  vous,  cet  enfant-là  que  vous  réchauffez  :  —  François 
Simon  vous  en  est  la  cause  (l'auteur).  » 


«  Je  vous  apprendrai,  petit  Simon  malin,  —  à  retrousser  les  robes 
de  satin  ; 

La  robe  de  satin,  bordée  d'or,  —  n'est  pas  pour  les  gens  pauvres. 

—  Lorsqu'elle  arrivait  dans  le  moulin,  —  elle  s'asseyait  sur  le 
bout  de  mes  genoux  ; 

De  là  elle  sautait  dans  le  lit,  —  elle  m'appelait  poltron  alors; 

b 


82  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

Ma  galve  poultren  ac'hane  : 
Olrou,  ha  c'houi  a  andurfe? 


'Nn  otronez  'ro  peb  a  ziner 
Da  lakat  krouga  'r  miliner. 

'Nn  itronezed  'ro  peb  a  skoed 
Da  c'hars  na  n'ije  droug  ebed. 

Fransez  Simon  a  lavare 

'R  bazenn  huellan  pa  bigne  : 

—  Me  'wel  ac'han  tri-c'houec'h  tourel, 
'Zo  en-he  tri-c'houec'h  dimezel; 

A  zo  en-he  tri-c'houec'h  itron  : 
OU  int  groage  da  Fanch  Simon.  — 

Chanté  par  M.  Grégoire  Delafargue,  de  Plougonver. 


Elle  m'appelait  poltron,  de  là  :  —  Monsieur,  et  vous,  auriez-vous 
résisté  (m.  à  m.,  le  supporteriez-vous) ?  » 


Les  seigneurs  donnent  chacun  un  denier  —  pour  faire  pendre  le 
meunier. 

Les  dames  donnent  chacune  un  écu  —  pour  empêcher  qu'il  n'ait 
aucun  mal. 

François  Simon  disait,  —  lorsqu'il  montait  la  plus  haute  marche  : 

«  Je  vois  d'ici  dix-huit  tourelles  (châteaux),  —  dans  lesquelles  il 
y  a  dix-huit  demoiselles, 

Dans  lesquelles  il  y  a  dix-huit  dames  :  —  toutes  sont  des  femmes 
à  François  Simon  »» 


Tout  porte  à  croire  que  ce  gwerz  ne  date  pas  de  notre 
époque  contemporaine.  Où  je  l'ai  recueilli,  dans  \e  ploii,  on 
raconte  que  «   le  seigneur  Liskildry  était  allé  rejoindre  les 


GWtRZ    ET    SONN  83 

armées  du  roi,  à  Paris;  pendant  ce  temps,  sa  femme  courait  le 
guilledou  ».  L'aventure  n'était  pas  rare  alors,  d'après  la  tradi- 
tion. On  a  tiré  de  celle-ci  une  chanson,  parce  qu'elle  fit  du 
bruit,  tant  à  cause  du  nom  du  seigneur  Liskildry,  que  pour  la 
justice  éclatante  que  rendit  le  châtelain  à  l'adultère  manant. 

Ce  gwerz  a  l'air  complet;  mais  je  connais  peu  de  chansons 
d'où  les  transitions  soient  aussi  absentes. 

Sous  la  mélodie,  une  phrase  à  trois  membres,  circule  une 
ironie  à  peine  dissimulée,  dans  les  deux  premiers  membres  de 
phrase;  au  troisième,  elle  éclate,  à  la  fois  mordante  et 
sinistre  :  c'est  la  satire  dans  un  giverz  tragique.  Dans  un 
sonn  elle  aurait  un  tout  autre  caractère. 


84  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 


KLOAREK    KOATREVEN' 

Kloaregik  Koatreven  an  euz  groet 
Ar  pez  na  rafe  mab  ebed  {bis), 

'N  euz  groet  eut  pak  douz  he  levrio 
'Toull  porz  he  dad  ouz  ar  baro, 

Evit  mond  d'ober  al  lez 

Da  Goatgoure  d'ar  bennherez. 

—  Pa  n'an  da  studian  d'ar  skol, 
Saludan  ma  dous  war  douU  he  dor, 

Saludan  ma  dous  a  diabell  : 
Salud  d'ac'h,  ma  dousig  Izabel. 

1.  Rapprochez  ce  gwerz  de  L'Héritière  de  Grec'hgouré,  dans  les  Gwerziou  Brei: 
Izet  de  M.  Luzel. 


LE    KLOAREK  DE   GOATRÉVEN 

Le  petit  kloarek  de  Goatréven  a  fait  —  ce  que  ne  ferait  aucun  fils 

[bisj; 

Il  a  fait  un  paquet  de  ses  livres  —  à  la  porte  de  la  cour  de  son 
père,  contre  le  seuil  *. 

Pouraller  faire  la  cour,  —  en  Goatgouré,  à  l'héritière. 

((  Lorsque  je  m'en  vais  étudier  à  l'école,  —  je  salue  ma  douce  sur 
lepai  de  sa  porte; 

Je  salue  ma  douce,  de  loin  :     -  «  Salut  à  vous,  ma  petite   douce 
Isabelle. 


1.  Le  mot  baro,  dont  le  sens  est  multiple  et  "très  vague,  a  besoin  le  plus 
souvent  d'être  accompagné  d'un  détermiaatif  ;  aucun  chanteur  ne  m'a  traduit 
ou  expliqué  d'une  façon  satisfaisante  ce  pluriel  de  bar. 


GWERZ   ET    SONN  85 

—  Ha  d'ac'h,  em'ehi,  ma  dousik  kloarek  ; 
Nemet  ma  goadisan  n'a  red. 

—  Me,  'm'ehan,  n'ho  koadisan  ket 
Nag  en  zell  da  ober  na  n'on  ket  ;j 

N'am  e  biken  ann  ardianz 
D'ho  koulenn  douz  hoc'h  oblans. 

—  Mar  deud  d'am  goulenn,  deud  fêle, 
Diesed  gan-ac'h  markiz  Koadane  : 

Hennez  zo  eunn  den  a  galite, 
G'houfeo  parland  ouz  ma  ligne.  — 

KIoaregik  Koatreven  a  1ère 
En  Koadane  pa  'n  arie  : 

—  Salud,  'm'ehan,  markiz  Koadane. 
G'houi  'deufe  gan  in  da  Koatgoure 
Da  c'houl  eur  bennherez  ac'hane  '  ? 


—  Et  à  vous,  dit-elle,  mon  petit  doux  kloarek;  —  vous  ne  faites 
que  vous  moquer  de  moi: 

—  Moi,  dit-il  je  ne  moque  pas  de  vous,  —  ni  dans  l'intention  de  le 
faire  je  ne  suis  pas  ; 

«  Je  n'aurais  jamais  la  hardiesse  —  de  vous  demander  (en  mariage) 
à  votre  noblesse. 

—  Si  vous  venez  me  demander,  venez  aujourd'hui  ;  amenez  avec 
vous  le  marquis  de  Goathanhai  : 

«  Gelui-là  est  un  homme  de  qualité  —  qui  saura  causer  à  ma 
lignée.  » 

Le  petit  kloarek  da  Goatréven  disait  —  dans  Goatanhai,  en  arrivant  ; 

«  Salut  ,  dit-il,  marquis  de  Goatanhai,  Viendrez-vous  avec  moi  à 
Goatgouré —  pour  demander  une  héritière  de  là? 

1.  Le  second  vers  de  chaque  couplet  étant  bissé,  cela  fait  que  la  phrase 
musicale  est  composée  de  trois  membres  ;  il  est  donc  indifférent,  au  point  de 
vue  de  la  mélodie,  que  le  couplet,  au  lieu  de  rester  le  distique  habituel, 
devienne  quelquefois  un  ternaire  ;  le  troisième  vers  fait  supprimer  le  bis. 


86  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

—  Biken  jamez  na  gredfenn  me 
Az  pe  te  pennherez  Koatgoure, 

Perc'hen  pemzek  mil  skoed  leuve, 
Ha  te  n'at  euz  gwennek  deuz  ann-he  ; 

0  nan,  biken  n'gredfenn  me 

Mond  da  c'houl  d'id  pennherez  Koatgoure. 

—  Goud-ouz-oc'h  e-vad,  otro  Koadane, 
Me  'zo  'n  ho  servich  noz  ha  de, 

Ha  bean  ac'h  on  ho  sekreter, 

Ha  bean  on  ouspen  ho  preur-mager. 

Me  oa  kontand  da  vean  belek, 
Med  ar  plac'h  n'a  bermet  ket; 

Hag  an  euz  laret  mond  d'he  goul  fête 
Ha  kas  gan-in  ann  otro  Koadane  : 

Hennez  zo  eunn  den  a  galite 
Goufeo  parland  douz  ma  ligne. 


—  Jamais,  non,  jamais  je  ne  croirai  —  que  tu  obtiennes,  toi,  l'héri- 
tière de  Goatgouré, 

Qui  possède  quinze  mille  écus  de  rente  ;   —  et  toi  tu  n'as  pas  un 
sou  de  cela. 

Oh!  non,  jamais  je  n'oserais  —  aller  demander  pour  toi  l'héritière 
de  Goatgouré. 

—  Vous  savez  bien,  monsieur  de  Goatanhai,  que  je  suis  à  votre 
service  nuit  et  jour  ; 

Et  je  suis  votre  secrétaire,  —  et  je  suis  en  outre  votre  frère  de  lait. 

J'étais  content  d'être  prêtre  ;  —  mais  la  jeune  fille  ne  (le)  permet  pas  ; 

Elle  a  dit  d'aller  la  demander  aujourd'hui  —  et  d'envoyer  avec  moi 
monsieur  de  Goatanhai  : 

«  Gelui-là  est  un  h3mme  de  qualité  —  qui  saura  parler  à  ma 
lignée.  » 


GWERZ    ET   SONN  87 

—  Ho  !  mar  d'e  ar  plac'h  a  lavar  ze, 
Me  am  o  d'id  penneherez  Koatgoure  ; 

Gant  bek  ma  lans  pe  ma  c'hleve 
Me  am  o  'n-ehi  'n  nespet  d'he  ligne, 

Gant  bek  ma  c'heleve  pe  ma  lans 

Me  am  o  'n-hei  'n  nespet  d'hec'h  oblans.  — 

'Nn  otro  Koadane  a  lavare 
'Barz  en  Koatgoure  pa  'n  arie  : 

—  Bonjour  d'ac'h,  otro  Koatgoure. 

—  Ha  d'ac'h  ie,  markiz  Koadane. 

Diskenned  ha  deud  en  li 

Ha  leked  ho  kezeg  e  marchosi  ; 

Leked  ho  kezeg  e  marchosi 
Ha  deud  d'ar  sal  da  dijunin. 

—  Na  diskennin  na  n'in  en  ti 
Na  lakin  ma  marc'h  er  marchoi, 


—  Ho!  si  c'est  la  jeune  fille  qui  a  dit  cela,    —  j'aurai  pour  toi 
l'héritière  de  Coatgouré  ; 

Avecla  pointe  de  ma  lance  ou  (avec)  mon  épée  -  je  l'aurai,  malgré 
sa  lignée; 

Avec  la  pointe  de  mon  épée  ou  (avec)  ma  lance  —  je  l'aurai,  malgré 
sa  noblesse.  » 

Monsieur  de  Coatanhai  disait  —  dans  Coatgouré,  lorsqu'il  arriva  : 

«  Bonjour  à  vous,  Monsieur  de  Coatgouré.  »  —  «  Et  à  vous  aussi, 
Marquis  de  Coatanhai. 

Descendez,  et  venez  dans  la  maison,  —  et  mettez  vos  chevaux  à 
l'écurie  ; 

Mettez  vos  chevaux  à  l'écurie,  —  et  venez  dans  la  salle  pour  dé- 
jeuner. 

—  Je  ne  descendrai,  ni  je  n'irai  dans  la  maison,  —  ni  je  ne  mettrai 
mon  cheval  à  l'écurie. 


88  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

Ken  am  o  klevet  ma  c'henvidi  : 
AouQ  *m  euz  a  savfe  fachiri. 

—  Na  savo  ket  a  fachiri, 

'Wit  ma'man  ho  koulenn  'barzma  zi. 

—  Ho  pennherezig  a  c'houlennan 
D'ann  otro  Koatreven  'zo  aman. 

—  Otro  Koadane,  goud-ouz-oc'h  a-vad, 
'Wid  ann  dra-ze  na  ve  ket  siab, 

'N  eve  perc'hen  pemzek  mil  skoed  leuve, 
Hag  hen  n'euz  gwennek  deuz  an-he. 

Ma  vije  'wid-oc'h  poa  he  goulet. 
Otro  Koadane,  na  vijec'h  refuzet. 

—  Otro  Koatgoure,  goud-ouz-oc'h  'vad 
On-me  eunn  den  veritab  : 

Na  draïsin  ket  me  sekreter  ; 

Hag  ouspen  e  d'in  c'hoaz  breur-mager.  — 


Que  je  n'aie  entendu  le  résultat  de  mon  message  :  —  j'ai  peur 
qu'il  se  lève  fâcherie  (entre  nous). 

—  Il  ne  se  lèvera  point  fâcherie,  —  si  du  moins  est  (l'objet  de) 
votre  demande  dans  ma  maison. 

—  C'est  votre  jeune  héritière  que  je  demande  —  pour  Monsieur  de 
Coatréven,  qui  est  ici. 

--  Monsieur  de  Goatanhai,  vous  (le)  savez  bien,  —  pour  cette  chose- 
là,  ce  ne  serait  pas  convenable 

Qu'il  obtint  la  maîtresse  de  quinze  mille  écus  de  rente,  —  et  il 
n'a  pas  un  sou  décela. 

Si  c'était  pour  vous  que  vous  l'eussiez  demandée,  —  Monsieur  de 
Goatanhai,  vous  n'auriez  pas  été  refusé. 

—  Monsieur  de  Goatgouré,  vous  savez  bien  que  je  suis  un  homme 
de  bonne  foi  : 

Je  ne  trahirai  pas  mon  secrétaire;  —  et  de  plus  il  est  encore  mon 
frère  de  lait.  .> 


GWERZ    ET    SONN  89 

'Nn  otro  Koadane  pa  'n  euz  klevet, 
Diwar  geign  he  varc'h  e  diskennet, 

Hag  antreet  'barz  ar  gigin 

Hag  hen  ken  glaz  hag  eur  glizinn. 

—  Matezik  vihan,  d'in  lered, 
Ho  pennherezik  pelec'h  eo  et? 

—  Eman  du-ze  'barz  'n  he  c'hampr 
0  kozeal  gant  seiz  baron  iaouank, 

0  kozeal  gant  seiz  baron  iaouank, 

Hag  ar  choaz  an-he  'n  evo,  pa  'n  o  c'hoant. 

—  Pachik,  pachik,  ma  fach  bihan, 
Kes  d'he  saludin  d'he  c'hampr 

Ha  tach  d'c'houd  ober  komplimant,  — 

Ar  pach  bihan  a  lavare 
Ebarz  ar  gampr,  pa  'n  arie  : 

—  Bonjour  d'ac'h,  'm'ehan,  pennherez, 
Ha  d'ac'h  ha  d'ho  kompagnonez. 


Monsieur  de  Coatanhai,  lorsqu'il  eut  entendu  (cela),  —  du  haut  de 
son  cheval  est  descendu, 

Et  (il  est)  entré  dans  la  cuisine,  —  et  lui  (de  colère)  bleu  comme 
un  bluet  : 

«  Petite  servante,  dites-moi,  —  votre  petite  héritière  ouest  elle? 

—  Elle  est  là-bas  dans  sa  chambre  —  à  causer  avec  sept  jeunes 
barons, 

A  causer  avec  sept  jeunes  barons,  —  et  le  choix  elle  en  aura, 
quand  elle  voudra.  » 

«  Petit  page,  petit  page,  mon  page  petit,  —  va  la  saluer  dans  sa 
chambre,  —  et  tâche  de  savoir  faire  un  compliment.» 

Le  petit  page  disait  —  dans  la  chambre,  quand  il  arriva  : 

«  Bonjour  à  vous,  dit-il,  héritière,  —  et  à  vous  et  à  votre  compa- 
gnie. . 


90  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BUKTONS 

Laret  a  zo  d'ac'h  dond  en  traou 

Da  laret  ouz  ma  mestr  eur  gir  pe  daou. 

Kar  eman  du-hont  'barz  ar  gigin 
Hag  hen  ken  glaz  hag  eur  glizinn  ; 

'Man  en  eur  goleur  ar  vrasan  : 
Lac'han  ho  tad  a  fell  d'ehan.  — 

Ar  bennherez  pa  'n  euz  klevet. 
'Traou  gand  ar  vins  e  diskennet. 

—  Salud  d'ac'h,  otro    Koadane  : 
Pelec'h  e  manet  ma  c'harante? 

—  Et  e,  'me-han,  da  Sant-Briek 
Da  gerc'het  eur  gazill  silaouret; 
Disul  laro  he  ofern-bred, 

Disul  laro  he  ofern  gentan  : 

On  deut  d'ho  pedin  d'he  achistan.  — 

Ar  bennherez  a  lavare 

D'he  fotr-marchosi  hag  a-neuze  : 


On  vous  a  dit  de  venir  en  bas  —  pour  dire  à  mon  maître  un  mot  ou 
deux; 

Car  il  est  là-bas  dans  la  cuisine,  —  et  lui  (de  colère)  aussi  bleu 
qu'un  bluet; 

Il  est  dans  une  colère  la  plus  grande  :  —  de  tuer  votre  père  il  a 
envie.  » 

L'héritière,  lorsqu'elle  eut  entendu  (cela),  —  en  bas  par  l'escalier 
est  descendue; 

«  Salut  à  vous,  Monsieur  de  Coatanhai,  —ouest  resté  mon  amour? 

—  Il  est  allé,  dit-il,  à  Saint-Brieuc  —  pour  chercher  une  chasuble 
dorée  :  —  dimanche  il  dira  sa  grand'messe, 

Dimanche  il  dira  sa  première  messe  :  —  je  suis  venu  vous  prier  d'y 
assister.  » 

L'héritière  disait  —  à  son  garçon  d'écurie  pour  lors  : 


GWERZ    ET   SONN  ôï 

—  Prepared  d'in  eiz  a  gezek 

Da  lakad  ouz  ma  c'hareoz  chilaouret  ; 

Ha  c'hast  buhon  ober  ze, 
Me'renk  mond  da  Sant-Briek  fête 

Na  d'hen  distrei  gant  gras  Done  : 
Rak  biken  jamez  belek  na  ve.  — 

Koatgoure  goz  pa  'n  euz  klewet, 
D'he  bennherezik  'n  euz  laret  : 

—  Me  am  euz  aman  chadenno, 
Ma  fennherezig,  hag  ho  talc'ho. 

Mired  ho  chadenno  'n  ho  kampr, 
Ha  deud  da  rei  d'in  treo  ma  mamm  : 

Mil  boellad  gwiniz  ha  seiz 

'M  euz  deuz  beurz  ma  mamm  'goste  Breiz, 

Ha  pempmil  skoed  leuve  'barz  en  Bro-Gall  : 
Ho  !  me  na  n'on  ket  eur  fortun  fall  ; 


«  Préparez-moi  huit  de  chevaux  —  pour  mettre  à  mon  carrosse 
doré; 

Et  dépêche-toi  de  faire  cela  :  —  il  me  faut  aller  à  Saint-Brieuc  au- 
jourd'hui, 

Et  le  détourner  (de  la  prêtrise)  avec  la  grâce  de  Dieu  :  —  car 
jamais,  jamais  prêtre  il  ne  sera.  » 

Le  vieux  Coatgouré  lorsqu'il  eut  entendu  (cela),  —  à  sa  jeune  héri- 
tière a  dit  : 

«  J'ai  ici  des  chaînes,  —  mi petite  héritière,  qui  vous  retiendront. 

—  Gardez  vos  chaînes  en  votre  chambre,  —  et  venez  me  donner 
les  biens  de  ma  mère  : 

Mille  boisseaux  de  froment  et  sept  —  j'ai  de  la  part  de  ma  mère, 
du  côté  de  la  Bretagne, 

Et  ciiiq  mille  écus  de  rentes  en  pays  gallo  {ou  de  France)  —  ho  !  je 
ïlê  guis  pas  une  fortune  piètre  ; 


92  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Kement  ail  en  bro  Léon  : 
Me  zo  dimezel  hag  itron. 

Me  oar  a-vad  n'euz  ket  hen  a  danve  : 
Met  mado  awalc'h'zo  deuz  ma  re.  — 


Chanté  par  Françoise  Feutel,  marchande  foraine,  de  Saint-Clet  (Côtes- 
du-Nord). 


Autant  dans  le  pays  de  Léon  :  —  je  suis  demoiselle  et  dame*. 

Je  sais  bien  que  lui  n'a  pas  de  fortune;  —  mais  des  biens  assez  il 
y  a  des  miens. 


Inutile  de  redire  combien  les  chansons  de  kloarek  sont 
encore  répandues,  surtout  dans  le  pays  de  Tréguier.  Le 
kloaregik  était  devenu  le  type  du  soupirant,  évincé  par  le  père, 
mais  agréé  de  la  fille.  Voir  le  sonn  de  «  ar  Bonomik  »,  après 
le  gwerz  de  «  Koatreven  »  :  on  saisira  mieux  les  différences, 
nettement  tranchées,  entre  les  deux  genres  de  poésie. 


1.  Itron  a  la  double  signification  du  latin  domina  et  du  français  dame  ;  ici  : 
a  dame  de  ces  bienf . . . 


6WERZ    ET  SONN  93 


AR  G'HLOAREG  lAOUANK 

Me  a  zo  eur  c'hioaregig  iaouank, 

Hag  '  eman  ma  zi  war  vord  ar  stank  (bis). 

Ha  biskoaz  n'em  euz  laket  ma  foan 
Da  garet  plac'h  iaouank  'med  unan; 

Ha  biskoaz  hini  nemed  hi  n'em  e, 
Ha  nemet  ma  zud  e  me  c'harsfe  : 
Ha  ma  ouifenn  ze,  me  ho  c'huitafe. 

Pa  oann  eru  en  noad  da  zimei, 
Oann  kaset  da  Bariz  da  studi 
Evit  ma  chars  da  zimezi. 

Ha  pa  oann  en  Pariz  o  studi, 
Ma  mestrezig  o  skrivan  d'in, 

1.  La  conjoQctioa  ha  ou  hag  (et),  dans  le  couraat  d'uae  phrase,  après  un 
antécédent,  comme  kloaregik,  équivaut  au  relatif  peAmi  {qui,  que  on  dont).  La 
traduction    serait,  en  bon  français  :  «  Un  jeune  kloarek,  dont  la  maison...  » 


LE  JEUNE  KLOAREK 

Je  suis  un  petit  kloarek  jeune,  —  et  ma  maison  est  sur  le  bord  de 
l'étang  [bis). 

Et  jamais  je  n'ai  mis  ma  peine  —  à  aimer  une  jeune  fille,  si  n'est 
une  ; 

Et  jamais  aucune  (autre)  que  celle-là  je  n'aurai,  —  à  moins  que  mes 
parents  ne  m'en  empêchent;  —  et  si  je  savais  cela,  je  les  quitterais. 

Quand  j'étais  arrivé  à  l'âge  de  me  marier,  —  je  fus  envoyé  à  Paris 
étudier,  —  pour  m'empêcher  de  me  marier. 

Et  quand  j'étais  dans  Paris  pour  étudier,  —  ma  chère  maîtresse  de 
m'écrire. 


94  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Da  lavaret  d'in  donet  d'hi  beteg 
Mar  ma  c'hoant  d'hi  gwelet  en  buez. 

Ha  me  'c'h  ober  eur  pak  d'am  levriou 
Hag  0  tond  gand  ar  vins  d'ann  traou. 

Pa  c'haruiz  ebarz  ann  ti, 
E  oa  ar  beleg  ouz  hi  noui, 

'Rei  d'ehi  hi  sakramant  divezan 
Ken  'vit  m'eje  diwar  ar  bed-man. 

Hag  hi  0  distrei  e  laret  d'in  : 

—  Kloarek,  ne  oeled  ket  'balamour  d'in  ; 

Goeled  abalamour  da  Zoue 
'N  euz  roet  evid-omp  he  vuez  ; 

Goeled  abalamour  d'ar  Messiaz 

A  zo  marvet  evid-omp  war  ar  groaz; 

Goeled  abalamour  d'he  c'houliou 

Em  eump-ni  graet  gand  hon  fec'hejou.  — 


De  me  dire  que  je  vinsse  jusqu'à  elle,  —  si  j'avais  envie  de  lavoir 
encore  vivante. 

Et  moi   de  faire   un  paquet  de  mes  livres  —  et  de  descendre 
l'escalier. 

Quand  j'arrivai  dans  la  maison,  —  le  prêtre  était  à  Pextrémiser, 

A  lui  donner  son  sacrement  dernier,  —  avant  qu'elle  s'en  allât  de 
ce  monde-ci. 

Et  elle,  se  retournant,  de  me  dire  :  —  «  Kloarek,  ne  pleuree  pas  à 
cause  de  moi  ; 

Pleurez  à  cause  de  Dieu,  —  qui  a  donné  pour  nous  sa  vie; 

Pleurez  à  cause  du  Messie,   —  qui  est  mort  pour  nous  sur  la 
croix  ; 

Pleurez  à  cause  de  ses  plaies,  —  que  nous  avons  faites  par  nos 
péchés.  » 


GWEHZ    ET    SONN  95 


Ha  me  o  distrei  war  ma  c'hiz 
Da  gerc'het  ma  levriou  da  Bariz. 

Pa  oann  o  tond  gand  ann  hent  glaz, 
Me  'g!eve  ar  c'hleier  o  son  ar  c'hlaz, 

Me  'gleve  ar  c'hleier  o  son  kanvo 
D'am  mestrez  koant  e  oa  maro. 

Pa  oann  o  tond  gand  ann  hent  braz, 
Me  'kavet  eunn  den  gand  ar  groaz; 

Hag  ar  veleien  gwisket  en  gwenn 
'Kas  d'ann  douar  ann  hini  garenn. 

Ha  pa  oa  achu  ann  interamant, 
Me  'oa  galvet  kloreg  iaouank  ; 

Me  'oa  galvet  kloreg  iaouank 
Hag  evid  ober  eur  peamant. 


Et  moi  de  retourner  sur  mes  pas  —  pour  chercher  mes  livres  à 
Paris. 

Quand  je  revenais  par  le  chemin  vert,  —  j'entendais  les  cloches 
qui  sonnaient  le  glas  ; 

J'entendais  les  cloches  qui  sonnaient  le  deuil  —  pour  ma  maîtresse 
qui  était  morte. 

Quand  je  revenais  par  le  grand  chemin,  —  moi  de  rencontrer  un 
homme  avec  la  croix. 

Et  les  prêtres,  habillés  de  islanc,  —  qui  portaient  en  terre  celle  que 
j'aimais. 

Et  lorsque  fut  achevé  l'enterrement,  —  je  fus  nommé  jeune 
klbarek  ; 

Je  fus  nommé  jeune  kloarëk  '  —  pour  accomplir  un  paiement 
(une  expiation). 

1.  D'après  cette  complainte,  le  kloarek  n'était  pas  toujours  un  aspirant,  à  la 
prêtrise;  quelquefois  c'était  \xïi\éludiant^  dans  un  sens  moins  précis  que  de 
nos  jours  :«  Quand  j'étais  à  Paris  à  étudier  »,  raconte  l'amoureux  ;  et  sa  maî- 
tresse mourante  l'appelle  :  «  Kloarek  ».  Cepeûtlont»  le  cas  n'est  pas  fort 
étendu  ;  il  n'est  même  que  particulier. 


96  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

Ha  pa  c'haruiz  'barz  ann  iliz, 
Ouz  ar  pazennou  stouiz  ; 

Ouz  ar  pazennou  stouiz, 
E-greiz  ma  c'halon  e  oeliz. 

Ha  pa  oa  et  ann  dud  ac'hane. 
Ha  me  'retorn  neuze  war  hi  bez 

Da  c'houlenn  ar  c'hras  digand  Doue 
Ma  welfenn  ma  mestrez  en  buez. 

Ha  pa  oann  o  vond  gand  ann  hent  glaz, 
Me  'kavet  eur  feumeulen  kaer  braz  ; 

Hag  hi  o  distrei  hag  o  laret  d'in 
Kloaregig  iaouank  da  zimezi  : 

—  Me  'zo  dimèt  hag  eureujet  \ 
Ec'h  on  0  retorn  deuz  ar  banket 

1.  Dimèt  hag  eureujet,  mot  à  mot  :  fiancé  et  marié.  Dimezi,  dimei,  dimi, 
suivi  de  eureuji  (marier),  n'implique  autre  chose  que  l'acte  des  fiançailles; 
employé  seul,  il  a  un  sens  copulatif  et  il  embrasse  l'idée  du  mariage  avec 
toutes  ses  formalités. 


Et  lorsque  j'arrivai  dans  l'église,   —  sur  les  marches  je  m'age- 
nouillai ; 

Sur  les  marches  je  m'agenouillai  ;  —  du  fond  de  mon  cœur  je 
pleurai. 

Et  quand  les  gens  furent  partis  de  là  —  et  moi  de  retourner  alors 
sur  sa  tombe 

Pour  demander  la  grâce  à  Dieu  —  de  revoir  ma  maîtresse  en 
vie. 

Et  quand  je  m'en  allais  par  le  chemin  vert,  —  moi  de  rencontrer 
une  femme  bien  belle; 

Elle  de  se  retourner  et  de  me  dire;  —  (à  moi)  jeune  kloarek  de 
me  marier  : 

«  Je  suis  marié  et  mes  noces  ont  eu  lieu  ;  —  me  voici  qui  reviens 
du  banquet  (de  noces). 


GWERZ    ET    SONN  97 

—  KIoareg  iaouank,  gaou  a  lared, 
Rag  em  inleramant  c'houi  'zo  bet; 

Ha»  ec'h  on  deut  aman  e-beurz  Doue 
Evit  laret  d'ac'h  chancli  a  vuez, 

Dilezel  ar  gwin  hag  ar  merc'hed, 
Delc'hen  o  studi  '  ha  beanbelek; 

Hag  ar  gentan  ofern  a  larfed, 
Me  'vo  gand  Doue  delivret. 

Me  'ia  brema  d'ar  bod  spern-gwenn 
Hag  evid  ober  ma  finijen.  — 

1.  Delc'hen  da  studi,  ce  serait  plus  régulier,  si  sludi  reste  un  verbe,  comme 
le  comprenaient  les  chanteurs.  Toute  difficulté  d'interprétation  est  levée,  avec 
cette  lecture  :  «  Delc'hen  ho  studi  —  continuer  votre  étude.  « 


«  Jeune  kloarek,  vous  mentez;  —  car  à  mon  enterrement  vous 
avez  été; 

Et  je  suis  venue  ici  de  la  part  de  Dieu  —  pour  vous  dire  de  chan- 
ger de  vie. 

De  laisser  le  vin  et  les  filles,  —  de  continuer  à  étudier  et  d'être 
prêtre  ; 

Et  à  la  [première  messe  (jue  vous  direz,  —  je  serai  délivrée  par 
Dieu. 

Je  vais  maintenant  au  rameau  d'aubépine  blanche  —  pour  faire  là 
ma  pénitence. 


Ce  gwerz,  recueilli  à  Plougonver,  est  une  variante  sur  le 
thème  si  commun  des  kloe7\  J'ai  entendu,  au  même  endroit, 
une  autre  chanson  de  Idearek,  un  .sonn  :  le  sujet  du  gwerz  est 
lamentable;  le  Boiiomic,  dont  il  a  été  déjà  question,  est  un 
sonn  satirique.  Ce  contraste  vaut  la  peine  d'être  observé. 

Le  KIoareg  iaouank  (i?>\.  en  vers  de  neuf  syllabes,  une  mesure 
plus  rare  qu'on  ne  l'a  dit  dans  les  chansons  vraiment  popu- 
laires. «  Le  jeune  kloarek  »  n'est  pas  toutefois  une  production 

7 


98  CHANSONS    ET    DANSKS    DES    BKETOÎSS 

de  lettré,  quelque  pastiche  de  poésie  primitive  :  car  on  n'y  trou- 
verait })as  deux  ternaires  (les  troisième  et  quatrième  couplets), 
au  lieu  du  distique  courant  avec  le  second  vers  bissé.  On  s'y 
heurterait  encore  moins  à  certaines  obscurités  de  texte.  Ce 
gwerzQ?,i,  d'ailleurs,  dans  le  ton  et  dans  la  manière  du  peuple, 
avec  des  élans  d'émotion  et  des  banalités.  Rien  n'est  dans  la 
note  populaire  comme  le  sermon  de  la  mourante.  La  messe 
de  l'âme,  certes,  cela  ne  va  pas  au-delà  d'une  invention  litté- 
raire. Mais  «  le  rameau  d'aubépine,  où  les  âmes  viennent 
faire  pénitence  »?  Un  poète  n'eût  jamais  entrevu  ce  lieu  vague 
d'inspiration.  Homère  (s'il  a  existé)  n'a  fait  que  «  mettre 
au  point  »  une  légende  hellénique,  dans  sa  nékiiïa;  le  Séjour 
des  morts,  dans  le  VP  livre  de  l'Enéide,  est  surtout  l'œuvre 
de  Virgile  :  il  est  impossible  de  ne  pas  établir  les  diffé- 
rences. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  certains  détails  précis  soient  inter- 
dits à  quiconque  chante  pour  le  peuple.  Mais  c'est,  au  con- 
traire, une  certaine  précision  qui  ne  saurait  être  absente  d'une 
œuvre  littéraire  :  les  poètes  ont  devant  l'horizon  indécis  des 
bardes  la  même  horreur  que  la  nature  a  du  vide.  Henri  Heine 
raconte  qu'il  était  une  tombe  où  les  amoureux,  s'ils  venaient 
s'asseoir  sur  la  pierre  sépulcrale,  se  mettaient  à  pleurer,  sans 
savoir  pourquoi;  nous  savons,  parce  que  le  poète  l'a  dit,  que 
c'était  la  tombe  d'un  parjure  :  voilà  un  essai  de  poésie  sur 
une  donnée  populaire.  Dans  nos  contes  bretons,  il  est  fait 
mention  souvent  de  la  lande  des  morts.  Quelle  incertitude 
règne  sur  ces  endroits  marqués  pour  des  pénitences!  Les 
âmes  y  sont  errantes,  des  années  ou  des  siècles,  chacune  autour 
de  sa  tige  d'ajonc,  ou  «  sur  la  branche  d'aubépine  »,  jusqu'à 
la  messe  de  délivrance.  Ces  lieux-là  ne  sont  accessibles  qu  aux 
esprits,  et  le  génie  du  peuple  peut  seul  concevoir  un  pareil 
désert  de  la  désolation. 

La  mélodie  du  Kloareg  iaouank  est  un  neuf-huit,  interrompu 
de  points -d' orgue ,  dans  un  mouvement  modéré,  avec  cet 
accent  doux  et  triste  des  vieilles  cantilènes. 


OWEKZ   ET   SONN  99 


MARIVONIK 


Ann  de  kentan  deuz  a  viz  Du  ' 
Diskennaz  ar  Saozon  e  Dour-Du.  *  {bis) 

E  Dour-Du  pe  int  diskennet, 
Eur  plac'hig  iaonank  e  deuz  leiel ; 

E  deuz  leret  eur  plac*h  iaouank 
Ewit  kas  gant-he  d'ho  batimant, 

Ar  Varivonig  e  oele 

ïoul  porz  he  zad  p'e  drernene  : 

—  Adieu  !  ma  mamm  ;  adieu  !  ma  zad  ! 
Birviken  n'ho  kwelan  war  ar  bed.  — 

Ar  Varivonig  a  oele, 

War  bord  allestr  pa  bourmene; 

1.  Mot  à  mot  :  le  mois  noir. 

2.  Une  version  dit  :  E  mor  du  —  dans  la  mer  noire  >■. 


MARIVONNIC  • 

Le  premier  jour  de  novembre,  —descendirent  les  Saxons  (Anglais) 
à  Dour-Du  {bis). 

A  Dour-Du  lorsqu'ils  furent  descendus,  —  ils  ont  volé  une  jeune 
fille; 

Ils  ont  volé  une  jeune  tille  —  pour  l'emmener  avec  eux  sur  leur 
bâtiment. 

La  Marivonnic  pleurait,  —  à  la  porte  de  la  cour  de  son  père,  quand 
elle  passait  : 

«  Adieu  !  ma  mère;  adieu!  mon   père.  —  Jamais  je  ne  vous  vois 
(reverrai)  en  ce  monde-ci.  » 

La  Marivonnic  pleurait  —  sur  le  bord  du  vaisseau  lorsqu'elle  se 
promenait  ; 

1.  Contractfou  de  Marie-Yvonic,  et  inicui   Murie-Yvonaïc  :   la  petite  Marie- 
Yvonne, 


fOO  CHANSONS   ET    DANSES    DliS    BRETONS 

Ar  c'habilenn  p'an  euz  gwelet, 
D'ar  Varivonig  an  euz  laret 

—  Marivonik,  na  oeled  ket  ; 
Ewid  ho  pue  na  gollfed  ket, 

Ewid  ho  pue  na  gollfed  ket, 
Hoc'h  enor,  d'ac'h  na  laran  ket.  — 

Ar  Varivonig  a  c'hou'enne 
Deuzar  c'habitenn  hag  a  neuze  : 

—  Olro  ar  c'habitenn  d'in  ha  lared, 
Da  bed  ac'hanoc'h  a  vin  barnet? 

—  D'in-me  unan,  d'am  fotr-a-gampr, 
D'am  martoloded  pa  défont  o'hoant, 

D'am  martoloded  pa  défont  c'hoanl  ; 
Bea  zo  ann-he  eur  seiz  ha  kant.  — 

Ar  Varivonig  a  levere 

War  bord  al  lestr  ha  neuze  : 


Le  capitaine,  quand  il  vit  cela,  —  à  Marivonnic  a  dit  : 

«  Marivonnic,  ne  pleurez  pas  ;  —  quanl  à  votre  vie,  vous  ne  (la) 
perdrez  pas, 

Quant  à  votre  vie,  vous  ne  (la)  perdrez  pas;  —  votre  honneur,  je 
ne  vous  dis  pas  non.  » 

Marivonnic  demandait  —  au  capitaine  alors  : 

c(  Monsieur  le  capitaine,  dites-moi  :  —  à  combien  d'entre  vous 
serai-je  jugée  (condamnée,  livrée)? 

—  A  moi-même,  à  mon  valet  de  chambre,   -  à  mes  matelots  lors- 
qu'ils (en)  auront  envie, 

A  mes  matelots  lorsqu'ils  (en)  auront  envie;   —  il  y  a  d'eux  (ils 
sont)  quelque  cent  et  sept.  » 

La  Marivonnic  disait  —  sur  le  bord  du  vaisseau  alors  : 


GWERZ    F,T    SONN  101 

—  Otro  Doue  !  Gwerc'hez  Vari  ! 
Pe  me  n'em  veuin,  pe  me  na  rin? 

Me  zo  gwell  d'in  merwel  mil  gwech 
Wit  ma  ve  ofansin  Doue  eur  wech.  — 

Oa  ket  lie  gir  peurachuet, 

War  he  fenn  er  mor  e  'n  em  dolet; 

War  he  fenn  er  mor  e  'n  em  dolet  : 
Eur  peskig  gwenn  hi  deuz  lonket, 

Eur  peskig  gwenn  hi  deuz  lonket, 
Er  bord  ar  mor  e  deuz  hi  kaset... 

Ar  Varivonig  a  oele, 

War  dor  he  zad  pa  ne  skoe  : 

—  Mazadik  paour,  digored  d'in  hetor, 
Ho  merc'h  Marivonik  zo  o  c'houl  digor, 

Ho  merc'h  Marivonik  zo  o  c'houl  digor, 
Digor,  ha  miret  gant-hi  hec'h  enor.  — 

Chanté   par  Jeanne  Le   Bourdon,   de   Minic'lii   (Côtes-rlii-Norr]),   et  par 
Marie  Quellien,  de  Tréguier. 


«  Seigneur  Dieu!  Vierge-Marie!  —  ou  je  me  noie  (noierai),  ou  je 
ne  le  ferai  pas? 

J'aime  mieux  mourir  mille  fois  —  que  doflenser  Dieu  une  fois.  » 

Sa  parole  n'était  pas  entièrement  achevée  (prononcée),  —  qu'elle 
s'est  jetée  sur  la  tète  dans  la  mer, 

Elle  s'est  jetée  sur  la  tète  dans  la  mer  :  —  un  petit  poisson  l'a  avalée 

Uu  petit  poisson  blanc  l'a  avalée;  —  sur  le  bord  de  la  mer  il  l'a 
envoyée. 

La  Marivonnic  pleurait,  à  la  porte  de  son  père  quand  elle  frappait: 

«  Mon  pauvre  cher  père,  ouvrez-moi  votre  porte  ;  —  (c'est)  votre 
fille  Marivonnic  (qui)  est  à  demander  l'entrée, 

(C'est)   votre  fille  Marivonnic   (qui)  est  à  demander  l'entrée,  — 
l'entrée,  et  (après  avoir)  gardé  son  honneur  .  » 


102  crrANSONS  et  danses  des  bretons 


Ce  giverz  est  très  répandu  sur  la  côte  de  la  Manche.  On  le 
croirait,  à  première  audition,  en  pur  trécorrois.  Cependant,  il 
offre  certaines  différences  dialectales  —  e  deuz  laret^  an  eiiz 
laret,alevere...,  — qui  prouvent  chez  un  chanteur  populaire  des 
transformations  imposées  à  un  sujet  venu  du  dehors.  Il  existe 
plus  d'un  Doitr-Du  en  Bretagne;  celui  dont  il  est  question, 
c'est  probablement  le  Dourduff,  près  de  Morlaix. 

L'air  de  Marivonik,  par  un  contraste  avec  les  paroles,  no 
manque  pas  d'une  gaîté  particulière,  mais  c'est  une  g-aîté  de 
fou,  voisine  de  la  colère,  qui  éclate  par  soubresauts  et  par 
saccades. 

La  même  dissonance  —  pour  ainsi  dire  —  est  fréquemment 
à  remarquer  entre  la  musique  et  la  poétique  populaires  des 
Bretons.  Au  contraire  de  Marivonik,  c'est  la  mélodie,  laplupar^ 
du  temps,  qui  affecte  le  deuil,  tandis  que  la  tristesse  est  loin 
de  la  pensée  du  chanteur  :  par  exemple,  Vandantino  doux  qui 
soutient  la  chanson  Biniou  ar  Person;  ce  biniou  n'est  autre 
chose  qu'une  satire,  du  reste,  fort  innocente. 

Il  est  vrai  de  reconnaître  que  l'allure  d'une  mélodie  dépend 
du  chanteur.  J'ai  entendu  des  lettrés  qui  donnent  k  Marivonik 
un  air  tout  à  fait  martial,  comme  un  air  de  provocation  ou 
de  revanche. 

La  séduction  et  le  pouvoir  de  pareils  chants  sont  extrêmes 
sur  la  foule.  Quand  les  naafrageurs  de  Gornouaille  et  de  Léon 
méditaient  un  mauvais  coup,  le  barde-mendiant  traversait  la 
contrée,  la  veille,  répétant  un  de  ces  gwerz,  qui  avertissait  les 
audacieux  de  se  tenir  prêts,  les  timides  de  garder  leurs  portes 
et  leurs  yeux  fermés.  La  Basse-Bretagne  est  restée  la  seule 
région  de  France  où  il  suffise  d'un  chant  pour  ébranler  les 
masses  populaires. 


fiWERZ    KT    SONN  103 


AR    ROUZIK    KEMENER 

Ar  Rouzik  kemener  a  Langoat 

Braoan  mab  iaonank  a  wisk  dillad  ;  (bis) 

C'hoaz  a  vije  braoc'h  eunn  anter 
Ma  nije  eunn  dimezel  a  ger: 

Bet  an  euz  merc'h  mamzel  Ru-Newe, 
Perc'hen  e  da  bemp  mil  skoed  leuve; 

Na  perc'hen  e  da  bemp  mil  skoed, 

Hag  ar  Rouzik'n  euz  ket  pemp  gwennek. 

Ar  Rouzik  kemener  a  1ère 
Barz  ar  C'hoelik  pa'n  antree; 

—  Na  bonjour  ha  joa  en  ti-man, 
Ann  otro  C'hoelik  pelec'h  eman? 

—  Eman'barz  ar  sal  o  leina; 
Rouzik,  ed  ha  komzet  out-han. 


LE  ROUZIG    TAILLEUR 

Le  Rouzic  tailleur,  de  Langoat,  —  (est)  le  plus  beau  jeune  homme 
qui  revête  habits  (d'homme)  (bis)  ; 

Encore  serait-il  plus  beau  de  moitié,  —  s'il  avait  une  demoiselle 
de  la  ville. 

Il  a  obtenu  fille,  mademoiselle  Ru-Néwé  (Rue-Neuve),  —  qui 
possède  cinq  mille  écus  de  rentes; 

Elle  possède  cinq  mille  écus  de  rentes,  —  et  Le  Rouzic  n'a  pas 
cinq  sous. 

Le  Rouzic,  tailleur,  disait,  —  en  entrant  à  Goélic  : 

«  Et  bonjour  et  joie  dans  cette  maison-ci.  —  Monsieur  Le  Goélic 
où  est-il? 

—  Il  est  dans  la  salle  à  déjeuner;  —  Rouzic,  allez  et  parlez-lui. 


104  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

—  Me,  zo  deut  da  glask  eunn  abid, 
Eunn  abid  hag  eunn  ankane 

Wit  mond  d'obereur  baie, 

Ewitma  c'hin  d'ober  al  lez; 

Ha  na  n'onn  ket  piou  vo  ma  Iakez, 

Med  ho  pach  bihan  deufe  gan-in  : 
Hennez  zo  den  brao  kenkoulz  ha  me.  — • 

Ar  Rouzik  kemener  a  lare 
War  bave  Montroulez  pa  gerze  : 

—  Na  bonjour  ha  joa  er  german. 
Ann  otro  Ru-Newe  pelec'h  eman?    - 

Ann  otro  Ru  Newe  'vel  ma  klewaz, 
He  benn  'barz  ar  prenestvoutaz  : 

—  Diskenned,  Monsieur,  antreed  en  ti, 
Laked  ho  c'hoursin  er  marchosi 

Wit  ma  ai  ma  mewel  d'hen  aveurin... 


—  Je  suis  venu  chercher  un  habit,  —  un  habit  et  unehaquenée  — 
pour  aller  faire  une  promenade. 

Pour  que  j'aille  faire  la  cour;  —  et  je  ne  sais  pas  qui  sera  mon 
laquais, 

A  moins  que  votre  petit  page  ne  vienne  avec  moi  :  —  celui-là  est 
bel  homme  autant  que  moi.  » 

Le  Rouzic  tailleur  disait ,  —  sur  le  pavé  de  Morlaix  lorsqu'il  mar- 
chait : 

«  Et  bonjour  et  joie  dans  cette  ville-ci.  —  Monsieur  Ru-Néwé  où 
est-il?  )> 

M.  Ru-Néwé,  dès  qu'il  entendit,  —  a  mis  sa  tête  à  la  fenêtre  : 

«  Descendez,   Monsieur,  entrez  dans  la  maison,   —  mettez  votre 
cheval  dans  l'écurie  —  pour  que  mon  domestique  aille  l'abreuver,  » 


GWERZ    ET    SOIÎJN  10?) 

—  Nalered-hu  d'in-me,  kamarad, 
Hag^  en  e  ho  mestra  ligne  vad? 

—  Ho  !  ia  ;  ma  mestr  zo  a  ligue  vad  : 
Bean  'n  euz  terc'hadeur 'n  iliz  Langoat 
Ha  ru  int  evel  ar  goad  ; 

Ha  kementall  en  iliz  Trougeri, 
'Barz  iliz  Peurit  meur  ahini; 

Ha  peder  lestr  perlez  war  ar  mor, 
'Barz  e  ker  ar  Roc'h  peder  stal  dior; 

Ha  da  c'hortoz  he  dad  da  verwel 
Hen  zo  rosignol  Kerdaniel  ; 

Ha  goude  ar  marw  demeuz  he  dad 
Hen  a  vo  otro  en  Penn-ar-C'hoat. 

—  Ma  ouifenn  ve  gwir  'pez  a  lerez  d'in. 
Me  a  rofed'ehan  eunn  dimin.  — 


«  Et  dites-moi,  camarade,  —  est-ce  que  votre  maître  est  de  bonne 
lignée? 

—  Oh!  oui,  mon  maître  est  de  bonne  lignée  :  —  il  a  trois  chaises 
dans  l'église  de  Lahgoat,  —  et  elles  sont  rouges  comme  le  sang; 

Et  autant  dans  l'église  de  Trognéry;  —  dans  l'église  de  Pommerit, 
plusieurs  ; 

Et  quatre  navires  (chargés)  de  perles  sur  la  mer;  —  dans  la  ville 
de  La  Roche  quatre  boutiques  ouvertes; 

Et  en  attendant  que  son  père  meure,  —  il  est  le  rossignol  de  Ker- 
daniel, 

Et  après  la  mort  de  son  père,  —  c'est  lui  qui  sera  maître  à  Penn- 
ar-C'hoat. 

—  Si  je  savais  que  fût  vrai  ce  que  tu  me  dis,  —  je  lui  donnerais 
un  mariage.  » 


106  CHANSONS    ET    DAiNSES    DES    BRETONS 

Na  seiz  miz  anter  ec'h  eo  padet 
Ar  cholamite  deuz  ann  eured, 

Sonerien  ar  bal  hagann  dans, 
Ha  vizit  bemde  gand  ann  oblans. 

Nag  ar  Rouzik  koz  a  lavare 
D'he  bried  Janed  eunn  de  a  oe  : 

—  C'hastomp  dresa  bon  c'hozbalino; 
Me  a  glew  ari  ann  drompillo 

Wit  dies  ar  verc'h-her  d'ar  vro.  — 

Ha  groeg  ar  Rouzig  a  lavare 
En  iliz  Langoat  pa  antree  : 

—  Na  lered-hu  d'in-me,  Monsieur, 
Pehini  ac'han  e  ho  kadeur. 

—  Antreed;  ann  bini  a  gerfed, 
Itron,  na  vefed  ket  diblaset.  — 

Oc'b  aruout  'n  itron  'r  G'boelik, 
0  krigi  'n  he  dorn  doustadik  : 


Et  sept  mois  et  demi  a  duré  —  la  solennité  des  noces  ; 

Sonneurs  du  bal  et  de  la  danse,  —  et  visites  tous  les  jours  avec  la 
noblesse. 

Et  le  vieux  Rouzic  dit  —  à  sa  femme  Jeannette,  un  jour  fut  : 

«  Hâtons-nous  d'arranger  les  couettes;  —  j'entends  arriver  les 
trompettes  —  pour  conduire  la  belle-fille  au  pays.  » 

Et  la  femme  de  Rouzic  disait  —  dans  l'église  de  Langoat  lors- 
qu'elle entrait  : 

«  Et  dites-moi,  Monsieur,  —  laquelle  ici  est  votre  chaise. 

—  Entrez;  celle  que  vous  voudrez,  —  Madame;  vous  ne  serez  pas 
dérangée.  » 

D'arriver  M^e  Le  Goélic  —  qui   la  prit  par  la  main  tout  douce- 
ment : 


GWERZ    ET    SONN  107 

—  Na  sonjan  ketve  groeg  eurc'hemener 
A.  varchfe  'rok  d'in  'barz  ma  c'hadeur. 

—  Ho  !  ha  pa  ven  groeg  d'eur  c'hemener, 
Me  a  zo  merc'h  d'eur  senesal  er  ger, 

A  varcho  gan-ac'h  hag  'n  ho  kever. 

Otro  Done,  'me-hi,  n'ouienn  ket 
Oa  eur  c'hemener  em  oa  bet, 

Ken  a  oa  d'in  d'ober  he  wele, 
Keviz  he  vesken  hag  he  nadwe.  — 

Na  kerse  oa  gand  ann  itron  gez 
Diweet  d'ar  ger  a  Vontroulez  : 

—  Na  pa  oann  er  ger  e  ti  ma  zad 
Me  a  oa  bewet  dilikat, 

Me  a  oa  bewet  dilikat 
Gant  kig  glujar  ha  kig  gad  ; 


c(  Je  ne  pense  pas  que  la  femme  d'un  tailleur  —  passerait  dievant 
moi  dans  ma  chaise. 

—  Ho!  et  quand  même  je  serais  la  femme  d'un  tailleur,  —  je  suis 
la  fille  d'un  sénéchal,  à  la  maison;  —  je  marcherai  avecvous  et  votre 
vis-à-vis. 

Seigneur  Dieu,  disait-elle,  je  ne  savais  pas  —  que  c'était  un  tail- 
leur que  j'avais  eu. 

Avant  que  ce  fût  à  moi  de  faire  son  lit,  —  (et)  j'y  trouvai  son  dé 
et  son  aiguille.  » 

Et  il  y  avait  manque  à  la  pauvre  dame  —  depuis  la  ville  de  Mor- 
laix  : 

«  Et  quand  j'étais  chez  nous,  dans  la  maison  de  mon  père,  —  j'étais 
nourrie  délicatement, 

.T'étais  nourrie  délicatement  —  avec  de  la  viande  de  perdrix  et  de 
la  viande  de  lièvre; 


408  CHANSONS     ET    DANSES    DES    BRETONS 

'Boe  on  ari'ti  ar  Rouzik 

'M  euz  ket  bet  souben  ar  c'hig, 

Nemert  soubenn  ar  c'hernio  brinik.  — 

Ha  groeg  ar  Rouzig  a  lavare 
'Barz  en  ker  ar  Rnc'h  pa  arie  : 

—  Itron  Vari  ar  Folgoat  ! 

Me  na  gavfenn  ket  eur  vag  bennak 

Em  c'hasfe  erger  da  di  ma  zad?  — 

Chanté  par  Jeanne  Le  Bornic,  de  la  Roche-Derrien. 


Depuis  que  je  suis  arrivée  dans  la  maison  de  Le  Rouzic,  —  je  n'ai 
pas  eu  de  soupe  à  la  viande,  —  [rien)  que  de  la  soupe  aux  cornes  de 
berniques.  » 

Et  la  femme  de  Le  Rouzic  disait  —  dans  la  ville  de  La  Roche  lors- 
qu'elle arrivait  : 

«  Notre-Dame  Marie  du  Folgoat!  —  est-ce  que  je  ne  trouverais  pas 
une  barque  quelconque  —  qui  m'envoie  chez  nous  dans  la  maison 
de  mon  père?  » 


Il  y  a  des  tailleurs  partout,  c'esl-à-dire  des  chants  oii  le 
héros  est  kemener.  On  a  vu  plus  haut  (p.  M)  que  dans  les 
Montagnes-Noires,  entre  Chàteaulin  et  Chàteauneuf-du-Faon, 
la  tradition  en  a  fait  un  soim,  au  lieu  d'un  gwerz;  et  l'on  a 
constaté  comment  le  personnage  a  changé  de  manières  et  de 
ton,  en  passant  de  Cornouaille  en  Tréguier,  ou  réciproque- 
ment. 

Comme  la  plupart  des  gwerz,  celui  de  Le  Rouzic  est  d'une 
allure  modérée;  ce  moderato  est  en  contraste  avec  l'ironie  du 
sujet.  Encore  des  mesures  brisées,  comme  dans  Ker-h, 


GWKUZ    ET    SONN  109 

J'ai  retrouvé  dans  une  autre  chanson,  La  Fontciwllc,  dont 
je  n'ai  pas  les  paroles  au  complet,  des  cadences  mélodiques 
qui  rappellent  lair  do  Ar  Rouzik  Kcmener.  Les  deux  airs  sont 
du  pays  de  Tréguier;  ils  n'ont  pas  d'autre  parenté;  ils  sont 
même  adaptés  à  deux  récits  bien  diflerents.  Dans  ces  deux 
gwerz  également,  j'ai  remarqué  bien  des  expressions  com- 
munes et  des  vers  entiers  qui  ont  élé  retenus  identiquement, 
comme  des  formules.  Ces  analogies  à  la  fois  poétiques  et  musi- 
cales ne  prouvent  pas  que  deux  gwerz  ainsi  signalés  soient 
d'un  même  auteur;  mais  elles  servent  à  signaler  pour  deux 
chansons  un  même  pays  d'origine. 


no  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


KANOEN  '    Ail  VARTOLOTED 

0  Gwerc'hez  gloiiuz  Vari,  roed  d'in-me  ajistans 

Da  ganan  eur  werz  newe,  —  c'hon  'vonet  d'hi  c'homans  — 

Zo  groet  da  bewar  martolod  a  Gemper-Gwezenek 
Zo  et  gand  eur  vag  newe  ewid  ar  c'henlan  gwech, 

Zo  et  gand  eur  vag  newe  ewid  ar  c'hentan  gwech  : 
N'  an  euz  hini  an-he  a  gemend  a  ve  rez. 

Ewit  honzoli  ho  mammo  ho  deuz  laret  d'ez-hi  : 

—  Pa  c'homp  laket  war  ann  dour  retornfomp  adare.  — 

Pa  defaint  groet  ho  bagad  ha  prest  da  dond  d'ar  ger, 
A  savaz  glao  hag  awel,  siouaz!  eur  goall  amzer; 

1.  Est-ce  parce  que  ce  récit  n'atteint  pas  les  proportions  du  y  werz,  que  le 
chanteur  l'appelait  kanoen  '?  —  Kanoen,  pour  sonn,  en  trécorrois.  —  Kanaouen 
est  un  terme  générique,  et  il  ne  répugne  pas  au  sens  de  gwerz. 


CHANSON  DES  MATELOTS 

0  Vierge  glorieuse  Marie!  donnez-moi  (votre)  assistance  —  pour 
chanter  un  gwerz  '  nouveau  :  je  vais  le  commencer; 

Il  a  été  composé  sur  quatre  matelots  de  Quimper-Guézénec  — 
qui  sont  allés  (sortis)  avec  une  barque  neuve  pour  la  première  fois, 

Qui  sont  sortis  avec  une  barque  neuve  pour  la  première  fois  :  — 
il  n'y  a  aucun  d'eux  qui  soit  sauf. 

Pour  consoler  leur  mère -ils  lui  avaient  dit  :  —  «  Puisque  nous 
sommes  mis  sur  l'eau  (partis  déjà,  voués  à  la  mer),  nous  y  retournerons 
encore'.  » 

Lorsqu'ils  eurent  chargé  leur  bateau  et  (qu'ils  furent)  prêts  à  sen 
aller  à  la  maison,  —  se  levèrent  de  la  pluie  et  du  vent,  hélas!  un 
terrible  temps  ; 

i.  C'est  donc  un  gwerz. 

2.  Evidemment  je  ne  tiens  cette  chanson  qu'à  l'état  informe  et  fragmentaire  ; 
autrement  ce  serait  là  une  finfçulière  façon  de  consoler  une  mère. 


GVVEHZ    ET    SONN  {\{ 

Mu  savaz  glao  hag  awel,  siouaz!  eur  goall  dourmant, 
Ma  deuz  renkel  perisan  elin  ho  batimant. 

Pipi  ar  Bouder  a  1ère,  eunn  den  a  gourach  vad 

Pini  savaz  benn  ter  gwech  ter  gwech  war  bord  he  vag, 

Pini  save  ben  ter  gwech  ter  gwech  war  bord  ann  dour 
0  c'houlen  ar  Werc'hez  Vari  mamrri  Jezuz  dhen  sikoui'. 

Ha  kriz  vije  ar  galon  ha  kriz  neb  na  oelje 
En  bord  ann  enezen  Goad,  ann  hini  a  vije 

0  welet  pewar  gorf  maro  manet  en  est-al-lin  ' 
0  c'hortoz  koat  pe  lien  ewid  ho  lienin. 

Eur  c'hanod  deuz  a  Vriet  o  tistrei  da  Bontre 
'N  euz  anonset  ar  c'helo  an  de  deuz  ar  heure, 

An  euz  laret  d'ar  Bouc'her  a  oa  beuet  he  vag 
Ha  fraillet  dre  ann  anter  e  boid  ann  enez  Koat  : 

1.  Estai-lin,  est-ce  ud  nom  propre  de  lieu  ?  est-ce  une  époque  de  l'aaaée, 
Vété  du  lin,  le  mois  de  juin...  ?  Le  chanteur  lui-même  n'en  savait  rien. 


Il  se  leva  de  la  pluie  et  du  vent,  hélas  !  une  (si)  terrible  tourmente, 

—  que  dut  (en)  périr  enfin  leur  bâtiment. 

Pierre  le  Bouder  disait,  un  homme  de  bon  courage,  —  qui  se  leva 
par  trois  fois,  trois  fois,  sur  le  bord  de  sa  barque, 

Qui  se  levait  par  trois  fois,  trois  fois,  à  fleur  d'eau,  —  en  deman- 
dant à  la  Vierge  Marie,  mère  de  Jésus,  de  le  secourir  '... 

Et  inhumain  eût  été  le  cœur,  et  inhumain  celui  qui  n'aurait  pleuré 

—  aux  bords  de  File  Coat,  celui  qui  aurait  été 

A  voir  quatre  cadavres  restés  à  est-al-lin  (?)  —  en  attendant  du 
bois  (des  cercueils)  ou  des  linceuls  pour  les  ensevelir. 

Un  canot  de  Bréhat,  retournant  à  Ponlrieux,  —  a  annoncé  la  nou- 
velle, le  jour,  au  matin, 

A  dit  à  Bouher  qu'avait  sombré  sa  barque  —  et  (qu'elle  avait  été) 
féhdue  par  la  moitié  aux  bords  de  l'ile  Coat  : 

1.  Cette  phrase  est  sans  doute  incomplète,  puisque  les  mots  en  apostrophe 
n'y  sont  pas  mais  on  n'a  ancune  peine  à  rétablir  le  sens. 


112  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

—  Ha  posub  ve  diand  Done  me  laket  ma  oU  vad 
'Wid  ober  eur  vag  newe  ha  beuin  ma  zri  mab! 

Ha  c'hoaz  'wit  koll  ma  mado  me  na  ran  keta  gaz, 
Mes  l)eui!i  ma  zri  biigel  ze  ra  d'in  glac'har  vraz. 

Me  wel  ari  ma  zri  bugel  —  mes  na  antreont  ket  — 
0  vonet  da  interin  da  Gemper-Gwezenek. 


«Serait-il  possible  de  la  part  de  Dieu  que  j'eusse  mis  tous  mes 
biens  —  à  faire  une  barque  neuve  et  noyer  mes  trois  tils  ! 

Et  encore  pour  perdre  mes  biens  je  ne  fais  pas  de  cas;  —  mais 
noyés  mes  trois  enfants,  cela  me  donne  une  grande  douleur. 

Je  vois  arriver  mes  trois  enfants  (mais  ils  n'entreront  dans  pas  ma 
maison)  —  allant  (passant)  pour  être  enterrés  à  Quimper-Guézénec. 


Ar  Vartoloded ,  comme  Ar  Viiiorez ,  ma  été  chanté  par 
Le  Guluche,  de  la  Roche-Derrien.  Ce  gœerz  est  particulier  à  la 
la  presqu'île  de  Paimpol  et  de  Tréguier. 

Il  va  sans  dire  que  les  histoires  de  mer  abondent  dans  cette 
poésie  populaire.  Cependant  les  chansons  de  bord  n'existent 
plus  en  Bretagne  (Y.  p.  15).  Les  matelots  bretons  sont  célèbres 
aux  quatre  coins  du  globe,  et  ils  ont  pour  adversaires  dans  les 
récits  toujours  les  Anglais;  mais  les  pauvres  marins  ne  re- 
doutent que  la  mer,  et  ce  n'est  que  d'elle  qu'ils  craignent  la 
mort. 

Evidemment,  je  uai  qu'un  fragment  de  la  complainte  des 
Marins  de  Quimper-Guézénec.  Les  vers  en  sont  bien  maltraités; 
la  plupart  sont  de  treize  pieds,  et  la  pièce  entière  doit  se  tenir 
sur  celte  mesure.  La  mélodie  ne  pourrait  pas  seule  nous 
renseigner  irréfutablement  :  car  il  s'agit  d'un  gœerz,  où  le 
chanteur  ne  se  gêne  [guère  pour  ajouter  ou  retrancher  une 
note,  selon  le  besoin  du  vers. 


GVVERZ    ET    SONN  113 


AR   VAZ 

Ar  sul  kenta  a  viz  gwengolo, 
A  oe  embannet  al  lezenno; 

Gourc'hemen  da  denna  billet 
E  kanton  Prat  a  eo  asinet. 

Bep  ma  tostae  d'ann  deiz-ze, 
Ann  dud  iaouang  a  'n  em  jene; 

Ma  larent  oll  dre  ho  mouezio  : 
—  Ken  la  'denno  vo  ar  maerio; 

Neuze  a  tenno  ann  notabled 
Hag  ar  veleien  sitoianed. 

Ni  'rai  sin  ar  groaz  en  bon  c'herc'hen 
Evit  ma  tennfomp  ann  hini  wenn.  — 


LE  BATON 

Le  premier  dimanche  du  mois  de  septembre,  —  furent  publiées  les 
lois  ; 

Commandement  de  tirer  le  billet  (au  sort)  —  dans  le  canton  de 
Prat  a  été  signifié. 

A  mesure  qu'on  approchait  de  ce  jour-là,  —  les  jeunes  gens  avaient 
du  souci  ; 

Et  ils  disaient  tous  à  haute  voix  :  —  «  Les  premiers  qui  tireront, 
ce  seront  les  maires; 

Alors  tireront  les  notables  —  et  les  prêtres  citoyens. 

Nous  ferons  le  signe  de  la  croix  à  notre  cou,  —  pour  que  nous 
tirions  le  (bulletin  ou  numéro)  blanc.  » 

8 


114  CHANSONS  ET  DANSKS  ))i:S  BRETONS 


Ann  deiz  da  denna  p'eo  ariet, 
E  kanton  Prat  a  oent  asinet. 

Hi  d'ann  iliz  da  ober  ho  feden 
Da  drei  diwar-n'ho  ar  blaneden. 

Er  c'hanton  pa  'z  int  ariet, 
011  en  eur  bagad  dasturnet. 

Ar  c'homisaer  en  deuz  gouleunet  : 

—  Hag  ari  a  zo  parez  ebed? 

—  la,  evad,  eme  Tonkediz  ; 
Ni  'zo  aman,  ha  Kavaniz. 

—  C'hoant  braz  ern  euz  ha  bolonte 
M'en  em  renkfac'h  aze  a  goste, 

Evit  ma  ienni  d  'eoc'h  ann  dekred 
Penn-da-benn,  evel  em  euz  han  bet. 


Lorsque  le  jour  du  tirage  fut  arrivé,  —  au  canton  de  Prat  ils  furent 
convoqués. 

Eux  (d'aller)  à  l'église  faire  leur  prière,   —  pour  détourner  d'eux 
la  malchance  (m.  à  m.  :  la  planète,  la  mauvaise  étoile). 

Quand  ils  sont  arrivés  au  canton,  —  (ils  sont)  tous  rassemblés  en 
une  bande. 

Le  commissaire  a  demandé  :  —    «  Quelque  paroisse  est- elle  arri- 
vée? 

—  Oui,  sûrement,  dirent  ceux  de  Tonquédec;  —  nous  sommes  ici, 
et  ceux  de  Cavan . 

—  J'ai  grande  envie  et  je  veux  —  que  vous  vous  rangiez  là,  de 
côté, 

Afin  que  je  vous  lise  le  décret    -  d'un  bout  à  l'autre,  tel  que  je  l'ai 
reçu.  » 


GWERZ    ET    SONN  1  lo 


Laret  re  ann  eil  parez  d'eben  : 

—  'N  em  glevomp  oll,  ha  na  deiino  den. 

Ma  larjont  oll  'n  eur  memeuz  moiiez  : 

—  Kenta  'denno  a  gollo  he  vuez.  — 

M'az  eaz  unan  war  ar  vur, 
Hag  a  seblante  eunn  den  fur; 

Hag  a  lavaraz  d'ar  bobl  neuze  : 

—  Chomit  oll  en  ho  trankilite. 

Deit  oun  a-berz  ar  c'homisaer 
Da  laret  d'eoc'h  taol  ho  pijer.  — 

Mond  a  rent  war  zu  ann  aodiler, 
0  c'huchal  derc'hel  mad  d'ho  bijer  : 

—  Rak  ma  dirolfe  Pipi  Gouer, 
Ezom  bon  devo  deuz  bon  bijer.  — 


Chaque  paroisse  disait  à  l'autre  :  —   «  Entendons-nous  tous,  et 
personne  ne  tirera  au  sort.  » 

Aussi  dirent-ils  tous,  d'une  même  voix  :   —   «  Le  premier  qui 
tirera,  perdra  la  vie.  » 

Et  l'un  d'eux  monta  sur  le  mur,  —  et  qui  paraissait  un  homme  sage  ; 

Et  il  dit  au  peuple  alors  :  —  «  Restez  tous  en  votre  tranquillité. 

Je  suis  venu  de  la  part  du  commissaire  —  vous  dire  de  jeter  là  vos 
bâtons.  » 

Ils  allaient  du  côté  de  l'auditoire  (V),  —  criant  debien  garder  leurs 
bâtons  : 

«  Car  si  Pipi  Kouer  '  sort  de  ses  gonds,  —  nous  aurons  besoin  de 
nos  bâtons.  » 


1.   Pierre  Kouer.  Kouer,  paysan,  est  quelquefois  employé  (dans  ce  cas,  par 
exemple,)  comme  un  surnom. 


dl6  CHANSONS    ET  DANSES    DES    BRETONS 

Ar  c'homisaer  en  deuz  poan-benn; 
Hag  hen  vond  trezek  Kervalouen, 

'Kemer  he  varc'h  hag  o  vond  d'ar  ger, 
Na  ouie  den  petra  oa  he  baper. 

Darn  a  zeii  d'ar  ger  d'ho  meren, 
Darn  ail  da  bardon  Lann-Ervoan. 


War-benn  al  lun  deuz  ar  heure 
A  oft  taolet  ar  jord  a  war  'n  he-ze. 

Neuze  a  ejont  'barz  ann  hent, 
Ha  gant-he  binwio  a  fent  : 

Filjer-tol  ha  fosillono, 
Ferier  houarn  ha  fuzuillo, 

Taladur  sten  ha  pik  houarn 
Paliked  ha  kontel  vouden  ; 


Le  commissaire  (en)  a  mal  à  la  tête;  —  et  lui  d'aller  vers  Kerva- 
louen, 

De  prendre  son  cheval  et  d'aller  à  la  maison,  —  sans  que  personne 
eût  appris  ce  qu'était  son  papier. 

Les  uns  vont  chez  eux  à  leur  dîner,  ~  d'autres  au  pardon  de  Lann- 
Ervoan. 


Le  lundi,  dans  la  matinée,  —  le  sort  fut  jeté  sur  eux. 

Alors  ils  se  mirent  en  chemin,  —  avec  eux  des  outils  de  fantaisie  : 

Des  faux  en  tôle  et  dos  faucilles,  —  des  fourches  en  fer  et  des  fusils, 

Des  doloires  en  étain  et  des  pics  en  fer,  —  des  pelles  et  des  cou- 
teaux à (couper  la) tourbe  ; 


GWERZ    ET   SONN  117 

Rask  ha  kontel  vraz  ar  c'higer, 
Skeltrenno  fagod  ha  bijer: 

Peulio  kiri  ha  koat  treuslo', 
Trancho,  orjo,  pilad-avalo; 

Nadoue,  besken  ar  c'hemener, 
Furm  ha  mineoued  kereer. 

Bep  ma  kerzent  ebarz  ann  hent, 
Ann  tier  oll  a  dismanlrent  ; 

Mond  re  gant-he  krampoez,  bara, 
Ha  zoken  al  lajo-dorna  : 

Ha  n'e  oa  den  d'ho  reuzi, 

Pe  oant  prest  raktal  d'ho  '  zibri. 

1 .  Variante  :  Chistenno  ha  kareenno. 

2.  Le  pluriel  ho  (eux)  remplace  le  singulier  den  (personne)  :  c'est  que  ce  sin- 
gulier équivaut  à  un  collectif. 


Des  râteaux  et  de  grands  couteaux  de  boucher,  —  des  triques  de 
fagot  et  des  bâtons  ; 

Des  pieux  de  charrette  et  du  bois  de  poutre,  —  des  pioches,  des 
marteaux,  des  pilons  à  pommes; 

Des  aiguilles,  des  dés  de  tailleur,  —  des  formes  et  des  alênes  de 
cordonnier'. 

A  mesure  qu'ils  allaient  dans  la  route,  —  ils  dévastaient  toutes 
les  maisons  ; 

Ils  emportaient  crêpes,  pain,  —  et  même  les  fléaux  à  battre. 

Et  il  n'était  pas  une  personne  pour  les  refuser,  —  ou  ils  étaient 
prêts  à  la  dévorer. 

1 .  Les  mots  de  celte  énumération  se  trouvent  les  uns  au  singulier  et  les  autres 
au  pluriel.  11  m'a  paru,  sinon  plus  correct,  au  moins  tout  simple,  de  les  tra- 
duire tous  au  pluriel,  accompagnés  de  l'article  indétini  ou  indéterminatif  des 


118  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


E  Lanhuon  p'az  int  ariet 
Arc'hanolio  a  oa  braket; 

Taol  a  rent  diwar  'n  hez  ho  tan, 
D'ar  gwez  a  rent  ar  brasa  poan. 

Dam  neuze  pa  weljont  ann  tan, 

A  1ère  d'ar  re-all  :  —  C'hast  buhan. 

Mez  0  vont  kuit  a  oa  ar  re-ze 
Gant  aouen  a  goll  ho  buez. 

Neuze  vad  a  redjont  d'ar  ger 
Hag  a  rejont  ha  bemde  cher  : 

Kig  ha  souben  pa  oa  ann  deiz, 
P'ho  defoa  miret  ho  buez. 


Quand  ils  sont  arrivés  à  Lannion,  — les  canons  étaient  braqués; 

Ils  jetaient  d'eux  leur  feu  :  —  c'est  aux  arbres  qu'ils  faisaient  le 
plus  grand  mal. 

Les  uns  alors,  quand   ils  virent  le  feu,  —  dirent  aux  autres  : 
«  Dépêche-toi.  » 

Mais  ceux-là  étaient  au  point  de  s'en  aller  —  ,  ayant  peur  de  perdre 
la  vie. 

Alors,  par  exemple,  ils  coururent  à  la  maison,  —  et  ils  firent  tous 
les  jours  bonne  chère, 

De  la  viande  et  de  la  soupe,  quand  c'en  était  le  jour,  —  mainte- 
nant qu'ils  avaient  conservé  la  vie. 


C'est  un  bon  vieux  recteur  qui  m'a  procuré  ce  Gwerz  ar  vaz. 
J'ai  le  regret  de  taire  son  nom.  Nos  prêtres  bretons  —  J'en- 


GWKRZ    ET    SONN  119 

tends  surtout  ceux  qui  «  sont  sur  le  grand  âge  »  —  sont  d'une 
modestie  incurable.  Ils  possèdent  des  trésors  sur  la  Bretagne; 
mais  je  n'ai  rien  obtenu  d'eux,  que  sous  la  promesse  d'une 
discrétion  confessionnelle. 

Le  recteur  de  Tr...  a  entendu  cette  chanson  d'une  femme  de 
son  village,  il  y  a  plus  de  quarante  ans,  lorsqu'il  n'était  que 
kharek;\a.  femme  était  très  vieille,  et  elle  ajoutait  que  l'événe- 
ment s'était  passé  de  son  temps,  alors  qu'elle  n'était  plus 
jeune  fille.  Nous  avons  donc  Tâge  de  cette  complainte  :  elle 
date  d'un  siècle. 

Elle  fut  composée  à  l'occasion  du  premier  tirage  mi  sort;  et 
elle  fit  fureur.  «  Les  Bretons,  dit  le  recteur  de  Tr...,  ont  des 
gwerz  sur  tout  ce  qui  s'est  passé  dans  le  pays.  Un  individu  ne 
sachant  ni  a  mb  devient  poète  tout  à  coup  et  il  invente  un 
gwerz,  qui  perpétue  le  souvenir  de  l'événement  dont  il  a  été 
témoin  ».  Or,  en  ce  temps-là,  on  ne  voulait lien  entendre  à  la 
conscription;  et  il  y  eut,  autour  de  Prat  ((^otes-du-Nord),  à  ce 
sujet,  une  «  levée  de  bâtons  »  générale.  La  chose  aurait  pu 
tourner  au  tragique;  ces  réfractaires  habitaient  un  centre 
fameux  de  chouannerie.  Mais  leur  marche  sur  Lannion  a  pris 
un  air  d'équipée  ridicule;  l'on  doit  même,  à  mon  avis  du 
moins,  être  tout  surpris  de  ce  résultat.  Ce  récit,  au  début  si 
sombre  et  si  gros  d'accidents  à  redouter,  n'a  pas  l'unité  du  ton 
et  de  couleur  des  gwerz,  et  il  finit  sur  la  note  gaie  de  quelque 
sonn.  Si  ce  fut  heureux  que  respect,  sinon  obéissance,  restât  à 
la  loi,  pour  les  «  porteurs  de  pcrin-baz  »  ce  fut  bien  fâcheux  : 
tant  pis  pour  leur  gloire,  qu'ils  aient  fait  si  piteuse  mine  devant 
les  canons  ! 

Disgrâce  d'un  autre  genre  ;  le  prêtre  de  Tr...  ne  se  souve- 
nait plus  que  des  paroles,  et  je  n'ai  trouvé  personne  au  pays 
qui  sache  l'air  de  ce  gwerz.  Certes,  un  chanteur  ne  serait  pas 
pris  au  dépourvu,  pour  si  peu;  sitôt  vu  que  Gwerz  ar  vaz  est 
en  vers  de  neuf  syllables,  il  découvrirait  tout  de  suite  dans  son 
répertoire  une  mélodie,  l'air  d'une  autre  chanson  sur  cette 
même  mesure...  Mais  le  folk-loriste  n'a  pas  cette  ressource 
avec  son  public. 


120  CHANSONS    ET  DANSES    DES    BRETONS 


GWERZ   ANN   OTRO   AR   C'HAER. 

Tostaed  oU  hag  e  klewfed 
Eur  werz  a  newe  zo  savet  (bis)  ; 

D'ann  otro  maer  Peurit  a  eo  gret 
Pehini  a  zo  merzeriet. 

He-unam  a  zo  bet  kiriek, 
Rak  gwall  gojo  en  euz  larel; 

Rak  eunn  de  war  bave  Landreger 
A  savaz  etre-z-he  eunn  ereur. 


Ann  otro  Rumin  a  lavare 

D'ann  otro  Maer,  p'hen  rankontre  : 


COMPLAINTE  DE  M.  LE  CAER. 

Approchez  tous,  et  vous  entendrez  —  un  gwerz  qui  a  été  composé  \ 
.'écemment  [bis); 

Il  a  été  fait  à  (sur)  M.  le  maire  de  Pommerit,  —  qui  a  été  martyrisé. 

Lui-même  a  été  la  cause  (de  sa  mort)  :    —  car  il  a  tenu  (m.  à  m. 
dit)  de  graves  propos  ; 

Car,  un  jour,  sur  le  pavé  de  Tréguier,  —  s'éleva  entre  eux  une 
querelle. 


M.  du  Rumain  disait  —  à  M.  le  maire  (de  Pommerit),  lorsqu'il 
(un  jour  qu'il)  le  rencontrait  : 

1.  Ç,evel  eur  werz.  m.  à  m.,  lever  une  complainte. 


GWERZ    ET    SONN  421 

—  Otro  ar  Maer,  ma  em  c'hered, 
Ar  papero  d'in  a  diskwelfed  ; 

Diskweled  d'in  ar  papero 
A  zo  0  redek  dre  ar  vro.  — 

Ann  otro  Maer  a  respontaz 

D'ann  otro  Rumin,  pa  hen  klewaz  : 

—  Ar  papero  na  weli  ket, 

Rak  velli  war-n-he  n'at  euz  ket; 

Me  rei  gwerzan  da  oll  zanve, 
Ha  goude  e  kolli  da  vue, 

Ma  na  gérez  kouitât  ar  vro  ; 

Operatour  te  a  vezo, 

Meudeuzin  ar  bevien  dre  ar  vro.  — 

Ann  otro  Rumin  a  respontaz 

Da  vaer  Peuret,  'vel  m'hen  klewaz  : 

—  Otro  ar  Maer,  serr  da  c'heno; 
Me  rai  d'id  pean  da  gomjo, 


«  Monsieur  le  Maire,  si  vous  m'aimez,  —  vous  me  montrerez  les 
papiers, 

Vous  me  montrerez  ces  papiers  —  qui  sont  à  courir  par  le  pays.  » 

M.  le  maire  répondit  —  à  M.  du  Rumain,  lorsqu'il  l'entendit  : 

«  Ces  papiers,  tu  ne  (les)  verras  pas;  -  car  tu  n'as  aucun  droit 
sur  eux. 

Je  ferai  vendre  tous  tes  biens,  —  et  ensuite  tu  perdras  la  vie, 

Si  tu  ne  veux  pas  quitter  le  pays  ;  —  tu  seras  opérateur,  —  médecin 
des  pauvres  par  le  pays.  » 

M.  du  Rumain  répondit  —  au  maire  de  Pommerit,  dès  qu'il  l'en- 
tendit : 

«  Monsieur  Is  Maire,  ferme  ta  bouche;  —  je  te  ferai  payer  tes 
paroles 


122  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

War-benn  anter-noz  dirio 
Me  rai  d'id  pean  da  gomjo.  — 

Ann  otro  Rumin  arok  zo  et; 
Da  glask  kompagnonez  eo  et 
Evit  mond  d'he  di  d'hen  gwelet. 


En  traou  ar  porz  pa  int  ariet  \ 
Da  'n  em  gonkluin  int  chomet. 

Unan  en  ti  zo  antreet, 

En  giz  d'eur  martolod  oa  gwisket. 

Ar  martolod  a  c'houlenne, 
Ebarz  ann  ti  p'en  antree  : 

—  De  mad  ha  joa  oll  en  ti-nian. 
Ann  otro  Maer  pelec'h  eman?  — 

Ar  wreg  e  oa  étal  ann  tan, 
En  deuz  respontet  ken  buan  : 

i.  A  cet  endroit  il  y  aurait  une  lacune  prétendent  tous  les  chanteurs. 


Pour  minuit  jeudi  —  je  te  ferai  payer  tes  paroles.  » 

M.  du  Rumain  s'en  est  allé;  —  il  a  été  chercher  de  la  compagnie 
—  pour  aller  le  voir  (le  maire)  à  la  maison. 


En  bas  de  la  cour  quand  ils  sont  arrivés,  —  ils  sont  restés  (là)  pour 
arrêter  leur  projet. 

L'un  d'eux  est  entré  dans  la  maison;  —  il  était  vêtu  à  la  façon  d'un 
matelot. 

Le  matelot  demandait,  —  lorsqu'il  entrait  dans  la  maison  : 

«  Bonjour  et  joie  à  tous  dans  cette  maison-ci!   —  M.  le  Maire  où 
est-il?  » 

La  femme  était  près  du  feu  (foyer)  ;  —  elle  a  répondu  aussi  vite  : 


r.WEHZ   ET    SONN  123 

—  'Barz  en  bourk  Peurit  eo  eman, 
En  li  Jozon  ar  G'hoz  oc'h  evan.  — 

Ar  martolod  p'en  euz  klewet, 
Emez  ann  ti  buan  zo  et. 

Mes  ar  c'hi  a  c'harze  bepred, 
Ma  ge  et  ar  mewel  da  welet; 

Ma  ge  et  ar  mewel  'mez  ann  ti 
'Vit  goût  petra  oa  gand  ar  c'hi 
Ma  talc'he  kement  da  randoni. 

En  traou  ar  porz  p'eo  ariet, 
'Nn  otro  Rumin  'n  euz  kozeet  : 

—  Mewel  ann  ti,  lar  d'in  breman, 
Da  vestr  ar  maer  pelec'h  eman  ?  — 

Ar  mewel  paour  a  respontaz 

D'ann  otro  Rumin,  'vel  hen  klewaz  ' 

—  'Barz  e  bourk  Peurit  eo  eman 
'N  ti  Jozon  ar  G'hoz  oc'h  evan.  — 


«  Il  est  au  bourg  de  Pommerit,  —  dans  la  maison  de  Joson  (Joseph) 
Le  Goz,  à  boire.  » 

Le  matelot,  lorsqu'il  a  entendu  cela,  —  est  sorti  vite  de  la  maison. 

Mais  le  chien  aboyait  toujours,  —  au  point  que  le  domestique  (y) 
est  allé  voir; 

Au  point  que  le  domestique  est  sorti  de  la  maison  —  pour  savoir 
ce  qu'avait  le  chien  —  à  continuer  ainsi  de  faire  la  randonnée. 

En  bas  de  la  cour  lorsqu'il  est  arrivé,  —  M.  du  Rumain  a  parlé  : 

«  Domestique  de  la  maison,  dis-moi  maintenant,  —  ton  maître  le 
maire>  où  est-il  ?  » 

Le  pauvre  domestique  répondit  —  à  M.  du  Rumain,  dès  qu'il  l'en- 
tendit : 

«  C'est  au  bourg  de  Pommerit  qu'il  est,  —  dans  la  maison  de 
logon  le  Goz,  à  toire.  » 


124  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

N'oa  ket  he  c'hir  peurachuel, 
Daou  en  he  golier  zo  kroget, 
Hag  en  deuz  d'ez-han  lavaret  : 

—  Mewel  ann  ti,  deud  gan-imp-ni  ' 
Evit  rentan  d'imp  ann  den-ze, 
Pe  c'houi  a  gollo  ho  pue.  — 

Ar  mewel  p'en  euz  klewet, 
Da  vourk  Peurit  hen  a  zo  et. 


Ar  mewel  paour  a  c'houlenne 
En  bourk  Peurit,  pa  antree  : 

—  De  mad  ha  joa  oU  en  ti-man. 
Ma  mestr  ar  maer  pelec'h  eman?  — 

1.  Sorte  de  pléonasme,  fréquent  dans  la  prose  comme  dans  Ja  poésie.  Gan- 
in-mex  gan-imp-ni  :  avec  moi-m'fwe,  avec  noux-mê mes.  Maïs  même  ne  rend  pas 
exactement  la  répétition  personnelle  me  ou  ni. 


Il  n'avait  pas  achevé  son  mot,  —  que  deux  (de  ces  gens)  *  l'ont 
saisi  au  collier,  —  et  ils  lui  ont  dit  : 

«  Domestique  de  la  maison,  venez  avec  nous-mêmes  —  pour  nous 
livrer  cet  homme-là,  —  ou  vous-même  perdrez  la  vie.  » 

Le  domestique,  quand  il  a  entendu  cela,  —  est  allé  au  bourg  de 
Pommerit. 


Le  pauvre  domestique  demandait  —  au  bourg  de  Pommerit,  quand 
il  entrait  : 

«  Bonjour  et  joie  à  tous  en  cette  maison-ci!  —  Mon  maître  le  maire 
où  est- il?  » 

i.  Le  chanteur  s'interrompt  ici,  comme  un  peu  plus  bas,  à  l'appréhension 
du  maire,  pour  faire  cette  reflexion  :  «  On  ne  connaît  plus  ces  deui-là  ;  mais 
ils  étaient  nommés  dans  le  gwe7'z  primitif.  » 


GWERZ    ET    SONN  i25 

Ann  olro  maer  p'hen  euz  klewet, 
Prim  en  he  zao  zo  savet. 

Ar  mewel  paour  a  lavare 

D'he  vestr  ar  maer  'vel  en  gwele  : 

—  Ma  mestr  paour,  di-ou-in'  ma  senteil, 
Da  gomz  out-he  na  n'efed  ket  ; 

Rak  gourdrouz  fall  zo  'n  hoc'h  eneb.  — 

Ann  otro  maer  a  respontaz 
D'he  vewel,  evel  m'hen  klewaz  : 

—  Me  na  ran  forz  piou  zo  aze, 
Ec'h  an  raktal  da  gomz  out-he.   — 

En  loull  ann  nor  p'eo  ariet, 
Daou  'n  he  golier  zo  kroget, 
Emez  ann  li  en  deuz  kaset  : 

—  Ofro  ar  Maer,  deud  gan-imp-ni, 
'Vit  lenn  eul  lizer  zo  gan-imp  ; 

1.  Pour  diouz-in,  en  trécorrois,  et  mieux,  ouz-in. 


Quand  M.  le  maire  l'a  entendu,  —  vite  il  s'est  levé  debout; 

Le  pauvre  domestique  disait  —  à  son  maître  le  maire,  dès  qu'il  le 
voyait  : 

«  Mon  pauvre  maître,  si  vous  m'écoutez,  —  vous  n'irez  pas  leur 
parler;  —  car  il  y  a  contre  vous  une  méchante  rumeur  (colère  ou 
menace).  » 

M.  le  maire  répondit  —  à  son  domestique,  dès  qu'il  l'entendit  : 

«  Peu  m'importe  qui  se  trouve  là;  — je  vais  aussitôt  leur  parler.  » 

Quand  il  est  arrivé  au  seuil  de  la  porte,  —  deux  l'ont  saisi  au 
collet,  —  ils  l'ont  emmené  hors  de  la  maison  : 

«  Monsieur  le  Maire,  venez  avec  nous,  —  pour  lire  une  lettre  que 
nous  avons. 


126  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

Da  lenn  eul  lizer  zo  hine 

Digaset  d'imp  gant  maer  Ponti'e.  — 

Ann  otro  maer  a  respontaz 

D'ann  daou  den-man,  'vel  m'ho  c'hlewaz  : 

—  Na  ma  zo  gan-ac'h  lizerio, 
Antreed  aman  'n  ti  Lanno, 

Ha  m'hen  lenno  deuz  ar  golo.  — 

Ann  daou  den-man  a  respontaz 
Da  vaer  Peurit,  pa  hen  klewaz  '  : 

—  E  ti  Lanno  n'antrefomp  ket, 
Rak  n'eo  ket  mad  e  vemp  gwelet; 
Demp  d'ober  ann  dro  d'ar  vered, 

Ha  ni  c'hai  gan-ac'h  d'ar  Waz-Vian, 
Hag  he*  lennfed  e-tal  ann  tan.  — 

1.  Ce  singulier  est  une  licence  ;  il  faudrait,  régulièrement,  le  pluriel  i/euyon<. 

2.  He,  c'est  le  singulier.  Plus  haut,  on  lit  pourtant  lizet'o,  des  lettres.  La 
difficulté  grammaticale  serait  levée,  s'il  y  avait,  au  lieu  du  'pronom  he,  la 
caractéristique  de  l'impersonnel  verbal  e  ;  «  e  kltwfed,  vous  lirez  ».  Dans  l'es- 
prit du  chanteur,  Hzero  avait  l'équivalence  d'un  singulier  ;  comme  litters, 
en  laiin,  avec  le  sens  de  epislola. 


Pour  lire  une  lettre  qui  a  été  aujourd'hui  —  à  nous  envoyée  par 
le  maire  de  Pontrieux.  » 

M.  le  maire  répondit  —  à  ces  deux  hommes-ci,  dès  qu'il  les  entendit  : 

«  S'il  y  a  avec  vous  des  lettres,  —  entrez  ici,  dans  la  maison  de 
Lanno,  —  et  je  les  lirai  à  la  chandelle.  » 

Ces  deux  hoinnles-ci  répondirent  —  au  maire  de  Pommerit,  quand 
ils  l'entendirent  : 

«  Dans  là  maison  de  Lanno  nous  n'entrerons  pas,  —  car  il  n'est 
pas  bon  que  nous  soyons  vus;  —  allons  faire  le  tour  du  cimetière; 

Et  nous  irons  avec  vous  à  GWi<z-Bihan  ',  --   et  vous  les  lirez  près 
du  feu.  » 

1.  M.  à  m.  petit  lavoir  ou  étang. 


GVVKHZ    KT    SONX  127 

Pa  deux  ann  dro  d'ar  vered  groof, 
'Tal  ti-forn  ann  traou  int  ariet. 

Kichen  ar  forn  p'int  ariet, 
Kompagnonez  en  deuz  kavet, 
'Nn  olro  Rumin  hag  he  botred  ; 

Goude  bezan  'n  em  saludet, 
He-man  d'ar  maer  en  euz  laret  : 

—  Ari  eo  ann  amzer  endro 
Ma  renki  pean  da  gomjo.  — 


Pa  eo  gant-he  eur  pennad  et, 
Rebelion  eo  en  deuz  groet, 
He  votez  1er  en  euz  kollet; 

'Nn  otro  Rumin  p'an  euz  klewet 

He  vaionetez  an  euz  lennet, 

'N  he  goste  klein  en  euz  hi  skoet. 


Quand  ils  ont  fait  le  tour  du  cimetière,  —  près  de  la  maison-à-four 
d'en  bas  ils  sont  arrivés  ; 

Près  du  four  ils  sont  arrivés,  — ils  ont  trouvé  de  la  compagnie,  — 
M.  du  Rumain  et  ses  hommes; 

Après  s'être  salués,  —  celui-ci  a  dit  au  maire  : 

«  Le  temps  est  venu,  suivant  son  cours ,  —  où  tu  devras  payer  tes 
paroles.  » 


Quand  il  est  allé  avec  eux  un  bout  (de  chemin),  —  il  a  fait  rébellion, 

—  il  a  perdu  son  soulier; 

M.  du  Rumain,  lorsqu'il  a  entendu  cela,  —  a  tiré  sa  baïonnette, 

—  il  l'a  enfoncée  dans  son  côté  gauche. 


128  CHAiNSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Ac'hane  neuze  int  bet  et, 

Bete  Stang-ar-G'hont  'n  deuz  he  kaset 

Hag  eno  oe  'dare  pognardet. 

Ann  otro  Rumin  p'an  euz  klewet, 

He  vaionetez  en  euz  tennet, 

'N  he  geste  deo  'n  euz  hi  blantet. 

Ac'hane  neuze  int  bet  et, 
Bete  Keraudren  e  digaset 
Hag  eno  oe  'dare  pognardet. 

Kri  vije  ar  galon  na  oelje  * 
En  Keraudren  neb  a  vije, 

0  klewet  ar  maer  o  c'houl  pardon 
Digant  Rumin'  greiz  he  galon  : 

1.  J'ai  entendu  aussi  :  «  hen  gwelje...  le  cœur  qui  l'aurait  vu...  »Cela  n'avait 
plus  de  sens.  —  Goefje,  î;ye,  le  présent  du  conditionnel,  dans  le  sens  du  passé. 
Cette  substitution  d'un  temps  présent  à  un  prétérit,  pour  la  forme,  non  pour 
le  sens,  est  d'un  usage  fréquent  dans  la  poésie  bretonne. 


De  là  ensuite  ils  sont  partis;  —  ils  l'ont  emmené  jusqu'à  Stang-ar- 
C'hont',  —  et  là  il  fut  poignardé  de  nouveau, 

M.  du  Rumain,  lorsqu'il  a  entendu  cela,  —  a  tiré  sa  baïonnette, 
—  il  l'a  enfoncée  dans  son  côté  droit. 

De  là  ensuite  ils  sont  partis  ;  —  ils  l'ont  emmené  jusqu'à  Kerau- 
dren, —  et  là  il  fut  encore  poignardé. 

Dur  aurait  été  le  cœur  (de  celui)  qui  n'eût  pas  pleuré,  —  de  qui- 
conque eût  été  à  Keraudren, 

En  entendant  le  maire  demander  pardon  —  à  du  Rumain  du  fond 
du  cœur  *  : 

1.  M.  à  m.  V étang  du  Comte. 

2.  «  A-greiz  he  galon,  du  milieu  de  son  cœur  ».  D'après  une  variante  : 
«  Dreiz  he  galon,  tout  au  travers  du  cœur  «.  Dreiz  pour  drez  ou  dre,  en 
récorrois. 


GWERZ    ET    SONN  129 

—  Otro,  lezd  *  gan-in  ma  bue, 
Hag  e  po  ma  reng  ha  ma  leuve 
Hag  ho  c'heritourien  'n  o  goude.  — 

'Nn  otro  Ru  min  a  respontaz 

Da  vaer  Peurit,  \el  m'hen  klewaz  : 

—  Well  eo  gan-in  hut  da  vue 
Evid  da  reng  ha  da  leuve.  — 

Kri  vije  ar  galon  na  oelje 
En  Keraudren  neb  a  vije, 

0  klewet  ar  maer  o  c'houl  pardon 
Digand  Doue  'greiz  he  galon  : 

—  Me  garje,  ma  Doue,  c'halljenn 
Kemer  deuz  ar  ger  c'hoaz  ann  henl, 

Evit  ma  mije  kimiadet 

Deuz  ma  bugale,  ma  fried  *.  — 

1.  Lezd,  pour  lezed.  Deux  couplets  plus  has,  kat,  pour  kaout  ou  kaet.  Le 
Irécorrois  a  l'habitude  de  ces  contractions. 

2.  Pi'ied  a  le  genre  double  du  latin  conjux.  C'est  le  mari  ou  la  femme. 


«  Monsieur,  laissez-moi  la  vie,  —  et  vous  aurez  mon  rang  et  mes 
revenus,  —  et  vos  héritiers  les  auront  ensuite.  » 

M.  du  Rumain  répondit  —  au  maire  de  Pommerit,  dès  qu'il  l'en- 
tendit : 

«  J'aime  mieux  avoir  ta  vie,  —  que  ton  rang  et  tes  revenus.  » 

Dur  aurait  été  le  cœur  (de  celui)  qui  n'eût  pas  pleuré,  —  de  qui- 
conque eût  été  à  Keraudren, 

En  entendant  le  maire  demander  pardon  —  à  Dieu  du  fond  du 
cœur  : 

«  Je  voudrais,  mon  Dieu,  pouvoir  —  prendre  encore  le  chemin  de 
la  maison, 

Pour  que  j'eusse  fait  mes  adieux  '  —  à  mes  enfants,  à  ma  femme.  » 
1.  Kimiadi,  dire  l'adieu. 


130  CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 

Ann  otro  Rumin  a  respontaz 

Da  vaer  Peurit,   vel  m'  hen  klewaz  : 

—  Evid  d'ar  ger  na  n'efed  ket, 
Kimiaded  aze,  ma  kered. 

Lavar  ar  manus,  pa  giri  : 
Ragec'h  oud  en  heur  mavarwi.  — 

Ann  otro  maer  p'hen  euz  klewet 
Da  gimiadi  zo  'n  em  laket  : 

—  Adieu  'ta,  ma  merc'h  Jozefin, 
Adieu  'ta,  ma  mab  Jean-Mari  *, 

Adieu!  eme-han,  ma  fried  : 

N'momp  ken  ar  gras  d'en  em  welet...  — 

1.  Dans  le  prénom  composé  [Jean-Marie,  Pierre-Marie,  etc.)»  le  premier 
mot  est,  en  breton,  exactement  le  même  qu'ea  français  :  toujours  Jean-Mari, 
et  jamais  lann-Mari. 


M.  du  Rumain  répondit  — au  maire  de  Pommerit,  dès  qu'il  l'en- 
tendit : 

«  Quant  à  la  maison,  vous  n'y  irez  pas;  —  faites  vos  adieux  là,  si 
vous  voulez. 

Dis  le  manus  ',  quand  tu  voudras  :  —  car  tu  es  à  l'heure  de  la 
mort  (m.  à  m.  l" heure  où  tu  mourras).  » 

M.  le  maire,  lorsqu'il  l'a  entendu,  —  s'est  mis  à  dire  l'adieu  : 

«  Adieu  donc,  ma  fille  Joséphine;  —  adieu  donc,  mon  fils  Jean- 
Marie  ; 

Adieu,  dit-il,  ma  femme  !  —  nous  n'aurons  plus  la  grâce  de  nous 
voir...  » 

1,  Sans  doute  la  prière  qu'on  chante  à  Compiles:  «  In  manus  tuas,  Domine, 
commendo  spiritum  meum.  »  Le  premier  mot  d'une  formule  sert  de  titre  :  le 
Pa^er... Ainsi,  l'on  dit  d'un  sorcier  qu'il  sait  lire  1'  «obsecro»  dans  les  livres  de 
magie,  pour  les  incautations. 


r.wEKz  i;t  sonn  131 

'Nn  otro  Rumin  p'hen  euz  klewet, 
He  vaionetez  en  euz  tennet, 
î]n  he  galon  'n  euz  hi  blantet. 

Ac'hane  neuze  int  bet  et; 
Beteg  ar  pasaj  e  oe  traignet, 
Hag  eno  a  oe  peurlac'het. 


Ann  otro  Rumin  a  lavaie, 
Etal  ar  pasaj  p'en  arie  : 

—  C'hasted  prepari  hoc'h  hacho, 
Vit  ma  vo  hacliet  ann  otro.  — 

He  vap  henan  a  respontaz 

D'ann  otro  Rumin,   vel  m'hen  klewaz 

—  'Vit  ze,  ma  /ad,  na  vo  ket  groet  ; 
Mizer  awalc'h  en  euz  soufret; 


M.  du  Rumain,  lorsqu'il  l'a  entendu,  —  a  tiré  sa  baïonnette,  —  il 
l'a  plantée  dans  son  cœur. 

De  là  ensuite  ils  sont  partis;  —  il  fut  traîné  jusqu'au  passage  ',  — 
et  là  il  fut  achevé. 


M.  du  Rumain  disait  —  près  du  passage,  quand  il  arrivait  : 

«  Hàtez-vous  de  préparer  vo»  haches,  —  pour  que  monsieur  (m.  à 
m.  le  monsieur)  soit  haché  (en  morceaux).  » 

Son  fils  aîné  répondit  —  à  M.  du  Rumain,  dès  qu'il  l'entendit  : 

«  Quant  à  cela,  mon  père,  ce  ne  sera  pas  fait;  —  il  a  souffert  assez 
de  misères  (de  tortures)  ; 

1.  II  y  a  deux  passages,  l'un  à  Poatrot,  uou  loin  de  Keraudren,  l'autre  entre 
Trojçuéry  et  Saint-Yves  de  Minie'hi,  sur  la  rivière  du  Jaudry,  qui  passe  à  La 
Roche-Derrien  et  à  Tréguier. 


432  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Deuz  ar  bourk  beteg  ar  pasaj 

Ar  vizer  'n  euz  soufret  zo  braz.  — 

Ann  otro  Rumin  p'hen  euz  klewet, 
He  vaionetez  en  euz  tennet  ; 

'N  he  skouarn  glein  en  euz  hi  tlantet 
Ha  dre  he  skouarn  deo  en  euz  hi  zennet. 

Ann  otro  Rumin  pen  euz  gwelet, 
'N  eur  min  pounner  eo  bet  kroget, 
En  he  gerc'hen  en  euz  han  laket. 

Ha  pa  defoa  ho  zorted  groet, 
Ar  vag  war  flod  e  deuz  laket, 
Ebarz  ar  vag  e  oe  toUet, 

Ha  kdset  gant-he  d'ar  sabren 
D'am  dostik  da  DouU-ar-Serpant. 

Chanté  par  Jean  Le  Rolland,  de  Louannec. 


Depuis  le  bourg  jusqu'au  passage,  —  la  misère  qu'il  a  soufferte, 
est  grande.  » 

M.  du  Humain,  lorsqu'il  l'a  entendu,  —  a  tiré  sa  baïonnette  ; 

Il  l'a  plantée  (au  maire)  dans  son  oreille  gauche.  —  et  par  son 
oreille  droite  il  l'a  retirée. 

M.  du  Rumain,  quand  il  a  vu  cela  (le  coup  de  grâce  donné),  — 
a  saisi  une  pierre  lourde,  —  il  l'a  mise  à  son  cou  (attachée  au  cou  du 
maire) . 

Et  lorsqu'ils  eurent  accompli  leur  forfait,  —  ils  ont  mis  à  flot  le 
bateau  (du  passage);  —  et  (le  maire)  fut  jeté  dans  le  bateau, 

Et  emporté  par  eux  au  banc  de  sable  —  qui  est  tout  prèsdeToull- 
ar  Serpant  (m.  à  m.  le  trou  du  serpent.) 


Ce  gwerz  fini,  le  chanteur  ne  manque  jamais  d'ajouter,  en 
guise  de  renseignements  :  «  Daou  ha  pewar-ugent  a  oant, 


GWKRZ    ET    SONN  433 

0  lac'ha  ar  C'haor,  maer  Peurit,  —  Ils  élaient  qualrc-vingl- 
deux,  à  tuer  Le  Caer,  le  maire  de  Pommerit.  » 

Naguère  on  fournissait  d'autres  éclaircissements  sur  cette 
complainte  historique.  Elle  est  incomplète,  par  endroits.  J'ai 
signalé  plus  haut  quelques-unes  de  ces  lacunes.  A  ce  passage  : 
«  Près  du  four...  ils  ont  trouvé  de  la  compagnie,  M.  du  Rumain 
et  ses  amis  »,  ily  avait  une  énumération  des  quatre-vingt-deux, 
qu'on  a  retranchée,  par  mesure  de  prudence.  Les  chanteurs  se 
sont  vu  imposer  celte  discrétion. 

L'événement  qui  a  donné  lieu  à  ce  gwerz,  arriva  en  1815, 
lors  de  la  deuxième  chouannerie.  Le  maire  de  Pommerit- 
Jaudy,  (c  M.  Le  Caer  «,  était  un  bleu.  Le  crime  de  du  Rumain 
et  de  ses  complices  fut  jugé  à  Saint-Brieuc,  en  1819.  Ce  procès 
souleva  dans  le  pays  breton  la  même  émotion  que  l'affaire 
encore  récente  du  «  Crucifié  de  Hengoat  »  :  ily  eut  des  acquit- 
tements analogues.  Les  héritiers  de  Le  Caer  et  ceux  de  ses 
ennemis  politiques  ou  particuliers  sont  encore  nombreux  dans 
toute  la  contrée  ;  j'ai  connu,  à  Quimper,  un  très  proche  parent 
au  maire  de  Pommerit. 

La  première  fois  que  j'ai  entendu  le  Gwerz  ann  ptro  ar 
C'haer,  c'est  en  1880.  Le  vieux  Kerambrun  n'en  savait  plus 
que  des  couplets  épars.  J'attribuai  à  une  défaillance  de 
mémoire  la  mutilation  que  subissait  ce  souvenir  de  guerre 
civile  chez  un  contemporain  — presque  un  témoin  —  de  l'hor- 
rible événement.  (Rapport  paru  dans  les  Archives  des  Missioîis 
scientifiques  et  littéraires]  3"  série,  tome  VIII;  1883.) 

La  principale  raison  en  est  que  le  chant  n'est  plus  qu'en  de 
rares  bouches,  bien  que  le  fait  dont  il  est  l'écho,  soit  encore 
dans  toutes  les  mémoires.  On  ne  passe  pas  à  Toull-ar-Serpaîif, 
avec  un  homme  du  pays,  sans  qu'on  entende,  chaque  fois, 
comme  en  une  phrase  devenue  sacramentelle  :  «  C'est  ici  que 
fut  tué  M.  Le  Caer.  » 

La  chose  irait  au  rebours  des  théories  du  folk-lore.  C'est  le 
chant  qui  s'éteint,  tandis  que  persiste  le  récit  oral  d'où  est 
sortie  la  chanson.  Celle-ci  n'offrirait-elle  pas  assez  ces  carac- 
tères généraux  sans  lesquels  aucune  production  de  l'esprit 
n'est  assurée  de  vivre?  En  effet,  ce  gwerz  a  tout  le  «  localisme  » 


i34  CFfANSONS    KT    DANSES    DES    BRETONS 

d'un  sonn;  pour  quiconque  n'est  pas  de  Tréguier  ou  de  Lannion, 
il  s'agit  uniquement  d'un  assassinat,  où  les  Chouans  et  les  Bleus 
ne  sont  ni  nommés  ni  reconnaissables.  Et,  de  plus,  les  meur- 
triers de  Le  Caer  ne  sèment  plus  aujourd'hui  la  terreur  autour 
des  chanteurs  populaires;  surtout,  la  querelle  de  du  Rumain 
et  de  son  rival  est  devenue  lettre  morte  pour  le  pays;  on  ne 
se  rend  plus  un  compte  exact  de  ces  mots  importants  papero 
et  lizero,  de  ces  papiers  et  de  ces  lettres  qui  ont  fomenté  la 
haine  et  poussé  au  coup  fatal.  Et  ce  gwerz  historique  dispa- 
raîtra pour  ces  deux  raisons  à  la  fois. 

L'air  de  cette  complainte  est  l'universel  andantp ,  avec  les 
mesures  brisées  des  récitatifs. 


r.WERZ    ET    SONN  135 


AR  FILOUTER    FIN 


Didostaed,  tudo  iaouank,  ha  klevfed  kanan 
Eur  chanson  divertisant  zo  gret  'vid  ar-blaman, 

A  zo  gret  d'eunn  den  iaouank,  eur  filouter  fin  ; 
Ma  intented  eur  farserez,  ze  rai  d'ec'h  c'hoarsin. 

Arabad  vo'ta,  tud  iaonank,  sellet  diont-han  : 
Kalz  ha  re  a  filouterien  ve  dre  ar  vro-man  ; 

Hag  evit  rai  zur  da  intend  d'ann  oll  hostijen, 
Na  daiont  ket  da  rai  reput  d'ar  filouterien. 

Ann  den-man  oa  den  pinvidik,  eunn  den  a  feson, 
A  gredan  a  oa  ginidik  demeuz  à  Léon. 

0  vean  e  ger  re  vaget,  (meur  a  hini  zo), 
'Neva  laket'n  he  fantazi  mond  da  vale  bro  ; 


LE    FIN  FILOU 

Approchez,  jeunes  gens,  et  vous  entendrez  chanter —  une  chanson 
divertissante  qui  a  été  composée  cette  année-ci, 

Qui  a  été  composée  sur  un  jeune  homme,  un  fin  filou;  —  si  vous 
comprenez  une  farce,  cela  vous  fera  rire. 

Il  ne  faudra  donc  pas,  jeunes  gens,  le  regarder  (de  trop  près)  :  — 
beaucoup  et  trop  de  filous  se  trouveraient  (alors)  dans  ce  pays-ci. 

(Voici)  encore,  pour  donner  sûrement  à  entendre  à  tous  les  au- 
bergistes —  qu'ils  ne  viennent  pas  donner  la  nourriture  (l'hospitalité) 
aux  filous. 

Cet  homme-ci  était  un  homme  riche,  un  homme  de  bonnes  façons 
{ou  de  qualité);  —  je  crois  qu'il  était  natif  du  Léon. 

Comme  il  était  à  la  maison  trop  bien  nourri  (plus  d'un  est  de  la 
sorte),  —  il  se  mit  (en  tête)  la  fantaisie  d'aller  courir  le  pays; 


•136  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

Laket  'n  euz  'n  he  fantazî  mond  da  boursu  he  chans  ; 
Kas  ra  gant-han  aour  hag  arc'hant  'barz  ann  abondans. 

En  Montroulez  hag  en  Gwengamp,  en  Treger  e  bet, 
'Barz  en  Dinam,  en  Sant-Malo  hag  en  Sant-Briek; 

Ac'hane  e  deu  da  Bariz  ar  filouter  fin, 
Hag  ar  ialc'h  a  deu  da  blada  souden  alafîn. 

Ac'hane  e  deuaz  neuze  d'ar  ger  a  Raon, 
Hag  eno  e  manket  d'ehan  he  brovizion; 

C'hoaz  en  eva  efronteri  da  c'houlenn  lojan 
Ebarz  en  eunn  hosteleri,  n'oa  diner  gant  han. 

En  em  antren  ebarz  ann  ti,  en  den  brao  gwisket  : 

—  C'hoant  em  euz,  'me-han,  ma  hostiz,  da  vean  lojet  ; 

G'hoant  em  euz  da  vean  lojet  en  ti-man  fenoz, 
Hag  eur  banac'h  gwin  da  eva  ebarz  em  repoz.  — 

Ann  hostiz  prest  d'hen  dizervijin  d'ehan  'n  euz  laret  ; 

—  Antreed  eta,  den  iaouank,  lojet  a  veed. 


Il  s'est  mis  (en  tête)  la  fantaisie  d'aller  poursuivre  son  aventure. 
Il  emporte  avec  lui  de  l'or  et  de  l'argent  en  abondance. 

A  Morlaix  et  à  Guingamp,  à  Tréguier  il  a  été,  —  à  Dinan,  à  Saint- 
Malo  et  à  Saint-Brieuc. 

De  là  vient  à  Paris  le  fin  filou,  —  et  sa  bourse  vient  à  s'aplatir  sou- 
dain, à  la  fin. 

Delà  il  vint  alors  dans  la  ville  de  Rennes,  —  et  là  lui  a  fait  défaut  sa 
provision. 

Encore  il  avait  l'effronterie  de  demandera  loger  —  dans  une  hôtel- 
lerie :  et  il  n'avait  pas  un  denier  sur  lui  ; 

En  entrant  dans  cette  maison,  vêtu  en  bel  homme  :  —  «J'ai  envie, 
dit-il,  mon  aubergiste,  d'être  logé  ; 

«  J'aienvie  d'être  logéen  cette  maison-ci,  cettenuit,  — et  (je  voudrais) 
un  peu  de  vin  à  boire  en  mon  repos.  » 

L'aubergiste,  prêt  à  le  servir,  lui  a  dit    :    «    Entrez  donc,  jeune 
homme  ;  vous  serez  logé. 


GWERZ    ET    SONN  437 

Komered  kador  hagazeed  kichen  anntan, 

Ma  po  'r  banac'h  gwin  da  eva  da  c'hortoz  ho  koan.  — 

Pa'n  eva  débet  hag  evet  hag  hen  gret  he  roi, 

Hag  hen  Maret  d'enr  plac'h  neuze  dizervijin  ann  dol. 

—  Tenned  gan-ach  ho  poutaillo,  plajo  ha  gweren  ; 

Ma  c'hesed  d'eur  gampr  da  gousket  'n  eur  gwele  kempen .  — 

Eno  komansaz  ar  filout  kaout  nec'hamant, 

0  chonjal  en  he  beamant,  pa  na  n  oa  arc'hant  : 

—  Ha  débet  am  euz  hag  evet  ha  groet  am  euz  cher  ; 
Penoz  a  pein  ma  skoden,  pa  n'am  euz  diner  ?  — 

Ha  comprened  ar  finese  demeuz  ar  potr  fin  : 

Eunn  diou  pe  der  heur  'rog  ann  de  hen  ia  d'ar  jardin  ; 

Hag  hen  o  komans  neuze  toullan  ann  douar, 
Hag  oc'h  interin  he  vrago  en  touU-ze  raktal. 

Pa  'n  oa  intérêt  he  vrago  ebarz  ann  touU-ze, 
Deuaz  adarre  'n  he  wele  da  c'hortoz  ann  de. 


«  Prenez  une  chaise  et  asseyez-vous  près  du  feu,  -  que  vous  ayez  un 
peu  de  vin  à  boire  en  attendant  votre  souper.  » 

Après  qu'il  eut  mangé  et  bu  et  joué  son  rôle,  — et  lui  de  dire  à  une 
fille  alors  qu'elle  desservît  la  table  : 

«  Emportez  vos  bouteilles,  plats  et  verre;  —  conduisez-moi  à  une 
chambre,  pour  dormir  dans  un  lit  bien  préparé.  » 

Là  commença  le  filou  d'être  embarrassé  —  en  songe'înt  à  son  paie- 
ment, puisqu'il  n'avait  pas  d'argent  : 

«  J'ai  et  mangé  et  bu  et  fait  bonne  chère  ;  —  comment  payerai-je  mon 
écot,  puisque  je  n'ai  pas  un  denier  ?  » 

Et  comprenez  la  ruse  du  malin  garçon  :  —  environ  deux  ou  trois 
heures  avant  le  jour,  il  va  au  jardin  ; 

Et  lui  de  se  mettre  alors  à  creuser  la  terre  —  et  d'enterrer  ses  culottes 
dans  ce  trou-là,  tout  de  suite. 

Quand  il  eut  enterré  ses  culottes  dans  ce  trou-là,  —  il  vint  encore 
dans  son  lit  pour  attendre  le  jour. 


138  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Pa  oa  ari  ann  de-mintin  hag  hen  evit  sortial  ; 
Pa  na  gave  ket  he  vrago,  gomansaz  da  grial  : 

—  Forz,  eme-han,  ma  mignoned,  sikour,  me  ho  ped  : 
Ma  oU  arc'hant  ha  ma  brago,  toud  ec'h  int  laeret.  — 

Ann  hostiz  hag  ann  hostizez  e  kroec'h  ec'h  int  et  : 

—  Chomed  'n  horepoz,  den  iaouank  :  para  zo  ariet? 

Ha  pa  pe  kollet  ho  prago,  ze  na  ra  netra  ; 
Arabad  e  hondekrian  :  ni  a  dai  d'ho  pea.  — 

—  Nan,  n'e  ket  zur  ma  brago  a  ma  gra  jenet  ; 
Ma  oU  arc'hant  e  oa  en-han  :  toud  ec'h  int  laeret. 

Tri-ugent  pistol  en  aour  melen  hag  en  arc'hant  melen, 
Oa  en  total  deuz  ma  arc'hant,  pevar  realuspen.  — 

Ha  furchet  a  oa  neuze  kement  oa  en  ti, 
Bugale,  mewel  ha  matez  ha  potr  marchosi. 


Lorsqu'arriva  le  matin,  et  lui  pour  sortir;  — comme  il  ne  trouvait 
pas  ses  culottes,  il  commença  de  crier  : 

«  A  la  force  !  dit-il,  mes  amis,  au  secours!  je  vous  prie  :  — tout  mon 
argent  et  mes  culottes,  tout  a  été  volé.  » 

L'hôte  et  l'hôtesse  sont  allés  en  haut:  —  Demeurez  en  votre  repos, 
jeune  homme;  qu'est- il  arrivé  ? 

«  Et  quand  même  vous  auriez  perdu  vos  culottes,  cela  nefaitrien;  — 
il  ne  faut  pas  nous  décrier  :  nous  parviendrons  à  vous  payer  (dédom- 
mager). 

—  Ce  sont  pas  sûrement  mes  culottes  qui  me  rendent  inquiet;  — 
(mais)  tout  mon  argent  était  là-dedans  :  tout  a  été  volé. 

«  Soixantepistolesenorjauneet  en  argent  jaune',  —c'était  le  total  de 
mon  argent,  et  quatre  réaux  (vingt  sous)  en  outre.  » 

Et  l'on  fouilla  alors  tous  ceux  qui  étaient  dans  la  maison:  — enfants 
serviteur  et  servante  et  garçon  d'écurie. 

î."  Toutes  les  version»  disent  melen  (jaune),  et  non  gwenn  (blanc)  :  de  l'argent 
jaune. 


GWERZ    FT    SONN  139 

Ar  filout-man  oa  'n  he  wele,  a  grie  bopreil  : 

—  Penoz  ec'h  in-me  d'am  c'hartier  ?  Me  zo  rouinet. 

Ha  chilaoued  eta,  hosfiz,  'barz  en  berr  langach  : 
Ma  na  reniez  d'in  ma  brago,  me  rai  d'id  domach, 

Rag'witme  a  gavo  teslo,  pa  vankfe  kant  d'in, 
Da  laret  oann  ket  divrago  pa  oann  deut  d'ho  ti  : 

Rak  me  a  zo  eunn  den  onest,  mar  zo  em  c'hontre. 
C'houlennan  ket  ober  d'ac'h  koll,  pell  deuz  ac'hane. 

Rented  d'in  eur  brago  mezer  ha  tregont  pislol  : 
Pa  mo  pardonet  eunn  hanter,  na  golin  ket  oll.  — 

Ann  hostiz  hag  ann  hoslizez  deuz  a  galon  vad 
A  ro  d'ehan  tregont  pistol  ebarz  'n  eur  ialc'had  ; 

A  ro  d'ehan  tregont  pistol,  brago  mezer  zaoz  ; 
Neuze  oa  kontant  ar  filout,  pa  oa  mad  he  goz. 


Ce  filou-ci  était  dans  son  lit  et  criait  toujours:  — «  Gomment  irai-je 
en  mon  quartier  (retournerai-je  dans  mon  pays)  ?  Je  suis  ruiné. 

«  Écoutez-donc,  aubergiste,  en  peu  de  mots  :  —  si  tu  ne  me  rends 
mes  culottes,  je  te  causerai  dommage. 

((  Car,  pour  moi,  je  trouverai  des  témoins,  quand  il  m'en  faudrait  cent, 
—  pour  dire  que  je  n'étais  pas  sans  culottes  lorsque  je  suis  venu  dans 
votre  maison  ; 

«  Car  je  suis  un  honnête  homme,  s'il  y  en  a  dans  ma  contrée.— Je  ne 
demande  pas  à  vous  faire  tort,  loin  de  là. 

«  Rendez-moi  desculottes  de  drapet  trente  pistoles: — quand  je  vous 
aurai  pardonné  la  moitié,  (du  moins)  je  ne  perdrai  pas  le  tout.  » 

L'hôte  et  l'hôtesse,  de  bon  cœur,  — lui  donnent  trente  pistoles  dans 
tine  bout-se, 

Lui  dtJnhëttt  trente  pistoles,  (un)  pantalon  de  drap  anglais;— alors 
étôit  eetiteflt  le  filou,  puisque  sa  cause  était  bonne. 


140  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

C'hoaz  en  evaz  da  dijunin,  kent  'wit  partian  , 
Pa  'n  eva  pardonet  ann  hanter,  e  oa  joa  out-han. 

En  eur  sellet  endro  d'ehan  hen  zo  partiel  : 

—  Kenevo,  'me-han,  ma  hostiz,  ar  c'hentan  gweled:  — 

Eunn  daou  pe  dri  devez  goude  ann  hostiz  o  palad  he  jardin 
Hag  hen  hag  o  haet  neuze  brago  ar  potr  fin  ; 

Hag  0  komans  da  grial  diwar  Louez  he  benn  : 

—  Homan  zo  d'in  tro  eur  filout  !  Me  zo  eunn  azen. 

Kement  hostiz  'zo  er  vro-man  'c'hallo  zur  donet 
Na  da  ober  goab  ac'hanon  :  me  'zo  rouinet. 

Am  euz  kollet  tregont  pisrol  hag  eur  brago  mezer, 
Roet  he  goan,  he  dijuni  daeur  fripon  ter. 

Chanté  par  Perrine  Her.not,  femme  Héligoin,  de  Rospez. 


Encore  eut-il  à  déjeuner  avant  de  partir  :  —  comme  il  avait  pardonné 
la  moitié,  on  lui  montrait  de  la  joie. 

En  regardant  autour  de  lui  il  est  parti  :  —  «  Adieu,  dit-il,  mon  au-, 
bergiste,  jusqu'au  prochain  revoir.  » 

Quelque  deux  ou  trois  jours  après,  l'aubergiste,  en  pelletant  son 
jardin,  -^  et  lui  de  trouver  alors  les  culottes  du  rusé  garçon  ; 

Et  de  commencer  à  crier  à  tue-tête  :  —  «  Voici  pour  moi  un  tour  de 
filou  !  je  suis  un  âne  ! 

«  Tout  ce  qui  est  aubergiste  en  ce  pays-ci  pourra  certes  venir  —  et 
pour  se  moquer  de  moi  :  je  suis  ruiné  ! 

«  J'ai  perdu  trente  pistoles  et  des  culottes  de  drap  ;  —  j'ai  donné  son 
souper,  son  déjeuner  à  un  fameux  fripon.  » 


Le  caractère  tout  anecdotique  de  celte  chanson  en  fait  bien 
un  gwerz.  La  complainte,  en  général,  est  larmoyante  ou 


i.WERZ    ET    SONN  141 

tragique  ;  celle  du  Filon  serait  donc  dans  l'exception.  Tout  l'in- 
térêt se  porte  sur  le  récit;  l'air  est  insignifiant,  banal  et 
d'origine  étrangère  sans  doute. 

On  serait  porté  à  marquer  la  date  du  Filouter  sur  quelques 
traits.  Les  pistoles  ne  sont  plus  en  usage,  au  pays  breton; 
elles  n'ont  eu  cours  qu'après  les  diverses  visites  des  Espagnols, 
à  la  suite  de  la  Ligue.  Les  réaux,  de  même,  ne  sont  plus  de  la 
monnaie  courante;  mais  ils  n'ont  pas  disparu  de  la  langue 
usuelle  :  un  franc,  c'est  toujours  quatre  réaux,  dans  l'arithmé- 
tique du  peuple...  On  sait  donc  que  ce  gwerz  ne  peut  pas 
remonter  plus  haut  que  le  xvu*  siècle.  Il  serait  téméraire 
d'affirmer  autre  chose. 

J'ai  entendu  cette  histoire  de  voleur  à  Rospez,  dans  un 
bureau  de  tabac,  pendant  que  le  tribunal  de  Lannion  faisait, 
en  la  maison  d'à-côlé,  une  descente  de  justice. 


SONN 


CHANSON  DE  KLOAREK 

1  —  Kalz  a  amzer  am  euz  koUet 
Tra  la  la  la  la  ladira  lonlaine 
Kalz  a  amzer  am  euz  kollet, 
Ha  studian  n'am  euz  ket  groet. 

Beaucoup  de  temps  j'ai  perdu,  —  tra  la  la..., 
Etudier  je  n'ai  pas  pu. 

Multum  temporis  perdidi 
Et  studere  non  potui. 

12  — Abalamour  d'eur  feumeulen  —  tra  la  la... 
A-greiz  ma  c'halon  a  garenn. 

Pour  une  jeune  fille  que  j'aimais, 
Que  de  tout  mon  cœur  j'adorais. 

Propter  quamdam  filiolam 
Quam  toto  corde  amabam. 

3  —  'Barz  ar  ru  Newe  a  chôme 

Hag  aliez  d'in  lavare  : 

Dans  la  rue  Neuve  ell'demeurait, 
Et  souvent  elle  me  disait  : 

In  via  Nova  manebat 
Sœpeque  mihi  dicebat  : 

4  —  €  Petra  rez  'barz  ar  golejen 

Mar  dleomp  bean  priejen  ? 

Dans  le  collège  que  faites-vous, 
Si  nous  devons  être  époux? 

Quid  facis  in  collegio 
Si  mihi  fueris  sponso? 


144  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

5 'Barz  ar  ger-man  'zo  zoudarded, 

Kemer-unan  ha  ma  lezed'. 

Dans  cette  ville  y  a  des  soldats, 
Prenez-en  un  et  laissez-moi. 

Sunt  milites  in  hac  urbe  : 
Cape  unum,  dimitte  me. 

6 Deuz  ho  *  soudarded  n'oullan  ket, 

Eur  c'hloarek  renki  da  gaet. 

De  vos  soldats  je  ne  veux  pas, 
Un  clerc  ^  me  possédera. 

De  tuo  milite  nolo, 
Clericum  possidebo. 

7 Petra  laro  d'imp-ni  bon  zud, 

Pa  glevfont  bugale  munud, 

Mais  que  diront  nos  chers  parents 
Quand  ils  entendront  les  enfants. 

Quid  dicent  quoque  parentes 
Quando  audient  infantes. 

8  —  0  c'houl  bara  digant  tata 

Ha  boïk-boïk-boïk  digant  maman? 

Demander  du  pain  à  leur  père, 
Ainsi  que  du  lait  à  la  mère? 

Panem  a  pâtre  petentes, 
Lac  a  matre  postulantes?  » 

1.  Kemer  est  le  singulier,  et  lezed,  le  pluriel.  Il  y  a,  entre  ces  deux  nombres, 
certain  effet  de  contraste  que  n'otfrent  évidemment  ni  le  double  pluriel  da 
français,  ni  le  double  singulier  du  latin.  Du  reste,  les  trois  textes  n'offrent 
pas  une  concordance  rigoureuse,  bien  qu'iU  maintiennent  un  sens  à  peu  près 
identique. 

2.  Le  possessif  ho  est  également  de  la  2»  et  de  la  3o  personne.  11  provo- 
querait bien  des  amphibologies,  si  la  lettre  initiale  du  mot  suivant  n'était 
sujette  à  des  mutations  :  ho  soudard  ed,  vos  soldats  ;  ho  zoudarded,  leurs  sol- 
dat». 

3.  Variante  :  Un  doux  clerc  me  possédera.  —  Cet  adjectif  doua:  me  semble 
ajouté  à  uue  leçon  primitive  ;  «  nn  doux  clerc  »,  ce  n'est  pas  dans  la  note 
généralement  simple  du  texte  trilingue. 


r.wKnz  KT  soMN  145 


Au  temps  du  collège,  nous  chantions  le  Kloarek  trilingue 
clans  cet  ordre  :  breton,  français,  latin.  Pour  quelles  raisons? 

Le  texte  breton  me  paraît  être  l'original.  Il  n'a  pas  cet  air 
de  traduction,  que  le  latin  ne  réussit  pas  à  déguiser  : 

Si  mihi  l'ueris  sponso... 
Panem  <a  paire  petentes, 
L.1C  a  matre  postulantes. 

Quant  au  français,  jo  le  crois  ici  hors  de  cause  :  il  est  d'une 
platitude  inimitable.  On  rencontre  dans  le  breton,  d'ailleurs, 
des  expressions  ou  des  mots  qui  ne  sentent  pas  l'emprunt  et 
dont  il  ne  reste  pas  de  traces  dans  le  double  texte  correspon- 
dant ;  ainsi  cette  onomatopée  :  boïk-boïk-bo'ik  {botk,  en  une 
seule  syllabe,  malgré  le  tréma  conventionnel.) 

M.  Gaston  Paris  reconnaît  qu'il  y  a  dans  la  version  latine 
quelques  tournures  rappelant  la  langue  de  la  scolastique  : 

De  tuo  milite  noio... 

La  chose  n'est  pas  étonnante.  Certains  collèges  de  Bretagne 
avaient  gardé,  comme  les  séminaires  de  nos  jours,  et  vien- 
nent de  perdre  à  peine  l'habituflo  du  latin  dans  la  conversa- 
tion; c'était  une  tradition  du  moyen  âge.  Aussi  bien  est-il 
fort  possible  que  des  expressions,  vieilles  ainsi  de  plusieurs 
siècles,  soient  entrées  même  dans  une  traduction. 

Des  mots  français  se  sont  glissés  dans  le  texte  breton  : 
taia  (ne  serait-ce  pas  une  transaction  entre  tad  (père)  et 
papaVj^  7iiaman ;  lonlame^  du  refrain,  est  devenu  familier  au 
breton.  Ce  mélange  est  le  résultat  inévitable  d'un  commerce 
fréquent  enire  les  deux  idiomes  ;  mais  il  ne  prouverait  nulle- 
ment la  postériorité  de  la  version  bretonne. 

Celte  chanson  est-elle  l'œuvre  d'un  kloarek  trécorrois, 
ainsi  qu'on  nous  le  disait?  Kolejen  ei  pricjcn  sont  des  voca- 
bles  inusités  dans  la  région  que   bornent  le   Trieux  et  le 

10 


146  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BBETONS 

Guer*;  ils  indiqueraient  simplement  que  l'auteur  du  Honn 
était  «  natif  du  Léon  ».  D'un  autre  côté,  Tréguier  n'est  plus, 
depuis  la  Révolution,  et  n'était  pas,  avant  cette  époque  des 
milices  oblig-atoires,  une  «  ville  de  soldats.  »  Et  qu'importe, 
après  tout,  le  lieu  précis  d'origine  ? 

Les  chansons  bilingues  (breton  et  français;  sont  communes 
en  Bretagne.  Souvent,  le  couplet  n'y  va  pas,  d'un  bout  à 
l'autre,  dans  un  même  idiome;  après  un  vers  breton,  vient  un 
vers  français;  celui-ci  est  à  peu  près  la  traduction  du  précé- 
dent, ou  il  en  est  le  complément;  quelquefois  les  deux  expri- 
ment un  sens  contraire,  dans  les  sonn  satiriques  ;  et  ces  con- 
tre-sens font  la  grande  joie  de  quelques  initiés.  Voici  le 
premier  couplet  d'une  de  ces  chansons  farcies  : 

M'am  be  me  sikour  Apollon* 
Od  l'esprit  de  Voltaire, 
Me  'm  bije  kompozet  etir  son  :  ' 
Mais,  hélas  !  comment  faire? 
Brema  me  a  zo  bel  pedet  * 
Par  quatre  demoiselles, 
D'ober  d'ezho  peb  a  gouplel.  '^ 
Je  vais  m'occuper  d'elles. 

J'ai  transcrit  deux  versions  de  la  mélodie  du  kloarek.  La 
première,  je  la  connaissais  depuis  mes  années  de  collège  ;  je 
tiens  la  seconde  de  mon  ami  M.  Le  Toiser,  instituteur  à  Per- 
ros-Guirec  :  elle  diffère  sensiblement  de  l'autre,  surtout  à  la 
cadence  finale. 


1.  Le  Trieuz,  qui  coule  de  Guingamp  à  Lézardrieux,  fait  la  limite  approxi- 
mative du  Goëlo  et  du  Tréguier  ;  le  Guer  passe  à  Lanaion  ;  le  Jaudy  coupe  vers 
le  milieu  le  l^nu-Treger. 

2.  M.  à  m.  :  si  j'avais  le  secours  d'Apollon. 

3.  J'aurais  composé  une  ctianson. 

4.  Tout-à-l'heure  j'ai  été  prié. 

5.  De  leur  faire  à  chacune  an  couplet. 


GWEUZ    ET    SONN  147 


AK   BONOMIK 


—  Debonjour  d'ec'h,  Janedik, 
Bonjour  d'ec'h  a  laran,  —  breman 
Bonjour  d'ec'h  a  laran; 

Pelec'h  eman  'r  Bonomik, 
Pa  n'eman  o  toma?  —  breman 
Pelec'h  eman  'r  Bonomik 
Pa  n'eman  o  toma? 

—  Eman  du-ze  el  liorz 

Oc'h  evesad  ann  ed,  —  me  a  gred 

Oc'h  evesad  ann  ed; 

Il-hu  c'hardi  d'he  gavet 

Ha  n'ho  refuzo  ket,  —  me  a  gred 

It-hu  c'hardi  d'he  gavel 

Ha  n'ho  refuzo  ket.  — 


LE  BONOMIG  » 

«  Bonjour  à  vous,  petite  Jeanne,  —  bonjour  à  vous  je  dis,  mainte- 
nant, —  bonjour  à  vous  je  dis  :  —  où  est  le  Bonomic,  —  puisqu'il 
n'est  pas  à  se  chaufler,  maintenant?  —  Où  est  le  Bonomic,  puisqu'il 
n'est  pas  à  se  chauffer? 

—  Il  est  là-bas  dans  le  courtil  —  à  garder  le  blé,  je  crois,  —  à 
garder  le  blé;  —  allez  hardiment  le  trouver,  —  et  il  ne  vous  refusera 
pas,  je  crois;  —  allez  hardiment  le  trouver,  —  et  il  ne  vous  refusera 
pas.  » 


J.  M.  à  in.  :  petit  bonhoinm>;. 


148  CHANSONS    Eï    DANSliS    DES    BRETONS 

—  Debonjour  d'ec'h,  Bonomik, 
Bonjour  d'ec'h  a  laran,  —  breman 
Bonjour  d'ec'h  a  laran  ; 

Konje  ho  merc'h  Janedik 

Digan  ec'h  a  c'houlennan,  —  breman 

Konje  ho  merc'h  Janedik 

Da  zemezi  'rbloa-man. 

—  Eleal,  ma  merc'h  Janed 

Na  zemezo  ket  c'hoaz,  —  evit  c'hoaz 

Na  zemezo  ket  c'hoaz  ; 

Chom  a  rei  'n  daou  pe  dri  bloaz 

Da  roui'  ann  ébat  c'hoaz,  —  evit  c'hoaz.., 

—  Bez'  o  po  keun,  Bonomik, 
Beza  ma  refuzet,  —  me  a  gred 
Beza  ma  refuzet, 

G'houi  deuio  d'he  ofr  d'in-me, 

Ha  n'he  c'hemerin  ket,  —  me  a  gred... 

—  Taped  ho  sac'h,  kloaregik, 
Lakid  han  var  ho  skoa,  —  ia  da 
Lakid  han  var  ho  skoa  : 

Koulz  eo  d'ec'h  hen  kaout  breman 
Evel  hen  kaout  da  vloa,  —  ia  da...  — 


«  Bonjour  à  vous,  Bonomic,  —  bonjour  à  vous  je  dis,  maintenant, 
—  bonjour  à  vous  je  dis  :  —  le  congé  (la  main)  de  votre  fille  petite 
Jeanne  —  d'avec  vous  je  demande,  maintenant,  —  le  congé  de  votre 
fille  petite  Jeanne  —  d'avec  vous  je  demande. 

—  Par  e.Kemple,  ma  fille  Jeanne  —  ne  se  mariera  pas  encore,  pour 
encore,  —  (elle)  ne  se  mariera  pas  encore  ;  —  eile  restera  dans  les 
deux  ou  trois  ans  —  à  courir  les  ébats  encore,  —  pour  encore... 

—  Vous  aurez  regret,  Bonomic,  de  m'avoir  refusé,  je  crois,  —  de 
m'avoir  refusé  ;  —  vous  viendrez  me  l'offrir  à  moi,  —  et  je  ne  la 
prendrai  pas,  je  crois... 

—  Prenez  votre  sac,  petit  kloarek,  —  mettez-le  sur  votre  épaule, 
oui  donc,  —  mettez-le  sur  votre  épaule  :  —  autant  vaut-il  pour  vous 
que  vous  l'ayez  à  présent  — que  de  l'avoir  l'an  prochain,  oui  donc...  y> 


GWERZ    ET    SONN  149 


Neuze  c'ha  'r  c'hloareg  iaouank 
Da  ganut  Janed...  oh!  —  oh!  ohl 
Da  gaout  Janed  ..oh! 

—  Eur  pokik,  ma  dousik-koant, 
Ouz-oc'h  a  c'houlennan  —  breman... 

—  E  lec'h  eur  pokik,  ma  dous, 
G'houi  pezo  daou  ha  tri  —  ia,  c'houi 
G'houi  pezo  daou  ha  tri; 

Ha  malloz  d'ar  goall  deodou 

Zo  koz  d'hon  disparti,  oh  !  —  ia,  c'houi., 

A-benn  eunn  eiz  de  goude 

Janed  zo  chomet  klanv  —  ia,  klanv 

Janed  zo  chomet  klanv, 

Ma  komans  ar  Bonomik 

Dond  d'enem  chagrinan,  —  han!  han!, 

Neuze  za  'r  Bonomik 

E  za  da  foueta  bro  —  ho!  ho! 

E  za  da  foueta  bro, 

Da  glask  ar  c'hloareg  iaouank 

Da[gemer  Janed,  ho!  —  ho!  ho!... 


Alors  va  le  jeune  kloarek  —  trouver  Jeanne...  oh!  oh!  oh!  — 
trouver  Jeanne...  oh  !  —  «  Un  petit  baiser,  ma  petite  douce-mignonne, 
—  de  vous  je  demande,  maintenant... 

—  Au  lieu  d'un  petit  baiser,  nwn  doux  (aimé),  —  vous  en  aurez 
deux  et  trois,  oui,  vous,  —  vous  en  aurez  deux  et  trois;  —  et  malé- 
diction sur  les  mauvaises  langues  —  qui  sont  la  cause  de  notre  sépa- 
ration, oh!...  oui,  vous...  » 

Au  bout  d'environ  huit  jours  ensuite,  —  Jeanne  est  restée  malade, 
oui,  malade,  —  Jeanne  est  restée  malade,  —  (au  point)  que  com- 
mence le  Bonomic  —  d'en  venir  à  se  chagriner,  han!  han!... 

Alors  va  le  Bonomic  —  va  battre  la  campagne,  ho  !  ho  !  —  (il)  va 
battre  la  campagne,  —cherchant  le  jeune  kloarek  —  pour  prendre 
Jeanne,  ho!  ho!  ho! 


150  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BftETONS 

—  Debonjonr  d'ec'h,  kloaregik, 
Bonjour  d'ec'h  a  laran,  —  breman 
Bonjour  d'ec'h  a  laran  : 

Aboe  ma  oc'h  bet  du-man 

Janed  zo  chomet  klanv,  —  oh!  ia,  klanv... 

—  Laret  'm  boa  d'ec'h,  Bonomik, 
0  pije  ma  c'hlasket,  —  hag  abred 
0  pije  ma  c'hlasket, 

E  teujec'h  d'he  ofr  d'in-me, 

Ha  n'he  c'homerjen  ket  :  —  ne  rin  ket 

Daled  ho  sac'h,  Bonomik, 
Lakid-han  var  ho  skoa,  —  ho!  ia,  da. 
Lakid-han  var  ho  skoa  : 
Koulz  eo  d'ec'h  hen  kaout  'r  bloa-man 
Evel  hen  haout  da  vioa  —  ho  !  ia  da.  — 

Chanté  par  le  sacristain  de  Plougonver,  chez  M.  Delafargue. 


«  Bonjour  à  vous,  petit  kloarek,  —  bonjour  à  vous  je  dis,  mainte- 
nant, —  bonjour  à  vous  je  dis  :  —  depuis  que  vous  avez  été  chez  moi, 
—  Jeanne  est  restée  malade,  oh!  oui,  malade. 

—  Je  vous  avais  dit,  Bonomic,  —  que  vous  m'auriez  cherché,  et 
bientôt,  —  que  vous  m'auriez  cherché,  —  que  vous  viendriez  me 
l'offrir  à  moi  —  et  que  je  ne  la  prendrais  pas  :  je  ne  le  ferai  pas.^ 

Voilà  votre  sac,  Bonomic, —  mettez-le  sur  votre  épaule,  oh!  oui, 
ionc,  —  mettez-le  sur  votre  épaule  :  —  autant  vaut-il  pour  vous  l'avoir 
•efte  année-ci  — que  de  l'avoir  l'an  prochain,  ho!  oui  donc.  » 


r.WRRZ    El-    SONN  dSl 

ANN    t^URZUNEL 

Kalz  a  amzer  'm  euz  koUel  o  furchal  ar  c'hoajo, 
0  klask  surpren  eunn  durzunel  kousket  war  arbranko; 
Dewet  am    euz    ma  amors,  et  e  ma  zenn  de  fal  :  . 

Achapet  ann   durzunel  ha   ninjet   'n  eur  c'hoad  ail. 

Deuz  ann  noz  ha  d'ar  heure  o  klewet  lapoused 
0  kanan,  o  fredonin,  davegar  gwe  pignet, 
N'an  euz  hini  anez-ho  hag  a  bik  ma  c'halon 
Evel  mouez  ann  durzunel  o  oelan  d'he  mignon  : 

—  N'euz  na  souten,  na  remet,  na  konsolasion 
Ve  kab  da  dond  da  galmin  tourmancho  ma  c'halon; 
Fraillet  on  gand  ar  glac'har,  mond  a  ran  da  verwel  : 
Met  na  varwin  ket  kontant,  ma  na  varvan  fidel. 

Ma  c'halon  zo'tizec'hin  fraillet  gand  ar  glac'har, 
Evel  d'eunn  intanvez  paour  kollet  ganfi-hi  he  far.  — 
N'an  euz  hini  anez-ho  hag  a  bik  ma  c'halon 
Evel  mouez  ann  durzunel  o  oelan  d'he  mignon. 


LA  TOURTERELLE 

Beaucoup  de  temps  j'ai  perdu  à  fouiller  les  bois,  —  cherchant  à  sur- 
prendre une  tourterelle  endormie  sur  les  branches;  —  j'ai  brûlé  mon 
amorce,  mon  coup  est  allé  à  mal  (a  manqué)  :  —  la  tourterelle  s'est 
échappée  et  envolée  dans  un  autre  bois. 

Le  soir  et  le  matin,  lorsque  j'entends  les  oiseaux  —  chanter,  ga- 
zouiller, perchés  au  haut  des  arbres,  —  iln'est  aucun  d'eux  quipénètre 
mon  cœur  —  comme  la  voix  de  la  tourterelle  qui  pleure  son  amant  : 

«  Il  n'y  a  ni  soutien,  ni  remède,  ni  consolation  —  qui  soient  capables 
de  venir  calmer  les  tourments  de  mon  cœur; — je  suis  brisée  par  la  dou- 
leur, je  m'en  vais  mourir;  —  mais  je  ne  mourrai  pas  contente  si  je  ne 
meurs  fidèle. 

«Mon  cœur  est  à  se  dessécher, brisé  parla  douleur,  —  commeàune 
pauvre  veuve  qui  a  perdu  son  compagnon.  »  —  Il  n'est  aucun  d'eux  qui 
pénètre  mon  cœur  —  comme  la  voix  de  la  tourterelle  qui  pleure  son 
amant. 


J52  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Petra,  turzunel  iaouang,  a  dourmand  da  galon  ? 

—  KoUet  am  euz,  emez-hi,  ma  fidelan  mignon. 
Gant  ma  dai  ar  chaseer  da  cher  d'  in  merwel  ! 

Met  na  varwin  ket  kontant,  ma  na  varwan  fidel.  -:- 

Mizilour  skier  ha  brillant  deuz  ar  fidélité, 
Ar  model  ar  sinseran  demeuz  ar  garante! 

—  Me  na  varwin  ket  kontant,  ma  na  varwan  fidel.  — 
Birwiken  na  dizonjin  maro  ann  durzunel. 

Chanlépar  Jeanne-Yvonne  Le  Rolland  etJoséphine  Tanguy, de  Lammerin. 


Quoijeune  tourterelle,  (qu'est-ce  qui)  tourmente  ton  cœur.  —  «  J'ai 
perdu,  dit-elle,  mon  plus  fidèle  ami.  —  Pourvu  que  vienne  le  chasseur 
me  faire  mourir  !  — Mais  je  ne  mourrai  pas  contente,  si  je  ne  meurs 
fidèle.  » 

Miroir  clair  et  brillant  de  la  fidélité;  —  le  modèle  le  plus  sincère 
de  l'amour  !  —  «  Je  ne  mourrai  pas  contente,  si  je  ne  meurs  fidèle.  »  — 
Jamais  je  n'oublierai  la  mort  de  la  tourterelle. 


La  chanson  de  «  la  Tourterelle  »  est  toute  moderne.  On  la 
vend,  sur  une  feuille  volante,  à  la  librairie  Le  Goffic  (de  Lan- 
nion),  qui  en  aurait  la  propriété.  L'intrusion  des  mots  fran- 
çais y  est  considérable.  Ce  qui  n'empêche  pas  d'être  en  grande 
vogue  cette  plaintive  tourterelle,  un  sonn  allégorique.  C'est 
que  le  peuple  a  le  même  goût  que  les  enfants  pour  les 
oiseaux  et  les  êtres  qui  vivent  dans  une  intimité  spéciale  avec 
la  nature.  Les  femmes  surtout  ont  une  prédilection  pour  cette 
chanson,  dont  l'attrait  réside  dans  la  sentimentalité  des  pa- 
roles et  dans  la  suavité  de  la  mélodie. 


GWERZ    ET    SONN 


153 


ANN  DEN  KOZ  HAG  ANN  EVNIK 


I. 

Na  dec'h,  d'ann  noz  diveza, 
Ha  pa  oa  koaniet  d'in, 
Ha  me  o  vond  em  jardin 

—  le,  tralira  tralalik  tralira 
Ha  me  o  vond  em  jardin 
En  aviz  pourmenin. 

n. 

Ha  me  o  vond  em  jardin 

En  aviz  pourmena, 

Ha  me  'klevet  eunn  evnik 

—  le,  tralira  tralalik  tralira 
Ha  me  'klevet  eunn  evnik 
War  eur  boud  o  kana. 


m. 

Hag  0  vonet  ann  evnik 
Hag  o  c'houlenn  ouz-in  : 

—  Pe  te  'zû  klanv  a  galon 

—  le,  tralira  tralalik  tralira  — 
Pe  te  'zo  klanv  a  galon, 

Pe  te  'n  euz  poan  spered  ? 

IV. 

—  Na  n'ez  on  klanv  a  galon, 
Med  em  euz  poan  spered 

Na  gant  keun  d'am  iaouankiz 

—  le,  tralira  tralalik  tralira  — 
Na  gant  keun  d'am  iaouankiz 
En  deuz  ma  c'houiteet. 


LE  VIEILLARD  ET  LE  PETIT  OISEAU 


Hier  donc,  à  la  nuit  dernière,  —  et  lorsque  j'eus  soupe,  —  et  moi 
d'aller  à  mon  jardin,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  et  moi  d'aller  à 
mon  jardin  —  dans  le  dessein  de  me  promener. 

Et  moi  d'aller  à  mon  jardin  —  dans  le  dessem  de  me  promener  ;  — 
et  moi  d'entendre  un  petit  oiseau,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  et 
moi  d'entendre  un  petit  oiseau  —  qui  (éfait)  sur  une  branche  à 
chanter. 

Et  de  venir  le  petit  oiseau,  —  et  de  me  demander  :  —  «  Ou  bien 
es-tu  malade  de  cœur,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  ou  bien,  es-tu 
malade  de  cœur,  —  ou  bien  as-tu  des  peines  d'esprit  ?  » 

—  «  Je  ne  suis  pas  malade  de  cœur;  —  mais  j'ai  des  peines  d'es- 
prit —  et  (c'est)  par  le  regret  de  ma  jeunesse,  —  ié,  tralira  tralalik 
tralira  —  et  (c'est)  par  le  regret  dama  jeunesse,  —  qui  m'a  quitté. 


iU 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


Larez  te  d'in,  evn  bihan, 

Te  'n  euz  plun  ha  diou-eskel, 

Na  mond  a  raz  evid  on 

—  le,  tralira  tralalik  tralira  — 
Na  mond  a  raz  evid  on 

Eur  veachig  a  bell? 

VI. 

Da  gerc'had  d'in  ma  iaouankiz 
Hag-  a  zo  et  a  droad  ? 
Ha  pa  vi  aru  aman 

—  le,  tralira  tralalik  tralira  — 
Ha  pa  vi  aru  aman 

Nimp  'evo  boutaillad.  — 

VIL 

—  Tawd'in  gand  da  iaouankiz; 
Na  p'az  eo  et  'n  he  roud, 
Gand  oll  vado  ar  bed-man 


—  le,  tralira  tralalik  tralira  — 
Gand  oll  vado  ar  bed-man 
N'on  ket  'vid  hen  kavout.  — 

vm. 

—  la,  med  kenfn  euz  ma  c'houi- 

[teet] 
Dismeganz  an  euz  d'in  gret  : 
Tortet  an  euz  ma  diskoa 

—  Te,  tralira  tralalik  tralira  — 
Tortet  an  eux  ma  diskoa. 

Ma  barw  an  euz  grizet. 

IX. 

Ma  dent  dimeuz  ma  geno. 
Ma  fenn  dizoloet, 
Ha  ma  oll  ajilite 

—  le,  tralira  tralalik  Iralira  — 
Ha  ma  oll  ajilite, 

011  ez  int  gant-hi  et. 


Dis-moi,  oiseau  petit,  —  tu  as  des  plumes  et  deux  ailes,  —  irais-tu 
pour  moi,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  irais-tu  pour  moi  —  en  un 
petit  voyage  au  loin? 

Me  chercher  ma  jeunesse  —  qui  s'en  est  allée  par  le  pied  (ou,  à 
pied)?  —  et  lorsque  tu  seras  de  retour  ici,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira 
—  et  lorsque  tu  seras  de  retour  ici,  —  nous  boirons  bouteille.  » 

—  «  Donne-moi  la  paix  avec  ta  jeunesse;  —  puisqu'elle  s'en  est  allée 
par  son  chemin,  —  avec  tous  les  biens  de  la  terre,  —  ié,  tralira 
tralalik  tralira  —  avec  tous  les  biens  de  la  terre  —  je  ne  suis  pas  à 
même  de  la  retrouver. 

—  Soit.  Mais,  avant  qu'elle  m'ait  quitté,  —  elle  m'a  fait  outrage  : 
—  elle  a  voûté  mes  deux  épaules,  -=-  ié,  tralira  tralalik  tralira  — elle 
a  voûté  mes  deux  épaules  ;  —  ma  barbe,  elle  l'a  grisonnée. 

(Elle  m'a  pris)  mes  dents  de  la  bouche,  —  a  mis  ma  tête  à  nu,  — 
et  toute  mon  agileté,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  et  toute  moh 
agilité,  —  tout  s'en  est  allé  avec  elle. 


r.Wr.RZ    ET    SONN 


i55 


X. 

Me  am  euz  bet  eunn  amzer 
Oann  soubl  'vel  eur  gorreen, 
A  dansen  war  ar  gorden 
—  le,  tralira  tralalik  tralira 
A  dansen  war  ar  gorden 
Heb  bezan  krog  en  den. 

XI. 

A  dansen  war  ar  gorden 
Heb  bezan  krog  en  mad  : 


Eunn  troad  d'in  a  zo  ramplel 

—  le,  tralira  rralalik  tralira  — 
Eunn  troad  d'in  a  zo  famplet, 
Hog  ez  on  kouet  a  blad. 

XII. 

Eunn  troad  d'in  a  zo  ramplet, 
AUaz  !  hag  ez  on  kouet  ; 
Ha  herve  ma  lèverez 

—  le,  tralira  tralalik  ttalira  — 
Ha  herve  ma  lèverez, 

Sevel  na  c'hallin  ket.  — 


Chanté  par  Marianne  Thomas,  mercière  à  Pleudaniel. 


J'ai  eu  un  temps  —  où  j'étais  souple  comme  une  courroie,  —  où 
je  dansais  sur  une  corde.  —  ié,  tralira  tralalik  tralira,  —  où  je  dan- 
sais sur  une  corde  —  sans  me  tenir  à  personne, 

Où  je  dansais  sur  une  corde  —  sans  me  retenir  à  rien  :  —  un  de 
mes  pieds  a  glissé,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  un  de  mes  pieds  a 
glissé  —  et  je  suis  tombé  à  plat. 

Un  de  mes  pieds  a  glissé,  —  hélas  !  et  je  suis  tombé  ;  —  et,  ainsi 
que  tu  dis,  —  ié,  tralira  tralalik  tralira  —  et,  ainsi  que  tu  dis,  — 
me  rele\ter,  je  ne  le  pourrai  pas. 


Dans  le  pays  de  Tréguier,  tout  le  monde  a  entendu  cette 
ballade  allégorique.  La  mélodie  en  est  un  peu  savante,  et  je 
he  Connais  guère  que  des  vieillards  qui  l'aient  retenue  dans 
sa  siticérité.  Je  la  transcris  deux  fois.  Le  second  air  m'a  été 
charité  par  le  tisserand  Kérambrun,  déjà  très  vieux  ;  il  avait 
la  vdix  cassée  et  le  souvenir  infidèle.  Le  barde  octogénaire 
a  tout  à  fait  altéré  et  même  transformé  la  charmante  mélodie 
jifimitivei 


456  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


SON 

Disul  viniin,  ha  pa  savenn, 

0  rein  drein  drein 

0  ra  la  ritra 

0  rein  drein  drein  laridenno 
Da  chibouez  ar  c  had  e  ienn, 

Tihoho 
Da  chibouez  ar  c'had  e  ienn. 

Tihohoho. 

Chibouez  ar  c'had,  ar  c'hevelek, 

0  rein  drein  drein... 
Me  renkonlraz  ma  mestrez 

Tihoho 
E-kreiz  ar  c'hoad  o  oela. 

Tihohoho. 

—  Mestrez  iaouank,  d'i-me  lared, 
Goste  perag  a  oeled? 

—  Goela  a  rann  ha  keuz  am  euz  : 
Ma  inor  a  zo  kollet.  — 


CHANSON 

Dimanche  matin,  dès  que  je  me  levai,  — o  rein  drein  drein  — 
o  ra  la  ritra  —  o  rein  drein  drein  laridenno  —  j'allai  chasser  le 
lièvre,  —  tihoho  —  j'allai  chasser  le  lièvre,  —  tihohoho. 

Chasser  le  lièvre,  la  bécasse;  —  o  rein  drein  drein...  —  je  rencon- 
trai ma  maîtresse  —  tihoho  —  qui  pleurait  au  milieu  du  bois.  — 
tihohoho. 

«  Jeune  maîtresse,  dites-moi  :  —  pourquoi  pleurez-vous  ? 
—  Je  pleure  et  j'ai  regret  :  —  j'ai  perdu  mon  honneur.  » 


GVVEKZ    ET    SONN  157 

Ha  me  'krogaz  'n  hi  dornig  gwenn, 
Hi  digas  da  vord  ar  c'hoat. 

—  Mestrez  iaouank,  d'i-me  lared  : 
Goste  perag  a  ganed? 

—  Kana  a  rann  ha  joa  am  euz  : 
Ma  inor  a  chom  L^en-ein  !  — 


Et  je  la  pris  par  sa  petite  main  blanche,  —  et  je  la  conduisis  à  la 
lisière  du  bois. 

«  Jeune  maîtresse,  dites-moi  :  —  pourquoi  chantez-vous? 

—  Je  chante  et  j'ai  de  la  joie  :  —  mon  honneur  me  reste.  » 


Voila  une  chanson  de  chasse.  N'est-ce  pas  que  ce  refrain 
9  rein  drein  drein  vibre  comme  un  appel  du  cor?  Et  celle 
autre  onomatopée  du  tihoho  ! 

La  mélopée  est  composée  de  deux  motifs  bien  distincts.  Le 
premier  est  scandé  comme  une  marche  —  mais  une  marche 
couverte,  à  pas  discrets,  —  et  il  se  termine  sur  une  cadence 
étrange,  inattendue  —  laridenno  —  ;  puis,  éclate  un  majeur 
d'une  allure  triomphale.  Cet  air  est  un  des  plus  caractéris- 
tiques que  j'aie  entendus. 

El  dans  cette  historiette  d'amour  —  sept  couplets  —  quel 
mouvement  et  quel  drame  !  On  retrouve  partout  cette  légende  ; 
presque  toujours,  c'est  un  conte  gai  ;  il  me  semble  que  nulle 
part  elle  n'est  empreinte  d'une  aussi  suave  gravité  :  c'est 
comme  à  regret  que  les  Bretons  dépouillent  la  femme  du 
charme  dont  elle  est  entourée  dans  la  tradition  celtique. 

Ce  aonn  est  fort  répandu  aux  environs  de  Quimperlé,  sur  les 
confins  du  cornouaillais  et  du  vannetais  :  de  là,  ses  dispa- 
rités—  j'allais  dire  ses  impuretés  —  dialectales. 


158  CHANSONS    KT    DANSES    DES    BRETONS 


MADELENIK 

Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  droc'hon  segal? 

—  Ho  !  fe  !  graon  ;  ho  !  fe  I  na  naon  : 
Rak  troc'hon  rin  ma  gar. 

—  Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  droc'hon  guiniz? 

—  Ho  !  fe  !  graon  ;  ho  !  le  !  na  naon  : 
Rak  troc'hon  rin  ma  biz. 

—  Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  droc'hon  kerc'h? 

—  Ho  !  fe  !  graon  ;  ho  !  fe  !  na  naon  : 
Rak  chom  a  rin  varlerc'h. 

—  Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  droc'hon  guiniz-du? 

—  Ho  !  fe  !  graon  ;  ho  !  fe  !  na  naon  : 
Rak  na  n'onn  ket  ann  tu. 


PETITE  MADELEINE 

«  Venez- vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  (nous  deux)  couper  du  seigle?  —  Ho  !  (ma)  foi  !  j'y  vais  ;  ho  ! 
foi  !  je  n'y  vais  pas  :  —  car  je  me  couperais  la  jambe. 

—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous 
les  deux  cduper  du  froment  ?  —  Ho  !  foi  !  j'y  vais;  ho  !  foi  !  je  n'y 
vais  pas  :  —  car  je  me  couperais  le  doigt. 

—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  couper  de  l'avoine  ?  —  Ho  1  foi  1  j'y  vais,  ho  !  foi  I  je  n'y  vais 
pas  :  —  car  je  resterais  derrière. 

—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  couper  du  blé  noir  V  —  Ho  !  foi  !  j'y  vais;  ho  !  foi  !  je  n'y  vais 
pas  :  —  car  je  n'en  suis  pas  la  manière. 


(;\VKKZ    in'   SDN.N  159 

—  Deil-hu  };etiaon,  Madelenik, 
C'heaip  hon  daou  da  hija  avalaouV 

—  Ho  !  fe  !  graon  ;  ho  !  fe  !  ma  naon 
Kak  toull  e  ma  chokadaou. 

—  Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  hijo  per? 

—  Ho!  fe!  graon;  ho!  f e  !  na  naon  : 
Kouls  e  d'in  mond  d'ar  ger. 

—  Deit-hu  gen-aon,  Madelenik, 
C'hemp  hon  daou  da  hijo  prun? 

—  Ho!  fe!  graon;  ho!  fe!  na  naon  : 
Red  eo  d'in  chom  war  iun.  — 

Chanté  par  M.  Grégoire  Delakargue. 


—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  secouer  les  pommes  (pommiers)  ?  —  Ho  !  foi  !  j'y  vais  ;  ho  !  foi  ! 
je  n'y  vais  pas  :  —  car  mon  tablier  {ou  cotillon,  pièce  d'habille- 
ment...) est  percé. 

—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  secouer  les  poires?  —  Ho  !  foi  !  j'y  vais;  oh  !  foi  !  je  n'y  vais 
pas  :  —  autant  me  vaut-il  de  m'en  aller  à  la  maison. 

—  Venez-vous  avec  moi,  Madeleinic,  —  que  nous  allions  tous  les 
deux  secouer  les  prunes  ?  —  Ho  !  foi  !  j'y  vais;  ho  !  foi  !  je  n'y  vais 
pas  :  —  il  faut  que  je  reste  a  jeun.  » 

Tout  le  piquant  de  ce  dialog-ue  réside  dans  les  réponses  de 
la  «  petite  Madeleine  ».  Le  sujet  est  lire  d'un  thème  uni- 
versel. Ce  qui  sauve  ce  s07în  de  la  banalité,  c'est  évidemment, 
avec  les  répliques,  là  façon  assez  vive  dont  s'y  prend  le 
séducteur,  énumérant  ses  occupations  diverses  aux  champs. 

L'air  a  gardé  exactement  le  caractère  alerte  et  le  ton  d'iro- 
nie de  la  chanson. 

Le  sonn  de  Madelenik  est  en  dialecte  côrtlouaillais  ;  il  est 
né  dans  cotte  partie  de  la  Cornouaillo  qlli  Confine  à  l'ancien 
évêché  de  Tréguier,  à  ceux  de  Vannes  et  de  Quimper;  tout 
près,  devait  être  la  forêt  de  Brocéliande. 


160  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


SON  AR  PILLAOUER 

Va  zad  en  deuz  va  demezet 
Da  eur  flaeriuz  pillaouer; 
E  Lokefret  ez  co  ganet 
E  komanant  Toul-al-Laer. 

Diskan.  —  Foue,  foue,  foue  d'am  zammig  aotrou 
Gand  he  stoup  hag  he  billaou  ! 

Ann  devez  warlerc'h  he  eured 
E  oa  foar  e  Landerne  : 
Va  lannig  evel  ennn  durzunel 
A  sav  pront  euz  he  wele. 

A  vec'h  e  ve  'nn  anter-noz  anler 
Ma  tan  dija  he  gorn-butun  ; 
Diskrouga  ra  he  grog-poezer  : 
Selu  hen  war  henl  Sizun. 


CHANSON  DU   CHIFFONNIER 

Mon  père  m'a  mariée  —  à  un  puant  de  chiffonnier;  —  àLoquéfretil 
est  né  —  dans  le  convenant  de  Toul-al-Laer. 

Refrain.  —  Fi  !  fi  !  fi  de*mon  petit  bout  de  monsieur  —  avec  ses 
étoupes  et  ses  chiffons  ! 

Le  lendemain  de  ses  noces  —  il  y  avait  foireàLanderneau:  — mon 
lannic  (petit  Jean)  comme  une  tourterelle  —  se  lève  promptement  de 
son  lit. 

A  peine  est-il  la  minuit  et  demie  —  qu'il  allume  déjà  sa  pipe  à 
tabac;  —  il  décroche  sa  balance  :  —  le  voilà  sur  le  chemin  de  Sizun. 


dWEnz  HT  sONN  161 


Va  lannik  pa  ia  d*ar  foariou. 
A.  vezato  mezou-dall; 
Prest  a  oa  da  goll  he  vragou 
E  Montroulez,  en  deiz  ail. 

Va  lannig  a  zo  eunn  aotrou 
He  dog  war  goste  he  benn  ; 
Mar  selfec'h  euz  he  vragou, 
E  welfec'h  he  groc'hen. 

Pa  vez  pignet  war  he  uzen 
E  touskhe  dammou  pillaou, 
Evel  eunn  impalaer  romen, 
Ez  eo  berr  en  he  gomzou. 

Pa  zai  ann  ankou  da  rida 
Toul  va  flaeriuz  pillaouer, 
Me'ziredo  da  lavaret 
E  kommanan  Toul  al-Laer  : 

Ridet  eo  va  zammig  aotrou 
Gand  he  stoup  haghe  billaou. 

Chanté  par  M,  Stéphan,  pharmacien  à  RoscofT. 


Mon  lannic,  lorsqu'il  va  aux  foires,  —  est  toujours  ivre-mort;  —  il 
était  près  de  perdre  ses  culottes  —  à  Morlaix,  l'autre  jour. 

Mon  lannic  est  un  monsieur  —  (avec)  son  chapeau  sur  le  côté  de 
la  tête  ;  —  si  vous  regardiez  à  ses  culottes,  —  vous  verriez  sa   peau. 

Lorsqu'il  est  monté  sur  son  âne  —  au  milieu  de  ses  morceaux  de 
chiffons,  —  comme  un  empereur  romain,  —  il  est  bref  dans  ses 
propos. 

Quand  viendra  la  mort  rider  —  le  trou  '  de  mon  puant  de  chif- 
fonnier, —  j'accourrai  dire  —  au  convenant  de  Toul-al-Laer  : 

Il  est  ridé  (raidi)  mon  petit  bout  de  monsieur  —  avec  ses  étoupcs 
et  ses  chiffons. 

1.  Il  y  a  peut-être  un  jeu  de  mots  entre  ce  trou  {toul)  et  Toul-al-Laer. 

11 


IG2  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


Je  me  souviens  que  M.  de  Lavillemarqué  m'a  dit  un  jour, 
au  sujet  de  ce  pillaoïter  :  cj'ai  connu  l'auteur  de  Toul-al- 
Laer;  c'était  un  tel,  de  mes  amis.»  Rien  qu'aux  rimes  croi- 
sées, ce  sonn  doit  être  tenu  pour  récent  ;  «l'empereur  romain» 
non  plus  n'est  pas  tout  à  fait  dans  le  sens  des  véritables  chan- 
sons populaires.  Cependant  la  vulgarisation  s'est  opérée 
autour  de  ce  chiffonnier,  qui  est  en  train,  du  reste,  de  se  cor- 
rompre déjà  dans  la  tradition  ;  entre  Lannion  etTréguier,  j'en 
ai  recueilli  une  variante,  dont  voici  les  trois  derniers  cou- 
plets : 

Si  la  coutume  venait  en  ce  pays-ci  —  de  briser  les  mariages,  — 
je  m'en  irais  en  chantant —  loin  des  marchands  de  chiffons; 

Si  le  chariot  de  la  mort  venait  —  faire  sa  tournée  par  ce  pays-ci, 
—  je  courrais  sur  ses  traces  —  et  je  le  prierais  de  m'emporler  ; 

Si  le  coup  de  la  mort  venait  —  à  frapper  sur  mon  pillaouer.  —  je 
m'en  irais  en  chantant  —  au  convenant  de  Toul-al-Ler  : 

Il  est  radi,  mon  petit  bout  de  monsieur... 


Je  transcris,  après  l'air  du  Léon,  celui  que  j'ai  entendu  à 
Lanmerin  (pays  de  Tréguier).  On  jugera  des  transformations 
que  peut  subir  une  mélodie,  en  passant  de  la  contrée  natale 
dans  un  voisinage.  L'origine  du  sonn  ne  saurait  être  mise  en 
doute  :  les  formes  dialectales  du  Léon  (mots  non  contractés, 
terminaisons  en  ou),  sont  restées  dans  la  version  trécor- 
roise. 


r.WERZ    ET    SO.NN  I6î^ 

AR    G'HEMENER 
(Le  Tailleur) 

Il  ya  des  tailleurs  partout,  c'est-à-dire  des  chants  où  le  héros 
est  kemener.  Dans  les  Montagnes-Noires,  entre  Châteaulin  et 
Châleauneuf-du-Faon,  à-t-on  vu  plus  haut  (p.  17),  la  tradi- 
tion en  a  fait  un  sonn,  au  lieu  d'un  gwerz  comme  Le  Rouzic  ; 
comme  il  a  été  dit  aussi  pour  le  kloarek,  en  passant  d'un 
dialecte  dans  un  autre,  le  personnage  a  changé  de  manières 
et  de  ton.  Malheureusement,  ceux  qui  savaient  la  chanson 
entière  ont  disparu;  on  la  vend  toujours  dans  les  foires,  aux 
environs  de  Quimper;  mais  elle  a  perdu  son  refrain,  et  on  l'a 
transformée  au  point  que  c'est  à  peine  quelque  chose  du  sonn 
primitif.  Je  n'en  connais  que  ces  deux  couplets,  et  je  les  dois 
à  l'obligeance  de  M.  Louis  Hémon. 


Ar  c'hemener  pa  ia  d'ann  ilis 

Far  dibi  dao  oao  oao 
Ar  c'hemener  pa  ia  d'ann  ilis, 
A  zo  gwisket  'vel  eur  bourc'hiz  '  ; 
Pa  ia  da  gemer  dour  binniget 

Far    dibi  dao  oao  oao 
Pa  ia  de  gemer  dour  binniget, 
A  ra  taol  lagad  d'ar  meried. 

Rigedonda,  \^ar  ar  c'hemener  I 

Rigedonda,  kemener  oa  ! 

Ar  c'hemener  pa  vo  intérêt, 

N'vo  ket  laket  'n  doar  binniget  ; 

Mes  vo  laket  d'ar  penn  ann  ti 

D'ar    chas   mond   da   slola   war-n'hi^ 

1.  Une  autre  version  dit  :  «  vel  eur  markin  —  comme  im  marquis  ». 
1.  Tyar-n'/tt,  grammaticalemeul  :  «  sur  elle  ».  War-n'ehan;  war-n'han  :«  sur 
lui  ». 
Celle  faute  de  grammaire  a»t-elle  été  commise  à  dessin?  Aiusi  l'on  aurait 


164  CHANSONS    tT   DANSES   DES    BRETONS 

Le  tailleur,  quand,  il  va  à  l'église  —  far  dibi  daooao  oao  —  le  tail- 
leur, quand  il  va  à  l'église,  —  est  habillé  comme  un  bourgeois; 

—  lorsqu'il  va  pour  prendre  de  l'eau  bénite  —  far  dibi  dao  oao  oao 

—  lorsqu'il  va  pour  prendre  de  l'eau  bénite,  — il  donne  un  coup  d'œil 
aux  filles.  —  Riguedonda  sur  le  tailleur  !  —  riguedonda,  c'est  tail- 
leur qu'il  était. 

Le  tailleur,  quand  il  sera  enterré,  —  ne  sera  pas  mis  en  terre  bé- 
nite; —  mais  il  sera  mis  au  bout  de  la  maison,  —  pour  que  les 
chiens  aillent  pisser  sur  lui. 


Ce  fut  pourtant  un  Kemener  fameux.  Il  fit  son  tour  de 
Gornouaille,  et  j'ai  retrouvé  ses  traces  un  peu  partout.  Mais 
sa  gloire  s'est  émieltée;  je  n'ai  ramassé  sur  son  passage  que 
des  lambeaux  et  des  loques  :  pas  même  de  quoi  draper  ce 
pauvre  mort. 

Ann  diveradur  deuz  ar  gwe 
Rei  dour  binniget  war  he  ve; 

les  gouttes  de  pluie  (tombant)  des  arbres  —  serviront  d'eau 
bénite  sur  sa  tombe.  » 

Voilà  un  fragment  de  couplet,  dont  s'est  souvenu  un  sacris- 
tain des  environs  de  Cout-ann-Noz.  Un  sonneur  de  Saint- 
Servais  m'a  conté  que  ce  tailleur  eut  d'étonnantes  funérailles  ; 
ce  furent  des  réjouissances  ; 

Ar  biniou  hag  ar  vombard, 
Evel  ma  ve  da  iun  al  lard; 

(on  sonna)  du  biniou  et  de  la  bombarde,  —  comme  c'est  (cela 
se  passe)  pour  le  lundi  gras.  — 


voulu  combler  d'outrages  le  tailleur,  en  refusant  à  cet  être  inférieur  jusqu'à 
son  sexe.  Il  ne  sera  plus  d'aucun  genre  déterminé  :  «  Un  taileur  n'est  pas  un 
homme  »,  dit  un  proverbe. 

D'un  autre  côté,  ces  erreurs  grammaticales  ne  sont  pas  rares.  Elles  ont  été 
faites  par  quelque  chanteur,  dont  le  breton  peut-être  n'était  pas  la  langue  fami- 
lière ;  acceptée  par  l'auditoire,  sans  critique  aucune,  elles  ont  été  dans  la  suite 
maintenues  et  transmises  sous  le  couvert  du  texte. 


GWERZ    ET    SONN  165 

Ne  dirait-on  pas  que  chacun  a  conservé  du  Kemener  un 
souvenir  parliculier,  comme  un  héritier  recherche  ce  qui  lui 
va  le  mieux  dans  un  partage? 

Les  onomatopées  oao-oao  ne  manquent  jamais  leur  effet  ;  à 
cet  endroit,  toujours  un  aboiement  général.  Le  rôle  de 
l'harmonie  imitative,  dans  les  sonn  de  métiers,  est  à  constater. 
Il  y  a  des  chanteurs  qui  ont  la  spécialité  de  ce  pittoresque 
d'expression;  j'en  ai  connu,  dont  le  succès  était  sans  égal 
dans  un  «  sonn  du  rémouleur  »  ou  dans  certaine  parodie  de 
«  la  truie  écourtée  ».  Ces  onomatopées  sont  naturellement 
réservées  au  refrain. 


IGC  CHANSONS    ET    DANSliS    DKS    BRKTONS 


AR  lOUEN 


Setu  var  ann  daol 
Souben,  kig  ha  kaol, 

Jaketa; 
Ar  louen  gand  he  koutell  fall 
A  troc'h  aman  ha  kig-sal. 
Setu  var  ann  daol, 

Jaketa, 
Souben,  kig  ha  kaol. 
Pa  ia  louen  d'ar  foar 
Ez  eo  eunn  den  dispar, 

Jaketa  ; 
Evid  ober  he  vourc'hiz 
E  pren  eur  bara  gwiniz. 
Pa  ia  louen  d'ar  foar... 
Hen  dibri  a  rei 
Var-dro  ar  c'hreiz-dei, 

Jaketa, 
Ijag  a  viro  ann  anter 
Da  kas  d'he  vugale  d'ar  ger; 
Hen  dibri  a  rei... 


LE  lOUEN 

Voilà  sur  la  table  —  de  la  soupe,  de  la  viande  et  des  choux,  — 
Jacquetle.  —  Le  louen  avec  son  mauvais  couteau  —  coupe  du  beurre 
et  de  la  viande  salée  (du  lard).  —  Voilà  sur  la  table,  —  Jacquette,  — 
de  la  soupe,  de  la  viande  et  des  choux. 

Quand  va  louen  à  la  foire,  —  il  est  un  homme  sans  pareil,  — 
Jacquette  :  —  pour  faire  son  bourgeois  —  il  achète  un  pain  de  fro- 
ment; —  quand  va  louen  à  la  foire... 

Il  le  mangera  —  vers  le  midi,  —  Jacquette;  —  et  il  (en)  gardera 
la  moitié  —  à  porter  pour  ses  enfants  à  la  maison  ;  —  il  le  mangera... 


GWERZ    KT    SONN  167 

Erru  e  louen 
Garni  he  femelen, 

Jaketa, 
Bronduet  gat  taolion  dorn, 
Peur  dizantet,  kasi  born  ; 
Erru  e  louen... 

Ho  daou  'maint  er  fos 
Betek  fin  ann  noz, 

Jaketa, 
Kuit  da  uza  tan,  goulou, 
Ha  da  saotri  liseriou  ; 
Ha  daou  'maint  er  fos... 

Pa  kler  ar  c"horn-bout 
0  voudel  d'ar  iout, 

Jaketa, 
Anter  maro  gad  ann  naon 
E  kers  evel  d'eunn  anaon 
Pa  klerar  c'horn-bout... 

Ar  iout  zo  chomet 
A  vo  astomet, 
Jaketa, 
Ha  pasket'gant  glaour  ha  kranch 
D'ar  paotr  bihan  leun  he  vanch  ; 
Ar  iout  zo  chomet... 

Chantée  au  diner  celtique  de  Paris,  par  M.  Caurant. 


Est  arrivé  louen  —  avec  sa  femme,  —  Jacquette,  —  noircie 
(meurtrie)  par  les  coups  de  poings,  —  à  peu  près  édentée  (les  dents 
cassées),  presque  borgne;  —  est  arrivé  louen... 

Tous  les  deux  sont  dans  le  fossé  —  jusqu'à  la  fin  de  la  nuit,  — 
Jacquette,  —  quittes  (pour  ne  pas)  d'user  du  feu,  de  la  chandelle,  — 
et  de  salir  des  draps  de  lit  ;  —  tous  les  deux  sont  dans  le  fossé... 

Lorsque  résonne  le  corn-bout  —  appelant  pour  la  bouillie,  — 
Jacquette,  —  à  moitié  mort  de  faim,  —  il  marche  comme  un  tré- 
passé; —  lorsque  résonne  \e corn-bout... 

La  bouillie  qui  est  restée,  —  sera  réchauffée,  —  Jacquette,  — 
et  mastiquée  avec  des  glaires  et  de  la  salive  —  pour  le  petit  garçon, 
plein  sa  manche  (son  ventre)  ;  —  la  bouillie  qui  est  restée... 


168  CHANSONS    ET    DANSES    DF.S    BRETONS 


A  travers  les  Montagnes-Noires,  sur  les  confins  de  la 
Cornouaille  et  du  Léon,  cette  satire  du  ioiien  —  le  pauvre 
paysan — ,  est  fort  répandue.  Le  iouen,  qui  n'est  désigné  que 
par  un  surnom,  est  tout  spécial  à  la  Cornouaille  du  Finistère, 
et  ce  kouer  lamentable  nous  égayé,  comme  un  infirme,  à 
contre-cœur;  si  l'on  rit  à  sa  chanson,  c'est  que  l'air  est 
dans  le  registre  élevé  et  d'un  allegro  entraînant.  Il  y  a  des 
types  moins  misérables  et  plus  franchement  ridicules,  à  qui 
l'on  jette  la  pierre  d'autant  plus  volontiers  qu'ils  portent  la 
tète  plus  haute,  le  tailleur,  par  exemple,  et  le  chiffonnier  :  à 
eux  aussi,  plus  qu'au  iouen,  la  renommée. 


GWERZ    ET    SONN  169 


KORBINO 

Man  plij  gan-ac'h,  a  chileouted  [bis) 
Eur  sonik  koant  zo  kompozet  ; 

Diskan.    —    Di    raitronla    ladira    diraine 
Di  raitronla  ladira  lonla. 

Eur  sonik  koant  ha  jolori 
Zo  groet  war  zujedeur  c'hi. 

Ar  c'hi-man  na  oa  ket  eur  zot, 
E  debe  'r  c'hig  demeuz  ar  poud  ; 

Ha  pa  gave  'nn  ti  'n  he  un  an, 
G'he  gant-han  diwar  ann  tan 


Erwoan  Brijant  deuz  ar  Ger-Du 
Roaz  de-han  eur  c'hoele  du. 


CORBINO 

S'il  vous  plaît,  vous  écouterez  (bis)  —  une  petite   chanson  char- 
mante qui  a  été  composée  ; 

Refrain.  —  Diraitronla  ladira  diraine  —  diraitronla  ladira  lonla. 

Une  petite  chanson  charmante  et  un  charivari  —  qui  ont  été  faits 
au  sujet  d'un  chien. 

Ce  chien-ci  n'était  pas  un   sot;  —  il  mangeait    la  viande  (qu'il 
tirait)  du  pot-au-feu  ; 

Et  quand  il  trouvait  la  maison  toute  seule,  —  il  l'emportait  (même) 
encore  sur  le  feu. 


Yves  Prigent  de  Ker-Du  (Ville-Noire)    —   lui  donna    un  taureau 
noir. 


170  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Pipi  ar  Floc'h,  oa  eunn  oac'h  mad, 
A  roaz  de-han  daou  danvad; 

Eunn  tamm  da  vlasan  he  zouben 
Ha  doubleur  da  diou  gorfen  : 

Ann  draillaseno  a  vano, 

Vo  mad  da  ober  choukenno  ; 

Vo  mad  da  ober  choukenno 

D'ar  merc'hed  da  vond  d'ann  danse  ; 

Ha  pa  sellfond  *  deuz  ho  boto, 
E  gavfont  brao  ho  choukenno  ; 

E  kavfont  brao  ho  choukenno 
Fourniset  d'he  gant  Korbino. 

En  ti  Voulard  deuz  ar  Ger-Wenn 
E  c'hez  gant-han  al  langouren  ; 

1.  Dans  le  dialecte  de  Tréguier  :  sellfoint,  qu'on  prononce  sellfoïnk  (2  syll.). 


Pierre  le  Floc'h,  qui  élait  un  homme  bon,   —   lui    donna   deux 
moutons  ; 

Un  (morceau  de  viande)  pour  donner  du  goût  à  sa  soupe  —  et  (de 
quoi  faire)  la  doublure  de  deux  corsages  : 

Les  morceaux  qui  resteront  —  seront  bons   à  confectionner  des 
cous-de-pied  '  ; 

(Ils)  seront  bons  à  confectionner  des  cous-de-pied  —  aux  jeunes 
filles  pour  aller  aux  danses  ; 

Et  lorsqu'elles  regarderont  leurs  sabots,  —  elles  trouveront  beaux 
leurs  cous-de-pied; 

(Elles)  trouveront  beaux  leurs  cous-de-pied,  —  que  leur  aura  four- 
nis Corbino. 

Dans  la  maison  de  Boulard,  de  Ker-Wenn  (la  Ville-Blanche),  —  il 
emporta  le  gosier  ; 

1.  Chouken,  coussinet  en  étoffe  ou  en  paille  tressée,  qui  garaâUt  le  coii-de- 
pied  dans  le  dur  sabot  de  bois. 


GWERZ    ET    SONN  171 


Et  e  ganl-han  al  langouren, 
Ann  askorn-kroaz  hagar  josken, 

Potred  ann  Treud  oa'  c'hadan  kerc'h, 
Hag  a  diredaz  war-he-lerc'h  ; 

Ha  ma  krient  ha  c'harz  ha  sko  ; 
—  Et  ar  porc'hel  gant  Korbino  !  — 

En  ti  Pipi  'nn  Du  'n  euz  groet  woaz  : 
Débet  skoagen  ar  gazek  c'hlaz  ; 

Débet  'n  euz  brid  ar  gazek  wenn 
Ha  boto  1er  an  verc'h  viffen  ; 

Débet  an  euz  ar  c'hulier  kroaz 
Hag  ar  c'hropier  diwar  ar  bas. 

Tud  Eflam  goz  a  levere 
Ann  eil  d'egile  deuz  an-he  : 


II  a  emporté  le  gosier,  —  l'os  des  mâchoires  et  la  joue. 

Les  gens  de  Le  Treud  étaient  à  semer  de  l'avoine;    —  et  ils  cou- 
rurent après  lui  ; 

Et  ils  criaient  à  tue-tête  '  :  —    «  Le  cochon  gras  a   été  emporté 
par  Gorbino  !  » 

Dans  la  maison  de  Pierre  Le  Du  il  a  fait  pire  :  —  il  a  mangé  le 
bût  de  la  jument  bleue; 

Il  a  mangé  la  bride  de  la  jument  blanche  —  et  les  souliers  en  cuir 
de  la  petite  fille; 

Il  a  mangé  le  reculement,  —  et  le  croupier  qui  était  sur  la  selle. 

Les  gens  du  vieil  Efflam  disaient,  —  l'un  à  l'autre  d'entre-eux  : 


1.  «  Ha  c'harz  ha  sko  »,  m.  à  m.  :  «  Et  aboie  et  frappe  »  ;  c'est-à-dire  :  à 
cris  et  à  coups.  Ces  diclons  sont  souvent  intraduisibles. 


172  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

—  Ha  daoust  para  c'hoari  d'hon  c'hi, 
Na  debfe  ket  he  dijuni, 

Na  n'e  ann  avu  hag  ar  skeven 
E  zo  manet  en  touez  he  dent  ?  — 


Pipi  ann  Du  a  levere 

Da  Eflam  goz,  pa  hen  salude  : 

—  Me  ho  ped  da  staga  ho  ki. 
Domaj  ewalc'h  'n  euz  groet  em  zi. 

Me  ho  ped  da  werza  'r  gark  foen 
Ha  prena  d'ho  ki  eur  chaden, 

Eun  c'holier  melen  'n  he  gerc'hen, 
Vo  anevet  a  dra  serten, 

'Wit  pa  valeo  dre  ar  vro 
Vo  aneveet  Korbino.  — 


«  Savoir  ce  qu'a  le  chien,  —  qu'il  ne  mangerait  pas  son  déjeuner, 
Si  ce  n'est  le  foie  et  le  mou  —  qui  lui  sont  restés  entre  les  dents  ?  » 

* 

Pierre  Le  Du  disait  —  au  vieil  Efflam,  en  le  saluant  : 

«  Je  vous  prie  d'attacher  votre  chien  ;  —  il   a  fait  assez  de  dom- 
mage dans  ma  maison. 

Je  vous  prie  de  vendre  une  charretée  de  foin   —   et  d'acheter  à 
votre  chien  une  chaine. 

Un  collier  jaune  à  son  cou,  — (pour  qu')  il  soit  reconnu  d'une  façon 
certaine, 

Pour  que,  lorsqu'il  se  promènera  par   le  pays,    —   soit  reconnu 
Corbino.  » 


GWERZ    ET    SONN  173 


Peu  de  g-ens  savent  aujourd'hui  ce  sonik.  Mon  père  l'apprit 
à  Lannion,  il  y  a  cinquante  et  quelques  années  ;  mais  je  ne 
connais  pas  une  autre  personne  de  son  âge  qui  l'ait  retenu. 

De  nos  jours,  l'intérêt  de  celte  chanson  locale  est  devenu  à 
peu  près  nul.  Que  nous  fait  à  nous  ce  Corbino,  ni  les  gens 
qu'il  a  volés?  La  voracité  de  ce  chien,  quand  même  elle 
aurait  passé  en  proverbe,  comme  la  maigreur  de  la  chienne 
de  saint  Hervé,  à  quels  titres  exciterait-elle  la  stupéfaction 
de  nos  contemporains  !  Tout  le  sel  de  cette  satire  est  perdu, 
avec  ceux  qui  en  étaient  l'objet;  personne  ne  se  sent  atteint 
ni  frappé  de  ces  allusions  ou  de  ces  épigrammes,  que  nous  ne 
saisissons  pas  du  premier  coup  sous  leur  obscurité.  Tel  est  le 
sort  réservé  au  somi  qui  ne  s'appuie  sur  aucune  vérité  géné- 
rale :  sa  vogue  ne  dure  que  tout  juste  le  temps  de  faire  le 
tour  de  la  «  contrée  ».  Celui  de  Corbino  n'a  pas,  d'un  autre 
côté,  un  grand  mérite  poétique.  Aussi  ne  l'ai-je  cité  que 
pour  fournir  un  exemple  des  chansons  qui  passent  vite. 

Ce  qui  aura  contribué  naguère  au  succès  de  Corbino,  c'est 
que  la  mélodie  en  est  d'un  rythme  entraînant,  un  véritable  air 
de  danse.  Le  chanteur  ne  bissait  d'habitude  que  le  premier 
vers  de  chaque  couplet,  comme  c'est  indiqué;  mais  un 
«  sonneur  »  ferait  la  reprise  de  chaque  membre  de  phrase 
mélodique,  cela  donnerait  8  mesures  avant  le  refrain;  le 
refrain  bissé,  ce  serait  encore  8  autres:  au  total,  voilà  les 
16  mesures  réglementaires  aussi  bien  pour  un  air  de  biniou 
que  pour  une  dérobée. 


174  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


MA  MESTREZ   KOANT 

Evid  ar  bloaz  o  oann  dimet 
Ta  ri  ti  tra  la  la  la  la 
Evid  ar  bloaz  o  oann  dimet, 
Ha  ma  karjenn  na  vijenn  ket*  ; 

D'eur  placTiik  koanten  nep  feson 
Ta  ri  ti  tra  la... 

D'eur  plac'hik  koant  en  nep  feson, 
Na  d'eur  plac'h  vil  ha  difeson. 

Kement  e  geno  ma  mestrez 
'Vel  forn  ar  ra  en  Montroulez. 

D'ober  ann  dro  d'hi  lapenno 
Zo  danvez  diou  rod  killoro. 

1.  Variante  :  «Ha  makarjeun,  vijeua  bepred  ;  —  et  si  je  voulais,  je  le  serais 
toujours  ». 


MA  MAITRESSE'   CHARMANTE 

Cette  année  j'étais  marié  —  ta  ri  ti  tra  la  la  la  la  —  celte  année 
j'étais  marié  ;  —  et  si  j'avais  voulu  (m.  à  m.  si  je  voulais),  je  ne  le 
serais  pas  ; 

A  une  jeune  fille  charmante  en  aucune  manière  —  ta  ri  ti  tra  la... 
—  à  une  jeune  fille  charmante  en  aucune  manière,  —  mais  à  une 
fille  vilaine  et  sans  façon. 

Aussi  grande  est  la  bouche  de  ma  maîtresse  —  que  le  four-à-chaux 
de  Morlaix. 

Pour  accomplir  un  tour  à  ses  lèvres  —  c'est  (il  faut)  de  quoi  faire 
deux  roues  de  devant. 

1.  Le  mot  mestrez  n'a  pas  en  breton,  le  sens  absolu  du  français  correspon- 
dant maitresse  ;  il  veut  dire,  quelquefois  :  fiancée^  femme  ou  jeune  fille  à  qui 
Von  fait  la  cour.i.  Ma  mestrez  koant^  traduction  exacte  ;  ina  jolie  femme i 


GWKRZ    ET    SONN  175 

Kement  eo  peb  branel  hi  fri 
'Vel  ma  eo  kloc'h  braz  ar  Vali. 

Eunn  daou-lagad  a  zo  'n  hi  fenn, 
Zo  'vel  daou-lagad  eunn  ijen  ; 

Kement  eo  hi  daou-lagad 

'Vel  daou-lagad  eunn  ijen  mad. 

Eunn  diou-skouarn  a  zo  'n  hi  fenn, 
Zo  ken  ledan  ha  diou  grampoen. 

'Tre  lein  hi  fenn  ha  choug  hi  c'hil 
Zo  daou  devez  baie  d'eur  c'houil. 

Dre  gorn  hi  skoa  e  c'houez  hi  fri  : 
En  kreiz  ma  c'halon  a  plij  d'in. 

Unan  tra  plij  d'in  en  ezhi, 
Daou  droatad  hanter  'zo  'n  hi  fri. 


Aussi  grande  est  chaque  narine  de  son  nez  —  que  la  grande  cloche 
du  Bali  ». 

Deux  yeux  elle  a  dans  la  tête,  —  qui  sont  comme  les  deux  yeux 
d'un  taureau  ; 

Aussi  gros  sont  ses  deux  yeux  —  que  les  deux  yeux  d'un  bon 
taureau. 

Deux  oreilles  elle  a  dans  sa  tête,  —  qui  sont  aussi  larges  que  deux 
crêpes. 

Entre  le  sommet  de  sa  tête  et  la  nuque  —  il  y  a  deux  journées  de 
promenade  pour  un  insecte. 

Elle  se  mouche  le  nez  au  coin  de  son  épaule  :  —  au  fond  de  mon 
cœur  elle  me  plait. 

Une  seule  chose  me  plait  en  elle,  —  (c'est  qu)'il  y  a  deux  pieds  et 
demi  dans  son  nez. 

1.  Sans  doute  :  l'église  Saint->Jean  du  Bali,  à  LannioD. 


176  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Pa  sko  hi  zreid  war  ann  douar, 
Na  c'holo  nemeid  tri  hent  kar. 

Pa  lak  hi  diouc'har  en  hi  lerou 
Ac'h  int  'vel  baz  ar  ribotou. 

Oc'h  antren  daou  vreur  d'ehi  en  ti, 
'Sevel  entre-z-he  fachiri  : 

Ha  me  'rei  d'ann  tort  eunn  toi  bout, 
Tanfoueltr  he  dort  diwar  he  chouk  ; 

Ha  me  'rei  d'ar  c'hamm  eur  vac'had. 
Ha  'teri  d'ezhan  he  c'har  vad. 

Ma  mestrez  zo  a  ligne  vad  : 
lîastard  hi  mamm,  boureo  hi  zad  ; 

A  ligne  vad  eo  ma  mestrez 
Merc'h  ar  boureo  a  Ker-Ahez. 

Chanté  par  M.  Grégoire  Dklafargue. 


Lorsqu'elle  frappe  ses  pieds  par  terre,  —  elle  ne  couvre  que  trois 
chemins  de  charrette. 

Quand  elle  met  ses  deux  jambes  dans  ses  bras,  —  ils  sont  longs  et 
maigres  comme  le  bâton  de  ribot. 

Voilà  qu'entrent  deux  frères  à  elle  dans  la  maison,  —  et  de  s'élever 
entre  eux  une  fâcherie  : 

Et  moi  de  pousser  d'un  coup  (d'épaule)  le  bossu,  —  et  de  démolir 
sa  bosse  sur  son  dos. 

Et  moi  de  donner  au  boiteux  un  coup  de  bâton,  —  et  de  lui  casser 
sa  jambe  valide. 

Ma  maîtresse  est  de  bonne  lignée  :  —  bâtarde  sa  mère,  bourreau 
son  père. 

De  bonne  lignée  est  ma  maîtresse,  —  (c'est  la  fille  au  bourreau  de 
Carhaix). 


gWerz  et  sonn  177 


Qui  n'a  entendu  la  chanson  française  : 

Si  tu  voyais  la  bouch'  qu'elle  a  ! 
Je  n'  l'avais  pas  rêvée  comm'  ça  : 
Mais  j'  l'aim'  tout  d'  même  —  ? 

Le  sujet  est  devenu  banal.  C'est  celui  de  la  «  Mesliez 
Koant  »,  sauf  plus  d'un  passage  qui  agrémente  de  couleur 
locale  le  sonn  trécorrois  ;  il  faut  encore  excepter  l'épisode  des 
deux  frères,  ainsi  que  la  lignée  de  la  maîtresse  :  «  Bâtarde  sa 
mère,  bourreau  son  père...  »  Ce  sont  amoureux  et  maris  de 
bonne  composition...  Comme  charge,  la  chanson  bretonne 
me  paraît  d'une  intensité  supérieure.  Les  grossièretés  et  les 
excès  de  langage  ajoutent  aux  divertissements  de  ce  genre  : 
mais  il  est  à  remarquer  que  ce  gros  sel  a  tout  à  fait  été  mis 
de  côté  celte  fois. 

Chose  à  noter  encore,  c'est  l'indifférence  qui  perce  à  travers 
la  mélodie,  et  qui  a  cours^,  du  reste,  dans  tout  le  sonn  :  car  cet 
air  en  mineur  n'est  pas  précisément  un  contraste  avec  le 
sarcasme  de  la  chanson. 


12 


178  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


SON  ANN  DOGANED 

Kenta  biskoaz  c'hiz  da  dogan. 
Kamaraded,  ma  mignoned, 
Kenta  biskoaz  c'hiz  da  dogan 
Me  n'am  a  ket  a  vara  d'am  c'hoan. 

Ha  breman  'm  euz  ha  rous  ha  gwenn, 
Hag  eunn  ankane  d'am  dougen  ; 

Hag  eur  wreg  koant  am  euz  ie 

Hag  a  c'hone  d'in  eur  skoed  bemde  ; 

Ha  tri  a  c'hone  d'in  d'ar  sul  : 
Naou  skoed  ac'h  int  tro-padar  sun. 

Tri-c'houec'h  dogan  ha  tri-ugent 

E  zo  'n   em   rancontret  'n  eur  c'harden  ; 

Ha  ma  lare  ann  eil  d'egile  : 

—  Te  'zo  dogan  kenkoulz  ha  me.  — 


CHANSON  DES  COCUS 

La  première  fois  de  toutes  que  je  devins  cocu,  —  camarades,  mes 
amis,  —  la  première  fois  de  toutes  que  je  devins  cocu,  —  je  n'avais 
pas  de  pain  à  mon  souper. 

Et  maintenant,  j'ai  du  pain  bis  et  du  pain  blanc,  —  et  une  haque- 
née  pour  me  porter  ; 

Et  une  femme  belle  que  j'ai  aussi,  —  et  qui  me  gagne  un  écu  tous 
les  jours  ; 

Et  trois  qu'elle  me  gagne  le  dimanche  :  —  cela  fait  neuf  écus  du- 
rant (au  bout  de)  la  semaine. 

Soixante  et  dix-huit  cocus  —  se  sont  rencontrés  dans  un  petit 
chemin; 

Et  ils  se  disaient,  l'un  à  l'autre  :  —  «  Toi,  tu  es  cocu  aussi  bien 
que  moi.  » 


GWERZ    ET    SONN  179 

Tri-c'houec'h  gwalen  a  lien  moan 
Zo  et  d'ober  eur  boned  d'ann  dogan  ; 

G'hoaz  a  1ère  ann  dogan  kez 
E  oa  manet  he  gorn  braz  emez  : 

—  M'am  ije  ken  aliez  a  vuc'h  korn 
Hag  a  dogan  a  doug  ar  c'horn, 

Me 'm  ije  gret  eurfoar  en  Bre 
Hag  a  vije  hanvet  ar  foar  neve  ; 

M'am  ije  ken  aliez  a  vuc'h  lez 
Hag  a  dogan  zo  war  ar  mez, 

Me  rafe  krampoez  ha  lez  tro  ; 
Da  gement  dogan  zo  er  vro. 

M'am  ije  krampoez  ha  lez  tro, 
Me'dougje  ezet  arc'hernio.  — 

Chanté  par  Jeanne  Le  Bornic,  chiffonnière,  de  La  Roche-Derrien. 


Dix-huit  aunes  de  toile  étroite  (owfine)  —  a-t-il  fallu  pour  faire  un 
bonnet  au  cocu  ; 

Encore  disait- il,  le  pauvre  cocu,  —  que  sa  grande  corne  était  restée 
dehors  : 

«  Si  j'avais  autant  de  vaches  encornées  —  qu'  (il  y  a)  de  cocus  à  por- 
ter la  corne, 

J'aurais  fait  une  foire  à  (Méné-)Bré  —  qu'on  aurait  appelée  la  foire 
nouvelle  ; 

Si  j'avais  autant  de  vaches  à  lait  —  qu'il  y  a  de  cocus  par  la  cam- 
pagne, 

Je  ferais  des  crêpes  et  du  lait  caillé  —  pour  tout  ce  qu'il   y  a  de 
cocus  dans  le  pays  ; 

Si  j'avais  des  crêpes  et  du  lait  caillé  —  je  porterais  aisément  mes 
cornes.  » 


180  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


Celle  chanson  est  une  des  plus  connues,  en  pays  deTréguier. 
L'air,  uu  allegro,  se  caractérise  au  deuxième  vers  —  Kama- 
raded,  ma  mignoned,  —  qui  sert  de  refrain  ;  l'expression  en 
est  d'un  comique  plaintif,  aidé  d'un  point-d' orgue  significatif. 
Après  ce  deuxième  vers  uniforme,  on  reprend  le  premier, 
auquel  on  ajoute  un  nouveau,  qui  seul  est  dans  la  rime  :  au 
fond^  chaque  couplet  est  fait  de  deux  vers,  entrecoupés  d'un 
diskan. 

Rapprocher  de  cette  chanson  trécorroise,  dans  la  note 
gaie,  certain, sowi  cornouaillais  bien  connu,  sur  le  même  mo- 
tif, mais  dans  une  note  lugubre. 


«WERZ    ET   SONN  181 


PLAC'HED  LEZARDREO 

Kerse  vo  gant  plac'hed  Lezardren, 
Gand  ho  rotoukiou  falira-dondaine 
Kerse  vo  gant  plac'hed  Lezardren 
Ma  na  gall  ar  mare  bean  krenv  ; 

Gand  ar  batimancho  'vond  ez  traou 
Gand  ho  rotoukiou. . . 
Gand   ar  batimancho    'vond   ez  traou 
Ze  a  rai  di-out-he  kalz  a  c'haou. 

Merc'hed  Lezardren  a  doug  dustu 
War  ho  barlenn  davanchero  ru  ; 

Hag  en   ho   c'herc'hen   a   ve  chalio, 
Ha  rubanet  ho  botoio  ; 


LES  FILLES  DE  LÉZARDRIEUX 

Il  fera  défaut  aux  filles  de  Lézardrieux,  — avec  leur  rotoukiou  fa- 
lira  dondaine  —  il  fera  défaut  aux  filles  de  Lézardrieux,  —  si  la 
marée  ne  peut  être  forte  ; 

A  cause  des  bâtiments  qui  vont  vers  les  bas,  —  avec  leur  rotou- 
kiou... —  à  cause  des  bâtiments  qui  vont  vers  le  bas  :  —  cela  leur 
causera  beaucoup  de  dommage. 

Les  filles  de  Lézardrieux  portent  (mettent)  aussitôt  '  —  sur  leur 
giron  des  tabliers  (devantiers)  rouges; 

Et  à  leur  cou  il  y  a  des  châles,  —  et  leurs  chaussures  sont  enru- 
bannées ; 

1.  Est-ce  :  aussitôt  que  les  bâtiments  s'en  vont  «  vers  le  bas  »?  ou  bien  : 
aussitôt  qu'ils  ont  accosté?  —  Pour  être  plus  explicite  :  s"af;it-il  tlu  tablier 
rouge,  du  châle  et  des  rubans  que  la  fllle  de  Lézardrieux  porte  allant  au  devant 
des  noatelots?  ou  de  ceux  qu'elle  rapporte  à  la  maison  ? 

Le  chanteur  m'a  répondu  :  «  Comme  vous  voudrez;  nous  autres,  nous 
n'avons  pas  besoin  que  ce  soit  si  [irécis  ;  nous  comprenons  tout  de  iuôinr>.  » 


i82  CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 

Ha  rubano  war  ho  boto  tout, 

Lec'h  na  dleje  bean    'met    neud   stoup. 

Ari  zo  'nn  dimezelig  er  ger, 
Na  n'e  karget  d'ez  hi  he  faner  : 

—  Ma  karjec'h,  Janed,  na  vije  ket, 
Bean  chomet  er  ger,  pa  oac'h  pedet. 

—  Me  'ro  ma  malloz  d'ann  dud-a-vor  : 
Ar  re-zeo  'n  euz  kollet  ma  enor. 

'A  m'am  euz  bat  me  me  kotillon  c'hlaz, 
Barz  en  bord  ann  od  me  he  goneaz, 

Nag  0  tizrei  ma  chein  d'ar  ieot  glaz  * 
Ha  ma  bijez  da  veg  ar  groaz.  — 

Chanté  par  Antoine  Le  Morvan,  couvreur  en  ardoises,  de  La  Roche-Derrien. 

1.  Glaz,  bleu  ou  vert;  c'est  le  contexte  qui  détermine  exactement  le  sens 
de  cel  adjectif.  Un  couplet  plus  haut  :  koliUon  c'hlaz,  jupe  bleue,  mieux  que 
jupe  verte;  question  de  guiUs,  c'est  vrai,  pour  ne  pas  dire  de  mode.  —  Glaz, 
vert,  a  un  synonyme  :  gwer,  rare  dans  l'usage.  De  glaz  viennent  glazenn,  gla- 
ziir,...  herbe  verte,  verdure... 


Et  des  rubans  à  toutes  leurs  chaussures,  —  où  ne  devait  se  trou- 
ver que  du  fil  d'étoupe. 

Une  jeune  demoiselle  est  arrivée  à  la  maison,  —  à  laquelle  a  été 
rempli  son  panier  : 

«  Si  vous  aviez  voulu,  Jeannette,  cela  n'aurait  pas  été,  —  (si  vous 
aviez  voulu)  rester  à  la  maison,  quand  vous  en  étiez  priée. 

—  Que  ma  malédiction  soit  sur  les  gens  de  mer  !   —  Ceux-là  ont 
perdu  (m'ont  fait  perdre)  mon  honneur. 

Et  si  j'ai  eu  un  cotillon  (jupe)  bleu,  —  sur  le  bord  de  la  grève  je 
le  gagnai. 

En  tournant  mon  dos  à  l'herbe  verte  —  et  mon  visage  au  haut 
bout  de  la  croix.  » 


GWERZ    ET   SONN  483 


Bien  qu'il  y  soit  question  des  «  gens  de  mer  »,  ce  n'est  pas 
une  chanson  de  bord,  pas  plus  que  les  «  Filles  de  Locqué- 
nolé  », 

Comme  beaucoup  de  sonn  satiriques,  celui-ci  est  court, 
peut-être  incomplet.  On  y  constate  quelques-unes  de  ces 
obscurités  où  le  peuple  ne  se  déplaît  pas  du  tout,  où  du  moins 
il  ne  cherche  pas  à  voir  clair. 

Dans  ces  sortes  de  chansons,  la  brièveté  est  loin  d'être  un 
défaut.  Un  seul  exemple,  un  trait  final,  suffit  à  la  satire. 

Les  trois  parties  dont  ce  sonn  est  composé,  sont  bien 
distinctes.  Les  deux  premiers  couplets  suffisent  à  l'exposition 
du  sujet  :  c'est  dans  la  note  g-énérale  des  moralités,  qu'on 
rencontre  si  souvent  en  guise  de  prologue.  Ensuite,  le  départ 
pour  la  fête,  la  réception  des  marins  qui  viennent  d'aborder  : 
trois  couplets.  Enfin,  le  retour  à  la  maison  :  quel  retour!... 

Celui  qui  composa  le  sônc, 
Vraiment,  c'était  un  maître-clerc... 

La  mélodie  est  d'un  allegro  modéré,  avec  une  nuance 
particulière  de  raillerie.  Il  y  a  dos  chanteurs  qui  donnent  un 
inexprimable  accent  à  ce  refrain,  «  gand  lia  rotoaJàoa  ». 


184  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


MERC'HED  A  LOKENOLE 

Merc'hed  a  Lokenole  a  zo  merc'hed  a  stad  (bis), 

Ne  brizont  ket  da  zansal  nemet  gant  paotred  vad  (bis] 

Merc'hed  a  Lokenole  a  ia  d'ar  baluden, 
Divouchouer,  diarc'hen,  kuef  ebed  var  ho  fei^n. 

Merc'hed  a  Lokenole  o  deveuz  prometet 
Monet  e  pelerinach  da  Sant-Iann  beniget. 

Arperson  alavare,  d'ar  sul,  en  ofern-bred  : 

—  Divoalit.  merc'hed  iaouank,  deuz  ar  vartoloded.  — 

Ar  merc'hed  a  respontaz  deuz  a  draon  ann  iliz  : 

—  Sermonit,  aotrou  Person,  ha  nimp  raio  hor  giz.  — 

Ne  voa  ket  peurlavaret  namad  ar  gousperou 
E  voa  ar  merc'hed  iaouank  er  ger  aBlouganou. 


LES  FILLES  DE  LOCQUENOLÉ 

Les  filles  de  Locquénolé  sont  des  filles   faraudes  (bis),  —  qui  ne 
daignent  danser  qu'avec  des  hommes  de  bonne  condition  (bis). 

Les  filles  de  Locquénolé  vont  aux  paludes,  —  sans  mouchoir    (sur 
le  dos),  nu-pieds,  nulle  coëffe  sur  la  tète. 

Les  filles  de  Locquénolé  ont  promis  -  d'aller  en  pèlerinage  à  Saint- 
Jean  béni. 

Le  recteur  '  disait,  le  dimanche,  à  la  grand'messe  :   —  «   Prenez 
garde  (éloignez-vous),  jeunes  filles,  aux  matelots.  » 

Les  filles  répondirent,  du  bas  de  l'église  :  —  ce  Faites  vos  sermons. 
Monsieur  le  Recteur,  et  nous  ferons  (suivrons)  nos  coutumes.  » 

Les  vêpres  n'étaient  pas  bien  achevées,  —  que  les  jeunes  filles 
étaient  (déjà)  dans  la  ville  de  Plougasnou . 

\.  Ar  person  :  le  recleiir  d'une  simple  paroisse  ;  le  curé  d'une  ville.  (Voy.  p.  5.) 


GWERZ    ET    SONN  185 

'Barz  e  ti  Mari  Beron  ez  int  bet  diskennet, 

Ho  !  ia,  dre  ma  voa  gant-he  ialc'hou  martoloded. 

Ar  merc'hed-ze  a  drinke  hag  a  lipe  ho  beg, 
Hag  ar  voarsed  a  gane,  a  gane  en  gallek  ; 

Hagar  voarsed  a  gane,  a  gane  en  gallek, 

Hag  ar  merc'hed  a  c'haurze,  dre  ma  n'intentenn  ket  ; 

Nemed  eunn  dortez  vihan  deuz  a  vourk  Karantek  : 
Honnez  voa  bet  er  gouant,  o  tiski  ar  gallek; 

Honnez  voa  het  er  gouant,  o  tiski  ar  gallek  ; 
Hag  a  bede  *  mil  malloz  var  ar  vartoloded. 

—  Ma  vefemp  ni  intoanien,  gras  d'eoc'h  '  ne  vefomp  ket  ; 
Nimp  'zeuio  c  hoaz  eur  veach,  eur  veach  d'ho  kuelet; 

Hag  a  zigaso  d'eoc'h  c'hui  na  peb  a  chapeled, 
Ha  peb  avoalen  arc'hant  d'ho  kamaradezed, 

i.  Variante  :  «  a  bec'he  mil  malloz,  —  juraient  mille  malédictions.  » 
2.  Variante  :  «  gras  d'emp  —  grâce  &  nous.  C'est  un  non-seus  absolu. 


Elles  étaient  descendues  dans  la  maison  de  Marie  Perron,  —  ho  ! 
oui,  parce  qu'elles  avaient  avec  elles  des  bourses  de  matelots. 

Ces  filles-là  trinquaient  et  s'essuyaient  le  bec,  —  et  les  marins 
chantaient,  chantaient  en  français  ; 

Et  les  marins  chantaient,  chantaient  en  français,  —  et  les  filles 
riaient,  parce  qu'elles  ne  comprenaient  pas  ; 

Excepté  une  petite  bossue,  du  bourg  de   Carantec  :  —  celle-là 
avait  été  au  couvent,  pour  apprendre  le  français; 

Celle-là  avait  été  au  couvent,  pour  apprendre  le  français;  —  et  elle 
priait  [ou  mieux,  elle  jurait)  mille  malédictions  sur  les  matelots. 

«  Si  nous  étions  veufs,  grâce  à  vous,  nous  ne  le  [serons  plus  ;  -  - 
nous  viendrons  encore  une  fois,  une  fois  vous  voir  ; 

Et  nous  vous  apporterons  à  chacune  de  vous  un    chapelet,  —  et 
un  anneau  d'argent  pour  chacune  de  vos  amies. 


186  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BUETONS 

—  Kenavezo  'ta,  Leblond,  ia  zur,  pa  m'oud  e  vond 
Me  garje  a-greiz  kalon  e  vijez  c'hoaz  o  tond.  — 

Merc'hed  a  Lokenole  a  voele  var  ar  c'he 
Da  Leblond,  ar  c'habitenn  :  allaz  !  partiel  e. 

Chanté  par  M.  Allain-Launay,  au  diner  celtique. 


—  Adieu  donc,  Le  Blond,  oui,  sûrement,  puisque  tu  t'en  vas;  — 
je  voudrais,  du  fond  du  cœur,  que  tu  fusses  encore  à  venir.  » 

Les  filles  de  Locquénolé  pleuraient,  sur  le  quai,   —  (le  départ  de) 
Le  Blond,  le  capitaine  :  hélas  !  il  est  parti. 


Ce  so?in  est  à  la  fois  descriptif,  moral  et  narratif.  Ce  n'est 
pas  une  «  chanson  de  bord  »;  le  marin  qui  l'entonne  a  déjà 
mis  le  pied  à  terre;  le  titre  seul  en  établit  la  source  terrienne. 
Et  puis,  lisez  bien  :  les  matelots  de  Plougasnou  «  chantaient 
en  français,  —  a  gane  en  gallek  ». 

Dans  le  même  genre,  «  Plac'hcdLezardrco  ».  Mais  les  diffé- 
rences sont  notables^  pour  ne  pas  dire  significatives.  Un  de 
ces  sonn  est  en  trécorrois;  l'autre,  en  léonard  (à  part  quelques 
formes  et  quelques  mots  communs  à  divers  dialectes).  Dans 
la  chanson  de  Lézardrieux  l'ironie  est  vive,  accentuée;  tandis 
qu'une  sorte  d'émotion  larmoyante  trahit  c,  la  fin  les  filles  de 
Locquénolé.  Faut-il  attribuer  aux  diverses  origines  régionales 
ou  dialectales  ces  variétés  et  ces  degrés  dans  la  satire? 

Contentons-nous  de  citer  cet  exemple,  sans  conclure;  la 
question  en  vaudrait  pourtant  la  peine;  mais  il  faudrait 
d'autres  preuves,  que  nous  ne  possédons  pas,  pour  aboutir  à 
une  solution  raisonnable. 

«  Merc'hed  a  Lokenole  »  est  en  vers  de  treize  pieds,  avec 
césure  après  la  septième,  dans  la  phrase  mélodique  comme 
dans  le  vers.  Le  bis  sert  de  refrain. 

Il  est  à  remarquer  qu'un  vers  n'est  pas  bissé  dans  un  gtûerz 
comme  dans  un  sonii^  au  point  de  vue  musical.  Le  vers  du 


6WERZ    KT  SONN  187 

sonn  so  chante,  les  deux  fois,  sur  le  même  membre  de  phrase 
mélodique  :  c'est  que  ce  Im  sert  de  refrain.  Dans  le  ginerz,  où 
le  refrain  n'est  pas  admis,  ce  n'est  jamais  que  le  dernier  vers 
du  couplet  (jji'on  répète;  règle  générale,  ce  couplet,  s'il  est 
un  distique,  devient  un  ternaire  par  le  fait  du  bis  :  la  phrase 
mélodique,  a-t-on  vu  déjà,  est  donc  une  période  à  trois 
membres,  et  la  reprise  du  second  vers  se  fait  sur  le  troi- 
sième membre  de  phrase,  dont  la  cadence  a  pour  objet  de 
conclure  la  période  musicale. 

L'air  des  «  Filles  de  Locquénolé  »  est  un  six-huit^  d'un 
rythme  bien  régulier,  comme  c'est  le  fait  pour  la  plupart  des 
sonn.  Il  y  a  une  légère  variante  dans  la  mélodie  que  chante 
M.  AUain-Launay  aux  celtisants  de  Paris  :  la  sixième  syllabe, 
dans  le  premier  vers  de  chaque  couplet,  au  lieu  d'être  brève, 
se  prolonge  snr  une ?20zVe inattendue,  — merc'hed  a  Loke?2(>le,.. 
Evidemment,  la  mesure  en  est  rompue.  Cette  irrégularité 
doit  avoir  été  la  faute  de  quelque  chanteur,  et  non  celle  du 
barde  qui  a  composé  le  sonn. 


188  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 


SON 

Me  'm   euz   gwelet ,   me  ma    unon  , 

0  ra  la  la  la  la  la  la  la  la 

Me  'meuz  gwelet,  me  ma  unon, 

Ar  biniou  gand  ar  person. 

Hag  ar  vombard  gand  ar  c'hure, 
0  ra  la  la... 

Hag  ar  vombard   gand  ar  c'hure   : 
Ar  re-ze  vad  a  c'hoarie; 

Hag  ar  sakrist  gand  ar  blaton 
0  tougen  chistrd'ar  sonerion. 

0  traezuz!  ar  veleion 

Na  blij  ket  d'he  ar  sonerion; 

Ha  koulskoude,  o  ma  Doue  ! 
Piou  a  zo  gwasoc'h  evit-he  ? 


CHANSON 

J'ai  vu,  moi-même,  —  o  ra  la  la  la  la  la  la  la  la  —  j'ai   vu,   moi- 
même,  —  le  biniou  avec  le  (entre  les  mains  du)  recteur. 

Et  la  bombarde  avec  le  vicaire,  —  o  ra  la  la...  —  et  la    bombarde 
avec  le  vicaire  :  —  ceux-là  certes  jouaient  (sonnaient); 

Et  le  sacristain  avec  l'écuelle  (pot  à  cidre,  pichet),    —  apportant 
du  cidre  aux  sonneurs. 

0  chose  étonnante  !  les  prêtres  —  n'aiment  pas  les  sonneurs  ; 

Et  pourtant,  ô  mon  Dieu  I  —  qui  est  plus  terrible  (pire)  qu'eux  ? 


Satire  bien  inoffensive.  C'est  un  prêtre  du  Goëlo  qui  l'au- 
rait transportée  en  Cornouaille,  où  je  l'ai  recueillie.  Dans  ces 


GWERZ    ET    SONN  189 

voyages,  elle  aura  perdu  quelque  chose  de  sa  pureté  origi- 
nelle :  car  elle  n'est  plus  dans  un  dialecte  distinct. 

Il  est  probable  que  je  ne  tiens  ce  court  sonn  qu'à  l'état 
fragmentaire.  Possible  encore  que  les  paroles  aient  unique- 
ment servi  à  l'éclosion  d'une  mélodie  charmante.  Le  simple 
andantino  qu'elles  auraient  produit,  est  du  plus  gracieux 
effet,  surtout  avec  cet  ad  libitum  où  les  virtuoses  s'exercent 
à  la  vocalise  et  qu'on  prolonge  à  souhait  comme  \xn  point- 
d'orgue. 

L'antithèse  est  manifeste  entre  l'air  et  la  chanson,  entre 
l'inlenlion  du  poète  et  l'exécution  du  musicien.  Ce  n'est  pas 
un  fait  rare,  en  folk-lore  ;  et  il  est  encore  plus  fréquent  dans 
les  pastiches  de  chansons  populaires. 


190  CUANSONS    ET    DANSES    DKS   BRETONS 


PARDON  SANT-MILION* 

De  pardon  Saint-Milion 
E  oa  kontristet  ma  c'halon. 

Begegek  : 
Na  gambrioled  kel  ; 
Dîskan    {  Merc'hed  ; 

B^egek,  begegegek 
Na  gambrioled  ket. 

Nag  ar  sul  vintin  pa  saviz, 
Biskoaz  kement  ail  na  weliz  : 

Tri-c'houec'h  a  ier,  ma  na  oa  mu, 
Oa  0  tibi  ma  zamm  ed  du. 

Ha  me  'rei  d'he  pob  a  vac'had, 
Hag  hi  'komans  da  vegelat  ; 

1.  Saiot-Emilion  possède  un  clocher  fameux,  eilepardony  est  très  fréquenté. 


LE  PARDON  DE  SAINT-EMILION 

Le  jour  du  pardon  de  Saint-Emilion,  —  était  contristé  mon 
cœur. 

Refrain.  —  Begegek.  —  Ne  cabriolez  pas,  —  les  filles;  —  begegek, 
begegegek  —  ne  cabriolez  pas. 

Et  le  dimanche  matin  quand  je  me  levai,  —  jamais  je  n'avais  vu 
pareille  chose  : 

Dix-huit  poules,  s'il  n'y  en  avait  davantage,  —  étaient  à  manger 
mon  petit  morceau  de  blé  noir. 

Et  moi  de  leur  donner  à  chacune  un  coup  de  bâton,  —  et  elles  de 
commencer  à  crier  '. 

1.  Le  verbe  begelat  ne  dérive  pas  du  substantif  begel  (nombril)  comme  me 
le  disait  un  chanteur,  mais  de  bek  (bec,  extrémité)  :  begelât:,  crier  (du  bec),  à 
la  manière  des  oiseaui. 


GW£RZ    ET    SONN  191 


Hi   vond  a  -  rok  d'in   penn  -  da  -  benn 
Da  glask  sikourd'ar  vilajen. 

0  tond  unan  gand  eur  vaz  iot, 
Hageunn  ail  gand  eur  vaz  ribot; 

0  tond  unan  gand  eur  pez  baz 
En  aviz  terri  d'in  ma  fas  : 

Chanté  par  Antoine  Le  Morvan,  de  La  Roche-Derrien. 


Elles  d'aller  devant  moi  tout  du  long    —   chercher   secours   au 
village. 

De  venir  quelqu'un  avec  un  bâton  à  bouillie,  —  et  un  autre  avec  un 
un  bâton  à  riboter  : 

De  venir  quelqu'un  avec  un  énorme  bâton,  —  dans  l'intention  de 
me  casser  la  figure. 


Cette  courte  chanson  est  une  satire  contre  les  g-ens  de  Cor- 
nouaille,  tous  porteurs  de  baz  (voy.  les  Notes  de  Voyage^ 
p.  37.) 

Il  est  facile  de  reconnaître  dans  les  begegek  du  refrain  une 
imitation  du  cri  des  poules  ;  cette  onomatopée  se  retrouve  au 
quatrième  couplet,  dans  le  verbe  hegelàt. 

A  proprement  parler,  aucune  mesure  rigoureuse  ne  serait 
applicable  à  l'air  de  ce  sonn.  C'est  la  mimique  du  chanteur 
qui  en  tire  tout  l'effet; 

Chaque  couplet  est  un  tjuatrain,  dont  le  second  distique 
commence  le  couplet  suivant. 


192  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


NEDELEK  ou NOUKL 

Ar  Mabik-Jezuz  zo  ganet, 
'Mesk  ar  beorien  e  diskennet  ; 
Neb  a  zo  paour  zo  he  vreurien  : 
Reid  d'imp,  mar  plij,  ann  aluzen  ! 

Noz  vad  ha  joa  'barz  ann  ti-man, 
Deut  on  da  glask  ma  c'houig-naouan  ; 
D'ar  wech  diwean  e  marteze  : 
Benn  bla  va  kalz  et  gand  Doue. 

Gras  d'hec'h  da  gaout  digand  Doue 
Tri  a  botred  'wil  bugale  : 
Ann  hini  henan  'vel  he  dad, 
Ann  eil  roue,  egile  pab. 

Na  c'houlennin  kel  meur  a  dra  : 
Eunn  tammik  kig,  eunn  tamm  bara, 
Bara  gwiniz  pe  bara  c'hei, 
Ma  ve  ho  madelez  da  rai. 


NOËL 

Le  petit  Enfant-Jésus  est  né,  —  au  milieu  des  pauvres  il  est  des- 
cendu ;  —  quiconque  est  pauvre,  est  son  frère  :  —  donnez-nous  s'il 
vous  plait,  l'aumône. 

Bonne  nuit  et  joie  dans  ceîte  maison  !  —  Je  suis  venu  chercher  mes 
étrennes  ;  —  c'est  peut-être  pour  la  dernière  fois  :  —  dans  un  an, 
beaucoup  seront  allés  à  Dieu. 

Grâce  (je  souhaite)  que  vous  ayez  de  Dieu  —  trois  garçons  pour 
enfants  :  —  l'ainé,  semblable  à  son  père  ;  le  deuxième,  roi  ;  l'autre, 
pape. 

Je  ne  demanderai  pas  grand'chose  :  —  un  petit  morceau  de  viande, 
un  morceau  de  p?in,  —  du  pain  de  froment  ou  du  pain  d'orge  :  —  si 
c'est  votre  bonté  d'en  donner. 


«IWERZ   ET   SONX  193 


Ma  roched  a  zo  fall  ha  hrei^n-. 
Me  lakfe  koz  hini  war  ma  chei<^n  ; 
M'ac'h  euz  koz  vrago  pe  borpant, 
Me'm  b(»  eur  c'her  a  wiskamant. 

Kalz  arc'hanl  na  gomerfenn  ket  ; 
Nemed  ho  madelez  rafed  : 
Nao  pe  dek  gwennek,  po  ouspen, 
Zo  tra  'walc'h  d'in  da  vond  en  hent. 

Ma  red  d'ar  paour  hegwignaouan, 
Doue  a  deuio  d'ho  pean. 
N'ani  dalc'hed  ket  pell  gant  ma  zro 
Red  e  d'in  mond  d'am  oviso. 


Ma  chemise  est  mauvaise  et  pourrie,  —  je  mettrais  bien  une  vieille 
chemise  sur  mon  dos  ;  —  si  vous  avez  de  vieilles  culottes  et  un  paletot, 
j'aurais  ainsi  un  bel  habillement. 

Je  ne  prendrais  pas  beaucoup  d'argent  ;  —  vous  ne  donnerez  que 
selon  votre  bonté  :  —  neuf  ou  dix  sous,  ou  davantage,  —  ce  m'est 
assez  pour  me  mettre  en  route. 

Si  vous  donnez  au  pauvre  ses  étrennes,  —  Dieu  viendra  un  jour 
vous  le  rendr.e.  —  Mais  ne  me  retenez  pas  lonj^temps  dans  ma  tournée  : 
—  il  faut  que  j'aille  à  mes  offices. 


Les  Bretons  ont  appelé  la  veillée  de  Noël  la  '<  nuit  sainte 
—  ann  noz  santel  ».  Malheur  à  qui  se  livre  aux  travaux  ser- 
viles,  passé  la  mi-nuit  de  Noël, jusqu'au  lendemain!  Tant 
d'heures  k  la  besogne,  autant  d'années  à  passer  en  purga- 
toire. 

Dès  le  soir,  les  pauvres  vont  de  ferme  eu  ferme  demander 
à  chaque  porte  leurs  étrennes  [koiiignaoïian  — part  de  gâteau 
ou  de  galette).  Des  chanteurs  entonnent  un  des  mille  noëls 
que  chacun  sait  et  qu'on  entendra  par  le  pays  pendant  qua- 
rante jours,  de  la  Nativité  à  la  Purification.  Quelquefois  un 
dialogue  s'établit  entre  le  barz  baleer-bro  (barde  coureur-dc- 

13 


194  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

pays)  et  les  g-ens  de  la  maison  de  ferme  :  M.  de  la  Villemar- 
qué  donne,  dans  le  Barzaz-Breiz,  un  curieux  exemple  de  ces 
luttes  poétiques.  Un  des  mendiants  lient  la  besace  où  Ton 
recueille  les  aumônes;  du  reste^  le  chanteur  a,  d'ordinaire, 
soin  de  le  dire. 

Trois  soirées  sont  spécialement  réservées  aux  bardes 
populaires  :  la  nuit  de  Noël,  la  veille  du  Jour  de  l'Au,  et  celle 
de  la  Fêle  des  Rois.  Ces  soirs-là,  les  conteurs  de  veillée  cèdent 
la  place  aux  chanteurs  du  dehors. 

Le  noël  que  j'ai  transcrit  plus  haut,  se  chante  indifférem- 
ment aux  trois  veillées  consacrées  à  TEnfant-Jésus.  Toute- 
fois, SiU  premier  de  fan,  on  y  ajoute  un  couplet^  dès  le  début, 
où  l'on  exprime  les  «  souhaits  de  bonne  année  »,  dans  ce 
genre  : 

Blavez  œad  a  zouelan  d'ac'h 
Blave?  mad  digaud  Doue... 

C'est  même  sur  ces  paroles  qu'une  mélodie  du  nouvel  an 
m'a  été  communiquée  par  M.  Gilbert;  le  même  air  est  adapté 
au  7ioël ;  j'en  connais  un  autre,  trop  banal  pour  être  noté 
avant  ou  après  celui-là.  La  Nuit  des  Rois,  on  donne  la  préfé- 
rence à  un  giverz  sur  la  venue  à  Bethléem  des  trois  Mages, 
Gaspard,  Mclchior  et  Balthazar  :  c'est  une  sorte  de  prose  à 
l'ancienne  manière  ;  un  motet  d'église  en  a  été  détaché,  un 
dialogue  entre  les  trois  Rois,  que  l'on  chante  aux  offices  de 
l'Epiphanie  ;  —  les  Mages  sont  accourus  avec  des  présents 
divers  :  «  Auro,  myrrha,  Ihure...  Auro  rex  colitur...  »  Triple 
hommage,  qui  s'adresse  ainsi  :  l'or  au  Roi,  la  myrrhe  à 
rilomme,  l'encens  au  Dieu. 

Les  trois  veillées  que  nous  disons  là,  sont  donc  aux  chan- 
teurs. Et  le  jour,  c'est  le  tour  des  enfants,  qui  crient,  de  porte 
en  porte  :  «  Kouignaouan!  —  Klask  baral  »  Un  dialogue  pro- 
bablement, dont  le  sens  serait  :  «  Donnez-moi  du  gâteau.  — 
Va  plutôt  chercher  du  pain.  » 

Au  fond,  un  temps  heureux  pour  les  pauvres  gens  et  les 
humbles,  c'est  la  quarantaine  qui  s'écoule  de  la  Noël  à  la 
Chandeleur. 


r.WERZ    ET    SONN  195 


GOUSPERO    AR    RANED 

1  —  Kan  ker,  Killore 

—  Jolik,  petra  fell  d'id-de? 

—  Kanoen  digan-id-de. 

—  Petra  kanin-me  d'id-de? 

—  Keran  eur  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Eur  biz  da  varc'ha  da  Vari  '. 
Perc'hen  tri  mab'  Heri. 

Keran  eur  rann  a  gement  ouzonn-me. 

2  -^  Kan  ker,  Killore... 

Keran  eur  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Daou  viz  da  varc'ha  da  Vari, 
Perc'hen  tri  mab  Heri. 

Keran  daou  rann  a  "rement  ouzonn-me. 


1.  C'est  peut-être  :  un  doit  pour  y  mettre  l'anneau... 

2.  J'ai  toujours  entendu  tri  mab  et  pas  uue  fois  tri  vab  {Heri)  :  Ueri  serait 
donc  un  nom  de  femme. 


VEPRES   DES   GRENOUILLES 

1"  Chante  fort,  Killore.  —  Jolie,  que  (te)  faut-il  à  toi?  — (Une) 
chanson  de  ta  part.  —  Que  (te)  chanterai-je  à  toi?  —  La  plus  belle 
série  d'un  de  toutes  celles  que  tu  connais.  —  Un  doigt  à  immobiliser 
(vouer)  à  Marie,  —  maîtresse  sur  les  trois  fils  de  Henri.  —  (Voilà)  la 
plus  belle  série  d'un  de  toutes  celles  que  je  connais. 

2"  Chante  fort,  Killore... —  La  plus  belle  série  de  deux  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Deux  doigts  à  immobilisera  Marie,  —  maî- 
tresse .sur  les  trois  fils  de  Henri.  —  (Voilà)  la  plus  belle  série  de  deux 
de  toutes  celles  que  je  connais. 


496  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BUETONS 

3  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  tri  rann  a  gemenl  ouzoud-le, 

—  Tri  biz  da  varc'ha  da  Vari  ; 
Perc'hen  tri  mab  Heri. 

Keran  tri  rann  a  gement  ouzonn-me. 

4  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  pewar  rann  a  gement  ouzoud  te, 

—  Pewar  goêle  o  kana  Lexodie. 
ïreminidi,  lavar  d'in-me. 
Perc'hen  tri  mab  Heri. 

Keran  pewar  rann  a  gement  ouzonn-me. 

5  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  pemp  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Pemp  buoc'h  du.awalc'h  o  tremen  douar  douar 
Pewar  goêle  o  kana  Lexodie. 

Tremenidi,  lavar  d'in-me. 

Perc'hen  tri  mab  Heri. 

Keran  pemp  rann  a  gement  ouzonn-me. 


3"  Chante  fort,  Killore...  — La  plus  belle  série  de  trois  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Trois  doigts  à  immobiliser  à  Marie,  — 
maîtresse  sur  les  trois  fils  de  Henri.  —  (Voilà)  h  plus  belle  série  de 
trois  de  toutes  celles  que  je  connais. 

4°  Chante  fort,  Killore...  —  La  plus  belle  série  de  quatre  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Quatre  taureaux  chantant  Lexodie.  —  Gens 
qui  passez,  dites-moi.  —  Maîtresse  sur  les  trois  fîls  de  Henri.  — 
(Voilà)  la  plus  belle  série  de  quatre  de  toutes  celles  que  je  connais. 

5"  Chante  fort.  Killore...  —  La  plus  belle  série  de  cinq  de  toutes  celles 
que  tu  connais.  —  Cinq  vaches  noires  assez  traversant  (une)  terre 
(une)  terre.  —  Quatre  taureaux  chantant  Lexodie.  —  Gens  qui  pas- 
sez, dites-moi,  —  Maîtresse  sur  lestrois  fils  de  Henri.  —  (Voilà)  la 
plus  belle  série  de  cinq  de  toutes  celles  que  je  connais. 


GWERZ    ET    SONN  197 

6  —  Kan  ker,  Killorc. 

Keran  c'houec'h  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  G'bouec'h  breur,  c'houec'h  c'hoar. 
Pemp  buoch  du... 

Keran  c'houec'h  rann  a  gement  ouzonn-me. 

7  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  seiz  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Seiz  de,  seiz  loar. 

C'houec'h  breur,  c'houec'h  c'hoar. 

Pempbuoc'h  du... 

Keran  seiz  rann  a  gement  ouzonn-me. 

8  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  eiz  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Eiz  dornerik  war  al  leur 
0  torna  piz,  o  torna  kleur. 
Seiz  de,  seiz  loar... 

Keran  eiz  rann  a  gement  ouzonn-me. 

9  —  Kan  ker.  Killore... 

Keran  nao  rann  a  gement  ouzoud-te, 

—  Nao  mab  armet 

0  tonet  deuz  a  Naoned, 


6"  Chante  fort,  Killore. . .  —  La  plus  belle  série  de  six  de  toutes  celles 
que  tu  connais.  —  Six  frères,  six  sœurs.  —  Cinq  vaches  noires... — 
(Voilà)  la  plus  belle  série  de  six  de  toutes  celles  que  je  connais. 

7*  Chante  fort,  Killore...  —  La  plus  belle  série  de  sept  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Sept  jours,  sept  lunes.  —  Six  frères,  six 
sœurs. —  Cinq  vaches  noires...  —  (Voilà)  la  plus  belle  série  de  sept 
de  toutes  celles  que  je  connais. 

8"  Chante  fort,  Killore...  —  La  plus  belle  série  de  huit  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Huit  petits  batteurs  sur  l'aire,  —  battant 
des  pois,  battant  des  cosses.  —  Sept  jours,  sept  lunes...  —  (Voilà)  la 
plus  belle  série  de  huit  de  toutes  celles  que  je  connais. 

9"  Chante  fort,  Killore.. .  — La  plus  belle  série  de  neuf  de  toutes  celles 
que  tu  connais.  —  Neuf  fils  (garçons)  armés  —  venant    de  Nantes, 


i98  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

Ho  chleveio  torret, 

Ho  rocliedo  goadek  ; 

Gwasan  mab  c'houre  ! 

Poan'  oa  ouz  ho  gwelet. 

Eiz  dornerik  war  al  leur... 

Keran  nao  rann  a  gement  ouzonn-me. 

10  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  dek  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  Deg  islor  linker' 
Karget  a  win,  a  vezer. 
Nao  mab  armet 

0  tonet  deuz  a  Naoned... 

Keran  dek  rann  a  gement  ouzonn-me. 

il  —  Kan  ker,  Killore... 

Keran  eunnek  rann  a  gement  ouzoud-te. 

—  lourc'hel,  diourc'hel. 
Eunneg  gwiz,  eunnek  porc'hel 
0  tonet  deuz  annourc'hel, 
Deg  istor  linker 

Karget  a  win,  a  vezer... 

Keran  eunnek  rann  a  gement  ouzonn-me. 

1.  Une  autre  version  dit  :  Penn  oa... 

2.  Voilà  un  bel  exemple  de  non-sens  dans  les  chansons  populaires. 


—  leurs  épées  brisées,  —  leurs  chemises  ensanglantées  :  —  quel 
terrible  garçon  dessus  !  —  C'était  peine  (pitié)  de  les  voir.  — 
Huit  petits  batteurs  sur  l'aire...  —  (Voilà)  la  plus  belle  série  de  neuf 
de  toutes  celles  que  je  connais. 

10'^  Chante  fort,  Killore...  —La  plus  belle  série  de  dix  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Dix  histoires  glissantes,  légères  (scabreu- 
ses?) —  chargées  de  vin,  de  drap.  — Neuf  garçons  armés  —  venant  de 
Nantes...  —  (Voilà)  la  plus  belle  série  de  dix  de  toutes  celles  que  je 
connais. 

11°  Chante  fort,  Killore...  —  La  plus  belle  série  de  onze  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Crier  (bûcher),  crier  à  tue-tête.  —  Onze 
truies,  onze  pourceaux  (verrats)  gras  —  venant  de  la  crèche.  —  Dix 
histoires  légères,  —  chargées  de  vin,  de  drap...  —  (Voilà)  la  plus 
belle  série  de  onze  de  toutes  celles  que  je  connais. 


GWERZ    ET    SONX  199 

12  —  Kan  ker,  Killore...   ^ 

Keran  daoue/ek  raiï^  a  cément  ouzoud-le. 

—  Daouzek  kleve,  miynon, 

Slaget  o-z  daLignon. 

Digaz  ar  mab-man  d'he  goan  : 

Re  bell  a  delc'hez  anez-han  en  poan. 

lourc'hel,  diourc'hel. 

Eunneg  gwiz,  eunnek  porc'hel. 

Deg  istor  linker, 

Kargel  a  wiri,  a  vezer. 

Nao  ifiab  armet 

0  tonet  deuz  a  Naoned, 

ITo  c'hleveio  torret, 

Ho  rochedo  goadek; 

Gwasa  mab  c'houre  ! 

Poan  oa  ouz  ho  sellet. 

Eiz  dornerik  war  al  leur 

0  torna  piz,  o  lorna  kleur. 

Seiz  de,  seiz  loar. 

G'houec'h  breur,  c'houec'h  c'hoar. 

Pemp  buoc'h  du  awalc'h  a  tremen  douar  douar 

Pewar  goèle  o  kana  Lexodie. 

Tremenidi,  lavar  d'in-me. 

Perchen  tri  mab  Heri, 

Keran  daouzek  rann  a  gement  ouzonn-me. 


12°  Chante  fort,  Killoré...  — La  plus  belle  série  de  douze  de  toutes 
celles  que  tu  connais.  —  Douze  glaives,  (mon),  ami,  —  allachés  à  ton 
pignon.  —  Emmène  ce  garçon-ci  à  son  souper  :  —  (voilà)  trop  long- 
temps (que)  tu  le  tiens  en  peine.  —  Crier,  crier  à  tue-tête.  —  Onze 
truies,  onze  pourceaux  gras  —  venant  de  la  crèche.  —  Dix  histoires 
légères,  —  chargées  de  vin,  de  drap.  —  Neuf  garçons  armés,  — 
venant  de  Nantes,  —  leurs  épées  brisées,  —  leurs  chemises  ensan- 
glantées :  —  quel  terrible  garçon  dessus  !  —  C'était  peine  de  les 
regarder.  —  Huit  petits  batteurs  sur  l'aire  —  battant  des  pois,  bat- 
tant des  cosses,  —  Sept  jours,  sept  lunes.  —  Six  frères,  six  sœurs. — 
Cinq  vaches  noires  assez  traversant  (une)  terre  (une)  terre.  —  Quatre 
taureaux  chantant  Lexodie.  —  Gens  qui  passez,  dites-moi.  —  Maî- 
tresse sur  les  trois  fils  de  Henri.  —  (Voilà)  la  plus  belle  série  de 
douze  de  toutes  celles  que  je  connais. 


200  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


Les  «  Vêpres  des  Têtards  »  ont  quelque  rapport  avec  les 
«  Séries  »  du  Barzaz-Breïz,  mais  pour  le  poème  dialogué  seu- 
lement ;  les  deux  mélodies  n'ont  rien  de  commun. 

M.  de  La  Villemarqué  mentionne  lui-même  certaines 
«  Vêpres  des  Grenouilles  »  ;  en  trécorrois,  cette  traduction  de 
«  Gouspero  ar  Eànedyi  est  inexacte.  La  grenouille,  c'est  «  ar 
glesker  »  ;  mais  le  têtard,  voilà  «  ar  rân  »  ;  les  ((  Vêpres  des 
Grenouilles  »,  ce  serait  donc  «  Gouspero  ar  Gliskiri  »  ou  «  ar 
Gleskered.  » 

A  Trézélan  (Côles-du-Nord),  oii  j'ai  recueilli,  la  première 
fois,  cette  berceuse,  un  savant  de  l'endroit  me  disait  :  «  ar 
ranned  »,  les  séries  ;  no)i  :  «  ar  râned  »,  les  têtards.  Le  peuple 
entend  et  prononce  toujours  :  «  gouspero  ar  râned.  » 

La  mélodie  en  est  une  phase  à  trois  membres,  qui  coupe 
les  couplets  d'inégale  façon,  suivant  le  sens  et  à  mesure  que 
le  couplet  s'allonge  ;  elle  se  compose  de  deux  motifs  bien 
distincts  :  un  récitatif  d'ouverture  et  la  mélodie  proprement 
dite.  M.  Emile  Durand  a  su  en  retrouver  le  souvenir  dans 
certaine  symphonie  de  Haydn.  Ce  chant  a  la  cadence  d'une 
berceuse. 

Les  paroles  sont  absolument  inintelligibles,  du  moins 
pour  le  peuple  qui  les  chante:  il  est  vrai  que  le  champ  est 
d'autant  plus  ouvert  aux  interprétations. 

Cette  poésie  m'a  été  chantée  bien  des  fois  par  le  docteur 
Geffroy,  de  Plouëc-Pontrieux.  Les  mères  et  les  nourrices  en 
font  une  berceuse.  On  l'enseigne  aux  enfants  pour  leur  exer- 
cer la  mémoire.  Ceux  qui  la  débitent  d'un  bout  à  l'autre, 
sans  hésitation,  passent  pour  des  «  gens  d'esprit  ». 

On  donne  encore  à  ce  «  Gouspero  ar  Râned  »  une  autre 
dénomination  :  «  Gouspero  ar  Chouiled  »,  mot  à  mot  :  «  Vê- 
pres des  Inspctes  ».  Mais  il  faut  entendre  :  «  Vêpres  des  Han- 
netons »  ;  avec  chouiled  on  sous-entend  le  déterminatif 
«  dero  »  —  chêne.  A  La  Roche-Derrien,  il  y  a  un  petit  bois  de 
Saint-Jean  où  vont  les  paroissiens  les  moins  dévots  passer  le 


GWERZ   ET    SONN  201 

temps  des  offices  ;  quand  ils  rentrent,  on  leur  dit  qu'ils  ont 
été  aux  «  Vêpres  des  Hannetons  »;  et,  comme  une  auberge 
est  non  loin,  dont  le  cidre  est  renommé,  si  quelqu'un  revient 
de  Saint-Jean,  le  dimanche,  en  état  d'ébriété,  c'est  qu'il  était 
allé  «  chanter  les  Vêpres  des  Hannetons  ».  Du  reste,  cette  locu- 
tion «  Gouspero  ar  C'hoiiiled»  est  à  peu  près  aussi  répandue 
dans  tout  le  pays  de  Tréguier  que  l'autre,  «  Gotispero  ar 
Râned  » . 


202  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


DISPENN  (ou  DISPIGN)  AR  C'HAZ 

Me  'm  euz  du-man  eur  c'hazik  rouz 
Hag  a  ra  neubeudig  a  drouz. 

Diskan.  —  Kan  digadenno 
Videl  a  va. 
Jardin  a  viro 
Kalz  a  joa 
Wigour  ra. 

Me  raio  gand  he  benn 

Eur  poud-houarn  d'ober  .soubenn  ; 

Me  raio  gand  he  dent 
Mineouedo  d'ober  hent  ; 

Me  raio  gand  he  diou-skouarn 
D'eur  c'har  bihan  diou  rod  houarn  ; 

Me  raio  gand  he  daou-lagad 
Eul  lunedo  da  berson  Prat  ; 


LE  PARTAGE   DU    CHAT 

J'ai  chez  moi  un  petit  chat  roux,  —  et  qui  fait  très  peu  de  bruit. 

Refrain.  —  Chante  digadenno  —  videl  a  va  —  jardin  il  gardera 
—  beaucoup  de  joie  —  wigour  ra. 

Je  ferai  avec  sa  tête  —  une  marmite  pour  faire  la  soupe  ; 

Je  ferai  avec  ses  dents  —  des  alênes  pour  ouvrir  le  chemin  ; 

Je  ferai  avec  ses  deux  oreilles  —  pour  une  petite  charrette  deux 
roues  de  fer  ; 

Je  ferai  avec  ses  deux  yeux  —  des  lunettes  pour  le  recteur  de 
Prat; 


GWERZ    ET   SONN  203 


Me  raio  gand  he  gein 

Eur  c'hastellik  da  dougen-mein  ; 

Me  raio  gand  he  gov 

Eul  louar  vihan  da  voeta  moc'h  ; 

Me  raio  gand  he  daou  droad  arok 
Eur  vaz-ribot  hag  eur  vaz-iot  ; 

Me  raio  gand  he  lost 

Eur  prezand  d'ann  otro  Post  ; 

Me  raio  gand  he  daou  droad  adren 
Eur  skeulik  vihan  da  vond  d'ann  env, 

Chanté  par  le  docteur  Geffroy,  de  Plout'C. 


Je  ferai  avec  son  dos,  —  une  petite  charrue  pour  porter  des  pierres  ; 

Je  ferai  avec  son  ventre  —  une  petite  auge  pour  donner  à  manger 
aux  cochons  ; 

Je  ferai  avec  ses  deux  pieds  de  devant  —  un  bâton  à  ribot  et  un 
bâton  à  bouîUie  ; 

Je  ferai  avec  sa  queue  —  un  présent  à  M.  Post  ; 

Je  ferai  avec  ses  deux  pieds  de  derrière  —  une  petite  échelle  toute 
petite  pour  aller  au  ciel. 


204  CHANSONS    ET    DANStS    DES    BRETONS 


SONIK 

Me  n'am  euz  biskoaz  laret  gaou, 
Mes  bremazonn  me  laro  daou. 
Me  oa  bel  ann  de  ail  en  Goudlin, 
Hag  a  weliz  ann  er  o  tenna  lin  ; 

Hag  al  logoden  hag  ar  raz 
0  tougen  lin  war  ar  c'hravaz  ; 
Ha  c'hoaz  a  1ère  al  logoden  d'ar  raz 
Lakat  war  n'hi,  hag  a  dougje  c'hoaz. 

Neuze  weliz  ar  cheveulek 
Gant-han  eur  c'horn  —  bulun'n  he  veg, 
Hag  eur  gontell  gant-han'n  he  dorn 
0  traillan  butun  da  Iakat'n  he  gorn. 

Neuze  weliz  al  louarn, 
Gant-han'n  he  benn  eur  brid-houam, 
0  tremen  dre  eur  bagad  polizi 
Hepna  redaz  war-lerc'h  hini. 


PETITE  CHANSON 

Je  n'ai  jamais  dit  un  mensonge ,  —  mais  tout-à-l'heure  j'en  dirai 
deux.  —  J'avais  été  l'autre  jour  à  Goudelin,  --  et  je  vis  la  couleuvre 
tirer  le  lin  ; 

Et  la  souris  et  le  rat  —  porter  du  lin  sur  une  civière,  —  et  encore 
disait  la  souris  au  rat  —  d'en  remettre  dessus,  et  qu'elle  le  porterait 
encore. 

Alors  je  vis  la  bécasse,  —  avec  elle  une  pipe  à  tabac  dans  son  bec, 
—  et  un  couteau  avec  elle  dans  sa  main,  —  hachant  du  tabac  à 
mettre  dans  sa  pipe. 

Alors  je  vis  le  renard,  —  avec  lui  à  sa  tête  (dans  sa  gueule)  une 
bride  en  fer,  —  passant  à  travers  une  bande  de  poules,  — sans  courir 
après  aucune. 


GWERZ   ET    SONN  205 

Ha  neuze  weliz  ar  blei 

Gwiskel  en  voulous  hag  en  sei 

0  lampad  dreist  da  gleut  al  lannek, 

'N  he  c'henou  eur  marc'h  hag  eiir  gazek. 

Neuze  weliz  al  logodendall 
'Tougen  ar  bed-man  hag  ar  bed  ail, 
Ha  c'hoaz  a  1ère  al  logoden  gez 
N'  da  ket  treo-'wac'h  deuz  he  bee'h. 

Neuze  weliz  al  laouenan, 
A  lar  ann  dud  n'e  ket  bihan, 
0  skrapat  gand  he  ivino 
C  hesa  toi  Treger  en  Goelo . 

Neuze  weliz  war  dour  Runan 
Ann  tad-moualc'h  'kludan  ar  vran, 
Ha  lost  ar  bik  war  ann  dresen  : 
Gheutu  achu  ma  c'hanoen. 

Chanté  par  le  docteur  Geffroy. 

Air  de  «  une  dame  tartine  » . 


Et  alors  je  vis  le  loup,  —  vêtu  en  velours  et  en  soie,  —  qui  sautait 
par  dessus  l'échalier  de  la  lande,  —  dans  sa  gueule  un  cheval  et  une 
jument. 

Alors  je  vis  la  chauve-souris  —  porter  ce  monde-ci  et  l'autre 
monde,  —  et  encore  disait  la  pauvre  souris  —  qu'elle  n'avait  pas 
assez  de  sa  charge. 

Alors  je  vis  le  roitelet,  —  dont  les  gens  disent  qu'il  n'est  pas  petit, 
—  qui  grattait  avec  ses  ongles,  —essayant  de  jeter  Tréguier  en  Goëlo. 

Alors  je  vis  sur  le  clocher  de  Runan  —  le  mâle-merle  couvrir  le 
corbeau,  —  et  la  queue  de  la  pie  sur  la  ronce  :  —  voilà  finie  ma 
chanson. 


206  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


Le  peuple  ne  déleste  pas  qu'on  lui  laisse,  comme  à  un  lec- 
teur délicat,  quelque  chose  à  deviner  dans  ce  qu'on  lui  ra- 
conte :  l'allégorie  ouvre  l'horizon  à  chacun  selon  sa  vue.  De 
là  le  grand  nombre  des  proverbes  et  des  sous-entendus  dans 
la  conversation  du  peuple.  C'est  pour  cela  encore  que  les  ber- 
ceuses mêmes  sont  des  allégories  la  plupart  du  temps,  et 
quelquefois  des  paradoxes  sur  les  bêles.  En  voilà  un  ou  deux 
exemples. 


GWERZ   ET    SONN  207 


BERCEUSE  ET  JEU 

Chu  !  c'hu!  digotin, 

Da  Lanhuon  da  wit  gwin, 

Da  wit  gwin  ha  bara  mad 

Da  Lomik  bihan  zo  potr  mad 

Ha    d'he   vammier    ha     d'he    dad. 


BERCEUSE  ET  JEU 

Hue  !  hue  !  digolin  (?)  —  (allons)  à  Lannion  chercher  du  vin,  — 
chercher  du  vin  et  de  bon  pain  —  pour  petit  Guillaume  qui  est  bon 
enfant  (le  chén)  —  à  sa  petite  mère  et  à  son  père. 


Le  digotin  se  rapporte  plutôt,  comme  le  pater  tioster,  aux 
enfants  en  bas  âge,  que  Ton  fait  sauter  sur  les  genoux,  dans 
la  cadence  d'une  marche  lente  ou  sur  une  allure  précipitée  : 
pas  ou  galop,  d'une  irréprochable  régularité. 

Da  Lanhuon  (à  Lannion),  ainsi  que  la  terminaison  m  de 
digotin  :  voilà  des  indices  certains  d'une  origine  Irécorroise. 
Pour  le  nom,  Lomik^  lannik,  Ivonik,  il  n'est  pas  obligatoire  : 
c'est  toujours,  (avec  le  diminutif  ik),  celui  de  l'enfant  qu'on 
amuse  ou  qu'on  endort: 

En  raison  même  dés  longues  et  des  brèves  (pardon  :  des 
noires  et  des  croches^)  dont  est  composée  la  mélodie,  il  est 
facile  de  comprendre  qu'elle  s'adapte  à  un  jeu  plutôt  qu'à  une 
berceuse.  Le  rythme  en  est  pourtant  d'une  telle  simplicité,  que 

1.  Cette  erreur  m'échappe,  au  souvenir  de  la  concordance  que  j'ai  signalée 
(p;  19  et  9Uiv.)  dans  la  métrique  entre  la  musique  et  la  poésie.  Un  temps  fut, 
syllabe  longue  et  noirs,  ce  devait  être  tout  un,  comme  croche  et  syllabe  brève, 
pour  le  vrai  barde  qui  improvisait  ù  la  fois  l'uir  et  la  chanson. 


208  CHANSONS  ET   DANSES    DES    BRETONS 

la  berceuse  —  au  sens  strictement  primitif  —  en  fait  un  assez 
fréquent  usage,  avec  n'importe  quelles  paroles,  paroles  de 
rime  plutôt  que  de  raison. 

Mais  cet  air,  pour  être  convenable  aux  paroles  dont  il  est 
accompagné,  ne  saurait  être  propre  à  elles  seules,  hedtgotin 
peut  en  contenir  d'autres;  je  ne  connais  que  ces  cinq  vers.  Une 
mélodie  n*a  jamais  été  composée  pour  un  seul  couplet. 


GWERZ    ET    SONN  209 


PATER   NOSTER 


Paler  noster,  dibi  doub, 
'Man  ma  c'has  o  nean  i^toup  ; 

Ha  mac''hi  warlein  an  ti 
Oc'h  ozan  boued  d'ann  ouidi  ; 

Ann  ouidi  dorn  ha  dorn 
0  kas  toaz  d'arin  ti-forn  ; 

Ar  c'hoele  braz  gand  he  ^orn 

0    lakat    'nhe  -  /o     'barz   ar   foi  n 

Ar  blei  bihan  gand  he  lost 
0  lakat  an-he  tost  ha  tost; 

Ann  hini  goz  'kreiz  ann  hent 
0  krial  fors  war  he  dent  ; 

Ar  potr  koz  tost  d'ann  tan 
0  c'houl  para  vo  da  goan  : 


PATER  NOSTER 

Paler  noster,  dibi  doub  (?)  —  mon  chat  est  à  filer  de  l'étoupe  ; 

Et  mon  chien,  sur  le  faite  de  la  maison,   —    (est)   à   préparer  le 
manger  aux  canards; 

Les  canards,  la  main  dans  la  main,  —  à  porter  la  pâte  dans  la  mai- 
son de  four  ; 

Le   grand  taureau  ,  avec    sa    corne ,  —    à   les   mettre  dans    le 
four; 

Le  petit  loup,    avec   sa  queue,  —  à  les   mettre  l'un  auprès  de 
l'autre  ; 

La  vieille,  au  milieu  du  chemin,  —  à  crier  miséricorde  (à  la  force, 
au'  secours)  sur  ses  dents  ; 

Le  vieux,    près    du  feu,   —  à  demander  ce  qu'il  y  aura   pour 
dîner  : 

14 


210  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

—  loclik  du... 

Ha  hac'hado  en  daou-du  ; 

lodik  kerch... 

Habac'hado  war-he-lerc'h.  — 


«  De  la  bouillie  de  blé  noir...  et"  des  coups  de  bâton  des 
deux  côtés;  —  de  la  bouillie  d'avoine....  et  des  coups  de  bâton 
ensuite.  » 


Pater  noster\..  Ces  premières  paroles  de  1'  «  oraison  domi- 
nicale »,  suivies  d'un  récit  paradoxal  sur  les  bêtes,  indiquent 
assez  l'âge  des  enfants  qu'on  apaise  avec  cette  berceuse.  Déjà 
on  les  habitue  aux  prières;  mais  c'est  encore  à  peine  s'ils 
articulent  les  vocables  d'un  usage  primitif;  et  force  est  aux 
parents,  pour  endormir  ou  calmer  ces  petites  gens  irritables, 
de  les  distraire  et  d'attirer  leur  attention  par  une  fantaisie  où 
se  trouvent  mêlés  les  animaux  familiers. 

Quand  ce  n'est  pas  une  berceuse,  le  pater  noster  devient  un 
jeu.  On  balance  sur  les  bras  ou  sur  les  genoux  l'enfant,  qui 
rit,  s'attendant  à  quelque  bon  tour  de  la  fin.  A  ces  mois,  iodik 
rfw,  la  mélopée  est  soudain  interrompue;  et  l'on  prononce 
vivement,  sur  un  ton  de  courroux  :  ha  hac'hado  en  daoïi  du, 
avec  un  simulacre  de  coups  de  bâton.  De  même,  pour  iodik 
kerc'h... 

La  mélopée  de  ce  Pater  est  d'une  extrême  simplicité  ;  c'est 
lent  et  doux,  mais  rigoureusement  scandé;  quelquefois,  un 
récitatif  rec^o-/o/io,  qu'on  figurerait  avec  des  notes  exactement 
semblables,  comme  un  «  morceau  de  grosse-caisse  »  dans  une 
partition. 

1.  V.  plus  haut,  p.  43. 


GWEHZ    ET    S(»NN  21  { 


BERCEUSE  ET  RONDE 


Tioïk  meo  (mezo), 
Bara  lez; 
'Nn  hini  goueo 
C'haï  e-mez. 

Et  mieux,  en  un  seul  distique  : 

Troïk  meo,  bara  lez  ; 

'Nn  hini  goueo  c'haï  e-mez. 

Troïk  meo,  boudig  glaz  ; 
'Nn  hini  sello  dreist  ar  vaz, 

'Nn  hini  sello  dreist  he  skoa, 
A  vo  ruillet  gand  ar  oa  ; 

'Nn  hini  sello  dreist  he  gein, 
A  vo  ruillet  grand  ar  vein... 


BERCEUSE   ET  RONDE 


Petite  ronde  ivre,  — pam  au  lait;  —  celui  qui  tombera,  —  ira 
dehors. 


Petite  ronde  ivre,  petite  branche  verte  ;  —  celui  qui  regardera  par- 
dessus le  bâton, 

Celui  qui  regardera  par-dessus   son   épaule,  —    sera  roulé  par 
l'oie; 

Celui  qui  regarda  par-dessus  son  dos,  —  sera  roulé  avec  les  pierres 
(à  coups  de  pierre,  lapidé).... 


212  CHANSONS  ET  DANSES    DES    BRETONS 


Comme  on  dit,  la  chanson  a  quatre-vingt-dix-neuf  couplets  ; 
chacun  peut  y  ajouter  le  sien.  Ces  trois  ou  quatre  sont  usités 
partout. 

C'est  une  des  premières  rondes  enfantines.  Les  allusions  à 
la  branche  verte^  au  bâton^  à  Voie,  sont-elles  les  réminiscences 
de  certains  jeux  antiques,  de  pratiques  tombées  en  désuétude? 
Durant  la  ronde,  il  n'est  pas  un  des  petits  danseurs  qui  ne 
retourne  furtivement  la  tête,  craignant  Voie  ouïes  pierres  dont 
il  est  menacé  :  comme  on  «  ne  voit  rien  venir  »,  chacun 
rit  de  sa  propre  peur.  Et  de  recommencer. 

Une  preuve  irréfutable  que  cette  ronde  ne  date  pas  d'hier 
seulement,  c'est  que  certains  couplets  ont  la  rime  double, 
intérieure  et  finale,  chère  aux  bardes  du  breton-moyen  ; 

Troïk  meo,  bara  lez,  ; 

Nn  hini  goneo,  c'hai  emez. 

Troïk  meo,  bondig  glaz; 
Nn  hini  sello  dreist  ar  vaz... 

Ce  qui  n'empêche  pas  la  chanson,  d'un  usage  si  fréquent 
de  nos  jours,  d'être  chantée  dans  un  dialecte  moderne. 

La  mélodie  est  celle  du  pater  iiosler,  sur  une  cadence  à 
peine  plus  rapide;  c'est  un  andanlino^  quand  elle  sert  de 
berceuse;  lorsqu'elle  devient  une  ronde,  le  mouvement  est 
andante. 


GWERZ    ET    SONN  213 


RONDE  ET  JEU 


Barzig  ha  barzig  a  Goneri, 

Ari  e  mab  ar  roue  gand  daou  pe  dri, 

Gand  eur  bagad  a  bichoned 

Ru  ha  gwenn  ha  violet. 


Petit  barde  et  petit  barde  de  Conéri,  —  le  fils  du  roi  est  arrivé 
avec  deux  ou  trois,  —  avec  une  bande  de  pigeons  —  rouges  et  blancs 
et  violets. 

On  tourne  cette  ronde  autour  de  deux  compères  (ou  deux 
commères),  qui  se  tiennent  debout,  immobiles,  les  mains 
dans  les  mains.  Ceux-là  sont  deux  juges,  ou  deux  gendarmes, 
ou  deux  ravisseurs,...  tirés  au  sort.  Le  couplet  fini,  ils  se 
précipitent  sur  un  danseur,  à  leur  choix,  ou  sur  chacun  à 
tour  de  rôle;  ils  le  saisissent,  en  s'écriant  : 

«  Pe  gand  al  loar,  pe  gand  ar  stered?  —  Ou  avec  la  lune, 
ou  avec  les  étoiles?  » 

Suivant  la  réponse,  on  est  envoyé  aux  étoiles,  ou  à  la  lune  : 
les  deux  séjours,  (plutôt,  les  deux  lieux  d'attente)  sont  distincts, 
en  deux  coins  de  la  place. 

A  chaque  tour,  la  ronde  diminue  d'un  danseur  ;  quand  le 
cercle  est  devenu  trop  étroit,  les  derniers  sont  exécutés 
sommairement.  Alors  les  deux  juges  décident,  suivant  leur 
bon  plaisir,  où  sera  le  ciel,  et  où  Tenfer.  Ils  se  tournent  vers 
l'un  de  ces  campements,  dont  ils  acclament  les  détenus  : 

«  Baradoz!  baradoz!  —  Paradis!...  » 

Puis,  tous  ceux-là  ensemble,  justiciers  et  affranchis,  courent 
sus  aux  malheureux,  parqués  à  l'autre  bout  : 

((  Ifernio!  ifernio  !  — Enfers!...  » 


214  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

C'est  un  affreux  vacarme.  —  Quelquefois,  le  purgatoire 
prend  la  place  de  l'enfer  ou  celle  du  paradis. 

Je  ne  connais  de  cette  chanson  qu'un  couplet,  comme  du 
digotin. 

C'est  le  même  thème  mélodique  que  pourle  joa^er;  mais  le 
mouvement  est  allegro.  (Y.  plus  haut,  p.  44). 

Ce  n'est  pas  le  seul  chant  qui  soit  approprié  à  ce  jeu  symbo- 
lique; mais  c'est  celui  dont  je  me  suis  le  mieux  souvenu.  Et 
dans  ce  divertissement,  qui  ne  reconnaît  le  «  jugement  des 
âmes  »  ? 


C.WERZ   ET    SONN  2{ù 

TRO 

[Kentel  '   genta) 


Plac'hig  euz  ann  Douar-Newe 
Ladira  la  la  la  la  la 
Plac'hig  euz  ann  Douar-Newe, 
Hag  en  e  brao  bean  aze  ? 

—  Braoïg'  awalc'h  en  em  gavfenn 
Ladira. . . 

Braoig  awalc'h  en  em  gavfenn, 
M'vije  gan-in  'nn  hini  garjenn. 

—  'Man  hoc'h  hini  war  ann  dachen, 
Taped  ho  tornik  war  he  benn, 

—  'Man  ket  ma  hini  'barz  ar  vro, 
Gant  sort  azo  me  dremeno . 

1.  Kentel  —  leçon,  lecture,  version. 

2.  Brao  —  beau;  le  diminutif  braoïk  est  intraduisible. 


RONDE 
{Première  version) 

Jeune  fille  de  la  Terre-Neuve  —  ladira  la  la   la  la  la  —  jeune  fille 
de  la  Terre-Neuve,  —  est-ce  qu'il  fait  bon  être  là  ? 

—  Je  me  trouverais  assez  bien  —  ladira...  —  je  me  trouverais 
assez  bien,  —  si  j'avais  avec  moi  celui  que  je  voudrais. 

—  Votre  •  ami  est  sur  la  place,  —  mettez  votre  petite  main  sur  sa 
tête. 

—  Mon  ami  n'est  pas  dans  le  pays  ;  —  avec  ce  qu'il  y  a  je  me  con- 
tenterai. 

i.  Hocli  hini  :  m.  à  m.,  le  vôtre.  C'est  ainsi  qu'en  français  on  dit,  dans  le 
style  très  familier  :  «  Chacun  avec  sa  chacune.  » 


216  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

—  Aman  zo  eunn  torkad  dizorc'hen, 
Kemer  unan  war  ann  dorchen. 

—  Huel  ann  heol  e  beg  ar  gwe  : 
Roed  d'in  eur  pok  en  amitié. 

—  G'houi  'po  unan  ha  daou,  ma  ve, 
Ha  keit  ma  bado  bon  bue. 


—  Il  y  a  ici  un  groupe  de  sans-souci,  —  prenez- en  un  sur  le 
coussinet. 

—  Le  soleil  est  haut  au  sommet  (au-dessus)  des  arbres  :  —  donnez- 
moi  un  baiser  d'amitié. 

—  Vous  en  aurez  un,  et  deux,  s'il  faut,  —  et  tant  que  durera  notre 
vie.  » 


GWKRZ    ET    SONN  217 

TRO 

(EU  kenlel) 


Plac'hig  euz  ann  Douar-Newe 
Ladira  la  la  la  la  la 
Plac'hig  euz  ann  Douar-Newe, 
Hag  en  e  brao  bean  aze? 

—  Madik  madig  *  en  em  gavan, 
Ma  ve  gan-in  'nn  hini  garan. 

—  Choazed  ha  kemered  ho  c'hoant  : 
Bean  zo  eunn  torkad  reo  goant  ; 

Med  bean  zo  'nn  torkad  dizorc'hen, 
Hag  ho  dispartia  vo  red. 

Med  kent  evid  en  em  gouitat, 
Vo  red  pokat  a  galon  vad  ; 


1.  Madik-madik,  double  positif,  qui  équivaut  au  superlatif  :  impossible  de 
l'exprimer,  à  cause  du  diminutif  ik.  (V.  hraoïk  dans  la  version  précédente.) 


RONDE 
{Seconde  version) 

Jeune  fille  de  la  Terre-Neuve  —  ladira  la  la  la  la  la  —  jeune  fille 
de  la  Terre  Neuve,  —  est-ce  qu'il  fait  beau  être  là? 

-  -  Assez  bien,  assez  bien  je  me  trouve  :  —  (surtout)  si  j'avais  avec 
moi  celui  que  j'aime. 

—  Choisissez  et  prenez  votre  désir  :  —  il  y   en  a   un  groupe  de 
charmants  ; 

Mais  il  y  a  un  groupe  de  sans-souci,  —  et  il  faudra  les  séparer. 

Mais  avant  de  se  quitter,  —  il  faudra  s'embrasser  de  bon  cœur; 


2i8  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Vo  red  pokat  a  galon  vad  : 
Eur  pokik  d'ehi  a  galon  vad  ; 

Eur  pokik  d'ehi  a  c'hiz  newe, 
Ha  lezd  *  hi  eno  goude-ze 

Chantés  par  Perrine  Hélo,  couturière,  pt  Katel  Le  Meijb,  blanchisseuse, 
de  La  Roche-Derrien. 

1.  Lezd,  par  contraction,  pour  lezed. 


Il  faudra  s'embrasser  de  bon  cœur  :  —  un  petit  baiser  pour  elle  de 
bon  cœur  ; 

Un  petit  baiser  pour  elle  à  la  mode  nouvelle,  —  et  laissez-la  à  sa 
place  après  cela. 


Ce  n'est  plus  une  ro7ide  d'enfanls,  mais  de  filles  [plac'hik) 
et  de  garçons  déjà  grands.  Ello  se  fait  autour  d'une  jeune 
fille,  qui  doit  être  assise,  au  milieu,  sous  un  coussinet  [ann 
dorchen).  Faute  de  coussinet,  elle  restera  debout,  naturelle- 
ment. 

Invitée  à  prendre  un  cavalier  —  Keiner  mian...  — ,  elle  se 
lève  et  provoque  un  court  arrêt  dans  la  ronde,  le  temps  d'em- 
brasser le  danseur  qu'elle  a  choisi.  Le  couple  se  place  au 
centre,  à  moins  que  la  fille  elle-même  n'entre  dans  le  rang, 
pendant  que  s'achève  la  chanson.  Et  puis,  au  tour  de  la  jeune 
fille  suivante. 

Rigoureusement,  cette  danse  est  réservée  aux  jeunes  gens. 
Mais  il  est  fait  plus  d'une  contravention  à  cette  règle,  et  des 
personnes  mariées  se  livrent  parfois  au  même  jeu  :  dans  ce 
cas,  il  est  interdit  à  la  femme  de  rechercher  dans  la  danse  et 
d'embrasser  son  mari  ;  si  cela  arrive,  sans  doute  par  mégarde, 
c'est  l'occasion  d'un  scandale  bruyant. 


GWRRZ    ET    SONN  2i9 

Souvent  un  jeune  homme  se  trouve  au  milieu  du  cercle 
chorégraphique,  à  la  place  d'une  jeune  fille  ;  c'est  en  contra- 
diction avec  l'usage  général,  et  c'est  même  un  contre-sens  : 

Ptnc'fiifi  euz  dnn  Douar-Newe. 

Pourquoi  une  «  fille  de  Terre-Neuve  »  ?  Hasardons  un  com- 
mentaire. Cette  chanson,  dont  les  variantes  ne  se  comptent 
pas,  est  connue  dans  tout  le  pays  de  Tréguier,  aussi  bien  dans 
le  Goëlo.  On  sait  combien  la  pêche  de  la  morue,  àTerre-Neuve 
et  en  Islande,  attire  les  gens  de  ces  parages.  Quelque  Terre- 
Netivienne  qui  aura  suivi  en  Bretagne  un  galant  pêcheur,  a-t- 
elle  laissé  son  nom  dans  ce  divertissement  ?  Est-ce  plutôt  une 
Trécorroise,  éprise  d'un  Terre-Neuvirn  et  malheureuse  de  son 
départ?  Ce  mot  de  Terre-Neuve  est  si  courant  le  long  de  la 
côte,  qu'il  aura  bien  pu,  même  sans  aucune  de  ces  raisons, 
pénétrer  dans  un  sonn  de  danse,  où  les  idées  ne  sont  pas  de 
rigueur,  les  mots  appelant  les  mots  et  rien  ne  tirant  à  sérieuse 
conséquence.  D'ailleurs,  il  devient  impossible,  la  plupart  du 
temps,  de  découvrir  sous  quels  prétextes  tel  ou  tel  autre  nom 
propre  est  entré  dans  une  tradition  populaire. 

Quant  à  l'air  de  cette  ronde,  il  en  a  été  déjà  question  suffi- 
samment (v.  p.  44). 


220  CHANSONS    ET  DANSES   DES    BRETONS 


ANN   ANDOUILLEN 

Ann  oirou  Person  en  deuz  c'hoantet 
Eunn  andouillen  bet  er  moged. 

Diskan.  —  Hop  !  hop  !  hop  !  n'e  ket  gwir  ann  dra-ze 
0  ieou  da,  gwir  'walc'h  e  voa. 

Kaset  ar  vatez  prontamant 

Da  c'houl  andouillen  'vid  argant. 

Pa  oa  poazet  ha  poazet  m  ad, 
E  oa  digeset  war  ar  plad  ; 

Pa  oa  rannet  dre  ann  anler 
N'e  bade  den  digand  ar  flaer. 

Pa  oa  deut  pask  en  amzer  vad, 
Annaïg  ar  Rouz  da  govesat  : 


L'ANDOUILLE 

M.  le  Recteur  a  eu  envie  —   d'une    andouille  qui   a  été  dans  la 
fumée. 

Refrain.  —  Hop!  hop  !  hop!  ce  nest  pas  vrai,  cette  affaire-là. 
—  Ho!  oui,  par  exemple  :  c'était  assez  vrai. 

(Fut)  envoyée  la  servante  promptement  —  demander  une  andouille 
pour  de  l'argent. 

Quand  elle  fut  cuite  et  cuite  à  point,  —  elle  fut  apportée  sur  le 
plat; 

Quand  elle  fut  coupée  par  la  moitié,  —  n'(en)  pouvait  personne  sup- 
porter la  puanteur. 

Lorsque  fut  venu  Pâques,  à  la  belle  saison,  —  Annaïc  le  Roux 
(d'aller)  à  confesse  ; 


GWERZ    ET    SONN  221 


—  G'houi  n'a  po  ket  ann  absolven 
Abalamour  d'hoc'h  andouillen. 

—  Otrou  Person,  c'houi  a  sonj  d'hoc'h, 
Di-me  koust  arganl  ma  fe-moc'h; 

Di-me  koust  argant  ma  fe-moc'h  : 
Renkan  gwerza  stripo  ha  koc'h.  — 


Entendu  à  Plevben. 


«  Vous  n'aurez  pas  l'absolution,  —  à  cause  de  voire  andouille.  — 

—  M.  le  Recteur,  vous  vous  imaginez  :  —  à  moi  me  coûte  de  l'ar- 
gent mon  cochon  ; 

A  moi  me  coûte  de  l'argent  mon  cochon  :  —  il  faut  que  je  le  vende, 
tripes  et  m... (/e  reste.)  » 


Pour  UQ  pays  qu'on  a  coutume  de  considérer  sous  un  jour 
triste,  voilà  du  rire  pourtant.  On  le  voit  même,  la  grivoiserie 
n'est  pas  en  horreur  chez  les  Bretons.  Que  nous  sommes  loin 
des  allégories  sentimentales  !  Le  plus  gros  sel  ici  fait  la  meil- 
leure plaisanterie. 

La  mélodie  de  ann  Aniouillen  est  un  air  de  danse  tout  à 
fait  accentué. 


222  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


ANN   HINI  GOZ 

Biskan.  —  Ann  hini  goz  eo  ma  dous, 
Ann  hini  goz  eo  zur. 

Na  koulskoude,  war  a  welan, 
Ann  hini  iaouang  ar  vraoan. 

Ann  hini  iaouang  a  zo  koanl, 
Ann  hini  goz  e  deuz  arc'hant. 

Ann  hini  goz  am  c'hondu  mad, 
Ann  hini  goz  a  zo  d*am  grad. 

Ha  koulskoude  ebarz  e  ker 
Ann  hini  iaouang  a  garer. 

Ann  hini  iaouank  zo  ken  sonn, 
Ann  hini  goz  eunn  tammik  krora. 

Ann  hini  iaouank  zo  lijer, 
Ann  hini  goz  a  zo  pounner. 


LA  VIEILLE 

Refrain.  —  C'est  la  vieille  qui  est  ma  douce,  —  c'est  la  vieille  qui 
l'est,  assurément. 

Et    cependant,  daprès  ce  que  je  vois,  —  la  jeune   est  la   plus 
belle. 

La  jeune  est  charmante,  —  la  vieille  a  de  l'argent. 

La  vieille  me  conduit  bien  (avec  elle  je  marche  bien),  —  la  vieille 
est  de  nia  convenance. 

El  cependant  en  ville  —  c'est  la  jeune  qu'on  aime. 

La  jeune  est  si  droite  ;  —  la  vieille,  un  petit  peu  voûtée. 

La  jeune  est  légère,  —  la  vieille  est  lourdaude. 


fiWERz  i:r  soNN  223 


Ann  liini  ^a)z  en  dcuz  bleo  ywenr., 
Ann  hini  iuouank  bleoinelen. 

Ann  hini  goi  liou  laden  zec'li, 
Ann  hini  iaouank  liou  ann  erc'h  ; 

Liou  ann  erc'h  eo  hag  hi  ken  ien, 
N'a  ra  koz  ha  n'a  sell  ouz  den. 

Ha  koulskoude  n'ouzonn  perak 
Mac'halon  roitik-tak  tik-tak; 

Tik-tag  a  ra  ma  c'halon  baour 

Pa  c'han  da  skei  war  doul  ann  nor, 

Tec'h  alèse,  tec'h  kuit,  tec'h  pell  : 
Ann  hini  goz  a  zo  kanl  gwel  ; 

Ann  hini  goz  a  zo  kant  gwell, 
N'a  ra  kettaillo  demezel. 

Demezelled  na  reont  bepred 
Nemet  tfoab  euz  ar  Vretoned. 


La  vieille  a  des  cheveux  blancs  ;  —  la  jeune,  cheveux  blonds. 

La  vieille  a  le  teint  de  fougère  sèche  ;  —  la  jeune,  teint  de  neige  ; 

Teint  de  neige,  et  elle  si  froide,  —  qui  n'a  ni  causerie,   ni  regard 
pour  personne  ; 

Et  cependant,  je  ne  sais  pourquoi  —  mon  cœur  fait  tic-tac,  tic-tac. 

Tic -tac  fait  mon  pauvre  bdelii»,  —  quand  je  vais  frapper  au  seuil 
de  sa  porte... 

Retire-toi  de  là,  va-t'en,  va-t'en  au  loin  I  |—  La  vieille  est  cent 
fois  meilleure  ; 

La  vieille  est  cent  fois  hieilleure,  -  et  elle  ne  (se)  fait  pas  une 
taille  de  demoiselle. 

Les  demoiselles  ne  font  tout  le   temps  —   que   se   moquer  des 
Bretons. 


224  CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 

Ma  daolan  dorn  war  benn  he  ylin, 
Ann  hini  goz  a  c'hoarz  ouz-in. 

Ann  hini  goz  zo  Bretonez, 
Ann  hini  iaouank  zo  Gallez. 

Fae  eo  gan-in  gand  ar  Gall  biein, 

Gant  kroc'hen  ann  diaoul  war  he  geign  ! 

Fae  eo  gan-in  gand  ar  C'hallez, 
Gand  he  lero  en  he  botez  ! 

Mar  komzed  a  briedelez, 
Komzed  d'in  euz  ar  Vrelonez. 

Na  lakfenn  van,  pa  ve  laret 
Eo  ar  Vretonez  groac'hellet; 

Evil-han  da  vont  groac'hellet, 
Eunn  aval  blaz  fall  n'en  deuz  kel. 

Bezet  droug  gant  neb  a  garo  : 
Troc'het  ann  ed,  dornet  a  vo; 


Si  je  pose  la  main  sur  son  genou,  —  la  vieille  sourit  vers  moi. 

La  vieille  est  Bretonne,  —  la  jeune  est  Gallaise. 

Je  fais  fi  du  Gallo  pourri  —  avec   (la)  peau  du  diable  sur  son 
dos; 

Je  fais  fi  de  la  Gallaise  —  avec  ses  bas  dans  sa  chaussure  I 

Si  vous  parlez  de  mariage,  —  parlez-moi  de  la  Bretonne. 

Je  n'en  ferais  pas  de  cas,  quand  même  on  dirait  —  que  la  Bretonne 
tire  à  la  vieillesse  : 

Bien  qu'elle  soit  ridée,  —  une  pomme  (n'en)  a  pas  (plus)  mauvais 
goût. 

S'en  fâchera  qui  voudra  :  —  le  blé  est  coupé,  il  sera  battu  ; 


GWERZ    ET    SONN  225 


Bezet  droug  gant  neb  a  garo, 
Ma  dous  ha  me  m'eureujo. 

Ni,  gousko  en  eur  gwele  kloz, 
War  ar  pel  fresk,  bemnoz,  bemnoz  ; 

Na  pa  ve  ken  koz  hag  ar  bed, 
Gan-in  a  vezo  gwalennet. 


S'en  fâchera  qui  voudra  :  —  ma  douce  et  moi,  nous  nous  marierons. 

Nous  coucherons  dans  un  lit  clos  —  sur  la  balle  fraîche,  toutes  les 
nuits,  toutes  les  nuits; 

Et  quand  même  elle  serait  aussi  vieille  que  le  monde,  —  c'est  moi 
qui  lui  passerai  l'anneau. 


J'ai  expliqué  (v.  p.  12)  pourquoi  les  5omî  ne  réussissent  pas 
toujours  à  se  répandre  en  dehors  du  dialecte  natal,  c'est-à-dire, 
en  raison  de  leur  défaut  d'observation  générale.  Mais  il  en 
est  un  que  les  Bas-Bretons  connaissent  universellement  ;  c'est 
comme  leur  chant  national,  cet  ami  hini  goz  dont  on  parle 
autant  que  du  pays  même  et  qu'on  a  traîné  jusque  sur  des 
théâtres  parisiens.  Bien  qu'il  s'agisse  de  la  question  séculaire 
des  deux  Brelagnes,  le  patriotisme  ni  les  armes  n'ont  rien  à 
voir  dans  cette  dispute  au  sujet  de  la  jeune  et  de  la  vieille, 
dans  cette  préférence  à  jeter  à  la  Gallaise'  ou  à  garder  pour 
la  Bretonne.  Entre  vingt  variantes,  embarrassées  de  loca- 
iismes,  qui  changent  avec  les  endroits  et  dont  la  portée  est 
nulle  pour  la  plupart,  —  comme  ann  hini  goz  deiiz  a  Bem- 
poul,  —  j'ai  choisi  une  version,  qui  m'a  paru  satisfaisante, 
de  ce  sonn  traditionnel  de  la  Basse-Bretagne. 

C'est  donc  une  manière  d'allégorie  encore  que  tann  hini 
goz;  c'est  sous  cette  forme,  a-t-on  prétendu,  que  disparais- 


1.  Orthographe  à  lu  française  du  mot  breton  Gallez,  féminia  de  Gall,  —  Gallo, 
ou  Haut-Breton  —. 

<5 


226  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

sent  les  littératures  orales  et  populaires,  de  même  que  les  lit- 
tératures classiques  s'éteignent  dans  l'afleterie.  Ce  qui  est 
certain,  c'est  que  tous  les  sentiments  du  cœur  humain,  sinon 
toutes  les  formes  littéraires,  encore  dans  leur  spontanéité, 
trouvent  leur  expression  dans  la  poésie  du  peuple  ;  on  en 
dirait  autant  de  ce  qu'en  philosophie  l'on  appelle  les  idées 
générales  :  les  mêmes  notions  sont  répandues  en  tous  lieux, 
et  à  peu  près  les  mêmes  légendes,  qui  font  une  sorte  de  com- 
mun héritage  dont  chaque  race  a  tiré  la  part  qui  convenait  le 
mieux  à  son  génie  particulier  (Voy.  p.  9). 

Certes,  il  y  a  des  chansons  pour  ainsi  dire  nomades,  et  il  y 
a  partout  des  légendes  d'importation  :  et  c'est  ainsi  sans  doute 
que  j'ai  entendu  en  Basse-Bretagne,  sur  l'air  tout  à  fait  local 
de  Ker-Is,  un  fragment  de  la  vie  de  saint  Julien  l'Hospitalier. 


GWERZ  ET  CHANTS  RELIGIEUX 


GWERZ    SANT    KADO 

A  bell  a  zo  me  'm  a  dezir 
Da  diskleria  ar  pez  zo  gwir, 
Trei  ar  galieg  en  brezonek  * 
Eur  c'hantik  ker  am  euz  kavet 

Klewet  ac'h  euz  komz  dre  ar  vro 
Demeuz  ann  otro  sant  Kado? 
He  viraklo  nag  he  vue 
N'ac'h  eU|Z  klewet  biskoaz  an-he. 

E  Ragoustand  e  oa  ganet 
Ha  Raouach  e  oa  hanvet  ; 
He  vamni  a  oa  Lorans  Konslans, 
Merc'h  d'eur  roue  braz  a  Irland. 

1.  Un  seul  chanteur  m'a  dit  ce  premier  couplet;  les  autres  débutaient  tou- 
jours par  le  suivant  —  Klewet  ac'h  euz... — 


COMPLAINTE  DE   SAINT   CADOC 

Depuis  longtemps  j'avais  désir  —  de  révéler  ce  qui  est    vrai, —  de 
tourner  du  français  en  breton  — un  beau  cantique  que  j'ai  trouvé. 

Avez-vous  entendu  parler  par  le  pays  —  du  seigneur  saint  Cadoc? 
—  Ses  miracles  ni  sa  vie,  —  vous  n'avez  entendu  jamais  en  (parler). 

A  Ragoustant  il  était  né —  et  Raourach  il  avait  été  appelé;  —  sa 
mère  était  Laurence  Constance,  —  fille  d'un  grand  roi  d'Irlande. 


228  CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 

Eunn  ermid  e  oa  tost  d'ar  vro, 
Lec'h  m'a  oa  ganet  sant  Kado, 
Deuaz  d'hen  goul  da  vadein, 
Hag  he  dad  prest  da  gonsantin, 

Enostant  ma  oant  païaned, 
Med  Doue  en  euz  permetet. 

Ann  ermid  a  gas  an-ehan 
Eunn  dewez  da  wit  tan  d'ehan 
Da  lochen  ar  bastored 
Elec'h  oant  o  vesa  ann  denved  ; 

Ar  pastor  kri  o  laret  d'ehan 
Na  roje  ket  a  dan  d'ehan, 
Nemed  hen  lakat  a  raje 
De  vonet  gant-han  n'  he  jave  ; 

Sant  Kado  dre  umilite 
A  hikaz  glaou  en  he  jave 
Ewit  kasd'he  vestr  ann  ermit, 
Hep  poan  d'he  gorf  na  d'he  abit  ; 


Un  ermite  qui  était  près  du  pays — où  était  né  saint  Cadoc,  —  vint 
demander  à  le  baptiser,  —  et  son  père  (était)  prêt  à  y  consentir, 

Bien  qu'ils  (les  parents)  fussent  des  païens  ;  —  mais  Dieu  l'a  per- 
mis '. 

L'ermite  l'envoie  —  un  jour  chercher  du  feu  pour  lui  —  à  la  ca- 
bane des  pâtres,  —  où  ils  étaient  à  paître  les  moutons  ; 

L'homme  cruel  de  lui  dire  —  qu'il  ne  lui  donnerait  pas  du  feu 
—  à  moins  qu'il  ne  le  mît  —  pour  l'emporter  dans  son  giron  ; 

Saint  Cadoc  par  humilité  —  mit  des  charbons  dans  son  giron  — 
pour  (les)  porter  à  son  maître  l'ermite,  —  sans  dommage  pour  son 
corps  ni  son  habit  : 

l.  Un  distique  pour  un  quatrain.  Ce  gvoerz  est  très  nautile;  je  n'en  ai  pas 
trouvé  une  version  plus  complète. 


GWERZ    ET    CHANTS   RELIGIEUX  229 

Neuze  oe  hanvet  eur  zorser, 
Eur  majisian,  eunn  tromper  ; 
Ar  mestr-pastor  a  lell  d'ehan 
Mond  'n  he  ermitach  d'hen  lazan  ; 

En  ermitach  p'int  ariet, 
Dal  war  ar  plas  int  bet  rentet, 
Ha  mantret  ho  oll  izili, 
Na  ellent  mui  bo  remuin; 

Sant  Kado  dre  gompasion 

Ouz  ho  c'hlewet  o  c'houl  pardon. 

A  c'heaz  en  orezon  fervant 

Hag  ho  greaz  iac'h  en  eunn  instant 

P'oa  ari  sant  Kado  en  oad, 
A  fellaz  d'he  vamm  ha  d'he  dad 
Hen  lakaet  da  gomandin 
War  ann  armeo  ha  d'ho  reglin  ; 

Mes  sant  Kado  na  c'houle  ket 
Kombatin  ewit  treo  ar  bed  : 
'Barz  ann  dezert  en  em  rentaz 
Ha  sant  Gouard  hen  saludaz, 


Alors  il  fui  appelé  un  sorcier,  — un  magicien,  un  trompeur;  —  au 
maître  —  pâtre  il  prend  une  envie  —  d'aller  à  l'ermitage  pour  le 
tuer; 

A  l'ermilage,  lorsqu'ils  furent  arrivés,  —  dès  que  sur  la  place  ils 
furent  rendus,  —  furent  accablés  tous  leurs  membres  (au  point)  — 
qu'ils  ne  pouvaient  plus  les  remuer; 

Saint  Cadoc,  par  compassion  —  en  les  entendant  demander  pardon, 
—  se  mit  en  oraison  fervente  —  et  les  guérit  en  un  instant. 

Quand  fut  parvenu  saint  Cadoc  en  âge, —  voulurent  sa  mère  et  son 
père  —  le  mettre  à  commander  —  sur  les  armées  et  à  les  conduire  ; 

Mais  saint  Cadoc  ne  voulait  pas  —  combattre  pour  les  choses  du 
monde;  —  dans  le  désert  il  se  rendit,  —  et  saint  Gouard  le  salua  (ou 
bien  il  salua  S.  Gouard). 


230  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

En  plas  de  welet  sant  André 
Oa  eur  mignon  braz  da  Doue 

Sant  Kado  laka  batisan 
War  ar  mor  eur  pond  ar  c'heran, 
War  eur  vrec'h-vor  deuz  ann  Indrez, 
Pini  oe  hauvet  revier  Estez  ; 

Unan  deuz  ann  artizaned 

Gand  ar  re  ail  a  oe  lazet, 

Ha  ma  hen  toljont  en  eur  stank  : 

Pebez  maleur  d'ann  dud  méchant  ! 

Sant  Kado  emez  hen  tennaz, 
Sant  Kado  hen  resusitaz. 
Daouzek  bla  e  oa  bet  eno 
0  resusitan  tud  varo, 

Ouz  ho  c'honvertisan  d'ar  fe 
Hag  0  lenn  ann  awiel  d'he. 


En  place  pour  [ou  simplement  pour)  voir  "saint  André  '  —  qui 
était  un  grand  ami  de  Dieu. 

Saint  Cadoc  fait  bâtir  —  sur  la  mer  un  pont  des  plus  beaux,  — 
sur  un  bras  de  mer  dans  les  Indes,  —  lequel  était  appelé  la  rivière 
d'Eslez ; 

Un  des  ouvriers  —  par  les  autres  fut  tué,  —  et  ils  le  jetèrent  dans  un 
étang.  —  Quel  malheur  pour  les  hommes  méchants! 

Saint  Cadoc  le  tira  dehors,  —  saint  Cadoc  le  ressuscita.  —  Douze 
ans  il  avait  été  là —  à  ressusciter  des  morts, 

A  les  (ces  peuples)  convertir  à  la  foi,  —  et  à  leur  lire  l'évangile. 


\.  Le  texte  est  tout  à  fait  obscur,  a  cause  de  l'ellipse  de   deux  vers,  pro- 
bablement. 


GWERZ    ET    CHANTS    RELIGIEUX  231 

War-dro  'n  anter-noz  eo  kemeret 

Ker  gand  arme  ar  baïaned 

0  vasakrin  ar  gristenien  ; 

Dre  ma  o  c'hevent,  na  vane  den. 

Oa  sant  Kado  en  he  oviz, 
Ec'h  antrejont  'barz  ann  iliz; 
Eur  barbar  kri  ha  digonsianz 
0  treuzin  dre  he  gorf  eul  lans. 

Eunn  neubeut  goude-ze  oe  intérêt 
Gand  eunn  toullad  relijiuzed. 
Ha  m'a  re  miraklo  'n  he  vue, 
A  re  c'hoaz  kalz  mui  goude-ze. 

Chanté  par  Guillaume  Quellien,  âgé  de  soixante-treize  ans,  de  La  Roche. 


Vers  la  mi-nuit  fut  prise  —  la  ville  par  l'armée  des  païens  ;  — 
(ceux-ci)  de  massacrer  les  chrétiens  :  —  à  mesure  qu'ils  les  ren- 
contraient, —  il  n'en  restait  aucun  (envie). 

Saint  Cadoc  était  à  son  office;  — ils  entrèrent  dans  l'église.  —  Un 
barbare  cruel  et  sans  conscience  —  de  lui  traverser  le  corps  avec  une 
lance. 

Un  peu  (de  temps)  après  cela  il  fut  enterré  —  par  (ou  avec)  un 
certain  nombre  de  religieux  ;  —  et  s'il  faisait  des  miracles  en  sa  vie, 
—  il  en  faisait  encore  beaucoup  plus  après  cela. 


Avec  ce  gwerz  religieux  nous  sommes  sur  ia  voie  des 
saints  ;  celui  de  saint  Cadoc  nous  met  absolument  chez  les 
personnages  de  l'émigration  bretonne  en  Armorique. 

Ils  sont  vieux  et  rares  ceux  qui  connaissent  aujourd'hui  ce 
gwerz;  on  ne  le  chante  plus,  autour  des  chapelles  de  saint 
Cadoc,  le  jour  du  pardon.  Le  temps  des  vieilles  cantilènes 


232  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 

historiques  est  fini  ;  c'est  à  présent  le  tour  des  cantiques,  mais 
pas  des  «  beaux  cantiques  »  qu'on  trouvait  dans  la  tradition  ; 
les  nouveaux  sont  des  hymnes  en  l'honneur  du  saint,  une 
mvocation  au  patron  bienheureux,  avec  quelques  conseils 
aux  fidèles  qui  sont  accourus  à  sa  fête.  (Voy.  les  strophes 
extraites  du  guerzen  à  sainte  Tréphine,  p.  31...) 


GWËRZ   ET    CHANTS    RELIGIEUX  233 


JULUANIK 

Juluanig  ann  den  vaillant, 
Ann  hini  a  oa  puisant, 
Savez  eunn  dewez  heure  mad 
'Wit  mond  da  chaseal  d'ar  c'hoat. 

Ebarz  ar  c'hoat  pa  e  n'  ariet, 
Eur  c'harwik  rous  'n  deuz  rankontret 
Eur  c'harv^ik  rous  'n  deuz  rankontret, 
Endro  d'ar  c'hoat  'n  euz  hen  geuliet  : 

—  Ewit  petra  em  c'heuliez-te, 
'Med  ewid  en  kavout  ma  bue? 
'Ma  lezez  gan  —  in  ma  bue, 
Me'laro  d'id  ar  wirione. 


JULUANIG 

Le  jeune  Julien,  l'homme  vaillant,  — celui  qui  était  tout  puissant,  -^ 
se  leva,  un  jour,  de  bon  matin,  —  pour  aller  chasser  dans  le  bois. 

Dans  le  bois,  lorsqu'il  est  arrivé,  —  une  petite  biche  ♦  rousse  il  a 
rencontrée;  —  une  petite  biche  rousse  il  a  rencontrée;  —  autour  du 
bois  il  l'a  poursuivie  : 

«  Pourquoi  me  poursuis-tu,  —  si  ce  n'est  pour  avoir  ma  vie  ?  —  Si 
tu  me  laisses  la  vie,  —  je  te  dirai  la  vérité. 


1.  Le  mot  biche  en  breton,  c'est  karvez,  ou  heiez  pour  une  biche  qui  n'est 
pas  mère  encore.  Le  karvik  est  le  faon  ;  ainsi  traduisais-je  devant  les  chanteurs, 
qui  hochaient  la  tête  en  répliquant  :  «  Non,  eur  e'harvik  rons,  dans  cette  his- 
toire-là, c'est  une  petite  biche  rousse.  >■  S'agissait-il,  pour  ces  gens  du  peuple, 
d'une  sympathie  poétique?  ou  la  biche,  plus  que  le  /"aon,  a-t-elle  le  don  de 
prophétie?  En  tout  cas,  le  dictionufrtre  est  en  défaut  ici  avec  la  légende. 


234  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Juluanik,  te  a  lazo 
Da  dad,  da  vamm,  e-war  eunn  dro, 
Te  a  lazo  da  vamm  ha  da'dad 
Kousket  ho  daou  'n  enr  gwelead. 

—  Oh  !  na  rin  ket,  gant  gras  Doue 

Kar  me'  evito  deuz  a  ze, 

Me'  evito  deuz  a  ze 

Me  c'hai  drear  vro  da  vale.  — 

Sortial  re  demeuz  ar  ger 
Hep  laret  gir  da  den  a-bed 
Hep  laret  gir  da  den  a-bed  ; 
'N  eunn  oblans  ker  c'heo  ariet  ; 

'N  eunn  oblans  ker  c'heo  ariet, 
Goul  da  servijin  en  euz  groet 
Goul  da  servijin  en  euz  groet  ; 
Seiz  la  kiginer  hen  zo  bet, 

Seiz  la  kiginer  'n  eur  gigin  wenn, 
E-war  eunn  arme  kabiten. 


Petit  Julien,  tu  tueras  —  ton  père,  ta  mère,  d'un  même  coup;  — 
tu  tueras  ta  mère  et  ton  père  —  couchés  tous  les  deux  dans  un  même 
lit. 

—  Oh  !  je  ne  (le)  ferai  pas,  avec  la  grâce  Dieu!  —  car  j'éviterai 
cela,  —  j'éviterai  cela;  —  j'irai  courir  par  le  pays.  » 

Il  sort  de  la  maison,  —  sans  dire  mot  à  personne  —  sans  dire  mot  à 
personne  ;  —  dans  un  beau  château  il  est  arrivé; 

Dans  un  beau  château  il  est  arrivé,  —  il  (y)  a  demandé  à  servir  — 
il  (y)  a  demandé  à  servir;  —  sept  ans  il  a  été  cuisinier. 

Sept  ans  cuisinier  dans  une  cuisine  blanche,  —  sur  une  armée, 
capitaine  '. 


1.  Est-ce  sur  une  armée  de  serviteurs,  comme  expliquait  Le  Galuche  ?  La 
mutilation  du  couplet  a  produit  cette  incertitude. 


GWERZ    ET    CHANTS    RELIGIEUX  23S 

Kement  zo  groet  deuz  hen  karet 
Ken  e  d'ar  verc'h  hen  dimezet; 
A  zo  roet  être  ho  daou 
Eur  e'hastel  ker,  eunn  arc'hel  aour. 

Ho-man  oa  eur  plac'hik  modez 
Da  itron  vari  a  Garnez  ; 
Eunn  dewez'vond  d'hec'h  ofern-bred 
Daou  denik  koz  deuz  rankontret. 

—  Daou  denik  koz,  d'in  a  lered 
Pelec'h  ac'h  et,  pe  'n  an  oc'h  bet, 
Pelec'h  ac'h  et,  pe  'n  an  oc'h  bet, 
Pe'  p  euz  ho  tezir  da  vonet? 

—  Me'  zo  pell  en  tourmant  hag  en  poan 
0  klask  bon  mabik  Juluan  ; 

Am  eump  torret  hon  c'halono 
Nag  0  vale  dre  ann  hincho. 

—  0  Doue  da  vezan  meulet  ! 
Juluanik  d'in  zo  dimet  ; 

A  zo  roet  être  hon  daou 

Eur  e'hastel  ker,  eunn  arc'hel  aour.  — 


On  a  tant  fait  de  l'aimer  —  qu'il  s'est  à  la  fille  marié  ;  —  on  a 
donné,  entr'eux  d'eux,  —  un  beau  château,  (plein)  une  arche  d'or. 

Celle-ci  (la  mariée)  était  une  petite  femme  modeste,  —  (dévote)  à 
(Notre-)  Dame  Marie  du  Carmel  ;  —  un  jour,  en  allant  à  sa  grand'- 
messe,  ■ —  deux  pauvres  gens  vieux  elle  a  rencontrés  : 

«  Deux  pauvres  gens  vieux  ;  dites-moi  —  où  vous  allez,  ou  bien 
vous  avez  été,  —  où  vous  allez,  ou  bien  vous  avez  été,  —  ou  bien  vous 
avez  le  désir  d'aller  ? 

—  Je  suis  (depuis)  longtemps  en  tourment  et  en  peine  —  à  cher- 
cher notre  cher  fils  Julien  ;  —  nous  avons  brisé  nos  cœurs  —  à  force 
de  marcher  par  les  chemins. 

—  Oh  !  Dieu  soit  loué  !  —  le  petit  Julien  avec  moi  est  marié;  —  il 
a  été  donné,  entre  (owà)  nous  deux,  —  un  beau  château,  (plein)  une 
arche  d'or.  » 


236  CHANSONS  ET  DANSES  DES  BREIONS 

Ho-man  a  retornaz  d'ar  ger  ; 
E-barz  'n  he  gwele  ho  deuz  laket 
E-barz  'n  he  gwele  ho  deuz  laket, 
Hag  hi  zo  et  d'ann  ofern-bred. 

Juluan  ariez  ar  ger; 
Drouk-sonj  he  bried  en  euz  bet 
Drouk-sonj  he  bried  en  euz  bet  : 
He  dad  hag  he  vamm  'n  euz  lazet. 

Ha  pa  'n  euz  bet  ann  torfed  groet, 
En  traou  gand  ar  vins  hen  zo  et 
En  traou  gand  ar  vins  hen  zo  et, 
He  bried  paour  deuz  rankontrp* 

—  Ma  fried  paour,  d'in  a  lered, 
Piou'barz  em  gwele  pa  laket 
Piou'barz  em  gwele  pa  laket, 
Keit  e  oaz'  vond  d'hez  ofern-bred  ? 

—  Juluan,  oa  ho  lad  hag  ho  mamm, 
Oa  pell  en  tourmant  hag  en  poan 
Oa  pell  en  tourmant  hag  en  poan. 

0  klask  ho  mabik  Juluan.  — 


Celle-ci  retourna  à  la  maison  ;  —  dans  son  lit  elle  les  a  mis,  — 
dans  son  lit  elle  les  a  mis,  —  et  (puis)  elle  est  allée  à  la  grand'messe. 

Julien  est  arrivé  à  la  maison  ;  —  (une)  mauvaise  pensée  sur  sa 
femme  il  a  eue,  —  (une)  mauvaise  pensée  sur  sa  femme  il   a  eue  : 

—  son  père  et  sa  mère  il  a  tués. 

Et  lorsqu'il  eut  le  forfait  commis,  —  en  bas  par  l'escalier  il  est  allé, 

—  en  bas  par  l'escalier  il  est  allé;  ~  sa  pauvre  femme  il  a   ren- 
contrée. 

«  Ma  pauvre  femme,  dites-moi  :  —  Qui  dans  mon  lit  aviez-vous 
mis  ?  —  Qui  dans  mon  lit  aviez-vous  mis  ?  —  pendant  que  tu  étais 
à  aller  à  ta  grand'messe  ? 

—  Julien,  c'était  ton  père  et  ta  mère,  —  qui  étaient  (depuis  long- 
temps) en  tourment  et  en  peine,  —  qui  étaient  (depuis  longtemp-;) 
en  tourment  et  en  peine,  —  à  chercher  leur  fils  Julien.  » 


r.WLRZ    ET    CHANTS    RELIGIEUX  237 


Ce  gwcrz  est  populaire  dans  toute  la  Bretag-ne.  Il  m'a  été 
chanté  par  Yvon  Le  Guluche,  de  La  Roche-Derrien.  L'air  est 
celui  du  «  Roi  Gradlon  »  :  ce  qui  attesterait  une  origine  d'im- 
portation ^onx  J  uluanik . 

C'est  à  cette  lég-ende  peut-être  que  la  littérature  française 
est  redevable  du  joli  conte  de  Gustave  Flaubert.  L'on  sait 
du  moins  qu'une  partie  de  «  Saint-Julien  l'Hospitalier  »  a 
été  écrite  à  Concarnoaii,  tout  au  fond  de  la  Cornouaille. 


Cesàawxgwerz  religieux  seulement  ont  été  transcrits,  «  Saint 
Cadoc  »  et  «  Saint  Julien  »,  bien  que  les  airs  de  quelques 
autres  encore  soient  notés  plus  loin.  De  même,  les  paroles 
des  Cantiques  ont  été  omises.  C'est  parce  que  la  plupart  de 
ces  diverses  poésies  ont  été  déjà  publiées  dans  des  recueils, 
ou  qu'elles  ont  cours  sur  des  feuilles  volantes.  A  la  vérité,  le 
guerzen  de  sainte  Tréfine  aurait  pu  être  reproduit  tout  du  long, 
n'eùt-ce  été  que  pour  en  tirer  un  dernier  exemple  au  point  de 
vue  dialectal,  une  preuve  irrécusable  de  l'importance  que  tient 
la  valeur  syllabique  dans  la  chanson  populaire.  Cette  valeur, 
en  effet,  varie  avec  le  dialecte,  puisque  le  même  mot  ne  garde 
pas  dans  toutes  les  régions  également  les  mêmes  émissions 
vocales.  En  Tréguier,  Doue  (Dieu)  est  un  bisyllabe  [Dou-é)^ 
dont  l'équivalence  musicale  est  produite  par  deux  notes  dis- 
tinctes; dans  le  vannetais,  c'est  Doue,  un  monosyllabe,  sur 
une  seule  note.  Le  vocable  douar  (terre)  est  dans  un  cas  ana- 
logue :  doii-ar  (deux  syllabes)  dans  les  pays  de  Léon  ou  de 
Tréguier;  c'est  doar,  une  syllabe  sur  une  note  unique,  dans 
le  pays  de  Vannes. 

On  aura  remarqué  que  les  chansons  trécorroises  sont  en 
majorité  dans  ce  livre  ;  une  observation  semblable  a  été  faite 
sur  le  BarzaZ'Breiz^  à  propos  des  poésies  de  Cornouaille  : 
j'ai  dû,  comme  M.  de  la  Yillemarqué,  rendre  davantage  à  qui 
m'a  le  plus  prêté. 


238  CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 

Du  reste,  un  recueil  ne  serait  pas  fermé  de  sitôt,  si  Ton  n'a- 
doptait une  ou  deux  règles  de  conduite,  en  s'astreignant  à  quel- 
ques spécimens  de  chaque  genre,  et  surtout  en  n'admettant 
que  des  chansons  dont  on  a  obtenu  plus  d'une  audition.  Je 
n'ai  guère  visité  encore  le  pays  de  Goëlo  ;  j'ai  pourtant  sur  le 
folk-lore  de  cette  région  des  notes  abondantes,  grâce  à  M.  Ar- 
thur Rhoné,  qui  m'a  communiqué  les  recherches  de  ses  amis 
M.  Paul  Chardin  et  M.  le  docteur  Pignard  ;  ainsi,  M.  Gabriel 
Hanotaux  me  rapportait,  un  jour,  de  Tréboul  toute  une  col- 
lection qu'il  avait  empruntée  à  un  commis  des  douanes.  Ce 
sont  d'utiles  matériaux,  qui  n'ont  pas  trouvé  une  place  en 
cet  ouvrage,  et  qui  serviront  pour  un  travail  à  venir. 

Je  ne  puis  achever  ces  pages,  sans  écrire  le  nom  d'un  autre 
collaborateur,  l'éditeur  Charles  Leclerc,  qui  écouta  tant  de 
fois  ces  chansons,  mais  que  la  mort  vient  d'enlever  au  mo- 
ment oii  il  contribuait  à  leur  publication.  Si  les  âmes  au  delà 
sont  encore  accessibles  à  nos  bons  souvenirs,  que  le  mien 
parvienne  à  cet  ami  !  Quelques-uns  de  nos  goûts  ou  de  nos 
affections  nous  survivent  peut-être  après  la  tombe  :  puissent 
alors  ces  douces  et  plaintives  mélodies  de  Bretagne,  que  Le- 
clerc aima  tant,  1(3  hanter  dans  le  cimetière  de  son  pays  natal 
elle  bercer  durant  le  songe  éternel! 


III 
MÉLODIES 


MÉLODIES 


241 


Andantino 


AR    VINOREZ 

LORPHELINE 


^5 


Me  08  <'ur  bu         .       gel 

0 'étais  une         (^nfant) 


JL 


laou      .      ank      flam,         Pa 
toute       jeune  quan<j 


=Ë: 


^^ 


var     .      «ar 
moururent 


ma 
,  jnon 


zad 
père 


ha 
et 


ma 
en  a 


tnamm  ■ 
raèr 


lère  ) 


LEZOBRE 

LES     AUBBAYS 


jET^  o~vif- 1  y  jiiui"  [,  Il 


Tre  Koat     -    ar    -    Skin     ha        Le    -     zo      -      bre        A 

(Eutre  Koat-ar-Sbin  et  les  Aubrays  est 

-  Rail.  ^ 


#-.  p^rjH'Miiij.M^^ 


zo  a  -  si  -  net  eunn  ar-nie,      A  zo      a   -    si  -  net  eun  ar  -  me. 
arrêtée        une  armée,      est  arrêtée         une  armée.) 


Largo 


I 


z£ 


AR   ROUE   GRALON 

LE   ROI    GRADLON 


e 


g      P      P 


E 


Pc 


tra 
a-t-il 


^jl  r-  J'  P  f? 


Ker 
Ker 


\'      P      P      & 


.     Is,  M'ar       d'eo       keii  (frant 

.     Is,  que        pojt         SI  joyeuf 


ar  laou  .   an 

la  jieunesse, 


16 


242 


CHANSONS   ET    DANSES    DES    BRETONS 


:rfaS 


i^^^ 


)    C    p 


^3 


l<iz  Ha         m'ar       kle        .       vran 

et  que  j 'entend» 


ï 


biniou, 


o  ■" 


'■    g  M' 


fc 


v'om    .     bard    hag    ann       te     .   len      .      non? 
bombardo  e(  les  harpes?) 


GWERZ  KER-IS 

COMPLAINTE     DE     KER-IS 


mï'^\rï'^wn^^'\^  ppgpi 


Pe-tra  zo      ue-ve    e    kœr      Is,  M'ar  d'e  ken        draot    ar  iaou-aa- 
(Qu'y  a-l-il  de  nouveau  daus  la  ville  d'Is,  si  est  tellement  joyeuse  la  jeu- 


^ 


HMrpp^wt 


£ 


kis,      A  m'ar  de  -  vau  ar  bi-ni  -ou,  Ar  bom-bard  ac  an  te-len-nou? 
uesse,    et  si  j'entends        le  biuiou,      la  ijombarde  et  les      ijarpcs?) 


Andcmtino 


AR   C'HONT   A   WETO 

LE  COMTE  DE  WÉTO 

P     f 


iHii'ir-FpMrPpg^'^Tnnfi 


Pa      oa    arc'boutiaou-aiik  0  vonddeuzannar-me,  Kle-vaz  eur  ver-je- 
(Lorsqu'était  lejeune    comte      âreveairde   l'armée,    il  entendit  une  ber- 


kipJ'i^  p-^^^'pPHr^F1 


rcMi    0    ka-na        er    me-ne,  Kle     -    vaz    eur  ver-je  -  ren    o    ka  na 
{iorc  qui  cbantait    sur  la  montagne,  il  entendit  une  bergère  qui  chantait  sur 


-MÉLODIES 


243 


ev  nie-iie:— La      red     d'in,  ber  -je  -  ren,    da  biou  cc'h     eo  ar  son  A 
la  montagne  :  "Dites- moi,  bergère,  pour  qui  est  )acllan^on  que  vous  cLanlifz 


É 


1!=^ 


^—0- 


ga-nec'li  bre-raa-zou?  — 
tout  à  l'heure?  ») 


At/o    Mod'P 


LISKILDRI 

LISOUILDRY 


I 


S 


È 


6: 


Et       eo       Lis    .     kil      -     dr)       da       Ba      .      riz,  Em  .  berr      e 

(Lisquiidry  est  allé       a        Pans,  tantôt      il 


n 


^m 


i 


^xLà'iuxn^^ 


vo        po   .   var   .   zek       mvï      Em.berp  e         vo         pe.var    .  zek        mi7 
y       aura  (juatorze  mois      tantôt  il  y      aura     quatorze  moi;.) 


KLOAREK  KOATREVEN 

LE    KLOAHEK     DE     COATRÉVEN 


Aiu'anli 


è 


|,^LKhr'ph'pl^-wm4i^ 


Kloa-re-gik    Koa-lre-veu    an  eux    groct  Ar  pcz  ua    ra-fe    mab    c- 
{ Le  petit  kloarek  Coatreven      a  fait  ce  que  ue        ferait  aucuu 


^^^^^^ 


bed,  Ar  pez  na    ra-fe  mah      c  -  hed. 

Cls,   ce  que         ne   ferait  aucun       Hls.) 


244 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


Dole 


AR  G'HLOAREG  lAOUANK 

LE   JEUNE  KLOAREK 


fejij''- M  r  ^' r  1 


j^ 


#  ^       fj    --rr 


ai/-  MT  ^^r  M'    rnr    rf 


Me         a  ïo         cur    c  hJoa   .  re  .gig  iaou   .  ank,        Hag  e 

\,\o      SUIS      un  petit        klo^rek  jesae,         et  m» 


tfc=tê 


^^ 


<<-»- 


^ 


^ 


njHii  iii:i       zi  vvar     vord  ar  staiik 

maison  est      sur  le      bord  de  l'étang 


et 


rr-^- 


É 


r\ 


^ 


.  man  ma  zi  war      vord  ar  stank. 

maison         est        «ur  le       bord  de  létaiiK.) 


MARIVONIK 


PETITE  MARIE-YVONNE 


^'i  P  J^  JMj-  J^  PP  Ij)  Ji  Jijif 


Ann      df>      ken  .    tan      deuz      a       viz  Du      Dis    kei,i .  naz      ar 

(Le      premier         jour       de     novembre  descendirent     les 


Sao-zoD     e     Dour      -      Du     Disjcen.naz    ar      Sao  .  zon     e      Dour.    Du. 
Anglais  à  Do urdu  descendirent  lei        Anglais    »  Dourda) 


MÉLODIES 


245 


AR  ROUZIK  KEMENER 

LE  ROUZIC  TAILLEUR 


Moderalo. 


^^ 


i 


0      f    0     f 


r~r 


m 


? 


iLf     iJ    U    l^ 


^E2 


ArRou-zik     ke-me-ner    a   Lan-goat,  Brao-an    mab    iaou - 

(Le    Rouzik  tailleur        de     Langoat,        le  plus  beau  jeune  homme 


fe^ 


É 


F~<>    f  Jjl» 


P 


^ 


E^^i 


^ 


ank    a  wlsk    dil-lad,      Brao-an  mab    iaou  -  ank  a  wisk     dil-lad. 
qui  revête  des  habits  [d'homme],  le  plus  beau  jeune  homme  qui  revête  des  habits.) 


AR  VARTOLODED 

LES  MATELOTS 


^m 


m 


0      G^vep  .    chez  glo    .        .    ri    . 

(O      Vierge  glorieuse 


Va     .      ri!     Roid 
Marie!  Donnez- 


P 


r  r  ir  l; 


d'in  -  Oie 
-  moi 


jis    .     tans  D»        ((a    .    na  cup  wert 

assistance        Pour    chanter  un         jiver» 


1 


^m 


■0 — * 


ne   .     \ve.   C'h'on  vo    .     net 

nouveau         Je       -    vais  le 


d'hi 


:'ho     .  .     raans 

cominencer.  ) 


246 


CHANSONS  KT  DANSES  DES  BRETONS 


GWERZ  ANN    OTRO    AR   C'HAER 

COMPLAINTE  DE  M   LE  CAER 


yr^  iM  g  F^ 


3E 


Tos      .         ta     .    ed        oll      hag       e  klew        .       f'ed 

(Approchez  tous    ot    vous  entendrez 


Eur 


p    P    [;    ^    [I    p    UjtÀ 


werz        a  ne     .     we  zo  sa 

^ivcvî      (jui  recenifnent     a     été      composé 


4i-p— fHM^^^ 


r^ 


22 


«erz  a  ne     .     wf  ^o  sji  .         vet 

jnerî         qui        récenimftn*     a      «té  composé.) 


Eur 


Mlcoro 


AR    FILOUTER    FIN 


LE  FIN  FILOU 


i3 


^ 


^^5 


i_j_J4_g— g— ^;    I  [;  J-  ^^ 


Di    .   dos   taed,  tu  .  do      iaou  .  ank,   ha     klcw 
(Approchez         jeunes       gens        et     vous 


^ 


*  * 


MP   P    C 


^- 


fed  ka        .       nan  Eur      chan      .       son       di    .    ver       tis 

entendrez   chanter  une      chanson  divertissante 


^m 


M-  c;  p 


sant         zo       groef      vvid  ar  bla         .  miiii 

qui  a  été       composée      cette     année  -   ci .) 


MELODIRS 


247 


KATEL-GOLLET 

CATHERINE  LA  PERDUE 


fr''^r  ir  t-î 


'  If    r 


Ped  den,      siou    .    az!  a  :o        dal      .      c'het  dre 

(Combien  d'hommes,  héJas  sont  retenus  par 


»'•  r  r  r  I  r~^ 


al         la    -  son  ann   Drouk.Spe  red'       Ped  den      3         gav 

les       lacets  de        l'esprit         du    Mal!  Combien  d'hommes  trouvent 


î 


^ 


^ 


^S 


dao-n^.si  on         Oc'h         o  .  ber.gwai         go  .  ve  -  si       .     Jon! 


damnatioB 


En         faisant    mauvaise      confession!) 


AI19    Mod'P 


1.     CHANSON   DE  KLOARGK 


Î 


^ 


^ 


^ 


:P  Mr-g^^ 


^ 


^ 


Kalz     a       am  .      zer  am       euz       Loi    .    let       Tra      la        la        la 

Beaucoup     de  temps  jai        per  .     da 

Mul.tum    tem    .     po       .      ns        per    .  di      .    di 


E^I  JM  r  r  ':  J'  ^ 


-p- 


n 


^ 


m  '    *   './  ZJE 


^^ 


"^  la        i*     di     ra     lon\,    lai  •ne 


Kalz    a     um    .   zer       am     en/     kol 
Beaucoup  de        temps  j'ai    pnr 

Mul-tnmtem  .    po  .  --      per  .  d« 


iSr'  Pf.  J'iMû^^^ 


let, 

Ha.  stu  . 

di 

an 

n'a  ni 

euz 

kct 

gPOet 

du 

E    .    tu  . 

di     . 

«r 

i" 

n'ai 

pas 

pu 

.di 

Et     stu 

de 

.     re 

non 

po  . 

tu 

1 

248 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


2.     CHANSON    DR  KLOAREK 


«^^u-'KmJ- J'p  ^  \.Uh^y 


Kalz     a        am  zer      ani       euz     kol      .      let      tra      la      la       h 


fF-Ttl'j^jMJ'^J'i'JMJ-J'p-^ 


la         la     di     ra     Ion       lai      ni'  Kalz     a       am    .    zer       am    euz    kol 


* 


^ 


J'IJ-  r  J'  JMJ.  Il 


let         Ha      stu  .    di        .     an        Nkni     euz      ket        groet 


AR  BONOMIK 

LE   BONOHIC 


And^"     ma  non  Iroppo 


^y,!i|-,   p  |-,    ii-^ 


m 


I 


De  ,  bon'- jour        d'och,       Ja    ,      ne        .  dik,  Bon   .  jour 

(Bonjour  a  vous,       petite    Jeanne,  bonjour  à 


^     »     ^      ^">=M 


Mf  r7f  ff 


p  j:  f)  n  Ml   1-'^^ 


d'cc'h  a        la  .    ran         brè  .  maa      Bon.jour  d'ec'h     a        la     .     ran;       Pe 
vous        je-'     dis       maintenant      bonjour  à    vous  je     dis:         ou 


t^t-^N•J'l;W■'Fgll^J  m 


^=¥ 


iec'h  e.man     Bo  .  oo  .  mik,        Pa    n'eroan    o      to  .         ina        bre 

est  BoDomic,  puisqu'il  u'est    pas  a  se    chauffer      main  . 


ifU-i  [j|i|.,  i,G|'iiaJ^p  r  J-'JMiiiJ. 


man?  PeJec'h   e  mao    Bo.no. mik,  Pa      o)3.man     o  -  to      .    ma? 

tenant?      oîi      est  Bonomic,  poiscpi'il    n'estpaia  Réchauffer.) 


MÉLODIES 


249 


GLOEREG   EN   DORZ 

LE   KLOAREK   LE   DORZ 

Allegro.  [Ti-e  Jois.  j    |  -le  fois  et  suiv.| 


friJ'tci'i'J'ctiNrici^s^ 


m 


Che-lawet     Che-la-wet    oU  oh!  che-la -wet      Or  gan-neu    ne-wé 
(Écoutez  tous,   oh!     écoutez  une  chanson  nouvelle 

Dolce. 


fe 


É 


# I  Pi rr 


É 


^i.u^._piriuggiR^^ 


zo    za-wet  Or       gan-nen    ne  -  we   zoza-wet,  De  Cloè-rec    en 

[qui]  a  été  composée,  une  chanson  nouvelle  [qui]  a  été  composée,  au  kioarek  le 


^^ 


Dorz  man    za  -  wet. 
Dorz  elle  est  composée.) 


TURZUNEL   INKONSOLAB 


Andante   tvisLe 


TOURTERELLE  INCONSOLABLE 


^^'i  J'|J^J''J'plJVJ  pl)'J'J'J'lJ:t 


^ 


Tup  .  zu.nel    in.kon    .  so  .  lab,  c'honi  ren   kechancha-     vro;     Di 
(Tourterelle         inconsolable,  vous    devrez  changer  de     pays;    bUi 


i 


^ 


^ 


^ 


^^ 


T  é    & 


t 


o     red    ho     tien       es  .  tel        ha  nin  -jed     er  c'hoa   .  jo,  Ba 

vrez  vos    deux        ailes  et  volez         dans   les       bois  et 


i|^    J^J'J^^ 


^ 


» 


^ 


^ 


klas  ked    e  . 
cherchez      là 


d'in.  me        eur         pla  .  sig     a      gos    -     te  Da 

pour   moi      une        petite     place     à    l'écart        pour 


I 


^^ 


^ 


P  I  I)  J'  J  h 


o  .  ber    ma      er     .       mi  .  tach       ar        rest     deuz    ma     bu     .       e. 
•   Uira         mon     ermitage  le  reste  de      ma  vie) 


2?)0 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


Andaiitiyio. 


SON  ANN  DURZUNEL 

CHANSON      DE     LA     TOURTERELLE 


LM\yi  ^J  I  \Jh  ^-f,  f 


Kalz  a        am-zer'meuz  kol   -    let  o     fur  -   chai     ar   c'hoa - 

(Beaucoup  de  temps       j'ai  perdu  à        fouiller        les    bois, 


^M 


r  ^  p'  p  ^-  ^  ^ 


jo     0    klask         sur- pren   enun    dur  -  zu    -     nel        kous-ket 
cherchant        à  surprendre  une  tourterelle  endormie 

•l^al        3  ^^^  i°  tempo. 


^Jj^n',/JMJ.J'H'|J.>J'>^ 


war  ar  bran-ko  ;  De  -  wet        am     euz  ma  a  -  mors,       et     e 

sur  les  branches;  j'ai  brûlé  mon  amorce,  il  est  allé 


^>^rpri^  ^'^1  fg^pi^-'P  P 


ma  zenn  da        fali  :  A-cha    -    pet    ann  dur-zu  -  nel        ha     nin- 
(mon  coup)  à      mal  :      échappée,         la  tourterelle,  et    envo- 


^ULj'  .  J'  f  I  f  t   ^^ 


jet' neur  c'hoa-dall,       A-cha   -  pet  ann     dur-zu   -    nel      ha    nin- 
lée  dans  un  autre  bois  :        échappée,      la  tourterelle,  et   envo- 

Ball.    3 


^^ 


jif  neur  choa  dall. 
lée  dans  un  autre  boi?.^ 


Andantino 


1.  —  ANN  DEN  KOZ  HA  G  ANN  EVNIK. 

LE  VIEILLARD  ET  LE  PETIT  OISEAU] 


'  fTfj^-rh^^^^-hr^ 


Na    dec'h  d'ann     noz  di    -    ve  -  za  Ha    pa     oa     koa- 

(Donc  hier     à      la  nuit  dernière,  et  lorsque  j'eus 


MÉLODIES 


251 


't\l  Ui^^i^^Mti^^^ 


niet  d'in  Ha   pa  oa    koa  -  niet  d'in, 

soupe,  et  lorsc^uo  j'eus  soupe, 


Ha    me     o    vond  em 
et    moi      daller     à 


^m^nrjv^^hn 


E3 


^±fl 


jnr-dia     -     ie,    tra  -  11  -  ra 
mon  jarilin,      ié,         tt-alira 


tra  -  li-lik    tra  -  li       -       ra- 
tralalik  tralira 


,(*il^^.f^M|fl^r-T^ 


tsr^ 


Ha  :ne     o  vond  em         jar-ilin  En      a  -  viz  pour     -     me-nin 

et  moi     d'aller    à      mon  jardin     dans  le  dessein  de  me  promener.) 


2.  —  ANN  DEN  KOZ  HAG  ANN  EVNIK 

LE  VIEILLARD  ET  LE  PETIT  OISEAU 


Andonte. 


É 


É 


^ 


M  P^P  P  i' 


^ 


Na     dec'li     d'ann  noz     di        -        ve  -  za         Ha      pa      oa 


^m 


^ 


^^ 


^^ 


koa -niet       d'in   Ha     pa     oa         koa -niet      d'in,    Ha    me    o 


j,'J,,hMvTtTHH^,l    Ml'J'M' 


vond  em        jar-din      -      ie,    tra    li    -   ra    tra   -     la  -  l^k  tra  -  li 


(;,*i>j>^^.^iiiJ^^+4^aiJ^i^.M^ 


ra  -  ifl  Jtie  o  vond  em       jar-din      En       a-viz  pour-me-nin. 


252 


CHANSONS    ET   DANSES   DES    BRETONS 


Allo  mod'" 


AR    CHASEER 

LE  CHASSEUR 


Di   .  sui    min    tin      ba  pa.sa.venn      6         rein  dreia  drein    o 


(Dimiuiche  matin  des         que    je      me       levai, 


y  mh^^  ^  r^^i^JirnrFiTF 


ra  la   ri  tra  0      reio    dreio  drein  la    ri     den.nij  Dachi.bonez  ar  c'had     e 

j'allai    chasser       le     lié. 


y  r-Minr-Mrgrpir-pfî^iP 


lenn       ti    ho         ho       Da    chi.bonez  ar  c'had   e      ienn  Ti   ho  ho       ho 
vre  j'allai       chasser      le    lièvre.) 


CHANSON  DE  NOCES 


Dûlcv  ^     ^ 


Me  'meuz  chou.jet    eunn      dons,     ho!         ia,    pell       mad     ouz     ein.Me 


(j'ai    choisi 


4ouce    ho!        oui,    bien       loin     de      moi  j^i 


*!/JJ^g,ii  AiA\'S^''^'\rî>t^'\ 


'meuz  choa  jet  eunn    dons,  ho!     la,  pell  mad  ouz  ein,  Me    'meuz  choajet  eunn 
choi.si      une    douce  ho!  oui;  bien  loin  de  moi,    j'ai    choisi        une 


1 


fr^HH 


PrMJi.'^ii 


à'J'\é    |T  f    p|r±:x^ 


#     0 


dons,  ho!  ia,  p>;ll     mad  ouz  ein*,  N'e     ket      eur       vrao:plijont    ra       d'ein 
douce  hoioui^  bien  loindemoi;  ce  n'est    pas  une    keile'    elle    me    plaît.) 


MELODIES 


253 


Allo  mod'o 


AR    VINOUREZ 

LA  MINEURE 


m 


^m 


X 


U  r  ^  I  ^^  >' J''.  ^^ 


Di     .     bon    .   joar         d'hoc'ii,    tud     ann      ti     man,     Ha    d'hoc'h,  Bo. 
(Bonjour  à  vous      gens       de     eettft   maison    à    vous    Bo 


m 


^  F)  h  1^ 


LJ  r  ^ 


no   .    mik,  taJ         hou      tan,       Ha       d'hoc'h         bon       .        jour,        tud 
nomic  près       de    votre     feu,  et  à  vous    bonjour,    gens     de    cette 


ann     ti   m^n    Men   a. ma      mi      nou- re?    ann    ti    mau    men      a    .    ma? 


son.   Où     est  la   mineure        de    celte    maison,   où     est-   elle?) 


Allegro 


MADELENIK 

PKTITB    MADELEINB. 


H  ^^'''pir-r  M  Mf  ^  M 


Deit.  hu   gcn    .    aon,  Ma.de  .la      .     nik,    Ch^mp    bon   daou 

(Venez    vous    avec    moi,  Ma-de.lei     -     nie       que    nous     allions 


^ 


^^ 


ï 


P  ir  P  ^CiJ 


da       dro.c'hon    se    .    gai?     -_    Ho!       fe,        graon;  bo!   fe,      na 

tous  deux  couper  du    seigle?  _     Ho!    foi.  j'y    vais',  ho!  foi    je  n'y 


^^ 


f 


m 


w—^ 


naon:      Rak     tro    c'hon         rin         ma        gar. 
vais  pas:    car     je      couperais    ma  jimbe.) 


2ot 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


1.  —  AR   PILLAOUER 

Alio  nod^"  ^^  CHIFFONNIER 


ï 


J'  M  r   ff  M  I J-'  J' J' ff 


Va        zad  en  deu2  va       de      .      me  .    zet        Da 


^     é      -é      é     if      é 


M  ^  M    J^  JM  ^-^ 


flae      riuz    pii     laou    .     er;  E  Lo  ke  -  fret       ez         eo 


i 


^ 


£ 


S 


^1 


^5 


'    ^    y  i>  \J     • 


-0 — *- 

ga  .    Det       E         ko     ■     ma    •     nan       Tuul.  A    -    Lacr    fouei       fouei 


I 


r=^ 


^^ 


iii;^ 


£ 


î^: 


fouei  d'am    zammig      ao  .  trou  Gaiid   be      stoup     hag      he    bil    -    laou 


2.     —    TOUL-AL-LAER 


Allegro. 


^c;irtCrfp 


r  #  r  =£= .  T  f  •  :t 


Jla     zad  en    euz  ma  di  -  me -zet   Da  eiir       fle  -  ri  -  uz    pil  laou- 
(Mon  père         m'a  mariée         à   un  puant  de  chiffon- 


h\^^m\î\^\^ 


ë-     Ê    9    ruM. 


a=e 


<LjE g*     0 * ^ 

H'  I  I     [/    1^'    i' 


er   Da  eur        fl  ;  -  ri  -  uz    pil-Iaou  -  er;      E  Lo  -  lief-fred   e    bet 
uior  à  uu  puant  de  chiiîonuier  ;  à      Loquéfret       il  est 


^ 


P        P       II 


p  H  r  '  f'  g  I  r^^ 


ga  -  net      E    coria    -    ma-nant  Tonl  -  al    -    Luer.       Fouei,  fouei, 
né  daûs  le  coaveuant  de  Toul-al-Laer.  Fi!        ti  ! 


|>ir  rngipg  P  ^1^  ^  ^  ^ 


foUfei  war  ma  zam  mlg        o  -  tro   Gaud    lie      stoup    haj;     Le     bil 
il      de      mou  petit  bout  de  monsieur  avec  ses  étoupcs    et    ses    chif- 


MÉLODIES 


2o5 


/7N 


f^-P-4 


\<  ^>  MH  p  l'    |; 


i 


loij  I    Foiiei,   fonei,      tbuei  war   ma  zaïn  mig         o  -  tro      Gaûd    he 
foiib!      Fi!        fi!  fi!     de  inoQ  petit  bout  de  monsieur    avec    ses 


1fX\\,[\U 


stoup     hag    lift    bil  -  lou  ! 
étoupes    et      ses    chiffons  ! 


AR  G'HEMENER 


Allegro 


LE  TAILLEUR 


m 


m    m 


M  1^-  F  M' 


fc=i=i 


f 


Ip    c'he     me     .      ner         par       ia      d'ann         i      -       lis     Far     di   -    bi 
(Le     tailleur  quand        il         va         à  l'église 


1 1    M    ^  1 1     '  I    i   I  '    I   I 


dao         oao 


Ar     c'he      me      .     ner  pa        la      d'ann 

le      tailleur  quand         il        va         a 


i 


0     0'    0    m    m     [-y 


fr=fe 


g 


l'     P     i^     P 


*        *      g 


t 


^ 


i    .  lis,    A      70   gwis   .  ket'     vel     eur      bour    c'hiz.      Pa        ia      da     g« 
l'église,    Est      habiijé      comme         us.       bouigeois      Quand  il  va  pour-  pren  - 


jyJ.  M  p  \r  r  riMr  f^  f\ 


mer       dour     bin  -  ni     - 
dre         l'eau      bénite 


get    V    Far  .   di   .  bi  dao  oa  -  o 


o        Pa       ia       da     ge     .      mer        dourbiii.  ni     .    get 
quand  il  va  pour  prendre         de   l'eau     bénite 


A     ra     taol 
il    donne  un 


236 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


p  r  (y  iJ.  [?  g 


^m 


E 


la  .  gad     d'ar  .    me    .    ried.       Ri  -  ge  .don    .    da    ^     war      ar.  c'he  . 
coup    d'œil      aux      filles  Riguedonda  sur        le     taii 


r  J'pp  p 


p=±^ 


me   -  ner     Ri .  ge    .  don    .     da         ke  ,   me     -     ntr 
-leur!  Riguedonda  tailleur  il  était) 


KEMENER    PLEUVIAN 

Allegro  LE    TAILLEUR  DE  PLEUBI AN 


i  i'  i'  j^  I J' j^  ï>  j^  I  j^  j^  j^  ;■' 


Ap     c'he       me     .      ner         a       BIou  ,  vi        .     An        an       eur     groet 
(Le    tailleur  de       Pleubian  a  fait 


y^  n  [t  i\f  i'i  i'\t  j'j-> 


I 


mar     c'h:id    gund      u     .     nan,     Ar.  c'he  .  me     .      ner       a      Bleu  -  vi 
marche  avec  quelqu'un  le      tailleur  de      Pleubian 


^^ 


£ 


P  M  ^  IM  ^ 


±=± 


an;    An       euz     groet       mar.c'had    gaiid     u     -      nan      Deuz     ar       me  . 
a         fait  marché  avec   quelau'un  de        la        mû 


^(^^pplJ'J^J'J-'TtTJTjfjT^ 


.  meuz  pa.rez  gant  .  h  an    Da  vend  d'ar    zal    vraz  da   ver    man  A  .sam.blez 
me     paroisse  que     lui  d'aller  dans    la  grande     salle  diner       avec 


y^-'J^'^-'irr  ^'J'iJO'j-'j'i  j' H 


gand    ann     o  -  tro     .    ne     Han    vu  .et  mi  .  nis  .  tred  Dou    .     e 

les    messieur»        appelés  minisitce  de    Dieu) 


.MKLODIES 


257 


ANN    ESKENNOUR 


Srhfrzo 


LE  SCIEUR  DK  LONG 


^>P  If  i'  ^  f  ir  ^f  g:  ir-[^  M 


Che    .     le  .  ved    oll        ha       chf    ,    le.ved      Eup      son        20       ne  .  ve 
VE    .     coûtez  ..    tous       't         •îcoute/       un      ann         qui         à    réceitiment 


Cl 


y  ii!t  f  p  ^ 


^ 


^m 


^ 


^    '•    114 


ïo       sa-  vft  Eur    son      zo         ne  .  ve         zo  sa      -      vet , 

été      compose  un    sonn    qui       a     récemment      été     composé) 


AW  vivdcc 


AR    10  L'EN 


>'ji)    J'    J 


i=:/       V       V 


Se    .     lu        vur         ann  daol  sou    .    ben         kig         ha 

Voilà  sur    la  table    de    la  soupe,    de      la   viande,  et      des 


'é'fr^U  \J>J'tçlTT^ 


#-1^ 


F=y=F 


kaol;    Ja  .  ke  .  ta,         Se  -  tu      var    ann  daol  sou  .  ben,  kig     ha 

choux,  Jaquette,  voilà      sur       la  table     de  la  soupe,  de    la  viande  et. 


|J-'|>  ff  J^JMJ   JVriBxii 


^=W 


^ 


^ 


kaol     lûu.en    -g^nd    he    kou.tell       fall        A     troc'h        a.man     ka     kig 
des  chouxJouenn      avec   son  mau.vais      couteau     coupe    du   beurre  et  du  lard 


I 


^^? 


^ 


pii^r^  ^  p  1^1 


fe 


±=±zi 


.  sal     Se  .  tu   var  ann  daol,     Ja-ke-ta      Sou-ben-kig  ha      kaol. 

voila    sur     la    table  Jàcquette  de  lasoupe  delà viandi;  et  des  choux 


17 


2,^8 


CHANSONS    ET    DANSliS    DbS    HKETONS 


Allegro 


KORBINO 

CORBINO 


JU'-j  r  j'i»^  p  ^m 


4^1? 


^  ^  g 

:h,        a         chi    .     l 


Mar     plij       gan   .      ach,        a         cfii    .     leon    -    fed       Mar      plij      gun 
S  il     vous      plaît,  vous       écouterez  s'il      voas       plaît, 


•  I  'i    I  M I 


ac-h.      a       chi  .    teou    -    fed       Eur     so  -   nik        koant      zo     kora  -    po 

vous        écouterez  une    petite  chanson  charmante  qui  a  e'té   com. 


/:;F'  ^  i- 


zet,  Di    ^      rai    .      trou 

.posée 


'011        .  la  la     .    di      -     ra  dl . 


i^,    JJ    ;,     U     J^^ 


Pal     .ne        Di  -  rai    .    tron      .       la  la  .    di    .    ra  Ion     .        la.- 


MA    MESTREZ    KOANT 

Al/9  Mod'P         MA    MAÎTRESSE    CHARMANTE 


i«=# 


^ 


i'    M   If 


^ 


E      -     vid      ar  hloaz       o        oann      di      .     met         Ta  ri  ti 

(Cette  année  jetais      marié 


é^  r  p  ^'1?  ^  ^'  Mr  r  rp 

tra        la  la        la  la  E    -     vid      ar  bloaz       o       oann    di   . 


E    -     vid     ar  bloaz       o      oann    di 

Cette    année  jetais  ma 


<ir  ^  n^^  ^  M^'i  ^  » 


met,      Ha         ma       kar    ,    jenn        na         vi  -  jenn  ket. 

.  rié,      et  si         j'avais    voulu,    je    ne   le  serais  pas.) 


MISLODIKS 


2o9 


SON  ANN  DOOANED 

CHANSON  DES  COCUS 


Alleyro. 

HiiiM'Jir[,J'Ji^i'J.jiJ'J'JT 


Keu-ta    bis-koaz  c'bizda   tlo-gan,    ka-œa-ra-ded,  ma  lui-gno-ned, 
(Lapremière  fois  de  toutes  que  je  devins  cocu,  camarades,     mes  amis, 


,j,iJ,iJlJ|||,Jj?IU|J,fe^ 


keu-ta  bis-koaz  c'iiiz  da  do-gau,       Meu'amakela        va  -  rad'au»  c'iioaii. 
la  première  fois  de  toutes  que  je  devins  cocu,  je  n'avais  pas  de  pain  à  mou  souper. 


AlUc 


PLACHED    LEZARDllEO 

LES  FILLES    DE    LÉZARDRIEUX 


i 


^^^ 


1» 0- 


m 


Ker.    se        vo    gant         pla   .    c'hed  Le     .      zar      .     dren 

(Il       fera      défaut    aux     filles      de  Lézardrieux 


i 


É 


P  -    f 


m 


tà=î=* 


^-kj  -^  p  I  r  ^^ 


Gajid    ho     ro      tou    .     kiuu  fa    -    li    .       ra  Ion    _    lai 

avec     leur'    rotoukic 


i 


^ 


m 


Ker.se      vo.gaiit        pla   -     c'hed 
Il        fera    défaut     aux   filles       du 


Le    -      zar 
Le'zardrieux, 


dren, 


é  H  ^ 


^^ 


m 


Ma       na       gall       ar  ma 

si        la        marée  n« 


le    -      an 


peut  être 


kreiiv 
forte . 


260 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


.Allvgvo 


MERG'HED    LOKENOLE 

LES    FILLES    DE    LOCQUÉNOLÉ 


i 


n  j  j'  I  ■!'■  ;■'  j^ 


^^ 


Mer   ,   c'hed        a  Lo   .  ke       i 

(Les        filles       de  Locque'nole 


le  a        10     mer 

sont  des  filles 


m 


i 


t 


^^ 


.  c'hed        a  stad, 

iar^udes 


Na  \sT\   .     zont  ket        da       zan 

qui  n<;         daignent     pas    danser 


i 


m 


E 


E 


? 


È 


1  ne  _    met      gand  pao    .    fred  vad . 

hormis         avec    des  hommes  de  bonne  candition) 


PLAC'HED    PERROZ 

LES   FILLES    DE    PERROS 


/|>Mij^lUJ'J'|pJ.|V7,j„;iJ.<j, 


G    tond  euz    a    Sant  -  er  -  voan    0  toad  euz  ar    par-don,    Kent 
(En    venant    de    Salut- Yves  en  venant  du  pardon,  avant  de 


»JM'Jl|.J.|},j.|^^ 


dis-lrei  da    Ve    -    zou  -  Bran 
détourner  à  Mezon-Bran 


E  korn  eur  park    mel    -    chon, 
au  coin  d'un  champ  de  trèfle, 


|.a}JrtiJJ-in'J^^ 


Oa  eur  potrkoz'vel        to  -  so,  O  tond  euz  ar  par    -    don^      A 

était  uu  homme  vieux  comme  des  racines,      en  venant  du  pardon,  as- 


f'Jj'i'J'ii  ili',1'1^^ 


ze  -  et  war    he        vo  -  to        E  korn  eur  park  mel  -   chon. 
sis  sur  ses  sabots,  au  coin  d'un  champ  de  trèfle.) 


MÉLODIES 


261 


/[ndantino 


SON 

CHANSON 


.|i'i''r  1,  P~^.  t  N-  (>  I,  i  I 


P 


Me  '  meuz    gwo      _     Ict  me       me        u 

(J'ai  vu  moi       -         même 


.0        ra  U 


ai 


la        la     la     la     la  la    .      la         Me'  meuz    gwe  -     let        me      ma      u 

j'ii      vu  moi  -    même 


^S 


f 


Ap        bi  -    ni 
le         Itinioii 


ou  gand        ar  per.       _       son, 

dans,    les   mains        du       ftctçuv-^ 


PARDON    SANT-MILION 

LE  PARDON  DE  SAINT-ÉMILION 


ÏJ^T^tl"" 


^ 


? 


f 


W 


Na       de  par.  don     sant.  Mi       -      li      _     oi 

(  Le     jour  du     pardon      do  Saint  -   Enrilion, 


E  ba       Von 

était        coutriste' 


^^ 


r  =11 1;  ^'  M  I  •  ^ 


^ 


#    g 


.tris  -  tet     ma     c'Iia      -       Ion. 
mot»  cœur. 


Ion     Nag     ar-     sul         vin -tin      pa       sa  - 
Et  "le  dimanche      matin,  quand  y'     me 


éy  p ir  ^''^'g  ig  g'^'j'jMj.  j^ 


.  viz         Bis.    kouz    ke.ment    ail  na     we  .   liz.    Be.ge    .    gci  Na 

levai,    jamais  je    n'avais     vu        pareille        chose.  Ne 


;,  II;''  II'  ^  î-i  ^-^T^-^-^r^ 


;ara   bpi  .    a  .  led       ket,  raer.chod.      Be  .  ge    .     gek  be  .  ge-ge .  ge  .- 

cabriolez      pas,  .les  .filles. 


ij  J^  f    ;,  I  ;,  1'  }'  ^fei 

.gek  N,i  ^um      bri  .    o    .    led  kct. 


Na  ^jm      bri  .    o    .    led  kct. 

Ne         cabriolez      pa*^.) 


262 


CHANSONS  KT  DANSKS  DKS  BRETONS 


KOUIGNAOUA 


Più  fjreslu 


ETRENNES 


^ 


n  j  i  I,    .r^ 


*    * 


w 


Bla   .  vez       mad  a 

(  bonne    année  je  vous    souhaile, 


zou  -      e      -       tan  d'ac'h. 


^^ 


rrrrr^ 


^ 


»   w^  ^ 


Bla   _  vez      mad 

bonne  année 


di     -    ^.ind       Duu 
de  Dieu', 


A   -   van   .  tur 
bonne       aventure 


î 


J~]    t'  J'  I .    n  1 1.   r, 


d'ar        re  iaou     .       ank,     *  D  ar       rc 

aux       jeunes,  aux       vieux 


1 


^ 


È 


If        » 


^ 


*         f 


^i 


près    -     po    -  li      .       te  Bl.i  .  vez  mad         a  zou    .    e      .  tan 

ppospe'rité.  Bi'iinc        année  je  vous         sou 


È 


crïun 


*=F 


^^ 


dac'h,  Bla  .  vez  mad,  di 

haite,  bonne  année  de 


and       Dou   -    e; 
Dieu; 


^ 


^ 


#  # 


^ 


A  .    van    .      tur  vad 

bonne  aventure  aux 


d'.ir       re 
jeunes, 


iaou      .      ank, 


^^ 


^ 


^ 


^  * 


22 


U  ap         re  goz 

aux    vieux 


près       _         po     .      li 
prospérité .  ) 


te  . 


MRroniES 


2C3 


GOUSPERO   AR    RANED 

VÊPRES    DES    GRENOUILLES 


f 


3E 


r  ^  Mr  P  r  \ç^m 


r  F  MpP.rp  ir  n*  ip  p  p  r 


i 


^ 


^^ 


^ 


^ 


i5> <■ 


ç  ç  \ç  ç  \-ntf 


g —  0     Km  W    9 


.^N'J'J'plJ  J  |J  JlJJ  IJ'J^JTTTI 


Andantf 


DISPIGN    AR    C'HAZ 

PARTAGE  DU  CHAT 


^^ 


y  i'  i'   ? 


^1-1  yn 


P 


Me    'meuz       du      .       mou       tiir      c'ha.zik  rouz         H.ig       a         l'a 

(J'ai  chez         moi  un      petit    chat  rnux  it         qui     fait 

Allt'q  ro 


m  «    m 


:m 


fe^ytfe 


T "V ^  W  ^         ^ ^ 

—L  H  i^   P   P   b  b 


neu    .      beudig      a  druu/. .      Kau     di    .   ga    .   deii  .no        Vi  .  del      a 

très         ueu  de  bruit  .       Chante  digadenno  vidol    a 


i^,  p  p  II'  i'  m 


^t 


*=^ 


jua        Wl  .    gom  ra. 


»a         lar  -   din      a  vi  -    ro       Kal/. 

va         jardin         il     gardera     beaucoup       do  joie       wigourTa.) 


26  i 


CHANSONS  1:T  DANSES  DES  BRETONS 


KAON 

DEUIL 


tih  I  \h  f  i'^m 


Kauii       kaoïi  d'am    dan  -    vid.      jienn     .      gor    _uilt  Kaon     kaon 

Deuil      deuiJ  pour     ma  brebis      aux     petites   cornes        deuil    deuil 


s 


J' f  '  I' 


^ 


f 


d'ajn 
pour 


daii      -      vad . 
ma    brebis 


KaoD       kaun 
deuil    deuii 


d'am  .  dan  -  vad.     pciin 
pour    ma    brebis    aux 


^^ 


^^ 


gor       .     nik 

Kaon 

kaon 

d'am 

dan 

vad 

petites  cornes 

deuil 

deuil 

pour 

mit 

brebis.) 

Lent  et  doux 


BERCEUSE 


^ 


È 


^^ 


Tou     .      tou 
(Dors 


mab         bi      .    liaii,  Tou  . 

fils  petit,  dors 


^s=^=^ 


r  r  r  I  r  I  r  r 


.    tou         a    -    ze,      ma  mab       bi  .  han;     Mai'         deud   braz,     si    -  kou  . 

là,  mon         fils       petit;  si  vous  devenez      grand,  secou. 


^^ 


^!'  r  Vi 


? 


red    ho    mamm.    Tou  .  tou 
rez    voire  mère.      Dors 


ze,     ma     mab      bi    .     ha 
mon     fils      petit.) 


MÉLODIES 


265 


ifc 


DIGOTIN 


r  I M  I  r  ^^ 


Chu! 

(Hue! 


c'hu! 
Hife! 


di     .     go 
digotin, 


tin, 


Da         Lan 
Lan 


1»  I;  p  1 1^  1^  I  r   l#=f 


# 1» 


^2 


u     .     on 
nion 


da       V\it  g^'^'U, 

chercher         du         vin, 


Da       wit  gwin        ha 

chercher     du       vin      et     du 


^ 


^ 


U4-r^L^ 


=1 


ba    .     ra 
bon  pain 


nijd 


Da         1       .         vo    ,     nik  zo       patri 

pour    petit     Yvon  qui  e!>t      bon     garçon. 


m 


M  r   II 


\'    ï>    \[^    c 


mad  fla         d  he  vam  .    mig 

et    a    sa        petite    mère 


ha  d'he  dad. 

et         a      fon       père    ) 


Aiidanlino 


PATER  NOSTBR 


I2     m f p p f p ■ 

-4j^ : . • p : = 

Pa     .         ter 


nos  ter 


di      .       bi 


doub' 


1 


^ 


Man  ma 

Mon 


c'  haz 

chat     est     a 


ne       .      an 
filer  du 


stoup 
l'étonpe 


206 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


Andantfi 


m 


i'   >      r 


RONDE 


f 


Tro  ik 

(Petite    fonde 


me 

iyre 


ba 

pain 


lez; 
lait: 


M  r    r    If    i 


"Nnhi   .     ni 
celui  qui 


gOlLB     > 

tombera, 


e'haï 
ica 


deiors.) 


Allegro 


RONDE 


fu    r  Mrs 


^^ 


Bar     -        zig        ha  bar      .        zïg         a  Go 

(Petit       barde      et  petit      barde         de  Cone'ri , 


m 


^^ 


^ 


A     .      ri        raub         ar  rou 

le        fils     du    Roi       est  arrivé 


gand 


r  r  tr  (^  F 


daou 

pe 

.   dri, 

Gand 

eur 

ba  .  gad   a 

bi  .  cho  . 

deux 

ou 

tiois, 

avec 

une 

bande    de 

pigeons 

w — f- 


^^ 


ned,  Ru        ha  gwenn      ha  vi    .     o      .        let. 

rouges  et     blancs         et       violets.  \ 


MELODIKS 


267 


AUegvo  vivace 


PLAG'HIG    ANN   DOUAR-NEWE 

LA  JEUNE  FILLE  DE  TERRE-NEUVE 
(Roude.) 


^ 


M a. 


^ 


Ç  \i  \v  \/ 


Pla    -     c'hig  euz         aon  Don     -     ar     Ne    -    we,    la  -  di    -    ra 
(Jeune  fille       de  Terre-Neuve,  la(jira 


^-Htg-^N^JM  P  M  P  P 


la  la     la     la  la 

la  la     la     la  la, 


Pla     -     c"hls    euz 
jeuoe  fille        de 


ann    Don- 
Terre- 


i  h\i>  ç\^>  w>i'\^>\^ 


ar     Ne   -  we,  Hag         en       e        Itrao  be     -     a     _a    -    Z'^? 
Neuve,  est-ce  qu'il  fait  bon  ôtre  là?) 


Alkffrc/lo 


LOGODENNIK 

PETITE  SOURIS 


p  I  J'  g  ^'  ^  I  r    i 


Fi     -    che      fi    .    che  lo   .    go  .   den    .  nig  ar  bod 

Fiche  fiche  petite  souris  la    branche 


ï 


É 


^ 


g  ^  M  p  P^^ 


bod, 
la    branche. 


Fi  .     ehe         fi    .    che 
fiche  fiche 


lo   .    go  .    den  .  nig 
petite  souris 


LJ  [r  ic^r  P  Mf  p  p  p 


bod  drein,  War  e         gou  _      re         wai'      e    .    l^in 

la     branche     de     ronce,         sur  le  soiimict  sur       le       haut 


268 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


ar  bod 


S 


War  e  KOI 


ar  bod, 

de      la   branche  la         branche, 


f         l!)Oa   . 


sur        le      Sommet 


É 


s;: 


^ 


.re  wap  e 

sur       le     haut 


lein  ar         bod  drein. 

de      la      branche       de.       ronce.  ^ 


ANN   ANDOUILLEN 


Allegr 


L'AN  DOUILLE 


^J'      J       J' 


£ 


3^ 


'Nn     aotron  Par     «  son 

^M.  le  Recteur      a  eu 


deuz        c'  hoan  . 


^m 


^ 


^^ 


.  tet  Eunn,     an  .    deuil    «      len  bet       er        mo        .  ged. 

d'une      andouille  qui         a  été     dans     la      fume'e 


t        ft 


(?    U    P    P    ^ 


Hop!  hop! 

Hop!  hop! 


hop!        n'e  ket  gwir  ,  ann 

hop!        ce  n'est     pas  vrai,     cette 


S 


p  r  'p  I  r  p  ^ 


dra    ,        ze.      0  içou  da,       gwir'    walc'h        e  voa. 

affaire  -    là.    Ho!        oui,  par    exemple:  c'était  assez       vrai.) 


MÉLODIKS 


269 


ANN   HINI    GOZ 

LA  VIEILLE 


i 


^^ 


^m 


P •  '•'  11^'  "'  p  ^ 


Ann       hj  .     ni  goz  Eo  ma         dous,     Ann      hi 

(La         vieille  est  ma  douce,  la.         vieilJe 


goi         eo  zur.  Na      kouls.kou     .         de,       war        a  we 


l'esl      sûrement. 


Et         cependant,  d'après    ce     que        je 


l[;  p  M  I;  ^'  ^^  t^  ip  "g  M 

^   lan     Ann      hi  _    ni  iaou  -  anff      ar     vrao     _      an.  Ann      ni  .  ni 


lan,    Ann      hi  _    ni  iaou  -  ang      an     vrao     _      an.  Ann      hi  .  ni 

vois,""!»  jeune       est     la  plus     belle.  la.    vieille 


1 


MrjhLrt 


fe 


^^ 


E 


'oz      Eo  tua         dous,  Ann      hi  „    ni  goz  eo  zur. 

est         ma       douce.      La      ncille  l'est        sûrement.) 


SANÏ   KADU 

SAINT   CADUC 


Al/er/ni. 


J4f4jHlti'lllVI.'.U^iJlUlJ''t 


Kle-vpthoc'h      euz  homz  dre  ar        vro  De-meuz  arm         o-trosantKa- 
(Avez-voiis  entendu  parler  par  le  pays    de    monsieur  saint  Cu-J 


j>J>>irfirgpnr-nrriPa'^ 


do?  Ho      vi-ra-klo  nag  he  vu  -  e  N'hoc'h  euz  bis  -  koaz  kle-vet  an- 
doc?        Ses  miracles  ni    sa      vie      vous  n'avez    jamais  entendu     en 


^ 


he. 
[parler].) 


270 


CHANSOiNS    KT    DA.NSKS    DES    BKETO.NS 


SANTEZ  THEKLA 

SAINTE    ÏHÈCLE 


éi-H'JMJTT1^;^lr>J..^j^j^ 


Eon  ker     I    -  kon      er    vro    ar    Si  -   li     -     si    -   a,      E     oa    goech- 
(En  la  ville  d'Icône,  dans  le  pays  de  Cilicie,  il  y  avait  autre- 


|?=3^J^;irrJ>J'>^J.j>J']')j, 


ail  eur  [tliich  l'mliau-vet    Tlie-kla;     Darengar     zent  bre-man  za-vet  enn 
fois  une  fille  sùge  noinuiée  Tbècle  ;  au  rang  des  saints  niuinlenunl  [elle  est  1  élevée 


|.ijJJJ|i-.l'l 


££^^ 


en- vo,  Drearbed     holl  an  1-liz  ra  he      goe-lio 
dans  le  ciel,  par  le  monde  entier  l'Église  fait  ses  fêtes.) 


JULUANIK 

[LE  JEUNE   .lULlKN 


La  complainte  de  St  Julien  se  chante  surTair  «  Ar  roue  Gralon 


Andantino 


SANTES    TRIFINE 

SAINTE     TRÉFINE 


^^ 


J'   J''    I  J.     ^ 


Di  .  rajSv     li      .     mage         sa»  -  tes      Tri      .       fine,  ha     sant   Tre  . 

3 


i^'  J.  J  ;  ;  i^n J^ 1 1 0  cj'i  J-' 


.     meur  hi     inab   ca      -    ret,      Stoiiy-St        a      _     ineii  ar         heu    (euh 

^^  Mod^P  ma   non  Iropp'j 


é'  f  g  p  p  if  g  ^  g 


K: 


K 


■m — é — #■ 


REFR. 


lin,        per .  hin  .  de    .     rion       ^uet    ^red     can  ._    net.       San -tes    Tri 


MKLODIi:S 


271 


^^ 


E5 


>>  ,  J-'  I  J    Jl  ^ 


i±e 


r* 


fine,  e     leiii     en        Né,      h\x\        e     gare       hoah      or  Vre.to  . 


J'     1>   J''     I  J        I    .^^ 


d: 


Pc   .     d't      eid  ouib 


Eu  -   tru 


f 


JMJ    n-T] 


r  u^ 


Done         d"o    .       ber     hun        nés;      eid  ornh      pe     _       det 


ITKON    VARIA    AK    G  HALVAK 

Andanle  NOTRE    DAME  DU   CALVAIRE 


I 


f'  J  J'  J.  i' 


£ 


^ 


^ 


^ 


é^'     *    ^     ^ 


I      -         trou  Va  .    ri     .    a         ar      Chai       .         var,  0 

(Notre  Dame  du       CaJvaire  0 


^Hr  J.  J'  J'  J'  ;•  Jii::  J,  J. 


mamm  Je    .     zuz,      mainm       a       c'hla       -         c'har,  Go 

nore  de  Ji^sus.  mère  de         douleur^  de    . 


L^LJUlJ 


3 


& 


J'    "^    i.      i 


^  ^ 


..    len    _      ncd  e    -     vid   ^    on        par         .  don:  C'houi 

.  mandez  pour      moi  pardon;  vous 


I 


^ 


3E 


4      ^« 


zo  ina  Mamm      ha      .        ma  I  tron. 

Ôtes    ■     raa  mcrc         et  ma  souveraine.) 


272 


CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 


I 


Largo 


SPERED     SANTEL 

1 ESPRIT-SAINT 


W 


^ 


k: 


ï 


^'      ^^     ^      ^. 


^ 


# #■ 


Spe    .      ped     San    .        tel, 


1 


^ 


spe    _      red         a        skJe  _  ri 
3 


P::;^ 


^^ 


y=* 


^— ^ 


Jeu, 


Pli'  _      jed     gou    ,     ac'h  «n    -    oinp       bre  ,    âtiîi      dis. 


ç  I  r  :^  ^''  \t>  ^F 


fe 


knp  _       ged     hon,     spe  .  re, 


a.riD  _     >a    tomnied  lion 


Largo 


W 


m 


2 ÈSPRIT-SAIXT 


i-J     "    é    I\ 


Sp. 


red  San  tv),  soi 


red 


skh 


m 


]eu, 


i,d 


^fe 


gaii 


ac  n  f.i 


jPe       .        mail 


m 


ri      .      jeu  k;ip    .      ged  hon 


spe 


m 


ga 


toiD 


boD 


MÉLODIES 


273 


1.   —  LES   PRIÈRES. 


Lrnl  et  grave. 


m-^  hi  \'  i^-^-r^i 


Ma  Don  -  e,     -     me'    gred    fer  -  ma    -    mant      Pe  -  noz    ec'h 
(Mon  Dieu,  je     crois         fermement  que        vous 


i^  "H  '  f  M  M  f  F  M 


oc'h      a  -  man  pre     -     zant  :  Rak-se   gant       gwir     u  -  mi  -  li  - 
êtes  ici  présent:      c'est  pourquoi,  avec  une  véritable  humili- 


P'^Tf^'^rï'  p^^ 


te    Me'  rend     o  -  mach  d'ho  ma  -  jes  -  te. 
té,     je  rends    hommage  à  votre      majesté. 


2.    —   LES   PRIÈRES. 


^J'   J'   i'I  J.   jO  ^   I    fj'    i^    J^ 


Ma  Dou  -  e,  me'  gred    fer  -  ma    -    mant   Pe  -  noz     ec"h 


^''J-J'p  [;  I  f  M;  M  I  MM 


oc'h     a  -  man  pre    -    zant  :  Rak  -  se  gant       gwir    u  -  mi  -  li  - 


i^i  h.  1 1 '^  ^  "^ 


te      me'  rend  o    -    mach     d'ho    ma  -  jes    -    te. 


18 


274 


CHANSONS    ET   DANSES    DES    BRETONS 


lg„f„  LES    COÎIMANOEMENTS  DE    UlEU 

Chœur  des  hommes 


(^  ^  ^  f!  '^  I  j  ^  r>  y 


^ 


w^-^-l 


Ml'    '   P 


Eunn     Dou  .    e  kep        kcn  a  .     do  ri  Ua     dreist     peb 

^\     Clirguv  des  f(^timcs  I 


é  J  ^  g 


E 


^{>\U  "   F 


;*^=F=P 


i 


tra        oll  a         ga    _      ri.        Dnu   .      e        en  ven  na  dou.    i 


^ 


^?=g 


F  '  IJ     '    f 


ket,        Na  ne  .    tra  ail  de  .     mcuz       ar  bed. 


i 


Andanlc 


ï 


CANTIQUE    DE  LA    PENITENCE 


^ 


Dou    .         e,       gwir  lui 


I 


D' 


ann  i     .    ne    _ 


t=m 


^^ 


i 


Me         am       euz  la       .     zet.  En  gou  .  zout 


^=1 


^ 


*       é 


é       f, 


fc=t 


F 

a  rcd,         Me         am    cuz  la    .     zet  Uo        mab      Je    _    zu2 


CANTIQUE   DE   COMMUNION. 


Lent  et  doujL. 


i^ilJl.ilM'Jillii  M'.^I|IJI 


=9? 
pe-goulz  a      dai        anu 


Ha      na        liir    eo    ann  uoz  ! 

/7S 


l>;J- 1  ^^i^i-h-d  :juy\  ^  [;p 


de,         Ma  c'hal-lia         me 


860         Je  -zuz  ma 


MÉLODIES 


275 


m 


m 


±L 


4.|J.|||J'J'^ 


3tlj 


c'iia        -        rail        -        te"?        lia        iia        liir     co  iiiiii         noz! 


-ÈF J. 

pe-goulz  a         dui         unn         de? 


AndaïUino  CANTIQUE    DE     COMMUNION 


ij  4  ^'    If    p    ^'«>'  I  ^'    M  H 


Deud  oll  ha       deud       gant  fe,  Deud      d'ar      ban 


^^ 


ï 


^^ 


f.        f  ff. 


V    \)    \  V 


ket  pri  .    si 


GiJ  .  vet     oc'h        gant     Dou-  e  Da 


^ 


ai     .     bi         ouz         îol 


Je 


zuz         Je     .     zuz.  Ba    - 


#-ï- 


J'  I  J     J' 


P     ^,     ^     I    O''  ^-     f:^^^ 


m 


ra     .      doz     ann        i      .       ne 


A     chom    gan  .,»c'h        noi.de. 


GWERZ    AR   BARADOZ 

Lent. (doux  COMPLAINTE  DU   PARADIS 


^m 


^ 


^ 


zuz,  pe 


gen 


braz 


àf  I  r 

Pli         -  ja 


dur  ann 


nnn  1  .  00  Pa 


276 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


f 


TZ. 


rJ  m w 


zn. 


veo  en  jrras  Dou 


en  De 


^ 


fe 


ran      .       te,  Pa  veo  en  gras 


Dou 


3E 


^t3: 


en  he 


ga 


ran      .        te  ! 


CANTIQUE   DE   SAINT    JOSEPH 


Andanlino. 


jlJ-H'J'  f4^^M  J-  H' Ji 


■JHH^ 


Mi   -  rer  choazet  sand       Dou  -  e    D'he        Yab     ha  d'ar  Wer- 


^T^TjjJj.J'M'j^Jj  JmJ.JM') 


elle/,  Bed       hoc'h  euz   en     ho        pu   -   e    An  -  ken     ha      le  -  ve 


M 


É 


^ 


>  P I  f  p  PT^^^Ti  ^^^ 


tr — r 

uez.      Sanl    -    Jo  -  zeb,  pri-ed        Ma  -  ri,    Tad         ma-ger   da  Je- 


,J,>.L}.I1||-^;,^|J..JJ^^ 


zuz,      Ni        felld'imphoc'u  e  -  no -ri,  Pa  -  trou  ka- ran-te  -  zuz. 


MÉLODIES 


277 


KANAOUEN  NEVEZ  D'AR  WERC'AEZ  VARI. 

CHANSON  NOUVELLE  A  LA  VIERGE  MARIE 


La7-go. 


La-vard'i  -  me,  deuano  Ar  -  vor,    Ha  kerkaer       eo  da  vag  war 


j.  J-J'M'J  '  ''  ^^^ 


^ 


vor,  Gand  he  gwe    -    lion  gweDD-kann  di    -    gor?  La-var    d'i- 


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c'hoad,  Pa    zeu   eur       bann-heol  d'ho  skie  -  rat? 


STEREDEN-VOR. 

ETOILE  DE  LA  MER. 


Andantino. 


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Ni      ho'   sa  -  lud,    Ste    -   re  -  den    -   "Vor,  Manim       da    Dou- 


fe^  J  rr\^ 


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6,    leun        a   e       nor,  qwer  -    c'hez  be  -  pred,  dor        ann   En 


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22 


vo,      che  -  leou-ed         ouz  bon         pe-den    -    no. 


278 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


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Andanie 


A   L'ANGELUS 


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O  mëmm       ar  ewei        .  lan! 


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8* 


Andante. 


CANTIQUE   DES  MISSIONNAIRES 


IhlJlJ  N  Mlf  ^-ULJlJ-IH 


Dolce.  Breii  -  ileur,  ni'     -     gler   ho     -     k'em   -   mo  Deiiz  ann    tu 


j,i,i  JiJ.jjJU  i\^m 


ail    d'ar 


mor;        Dho    mouez    ha        d'hoc'h  e      -      zo 


f^j  .h;i  Ml  J'iJ[JJiJJMr> 


mo    Hon        c'ha  -  lou      zo       di     -     gor   :    NI       a    ra    -   is    a- 


h  J.  I J  J' 


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lu    -    ZPD    E     -     vit     si    -     kour       ho         pro,    Ni       a     sa- 

iji  I  Ml  IJ  M    hjTJMJJJII 

vo  be  -  le  -    ien,    Ha   -    d'ac'h    ni  o     c'ha      -      so. 


MELODIES 


279 


MELOPEE     DES    MYSTERES     ET      DES     DRAMES 
Cadence  uniforme. 


hUH^^^  ^P 


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En    ba-no   aun  Drin  (Jet,  Tad,Mab  ha  Spe-ret-Glan, 


l>  F  H  p  p  F  F  ^>^m 


Me  ho  ped,  kris-le-nien,  da  daol    e -vez  hre-man 


l>  F  p  H  p  H  p  ^m 


Bu  -  ez  saii  -  tezTre-phiQ,  hag  hebreurKer-vou-ra, 


ippgg(;pn^^ 


HoD  euz,    e-paddaouzeiz,arc'hoantda  zis-kle-ria.^ 


VARIANTE 


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Ed       ha   .    no      ann      Drin.  det,      Tad,   Mab       ha      Spe  .   red  .Qlau, 


é   P  F  d  p  P  g  r  F  M   M'   Il 

Me        ho        ped,   kris .    te   .nien,     da      daol       e   .    vez       bre .  man...  . 


IV 


AIRS   DE   DANSE 


AIRS    DK    DANSE 


283 


NM.  —  RONDE 


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284 


CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 


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AIRS    DE    DANSE 


N"  5.  —  RONDE 


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286 


CHANSONS    ET    DANSES    DES   BRETONS 


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A  lus    DE    DANSE 


287 


N"9.  —  RONDE 


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288 


CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


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AIRS    DE    DANSE 

N"  13.   —  BAL 


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CHANSONS  ET  DANSES  DES  BRETONS 


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29i 


CHANSONS    ET    DANSES    DES    BRETONS 


N°23.  —  PASSE-PIED 


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AIRS    DE    DANSE 

N°25.  —  PASSE-PIED 

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296 


CHANSONS   ET   DANSES   DES    BRETONS 


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Clichés  de  musique  :  partie  de  l'Imprimerie  nationale,  partie  de  la 
photogravure  Rougeron-Vignerot. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages. 
A  M.  Maurice  Bouchor  (lettre-dédicace) i 

I.  —  Notes  de  voyage 1 

Noies  de  voyage 3 


IL   —  GWERZ    ET  SONN 57 

Gwerz  et  Sonn 59 

Ar  ViDorez  -^  l'Orpheline 59 

L.  Lezobré 65 

Ar  Roue  Gralon "71 

Ar  C'hont  a  Weto  —  le  Comte  de  Wéto 73 

Liskildri — Lisquildry 79 

Kloarek  Koatreven  —  le  kloarek  de  Coatréven 84 

Ar  C'hloareg  iaouank  —  le  jeuue  Kloarek 93 

Marivonik  —  Marivonnic 99 

Ar  Rouzik  kemencr  —  le  Rouzic  tailleur 103 

Kanoeu  ar  Vartololed  —  Chanson  des  Matelots HO 

Ar  Vaz  —  le  Bâton 113 

Gwerz  ann  otro  ar  C'haer  —  Complainte  de  M.  le  Caer  .     .     .  120 

Ar  Filouter  fin  —  le  fin  Filou 135 

Sonn 1*3 

Chanson  de  Kloarek 1*3 

Ar  Bonomlk  —  le  Bonomic 1*7 

Ann  Durzunel  —  la  Tourterelle 151 

Ann  Den  koz  hag  ann  Evnik  —  le  Vieillard  et  le  petit  Oiseau.  153 

Son  —  Chanson ^     .     .     .     .  156 

Madelenik  —  Petite  Madeleine 158 

Son  ar  Pillaouer  —  Chanson  du  Chiffonnier 160 

Ar  C'hemener  —  le  Tailleur 163 

Ar  louen  —  le  louen 166 

Korbino  —  Corbino 169 

Ma  Mestrez  koant  —  ma  Maltresse  charmante 174 


298  TABLE    DES    MATlf'iRES 


Son  aon  Doganed  —  ChansoQ  des  Cocus 178 

Plac'hed  Lezardreo — les  Filles  de  Lézardrieux 181 

Merched  Lokenole  —  les  Filles  de  Locquénolé 184 

Sou  —  Chansou.  ' 188 

Pardon  Sanl-Milion  —  le  Pardon  de  Saint-Émilion     ....  190 

Nedelek  ou  Nouël  —  Noël 192 

Gouspero  arHaned  —  Vêpres  des  Grenouilles 195 

Dispenn  {ou  Dispign)  ar  C'haz  —  le  Partage  du  Chat  ....  202 

Sooik  —  Petite  Chanson 204 

Berceuse  et  Jeu 207 

Pater  noster  —  Pater  noster 209 

Berceuse  et  Ronde 211 

Ronde  et  Jeu 213 

Tro  —  Ronde 215 

Ann  Andouillen  —   l'Andouille 220 

Ann  Hini  Goz  —  la  Vieille 222 

Gwerz  et  Chants  religieux     .     .          2i7 

Gwerz  sant  Kado  —  Complainte  de  saint  Cadoc 227 

Juluaoik  —  Juluauic 233 


III.  —  Mélodibs ■ 239 

Ar  Vinorez  —  l'Orpheline 211 

Lezobre  —  Les  Aubrays .  241 

Ar  Roue  Gralon  —  le  Roi  Gradlon 241 

Gwerz  Ker-is  —  Complainte  du  Ker-is     .     • 242 

Ar  c'hont  a  Weto  —  le  comte  de  Wéto 242 

Liskildri  —  Lisqiiildry 243 

Kloarek  Koatréven  —  le  Kloarek  de  Coatréven 243 

Ar  C'hloareg  iaouauk  —  le  jeune  Kloarek 244 

Marivonik  —  Petite  Marie-Yvonne 244 

Ar  Rouzik  Kemeuer  —  le  Rouzik  tailleur 243 

Ar  Vartoloded  —  les  .Matelots 245 

Gwerz  ann  Otro  ar  C'haer  —  Complainte  de  M.  Le  Caer  .     .     .  24H 

Ar  Filouter  fin  —  le  fin  Filou 246 

Katel-Gollet  —  Catherine* la  Perdue.    '. 247 

Chanson  de  Kloarek    247 

Chanson  de  Kloarek 248 

Ar  Bonomik  —  Le  Bonomic 24S 

Cloérec  en  Dorz  —  le  kloarek  b  Dorz 249 

Turzunel  iukonsolab  —  Tourterelle  inconsolable 2»9 

Sou  aun  Durzunel  —  Chanson  de  la  Tourterelle 250 

Ann  den  koz  hag  ann  evnik  —  le  Vieillard  et  le  petit  Oiseau    .  250 

Ann  den  koz  hag  ann  evnik  —  le  Vieillard  et  le  petit  Oiseau    .  251 

Ar  Chaseer  —  le  Chasseur 252 

Chanson  de  Noces 25? 


TABLE    DES    MATIÈRES  299 

F'ages. 

Ar  ViQourez  —  la  Mineure 2o3 

Madeleuik  —  Petite  Madeleine 253 

Ar  Pillaouer  —  le  Chiffonnier 254 

Toul-al-Laer 254 

Ar  C'hemener  —  le  Tailleur 255 

Kemener  Pleuvian  —  le  Tailleur  de  Pleubiau    ......  258 

Anu  Eskennour  —  le  Scieur  de  long  .     .     .     .    ' 257 

Ar  louen 257 

Korbino  —  Corbino 2o8 

Ma  Meslrcz  koanl  —  Ma  Mailresse  cliarmaute 258 

Son  anu  Doganed  —  Chanson  des  Cocus 2,9 

Plac'hed  Lezardreo  —  les  Filles  de  Lézardrieux 259 

Merc'hed  Lokenole  —  les  Filles  de  Locquénolé 260 

Plac'hed  Perroz  —  les  filles  de  Perros 260 

Son  —  Chanson 26i 

Pardon  sant  Milion  —  le  Pardon  de  Sainl-Emilion 261 

Kouignàoua  —  Elrennes 262 

Gouspero  rr  Raned  —  Vêpres  des  Grenouilles 263 

Dispign  ar  C'haz  —  Partage  du  Chat 263 

Kaon  —  Deuil 264 

Berceuse 264 

Digotin 265 

Pater  noster  .     .     .     .     ' 265 


Ronde 
Ronde 


Vierge  Marie 


266 
266 


Plac'hlg  ann  Douar-Newe  —  la  Jeune  Fille  de  Terre-Neuve     .  267 

Logodennik  —  Petite  Souris 267 

Ann  Andouillen  —  l'Andouille 268 

Ann  Hini  Goz  —  la  Vieille 269 

Saut  Kado  —  Saint  Cadoc 269 

Sautez  Thekla  —  Sainte  Thècle 270 

Juluanik  —  le  Jeune  Julien 270 

Santés  Trifine  —  Sainte  Tréfine 270 

Itron  Varia  ar  C'halvar  —  Noire-Dame  du  Calvaire.    ....  271 

Spered-Santel  —  Esprit-Saint 272 

1.  Les  Prières.  —  2.  Les  Prières 273 

Les  Commandements  de  Dieu 274 

Cantique  de  la  Pénitence 274 

Cantique  de  Communion  . 274 

Cantique  de  Communion 27a 

Gwerz  ar  Baradoz  —  Complainte  du  Paradis 275 

Cantique  de  Saint  Joseph 276 

Kanaouen  nevez  d'ar  Werc'aez  Vari  —  Chanson  nouvelle  à  la 


277 


Stereden-Vor  —  Etoile  de  la  Mer 2i7 

A  l'Angelus '     .     .     .  278 

Cantique  des  Missionnaires 2(8 

Mélopée  des  Mystères  et  des  Drames 279 


300  TABLE   DES    MATIÈRES 

Pages. 

IV.  —  Airs  de  Dansé 281 

1.  —  Ronde 283 

2.  —  Bal 283 

3.  —  Contredanse 284 

4.  —  Passe-pied 284 

5.  —  Ronde 285 

6.  —  Ronde 285 

7.  —  Ronde 286 

8.  —  Ronde 286 

9.  —  Ronde 287 

10.  —  Ronde 287 

11.  —  Ronde 288 

12.  —  Bal 288 

13.  —  Bal 289 

14.  —  Bal. 289 

15.  —  Bal 290 

16.  —  Bal .  290 

17.  —  Bal 291 

18.  —  Bal 291 

19.  —  Bal 292 

20.  —  Bal 292 

21.  —  Bal 293 

22.  —  Bal iJ93 

23.  —  Passe-pied          294 

24.  —  Passe-pied 294 

25.  -  Passe-pied     .     .     .     .     • 295 

26.  —  Passe-pied 295 

27.  —  Dérobée 296 


Imprimé  en  Suisse 


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